Isolants minces et isolants épais A force de concentrer les attaques sur les isolants minces réfléchissants, on en est venu à considérer que leurs concurrents, les isolants dits, par comparaison, «épais» étaient parés de toutes les vertus. Pourtant, un examen un peu plus attentif montre que c est loin d être le cas. Les isolants épais sont moins efficaces pour l isolation contre la chaleur extérieure. En effet, dans un système d isolation tel qu il est installé classiquement, un isolant épais est placé parallèlement aux tuiles du toit, et à une distance plus ou moins grande (mais qui n intervient pas dans la propagation de la chaleur par rayonnement). De ce fait, la face externe de l isolant récupère, par rayonnement, 80 % de l énergie thermique émise par la face interne des tuiles, et se trouve rapidement à une température voisine de celle-ci, souvent très supérieure à la température externe. Dans le cas des isolants minces réfléchissants, au contraire, la chaleur émise par la face interne des tuile se trouve réfléchie vers elle à 90 % par l effet de la couche d aluminium. De ce fait, la température de la face externe de l IM se retrouve à une température beaucoup plus basse que dans le cas précédent. Un calcul simple permet la comparaison entre les deux type d isolants. Considérons un système d isolation classique constitué, de l intérieur vers l extérieur par : Un toit de tuiles conventionnelles Un isolant mince réfléchissant ou un isolant épais (laine minérale) Une deuxième lame d air selon les prescriptions du fabricant de l isolant Une lame d air selon les prescriptions du fabricant de l isolant 1
Un parement (placoplâtre de 20 mm) Calculons d abord la température à laquelle la face externe de l isolant (du coté des tuiles) doit se trouver pour que la puissance thermique passante soit, par exemple de P = 10 Watt par m2, ce qui correspond à une puissance totale pour un pan de toit de 100 m2 exposé au soleil, de 1000 watt et porté à la température de 60 C (cas courant en été sous nos latitudes). (Tous les calculs ci-après supposent une puissance passante en régime permanent, alors qu on est évidemment en régime transitoire. Cependant, ces calculs permettent de faire des comparaisons entre isolants avec une bonne précision). La quantité de chaleur (ou la puissance, si on se place par unité de temps) transmise entre deux parois dont les émissivités respectives sont ε 1 et ε 2, et dont les températures absolues sont T 1 et T 2 sont données par la formule suivante (tirée de la loi de Stefan-Boltzman) : Avec : t = temps (secondes) P. t = σ(t 1 4 T 2 4 )/(1/ε 1 + 1/ε 2-1) (1) σ = constante de Stefan-Boltzman = 5,67 x 10-8 (W.m -1.K 4 ) (Pour connaître la puissance totale traversant les systèmes, on doit normalement ajouter à cette puissance transmise par rayonnement, la puissance transmise par convection ou par conduction). Dans le cas d un isolants minces réfléchissants avec un Epsilon (émissivité) de 0,1, la formule ci-dessus donne une température de 47,2 C pour la face externe de l isolant mince réfléchissant. (L émissivité est volontairement prise à une valeur correspondant à un isolant mince après plusieurs années, et non pas un isolant mince neuf pour lequel elle est plutôt de 0,05). 2
Dans le cas d un isolant épais (laine minérale, par exemple) avec un Epsilon de 0,9, le calcul donne une température de 58,4 C. A ce stade, il convient de remarquer que la lame d air comprise entre les tuiles et la face externe de l isolant doit être convenablement ventilée, afin de réduire, voire d annuler la transmission de la chaleur par convection. Calculons maintenant les conditions pour que la face externe du parement soit à une température de 25 C. L application de la formule (1) par itération jusqu à atteindre une température de 25 C pour la face opposée, et en gardant une transmission de puissance de 10 watt, permet de déterminer la température des faces externe et interne de l isolant si on ne tient compte que de la transmission par rayonnement. La connaissance des température sur chacune des face de l isolant permet ensuite d en calculer aisément l épaisseur pour une perte thermique donnée (ici, 10 watt). Le résultat de ces calculs est résumé dans le tableau ci-après : Température des tuiles ( C) Température de l air ( C) Face externe ( C) Face interne ( C) Parement placoplâtre ( C) Isolant épais Isolant mince 60 30 à 40 58,4 27,3 47,2 40,8 25,0 Ces résultats théoriques sont tout à fait confirmés par les résultats expérimentaux. Voir à ce sujet le document : Mesure des propriétés des isolants minces. On voit donc que, placés dans les même conditions, pour avoir une isolation identique, c est à dire la même puissance traversant le système. (la perte thermique), les températures des faces de l isolant mince réfléchissant devra avoir une épaisseur telle que ses faces soient respectivement à 47,2 C pour la face chaude, et 40,8 C pour la face froide, alors que ces mêmes chiffres pour l isolant épais devront être respectivement de 58,4 C et 27,3 C. Compte tenu de la linéarité de la conductivité par rapport à l épaisseur, et si on admet que la conductivité par conduction à travers le matériau isolant est identique pour l isolant mince réfléchissant et pour l isolant épais, on peut déjà voir que pour une même isolation, l épaisseur de l isolant épais devra être : (58,4 27,3) / (47,2 40,8) = environ 5 fois plus grande que celle de l isolant mince. (Ce résultat est évidemment fonction de la puissance qu on accepte de voir traverser 3
le système d isolation, ici 10 watts/m 2). En réalité, une certaine puissance traverse aussi le système par l intermédiaire de l air des lames situées devant et derrière l isolant.. On ne peut pas la calculer avec précision, mais on peut en avoir une estimation en faisant quelques hypothèses simplificatrices. On sait que l air immobile a des propriétés isolantes qui se mesurent par sa conductivité thermique particulièrement faible : 0,0262 W.m -1.K -1 à la pression de 100 kpa. Connaissant le gradient thermique et l épaisseur des lames, on peut calculer une valeur de la puissance transmise qui sera une valeur minimum (la convection venant plus ou moins majorer ce chiffre). En prenant une épaisseur de 8 cm pour la lame extérieure (supposée immobile pour les besoins du calcul) et 5 cm pour la lame intérieure (entre l isolant et le parement) on obtient les chiffres suivants : Lame d air extérieure Lame d air intérieure Epaisseur (cm) Gradient ( K) Puissance (Watt) Epaisseur (cm) Gradient ( K) Puissance (Watt) Isolant épais Isolant mince 8,0 1,6 0,52 5,0 2,3 1,20 8,0 12,8 4,19 5,0 15,8 8,28 Les chiffres ci-dessus montrent que la puissance supplémentaire traversant le système est de moins de 2 watts pour l isolant épais, ce que l on peut négliger en première approximation. Par contre, elle est de 4,19 et 8,28 Watt pour l isolant mince réfléchissant, ce qui n est plus du tout négligeable. Notons d ailleurs que la puissance traversante qu en la lame extérieure n est, en général, (et de préférence) pas du tout immobile, mais traversée par un courant d air montant, cet air s introduisant à travers les tuiles, chaud (plus chaud que les tuiles) en été et froid en hiver (plus froid que les tuiles). 4
Ce mouvement d air est nécessaire (et obligatoire) pour ventiler les éléments légers de la charpente (liteaux et chevrons) qui pourraient, autrement, subir les dommages dus à l humidité. En outre, il a l avantage, en été, de refroidir les tuiles soumises au rayonnement solaire direct. Il est d ailleurs facile de mesurer la différence importante de température entre l air ambiant et les tuiles. Notons que d après les prescriptions de pose des isolants minces réfléchissants la lame externe doit être une lame ventilée. Dans ces conditions, la température de la lame d air se rapproche, si la ventilation est correcte, de la température de l air ambiant qui est, de toutes façons, inférieure à la température de la face externe de l isolant mince réfléchissant (47,2 C). Il en résulte que la transmission de puissance à travers la lame extérieure se fait essentiellement par rayonnement et par convection, une partie de la chaleur se trouvant, en fait, évacuée par le mouvement de l air. On voit ici l importance prépondérante de cette ventilation pour l efficacité de l isolation dans le cas des isolants minces réfléchissants. Nous avons vu que la puissance transmise par convection à travers la lame d air interne ne pouvait pas être supérieure à la puissance transmise par la lame externe. Dans la pratique, la température réelle de la face interne de l isolant sera donc, en fait, inférieure à celle qui ressort du calcul indiqué dans le tableau. Pour résumer, le calcul a permis de mettre en évidence les faits suivants en ce qui concerne l isolation thermique contre la chaleur extérieure : Le rayonnement est un mode de transmission de la chaleur très important (souvent mal perçu par les professionnels et même par les spécialistes). La seule prise en compte de la résistance thermique mesurée par conduction et qui ignore la transmission de la chaleur par rayonnement n est donc pas correcte. A épaisseur égale, les isolants minces réfléchissants ont un pouvoir d isolation très supérieur à celui des isolants classiques. Notons que le même calcul, appliqué à des températures d hiver conduirait évidemment à des résultats analogues. Ce que les isolants épais ne savent pas faire Les qualités isolantes ne sont pas une propriété attaché au produit lui-même, mais à la façon dont il se présente : ainsi, un isolant de 10 cm de laine de verre comprimé à 5 cm d épaisseur (ce qui peut se produire facilement si le parement est mal posé) perd plus de la moitié de ses propriétés isolantes. Mieux (ou plutôt, encore plus mal) : si, dans le but d améliorer l isolation, on pose, dans un espace réservé de 10 cm d épaisseur, 2 couches de laine de verre de 10 cm 5
en les comprimant l une sur l autre, la qualité d isolation finale du total sera moins bonne que si on se contente d une seule couche de 10 cm! Ces résultats apparemment paradoxaux, sont dus au fait que la qualité isolante de la laine de verre est apporté par l air immobilisé entre les fibres. Pas par les fibres qui sont, elles-mêmes conductrices de la chaleur. En comprimant l isolant, on diminue l épaisseur d air immobilisé, et on augmente la densité des fibres et donc la conduction de la chaleur. Ces inconvénients sont évités dans le cas des isolants minces dont les principales propriétés isolantes sont apportées par les feuilles d aluminium. Les isolants épais perdent souvent leurs propriétés dans le temps Le phénomène est constaté régulièrement par les équipes qui démontent les systèmes d isolation épais à base de laine minérale : très souvent, en particulier sur les surfaces verticales, on constate que l isolant s est décroché de son support, souvent après avoir été imbibés d eau par suite d un défaut d étanchéité de la toiture. Sous l effet du poids de l eau, et par suite de la détérioration du papier par cette eau, les parties supérieures de la masse d isolant se décrochent et viennent se tasser dans la partie inférieure du toit ou du mur. Il en résulte des caractéristiques d isolation globales divisées par deux ou par trois puisqu une grande partie de la surface concernée n est, en fait, plus isolée du tout. Les isolants minces réfléchissants sont revêtus sur les deux faces d une couche d aluminium imperméable et inattaquable par l eau, et ce phénomène de détérioration ne se produit pas. Certains isolants épais se décomposent en cas d incendie et dégagent des gaz toxiques Les isolants épais constitués de laines minérales ne brûlent pas, et ne propagent pas la flamme. Seule la face antérieure est susceptible de se décomposer par combustion, mais celle-ci est freinée par la couche épaisse de laine minérale qui fond sans brûler sous l effet de fortes chaleurs (incendie). Les isolants épais à base de polystyrène contiennent en général un retardateur de flamme, l hexabromocyclododécane (HBCD). Sous l effet de la chaleur, l HBCD se décompose en libérant de l acide bromhydrique qui a la propriété positive de retarder ou d empêcher la propagation des flammes. Par contre, l acide bromhydrique émis est fortement toxique. Les mousses organiques contiennent, elles aussi, souvent, des retardateurs de flamme bromés comme l octabromodiphényle oxyde (polystyrène expansé), des polyols bromés (polyuréthane mousse), l éthylènebistetrabromophtalimide (polystyrène et polyoléfines). 6
En cas d exposition à la chaleur, ces retardateurs de flamme sont susceptibles de dégager du brome sous forme élémentaire ou sous la forme d acide bromhydrique, ou encore, pour les retardateurs de flamme aromatique de former des composés hautement toxiques comme les dioxines bromées. Les isolants épais à base de fibres comportent des éléments dont le caractère carcinogène est suspecté. Les laines minérales (laine de roche, laine de verre, laine de laitier) sont souvent la base des isolants épais. Le procédé de fabrication de ces produit est le même dans les 3 cas. Seuls les composants de base changent. Ce qu il faut retenir du procédé, c est que les filaments sont obtenus par étirage centrifuge : le diamètre des filaments n est donc pas constant, chacun des filaments élémentaires se terminant par une partie conique allant en s amincissant jusqu à la rupture. Ce fait est important, et expliquerait partiellement le caractère carcinogène de ces produits. Après qu on ait eu constaté le caractère toxique de l amiante, on a fait de nombreuses études concernant le mécanisme qui donnait à l amiante son caractère carcinogène. On a constaté que le danger était lié aux dimensions de ses fibres (diamètre et longueur) ainsi qu au caractère relativement persistant de ces fibres dans l organisme, a savoir que l organisme mettait beaucoup de temps à se débarrasser du produit. (référence). On a ensuite essayé de remplacer l amiante par différentes fibres minérales, en particulier par les laines minérales, et partant, on a étudié la toxicité potentielle de ces différentes matières. Voici la synthèse des résultats obtenus (référence) : «En première conclusion, et sur la seule base des données de l épidémiologie et surtout des expérimentations animales, on est en droit de considérer au niveau des effets sur l homme : que la laine de roche est très probablement un agent fibrosant et un cancérogène du poumon ; que très probablement la laine de verre a présenté et peut encore présenter les mêmes propriétés fibrosantes et cancérogènes, mais notablement atténuées par rapport à celles de la laine de roche ; que la laine de laitier n est probablement au niveau pulmonaire ni cancérogène, ni fibrosante. 7
En matière de risque de mésothéliome, on ne peut conclure aussi nettement et on peut seulement dire que si ce risque existe, il est relativement faible, avec le même classement des trois laines». Les isolants minces réfléchissants qui sont fabriqués à partir de mousses organiques ne présentent évidemment pas ces inconvénients. En outre, il est intéressant de noter que les isolants minces réfléchissants fabriqués non pas à base de laine minérale mais à base de fibres de verre continues ne semblent pas non plus présenter ce type de danger. En tous cas, c est la conclusion de la même étude : «Les fibres de verre à filament continu, compte tenu de leur diamètre relativement important sont considérées comme non inhalables. La convergence des données épidémiologiques et des données sur la morphologie conduit à la conclusion qu'il s'agit d'un matériau non fibrosant et non cancérogène mais probablement à l'origine d'effets dermatologiques, d'où là encore des mesures de conditionnement à envisager au niveau de la manutention». On considère aujourd hui que les fibres d un diamètre inférieur à 3 µm sont susceptibles de présenter des dangers analogues à ceux présentés par l amiante. Or, les laines minérales, compte tenu de leur procédé de fabrication, contiennent des fibres dont le diamètre est inférieur à 3 µm. Au contraire, les fibres à filament continu qui constituent l âme de certains isolants minces réfléchissants ont un diamètre constant, et supérieur à 10 µm. Mais alors, quelle est la solution idéale? Il n y a pas de solution idéale. La recommandation unique et importante que l on peut faire pour chacun de ces produits est résumée dans la phrase suivante : «la pose des isolants est une opération délicate qui doit s effectuer rigoureusement selon les prescriptions du fabricants et en prenant toutes les précautions nécessaires». 8