AGNÈS GUGLIELMI MASTER D'ÉTUDES MÉDIÉVALES INTERDISCIPLINAIRES MÉMOIRE DE RECHERCHE Les miniatures de l'hortus deliciarum (vers 1175-1185) : étude des copies et des reconstitutions d'un manuscrit disparu Vol. 1 : Texte Sous la direction de Mme Denise Borlée septembre 2016
TABLE DES MATIÈRES Abréviations...iii Introduction...1 I. Histoire du monastère de Hohenbourg et de l'hortus deliciarum 1. Le monastère de Hohenbourg et les abbesses Relinde et Herrade...5 2. Présentation du manuscrit...14 II. Les copies et les reconstitutions des miniatures de l'hortus deliciarum 1. Les premiers calques de l'hortus deliciarum et la première monographie consacrée au manuscrit, par Christian Maurice Engelhardt (1812-1838)...21 2. La précieuse et ambitieuse publication du comte Auguste de Bastard (1839-1848)...33 3. Les calques de l'historien et archiviste de la ville de Strasbourg, Louis Schneegans (vers 1848-1853)...44 4. Des calques pour la restauration des vitraux de la cathédrale de Strasbourg (1850-1860)...47 5. Les calques de Ferdinand Hugelin, apprenti de Baptiste Petit-Gérard (années 1850-1860)...56 6. Les calques de l'œuvre Notre-Dame copiés pour l'architecte Eugène Viollet-le-Duc (1855)...63 7. Les collections de calques disparues (1840-1879)...66 8. La reconstitution des miniatures de l'hortus deliciarum par Alexandre Straub et Gustave Keller après la disparition du manuscrit (1879-1899)...78 9. L'Hortus deliciarum en couleurs de Joseph Walter (1952)...90 10. L œuvre exhaustive de Rosalie Green (1979)...93 11. Une nouvelle reconstitution des couleurs des miniatures proposée par le chanoine Auguste Christen (1981-1987)...96 i
III. Trois exemples de l'utilisation des miniatures de l'hortus deliciarum en décor d'architecture 1. Le tympan du portail occidental de l'abbatiale de la Sainte-Trinité à Caen...101 2. Les peintures murales et les mosaïques du Mont Sainte-Odile...102 Conclusion...106 Annexes...108 1. Catalogue des miniatures de l'hortus deliciarum et leurs reproductions dans les différentes collections...110 2. Tableaux récapitulatifs du contenu des collections...137 Christian Maurice Engelhardt : calques et fac-similés (1812-1838)...138 Auguste de Bastard : calques, dessins, fac-similés (1839-1848)...142 Paul Durand : calques détruits (1840-1843)...159 Louis Schneegans : dessins et calques (1848-1853)...160 Fondation de l Œuvre Notre-Dame : calques (1850-1860, 1875-1877)...162 Ferdinand Hugelin : calques (années 1850-1860)...167 Eugène Viollet-le-Duc : calques (1855)...170 Louis Steinheil et Alfred Darcel : calques disparus (1855-1862)...172 Émile Schweitzer : calques détruits (1857)...175 Charles Schmidt : calques disparus (années 1870?)...177 Alexandre Straub : calques (1859, 1877-1879)...178 Gustave Keller : calques (1877)...180 Alexandre Straub et Gustave Keller : fac-similés (1879-1899)...182 Joseph Walter : fac-similés (1952)...190 3. Tableau de filiation des collections...194 Sources...195 Bibliographie...201 ii
Abréviations ABRÉVIATIONS AD : SCHOEPFLIN Jean-Daniel (éd.), Alsatia aevi Merovingici, Carolingici, Saxonici, Salici, Suevici diplomatica, tome I, Mannheim, 1772 ADBR : Archives départementales du Bas-Rhin, Strasbourg A. G. : Agnès Guglielmi BGS : Bibliothèque du Grand Séminaire, Strasbourg BHS : Bibliothèque Humaniste, Sélestat BL : British Library, Londres BnF : Bibliothèque nationale de France, Paris BNU : Bibliothèque nationale et universitaire, Strasbourg Bull. SIM : Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, Mulhouse, 1828-1939 Bull. SCMHA : Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'alsace, Paris, Strasbourg, 1856-1956 GC : Gallia Christiana HD : Hortus deliciarum, vers 1175-1185 HD (1) : GREEN Rosalie et al., Hortus deliciarum. Reconstruction, Leyde, Londres, 1979 HD (2) : GREEN Rosalie et al., Hortus deliciarum. Commentary, Leyde, Londres, 1979 MAP : Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont MGH DRIG : Monumenta Germaniae Historica, Diplomata regum et imperatorum Germaniae MGH SS : Monumenta Germaniae Historica, Scriptores MGH SS rer. Germ. : Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum Germanicarum MMS : Fonds patrimonial de la Médiathèque André Malraux, Strasbourg NSD : WÜRDTWEIN Stéphane Alexandre (éd.), Nova subsidia diplomatica, Heidelberg, 1786 et 1788 OND : Fondation de l Œuvre Notre-Dame, Strasbourg PA : HUGO Charles-Louis, Sacri et canonici ordinis praemonstratensis annales. Pars prima, tome II, Nancy, 1736 iii
Introduction INTRODUCTION L'Hortus deliciarum est un manuscrit composé pour l'essentiel sous l'abbatiat d'herrade (vers 1176-1196), qui dirigeait l'ancien monastère de Hohenbourg en Alsace, installé au sommet du Mont Sainte-Odile. Longtemps attribué uniquement à cette abbesse, il ne fait plus de doute aujourd'hui que la réalisation de ce magnifique et imposant manuscrit a dû nécessiter la participation de plusieurs copistes et peintres enlumineurs, bien que le lieu et la date exacte de sa création restent encore à déterminer. L'Hortus deliciarum était une compilation de textes savants ornés d'images peintes, destinée à l'enseignement religieux et spirituel des moniales de Hohenbourg. On y trouvait des passages de la Bible, des extraits théologiques des Pères de l Église et d'auteurs contemporains d'herrade. Une partie du manuscrit était également consacrée aux sciences comme l'astronomie. Un calendrier, un poème computique et une liste des papes étaient placés à la fin de l'ouvrage. Outre les textes éclectiques et les pièces poétiques que renfermait l'hortus, ce sont ses très belles miniatures qui en faisaient une œuvre précieuse, jalousement gardée par les différentes communautés religieuses qui l'ont possédée jusqu'au XVIII e siècle, avant qu'il ne soit confisqué par l État à la Révolution et déposé à la Bibliothèque de Strasbourg en 1803. L'Hortus deliciarum devient alors un objet de curiosité, étudié de près par plusieurs savants, et consulté avec intérêt par les visiteurs de passage dans la capitale alsacienne. Bien que le manuscrit ait échappé aux multiples incendies qui ont ravagé Hohenbourg, et à toute autre perte ou vol pendant près de sept siècles, il n'a malheureusement pas été épargné par la destruction de la Bibliothèque de Strasbourg, bombardée par l'armée prussienne dans la nuit du 24 au 25 août 1870. Cette perte considérable a profondément marqué tous les amateurs d'art et d'histoire qui avaient eu la chance de parcourir l'ouvrage. Par chance, les textes et les miniatures de l'hortus ont fait l'objet de nombreuses copies au cours du XIX e siècle, dont certaines ont même été publiées et mises en couleurs d'après l œuvre originale. La première reconstitution de ces miniatures, réalisée à partir des calques conservés à Strasbourg, Paris et Berlin, est publiée entre 1879 et 1899. D'autres éditions paraissent au cours des décennies suivantes, jusqu'à la plus récente, achevée en 1987. Ces publications s'appuient sur l'identification et la reproduction des calques dessinés d'après les miniatures de l'hortus deliciarum à partir de 1812, et d'autres copies de seconde main, dont certaines ont été réalisées quelques années après la destruction du manuscrit. On y trouve également les reproductions imprimées de ces images, comme celles de Christian Engelhardt (1818) et du comte Auguste de Bastard (1839-1848). Alors que le nombre important d'ouvrages consacrés à l'hortus laisse penser que tout a été écrit à son sujet, et que la disparition du manuscrit ne permet pas d'en savoir davantage, il reste un domaine où de nouvelles découvertes peuvent encore être faites : les copies de ses miniatures. C'est avec enthousiasme que nous nous sommes engagé sur cette voie, déjà tracée par Robert Will (1910-1998), ancien Architecte en chef de la ville de Strasbourg et spécialiste de l'art roman alsacien. Nous avons suivi et approfondi ses recherches menées entre les années 1970 et 1990 au sujet des calques et des reproductions des miniatures de l'hortus deliciarum. En plus des articles publiés de 1983 à 1996, nous avons eu accès à sa précieuse documentation, conservée au Grand Séminaire de Strasbourg. Le point de départ de nos recherches se situe à la Médiathèque André Malraux de Strasbourg, où nous avons eu la chance de consacrer deux mois de stage à l'étude des calques du manuscrit d'herrade. C'est à cette occasion que nous avons découvert les collections du Grand Séminaire, de la Fondation de l Œuvre Notre-Dame et de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Dans la poursuite de nos recherches, nous avons étudié d'autres collections, conservées à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, au Musée Historique de 1
Introduction Mulhouse, à la Bibliothèque nationale de France et à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine à Paris. Les photographies de quelques calques conservés à Londres nous sont également parvenues. Ce sont près de mille calques, dessins et reproductions imprimées que nous avons consultés, et dont nous proposons de dresser l'inventaire. Nous avons choisi de reproduire dans un deuxième volume les photographies que nous avons prises des calques, planches et pierres lithographiques qui n'ont jusqu'à présent fait l'objet d'aucune publication complète. Il s'agit des collections suivantes : Strasbourg, Fondation de l Œuvre Notre-Dame et Bibliothèque du Grand Séminaire : les calques dessinés par les apprentis de Baptiste Petit-Gérard (Ms 239) et les dessins de Louis Schneegans (2069/D) Mulhouse, Musée Historique : les pierres lithographiques de la collection du comte Auguste de Bastard Paris, Bibliothèque nationale de France, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine : les calques et dessins du comte de Bastard (Ad 144a, NAF 6044, NAF 6045), et de la collection d'eugène Viollet-le-Duc (vol. 37, cote 0080/101/0037, n o 2332-2377). Plusieurs collections que nous avons étudiées ont été numérisées. Nous n'avons pas jugé nécessaire de les reproduire, car elles sont consultables en ligne sur les sites suivants : Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux (BVMM), bvmm.irht.cnrs.fr : calques conservés à la Bibliothèque du Grand Séminaire de Strasbourg (2069/C, 2069/E-M), calques de Christian Engelhardt conservés à la Médiathèque André Malraux (Ms 955), album d'engelhardt et calques du baron Eugène Le Bel conservés à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (R 261) Portail numérique de la Bibliothèque nationale de France (Gallica), gallica.bnf.fr : exemplaire en couleurs de Peintures et ornements des manuscrits conservé au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France (Fol-fac sim 8 (11)), album d'engelhardt en couleurs conservé à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (R 43). Outre la description et la comparaison de ces nombreux documents, nous présentons en annexe plusieurs tableaux synthétiques dressant le contenu de chaque collection. L'étude de la correspondance des différents protagonistes qui ont contribué à la diffusion ou à la reconstitution de l'hortus deliciarum nous a été d'une grande aide pour comprendre la chronologie de la réalisation des copies. Nous avons pu consulter les échanges du comte Auguste de Bastard avec le bibliothécaire de Strasbourg André Jung (1838-1848), du maître-verrier Baptiste Petit-Gérard avec l'architecte Gustave Klotz (1855), ceux de Charles Schmidt avec Léopold Delisle (1883-1884), administrateur de la Bibliothèque nationale, et la correspondance d'alexandre Straub et de Gustave Keller relative à la reconstitution de l'hortus deliciarum après sa destruction (1876-1892). Cette étude aurait été incomplète si nous nous étions contenté de faire la liste des calques et des sujets qu'ils 2
Introduction représentent. Leur confrontation permet de déterminer la filiation des différentes collections, d'identifier les dessins pris sur le manuscrit original et ceux qui sont des copies de seconde main. Il existe, en effet, des variantes entre les copies d'une même miniature. Certains dessins reproduisent une scène entière ou des fragments. Il y a même des cas où l'auteur des copies a combiné des éléments de différentes miniatures pour créer une «nouvelle» image. C'est en observant attentivement chaque dessin que l'on peut déceler ces détails et distinguer les copies fidèles au manuscrit de celles qui le sont moins. La comparaison des calques et des listes de leurs sujets, dans le cas de la Fondation de l Œuvre Notre-Dame et des dessins de Ferdinand Hugelin, permet de reconstituer le contenu original des collections. On s'aperçoit alors que, dans certains cas, des dessins ont disparu, à la manière des précieuses pages de l'hortus deliciarum, découpées ou arrachées du manuscrit au cours de son existence. Au fil de nos recherches, nous avons découvert que les copies des miniatures de l' Hortus deliciarum n'avaient pas seulement été utilisées pour illustrer des publications ou servi à la reconstitution du manuscrit. Des artistes se sont également inspiré de ces images pour la restauration ou la création de décors architecturaux. Si le cas des verrières du bras sud du transept de la Cathédrale de Strasbourg est bien connu, nous espérons que l'analyse que nous proposons du tympan de l'abbatiale de l'abbaye-aux-dames de Caen et des peintures du monastère du Mont Sainte-Odile apportera de nouvelles connaissances aux personnes s'intéressant aux miniatures de l'hortus et à l'histoire de leurs copies. Enfin, bien qu'il ne s'agisse pas du propos essentiel de notre recherche, nous avons consacré la première partie de notre étude aux sources médiévales et modernes relatives aux abbesses Relinde et Herrade. Il existe en effet une certaine confusion au sujet des dates de leur abbatiat, de l'identification d'herrade à la famille de Landsberg ou encore concernant la captivité de la reine Sibylle à Hohenbourg dans les années 1190. Ces divergences apparaissent dans toute la littérature consacrée à Hohenbourg depuis le XVI e siècle jusque dans les années les plus récentes. Bien entendu, il n'y a pas de lien direct entre ces préoccupations d'ordre historique et l'étude des copies des miniatures de l'hortus deliciarum, mais il nous paraissait essentiel de faire un point sur ces questions, et ce pour mieux comprendre la réception de l œuvre d'herrade au XIX e siècle. Ce travail de recherche, modeste par sa taille, mais important pas le temps que j'y ai consacré, n'aurait pas été possible sans l'aide précieuse de plusieurs personnes, que j'ai eu la chance de rencontrer ces trois dernières années. Je souhaite tout d'abord remercier Mme Agathe Bischoff-Morales, Conservatrice du fonds patrimonial de la Médiathèque André Malraux à Strasbourg, qui m'a transmis le «virus» Hortus deliciarum, en me faisant découvrir ce chef-d œuvre disparu et les nombreux documents qui permettent de retracer son histoire. Je dois à sa confiance et son soutien un premier travail réalisé en 2013, qui est devenu l'objet d'étude passionnant de mon mémoire de Master. La patience et la bienveillance de M. Louis Schlaefli, Responsable de la Bibliothèque du Grand Séminaire, m'ont été d'une grande aide pour mieux comprendre les étapes de la publication des calques de l'hortus deliciarum par le chanoine Alexandre Straub et Mgr Gustave Keller, à travers les dessins et les documents d'archives qu'il a patiemment rassemblés. Mme Sabine Bengel, Responsable du fonds documentaire de la Fondation de l Œuvre Notre-Dame, a accordé la même attention à mon travail, en me permettant de consulter les calques de la Fondation et la correspondance de leurs commanditaires. Je remercie également M. Jean-Charles Forgeret, Chargé d'études documentaire à la Médiathèque de 3
Introduction l'architecture et du Patrimoine à Charenton-le-Pont, sans l'aide de qui je n'aurais pas pu localiser les calques conservés dans la documentation de l'architecte Eugène Viollet-le-Duc. De même, M. Lionel Pinero, Régisseur des collections au Musée Historique de Mulhouse, a pu identifier les pierres lithographiques ayant appartenu à la collection du comte de Bastard, et m'a permis de les photographier. Enfin, j'adresse ma reconnaissance à toutes les personnes qui m'ont permis par leurs conseils avisés de progresser dans mes recherches : M. Florian Siffer, Attaché de conservation au Cabinet des Estampes et des Dessins de Strasbourg, M. Martin Matrat, gérant de la librairie La Jument Verte à Strasbourg, Mme Christine Esch, Conservatrice de la Bibliothèque Alsatique du Crédit Mutuel à Strasbourg, M. Laurent Naas, Responsable de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat, Mme Louise Cooling, Assistante de conservation au Victoria & Albert Museum de Londres, ainsi que Mme Denise Borlée et M. Marc Carel Schurr, Maître de conférence et Professeur d'histoire de l'art à l'université de Strasbourg. 4