Pouvons-nous citer votre nom et celui de votre entreprise sur le site ou désirez-vous rester anonyme? Je m appelle Julie Remfort et je travaille au Ministère des Finances à Paris. Quel métier faites-vous actuellement? C est très compliqué. Je suis responsable du pôle appui-linguistique et informatique au centre de traduction du Ministère des Finances. Est-ce que vous pourriez nous faire une petite description? Je travaille sur le développement d outils pour soutenir des traducteurs, notamment en TAO (Traduction Assistée par Ordinateur). Je fais des veilles technologiques sur des outils qui peuvent leur servir. Je les accompagne et je gère tous les problèmes informatiques de traduction. Je participe également à des groupes de travail dans le cadre d opérations internationales pour faire évoluer des produits dans ce domaine, pour élaborer ensemble des guides de pôle pratique, voir pourquoi ça marche dans un cas et pas dans un autre. Quelle formation avez-vous suivi pour en arriver là? Au départ j ai une maitrise de russe. Auparavant j avais fait des mathématiques. Puis j ai fait un DESS d ingénierie des langues justement sur les outils de traitement informatique des langues. Au niveau de mon parcours j ai d abord beaucoup travaillé au Ministère de la Culture dans l ablégation générale à la langue française et aux langues de France où j ai élaboré des bases de données, et où j ai beaucoup travaillé sur le développement de sites internet pour vulgariser la langue. Ensuite je suis partie travailler un peu dans le privé, dans une boite qui s appelait à l époque LEXIQUEST et qui maintenant s appelle LINGWAY.
J ai été rappelé à un moment donné par le délégué général à la langue française pour retravailler avec eux. J y suis restée quelques temps et j ai eu l impression d avoir fait le tour alors j ai travaillé sur un énorme projet dans le cadre de l ablégation sur la mis en place d un moteur de recherche sémantique au Ministère de la Culture. Puis j ai été appelée au système d information afin d assister dans la mise en place de projets transverses au Ministère de la Culture. Puis j ai été rappelé par le chef du centre de traduction pour travailler avec eux, du coup j ai rejoint le Ministère des Finances. - Pourriez-vous nous décrire une journée type? Il n y a pas de journée type en fait. Je suis en support et en veille technologique, j ai beaucoup de contacts avec mes partenaires. J alimente des sites pour partager de l information, mutualiser des savoirs, des lexiques, des glossaires, ça fait une partie de mes journées. J ai une partie d encadrement puisque je gère une équipe de terminologie et une équipe référence qui s occupe de corpus. Je dois planifier la mise en corpus par exemple, du prétraitement de documents. Pour résumer, j ai des documents qui arrivent de traduction, des rapports entre autres et en général, lorsqu un service du Ministère fait un rapport, il fait un rapport annuel et globalement il change deux trois trucs mais il y a des choses qui sont reprises et actualisées mais ça reste le même texte à peu de chose près. Dans ces cas là on a des outils de TAO qui nous permettent de repérer les segments identiques qui ont déjà été traduit et de récupérer les anciennes traductions pour ne pas redonner la même chose à traduire. En plus, cela évite au traducteur de traduire deux fois la même chose car souvent c est lui qui a fait la traduction l année précédente. Pour que cette récupération soit possible, il faut préparer les corpus, c'est-à-dire le texte source en langue source (ex. un rapport français au départ, traduit ensuite en russe, en japonais, ou en espagnol) et on récupère la version traduite (espagnole).
Enfin mon équipe nettoie le fichier Word, si c est des PDF on les convertit en Word grâce à des outils de conversion. Nettoyer permet de supprimer les éléments qui bloquent l outil. On fait remonter les anomalies ou les problèmes au constructeur pour lui demander de faire des évolutions. Donc on nettoie les fichiers source et cible, et après on les aligne c'est-à-dire que la première phrase du document en français correspond à la première phrase du document en japonais par exemple. L alignement se fait automatiquement dans la machine même si, pour plus de sureté, tous les alignements sont vérifiés. Une fois qu on a fini le fichier on a un corpus prêt que l on peut utiliser si jamais on a besoin d un rapport, d une édite qui nous parvient. Dans ce cas, ça sert pour faire cette traduction, pour récupérer les anciennes traductions ou pour repérer la terminologie qui est contenue dans ces documents. On a une mise en page assez pénible, donc on a des modèles types dans différentes langues. C est la partie référence. Dans la partie terminologie, on va tester les outils, étudier des réfracteurs automatiques, les évaluer. La gestion des sources est très importante car il faut être capable de tracer les sources traduites (pourquoi ce terme là? Pourquoi faire le choix de cette définition? ), vérifier la validité de l information. Il y a une partie gestion et alimentation de la base terminologique, une partie échange et une partie gestion d outils. Chaque texte traduit comporte une révision faite par une autre personne. Le tout étant réalisé avec une date limite. Chaque personne au centre a sa corbeille de tâche organisée par date. On trouve également la gestion des traducteurs chez un client. On envoie un traducteur externe, on gère la comptabilité car lorsque c est fait à l extérieur on paye le service. Toute une partie relai contact est mise en application, il faut maintenir l application, la mettre à jour, la faire évoluer. Ces tâches sont très éclectiques. Il faut également se créer un réseau expert en terminologie et lorsqu on est bloqué, être capable de trouver des gens fiables qui vont vous proposer des équivalences et les valider. Il faut donc connaître des gens en Allemagne, en Espagne, des interlocuteurs qu on peut interroger et qui vont valider une information. Le réseau professionnel qui est très important. Quels sont selon vous les points positifs et les points négatifs dans votre travail? Les points positifs : La diversité des tâches, beaucoup d échanges, d échanges humains aussi. J aime bien les échanges internationaux. Je rencontre beaucoup de gens qui fonctionnent différemment, on voit dans quel cadre on peut adapter certaines pratiques à un environnement, dans quel cadre on ne peut pas le faire et savoir analyser pourquoi c est une partie intéressante. J aime beaucoup mettre en place des outils de système d information, ça m a beaucoup motivé à venir. Toute la partie de linguistique m intéresse aussi puisque j ai fait des études linguistiques au départ, ça m a permis de renouer avec mes premiers centres d intérêt et puis j ai retrouver un peu de russe, comme j ai fait une maitrise de russe dont je ne me servais pas. Je vois passer du Russe je ne suis pas là en tant que traductrice mais ça fait partie des choses qui m intéressent.
Les points négatifs : Bercy c est un très grand Ministère, c est très cloisonné, il est très difficile de mettre en place le partage d informations, tout est très hiérarchisé, parfois c est un peu au détriment des systèmes d informations. On a beaucoup de problèmes : matériel et réseaux. Ça fait beaucoup de choses à gérer, qui ne sont pas très intéressantes, mais en même temps qui sont très pénalisantes et dont on ne peut pas se passer. Il n y a pas d harmonisation. Chaque grosse direction à son système d informations qui ne peut pas dialoguer avec un autre système, il n y a pas d interopérabilité. Du coup, il y a plein de choses qui sont faites ou répétées. C est lié au fait que Bercy soit un grand ministère et que tout le monde ne se connait pas. Un exemple : on a des fichiers sécurisés qui ne doivent pas sortir, on nous les envoie cryptés avec un certain logiciel mais suivant les directions, on ne peut pas avoir le même système, suivant nos clients (qui sont tous des clients du Ministère des Finances) il y a plusieurs grosses directions et chacun fait ce qu il veut. Cela crée des problèmes. Il y a des directions où on a un outil pour crypter, protéger leurs données mais ce n est pas accepté par un client. Pour lui, ce n est pas reconnu par son système d exploitation qui supprime le fichier. On est obligé d enlever la protection. Ce sont des choses gênantes dans le travail, gênantes dans la conduite de projets parce qu on doit définir une politique mais qui n a pas d harmonisation notamment pour la sécurisation des données au Ministère. Si vous aviez un conseil pour un débutant dans le métier, lequel serait ce? C est une question difficile, tout le monde a des compétences et pas uniquement dans un seul domaine. Tout peut servir un jour, il faut rester ouvert et se dire que la formation se fait tout au cours de la vie. C est au long du travail qu on apprend et il ne faut pas hésiter à changer de métier. Dans le travail, je pense qu une chose importante est la confiance en soi pour être capable d énoncer des idées et de les mettre en pratique, de les échanger, de se confronter aux idées des autres, d évoluer, d avancer. Il faut prendre confiance en soi afin que les autres aient confiance en vous et en ce que vous pouvez apporter. Il faut apprendre à avoir un esprit critique, c'est-à-dire être capable de repérer ce qui ne va pas, d analyser et de convaincre.
Vous êtes dans un cursus langues et communication pour beaucoup, avec aussi des informations sur les outils informatiques, et actuellement l informatique est partout, du traitement de texte à la programmation. Il ne faut pas avoir peur. Il faut être capable de se lancer. Vous avez des capacités de rédaction, d analyse dans plein de domaines qui peuvent vous aider et tout est interconnecté et interconnectable. N oubliez pas que les réseaux marchent, alors essayez de voir si vous connaissez quelqu un qui connait quelqu un