1 MAP relative à la médecine scolaire Analyse des derniers rapports* rendus sur la médecine (et / ou la santé) scolaire depuis 2011 au regard des 3 enjeux identifiés dans la fiche de cadrage de la MAP : 1. attractivité de l exercice 2. évolution des missions 3. collaboration avec les autres personnels de santé Dr Claire Maitrot ASCOMED Juin 2015 * il s agit des rapports ci-dessous, respectivement désignés par lettre A, B et C dans la présente note : A : rapport de la Cour des Comptes 11 Octobre 2011 B : rapport Gaudron/Pinville 17 novembre 2011 C : rapport Breton/Pinville 9 novembre 2012 1. Attractivité de l exercice : Le rapport A souligne avoir «rencontré des médecins et des infirmiers de l EN fortement motivés, aimant leur métier et soucieux de répondre aux besoins multiples des élèves». Néanmoins, il met en exergue le rendement déficitaire des concours de recrutement tant pour les médecins que pour les infirmiers et l augmentation des projections de départ à la retraite. Il indique que «les crédits ouverts au titre de la santé scolaire ne mobilisent qu à peine 0,7% des 60,5 milliards d euros consacrés au budget de l EN» en 2011. Il note qu en début de carrière, le salaire d un médecin «est inférieur à celui d un interne au cours de sa formation médicale». Constatant que «le réseau des médecins et infirmières scolaires est un capital de tout premier plan qu il faut valoriser en tirant le meilleur parti (notamment ) de leur capacité à identifier à temps les difficultés et troubles des apprentissages (des jeunes)», il estime que «les difficultés actuelles de recrutement et les perspectives d aggravation de cette situation ( ) rendent inévitables une adaptation statutaire», se fondant «sur le principe d une comparabilité minimale avec les corps équivalents des fonctions publiques tant sur le plan des rémunérations qu en ce qui concerne les conditions du déroulement de carrière. La Cour pointe également que la revalorisation de la profession «passe par une reconnaissance de la qualification professionnelle, tant en formation initiale que continue».
Le rapport B prend acte de l évolution du champ de la santé à l école et constate que la médecine scolaire a su se mobiliser massivement pour permettre à l EN de relever au cours de la dernière décennie 2 grands défis : la scolarisation des enfants handicapés ou souffrant de maladie chronique et la détection des troubles du langage et de l apprentissage. Il souligne le fait que cette réussite a été obtenue sans l octroi de moyens supplémentaires mais au détriment des autres objectifs officiellement assignés à la médecine scolaire. Il estime la profession menacée par «des perspectives démographiques encore plus défavorables que pour le reste des professions médicales» en raison de l insuffisante attractivité de carrière, notamment aux yeux des jeunes médecins. Il préconise le renforcement de la coordination entre les médecins œuvrant dans le champ de la prévention par «le développement de leurs liens professionnels au travers d un cadre statutaire commun au sein de la fonction publique». Le rapport C prend acte des mesures d urgence prises à l issue des 2 premiers rapports tant pour les personnels infirmiers (accès à une grille indiciaire de catégorie A et création d une classe normale, supérieure et d une hors classe) que pour les médecins (début de grille indiciaire au niveau de celle perçue par un interne de médecine générale, création d un sixième échelon pour le premier grade donnant accès à des indices hors échelle A et réaménagement de l emploi fonctionnel de médecin conseiller technique au regard des différentes situations de responsabilités). Toutefois, il affirme avoir «la conviction que les particularités de l exercice médical en milieu scolaire, et notamment les évolutions importantes qu il a connues depuis une décennie, ne sont pas encore suffisamment reconnues». Au-delà de la question de la rémunération, le rapport donne d autres types d exemple : - «les difficultés dont font état certains médecins scolaires pour obtenir une validation de leur expérience professionnelle de la part de l Ordre des médecins», - «le refus de certaines caisses d assurance maladie de rembourser les prescriptions de médecins scolaires portant sur des actes diagnostiques de leur champ de compétences». Il réaffirme «l intérêt que présente le regroupement au sein d un corps ministériel des professionnels de santé de la fonction publique d Etat intervenant dans le champ de la prévention, sous l intitulé par exemple de médecin de prévention et de santé publique. Ce corps serait assorti de différentes voies de spécialisation. 2 2. Evolution des missions : Le rapport A constate que «les activités de la médecine scolaire ne sont que très faiblement connues», «qu elles ne font pas l objet d études approfondies et régulières», que «recensées de façon éparse et lacunaire, elles ne permettent pas de donner la lisibilité nécessaire aux personnels qui les mettent en œuvre». Il regrette que les «priorités, si tant est qu elles aient été explicitées, se sont estompées face à l accumulation des tâches». Il dénonce une «politique de médecine scolaire qui ne peut que s épuiser» face à des objectifs «dont le nombre est déconnecté de la réalité du terrain». Au-delà du souhait que «les multiples activités» des médecins et des infirmiers «soient redéfinies et inscrites dans un cadre qui soit à la fois plus clair et plus construit», le rapport aborde en regard la question de la répartition des moyens de la médecine scolaire. Soit on «décide» que «la politique de promotion de la santé doit être menée à moyens constants : alors un redéploiement devra être opéré vers les territoires et les publics dont les besoins sont
les moins bien couverts» - soit «les pouvoirs publics ont l ambition de refonder cette politique en l appuyant sur des moyens accrus» et «ceux-ci devront être affectés en fonction des besoins jugés les plus importants». Le rapport B acte que l intervention des personnels de santé s inscrit «dans le cadre de plusieurs politiques publiques qui sont toujours au cœur des préoccupations des pouvoirs publics». Mais il constate que les textes qui régissent leur action sont «anciens» et ne sont plus en mesure de replacer les tâches attendues de ces personnels dans une architecture d ensemble». Il dénonce le fait que la dilution des enjeux dans le domaine de la politique sanitaire fasse que «celle-ci est souvent perçue par le ministère de l éducation nationale comme une simple politique d appui à sa politique éducative». Le rapport C pointe également des missions qui «conservent la forme d un catalogue de prescriptions d origines et de formes diverses, dans lequel chacun devrait piocher les objectifs lui paraissant les plus facilement atteignables». Il évoque l idée développée à l issue de la consultation sur la refondation de l école, d une «politique éducative de santé» reposant sur 2 piliers : d une part la réalisation de bilans médicaux et, d autre part, l éducation à la santé. Il souligne les «risques d une telle approche, réduisant les questions de santé à un cœur de métier alors que dans le même temps le caractère global des questions de santé à l école a été très présent» dans cette même consultation. Il lui préfère la notion de mise en cohérence de «tous les éléments de la politique de santé à l école au sein d un parcours santé à l école» Il inclue en particulier dans ce parcours les «bilans infirmiers, consultations médicales, avis portés par les psychologues scolaires, adaptations mises en place dans le cadre d un PAI ou d un PPS, aides sociales, etc». Il met l accent sur «les interactions qu il convient de définir entre les différents éléments de cette politique, au travers des prestations individuelles et collectives». A l image du parcours de soins diversifié et variable selon la gravité d une pathologie, ce parcours de santé à l école doit «assurer à l élève une réponse aux questions de santé qui se posent à lui, adaptée en fonction de son âge et de ses besoins». 3 3. Collaboration avec les autres personnels de santé : 3.1 Collaboration entre professionnels de santé à l interne : Le rapport A rappelle les règles d organisation actuellement «fondées sur un rattachement hiérarchique des infirmières aux chefs d établissement - et non aux médecins scolaires -, sur une affectation des infirmières aux établissements et aux secteurs - et non par exemple à des équipes mobiles -, et enfin sur une organisation en réseaux animés par des pairs (conseillers techniques auprès du recteur - conseillers techniques auprès des inspecteurs d académie)». Il constate que la demande majoritaire de son maintien «recouvre en fait le souhait de conserver la très forte autonomie actuelle des activités, que les agents justifient par la nécessité d une adaptation fine aux caractéristiques locales, ce qui suppose en particulier un ancrage fort dans les établissements». Pour autant le rapport constate l isolement des professionnels de santé scolaire, les difficultés liées au «partage des rôles entre médecins et infirmières dans les stratégies de dépistage» et souligne l impact du manque de mise à disposition systématique
des moyens informatiques et de communication permettant des échanges nécessaires et utiles en tant que «condition préalable à une meilleure efficacité». Le rapport C fait état «de l héritage issu des circulaires de 91 et 2001 qui laissaient en suspens la questions des missions partagées entre les différentes catégories de personnels de santé. Il cite en référence l expertise collective de l INSERM sur la santé de l enfant qui rappelle que «depuis la séparation entre le service infirmier et le service médical en 2001, les conditions d une bonne coopération sont devenues difficiles et les modes de collaboration très variables d un département à l autre». Le rapport affirme qu «en tout état de cause, la question de la définition des missions communes aux personnels de santé ne devrait pas être éludée. Le «renforcement de la collaboration entre les personnels spécialisés» lui paraît «la clef de la réussite de toute évolution du dispositif». 3.2 Collaboration entre professionnels de santé à l externe : Le rapport A propose d inciter «les ARS à mettre en place des échanges d informations entre l ensemble des professionnels de santé, en vue d un suivi plus efficace des élèves», rappelant que «les médecins et infirmières de l éducation nationale sont en première ligne pour constater et pour prévenir des difficultés ou des pathologies non encore décelées». «Leur action doit donc être mise en réseau avec celle des autres intervenants (médecins traitants, établissements de santé,.). A titre d illustrations : les ARS «devront déterminer les règles d accès aux dossiers médicaux personnels». Ou encore, «la question du remboursement des actes découlant des prescriptions des médecins scolaires devra être tranchée par les autorités compétentes». Le rapport B considère que «pas plus qu elle ne peut prétendre être le centre organisateur de la prévention sanitaire en faveur de l enfant et de l adolescent que certains attendent, la médecine scolaire ne doit pas être une cheville ouvrière sans intelligence, réalisant à l aveugle des tâches de dépistage dont elle n aurait pas à connaître les suites données». Il préconise, entre autres, «l amélioration de l accès aux soins pour les populations en situation de précarité et le développement des fonctions d accompagnement des familles dans cet accès». Le rapport C, souligne également l intérêt d un lien plus effectif entre les examens de dépistage et l accès aux soins. Il propose de «renforcer les fonctions d expertise et de médiations médicales à l échelle d un groupe d établissements scolaires constitué au sein d un même bassin d éducation». 4
5 Au total, je retiendrais 5 idées fortes : 1) La solution pour une plus grande attractivité de l exercice doit se concentrer sur la question de la rémunération (et ne pas se traduire par une «simple» augmentation de primes ) - mais aussi sur celle de la reconnaissance de sa spécificité qui est au moins aussi importante. 2) Les missions des personnels de santé scolaire doivent prendre sens au sein d un «parcours santé à l école» (et non pas au sein d un «parcours éducatif de santé») 3) La définition des missions communes aux personnels de santé scolaire et le renforcement de leur collaboration en tant que personnels spécialisés est «la clef de la réussite de toute évolution du dispositif». 4) Les examens de dépistage n ont d intérêt, et donc de légitimité, que s ils sont suivis des prises en charges nécessaires. A cet égard, il convient notamment que l action de la médecine scolaire soit mise en réseau avec celle des autres intervenants (médecins traitants, établissements de santé, ). 5) C est la notion de territoires ou de publics dont les besoins de santé les moins couverts, versus l identification de besoins de santé jugés actuellement comme les plus importants en santé publique, qui doit guider la répartition des moyens.