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Soudain, sur la gauche, des cris : «Vive l Empereur!» En même temps le haut-parleur diffuse la Marseillaise. Notre petit groupe de Français chante. A côté, les Allemands nous regardent. «Vive l Empereur! Vive l Empereur!» L acclamation court le long de la ligne des spectateurs. Une troupe de cavaliers arrive sur nous en suivant la clôture. «C est Lui!». Le voici. Encadré de chasseurs à cheval, carabines dressées, accompagné de généraux empanachés et d officiers d ordonnance, c est Napoléon, c est Lui. L acclamation est répétée à forte voix par notre groupe, «Vive l Empereur! Vive l Empereur!». Il nous salue de sa badine. Quel bel équipage! Au pas, il suit toute la clôture, va jusque vers les Prussiens qui le saluent, passe très près des spectateurs, puis se rabat vers le centre et gagne la position de l étatmajor sur notre gauche, près de quelques arbres, à côté des canons, à la rupture de la pente. 55

15 h 00, les tambours prussiens se mettent à battre, leurs «ra-ran-rataplan» sont plus secs que les nôtres, plus rapides. «Un coup de canon tiré par les Prussiens dont le boulet passa au-dessus de nos têtes, annonça l attaque. Un bruit de canons et de fusils se fit aussitôt entendre sur les lignes des deux armées ; les feux d infanterie étaient vifs, continuels, mais on ne découvrait rien, le brouillard étant si épais qu on ne voyait pas à six pas. L Empereur était parvenu par ses habiles manœuvres à forcer les Prussiens à donner la bataille dans une position et sur un terrain peu favorables, puisqu il se présentaient sur le flanc gauche de leur base d opération, et qu elle était tournée.» Maurice Barrès : souvenirs d un officier de la Grande Armée, p 70. «Baoum!», sur notre gauche : c est l artillerie prussienne qui ouvre le feu. «Baoum! Baoum!» Répondent les artilleurs français sur notre droite qui ne s en laissent pas compter ; ils savent utiliser leurs pièces de 6 ou de 12 : 2 à 3 coups par minute. L école de pièce et les exercices montrent toute leur utilité. Le ballet bien huilé des canonniers et des servants fait merveille. «Baoum! Baoum!» Les volutes de fumée blanche recouvrent les équipes de pièce, les gueules des canons crachent le feu, vomissent la mitraille et les boulets. On les imagine pénétrer les lignes prussiennes à quelques centaines de mètres et ricocher au-delà. «Baoum!» Le bal est ouvert. L artillerie tonne. 56

Un parti de cavalerie prussien s élance et engage le fer avec les Français, on entend le choc des lames. La mêlée dure peu, elle se défait en combats singuliers. Les prussiens se replient. Confiants, bien alignés les bataillons prussiens montent vers les Français. C est beau. Leur deuxième ligne est encore au repos. Ils ne croient pas avoir à faire avec un fort parti. Un fort bataillon d infanterie de Ligne s avance au son des fifres et tambourins, la cavalerie prussienne tente de l intercepter, le carré est formé, hérissé de baïonnettes, impossible de le pénétrer, l artillerie appuie les fantassins, les cavaliers renoncent, les fantassins reforment une belle colonne d attaque. 57

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59

L artillerie tonne, les écouvillons écouvillonnent, les coups ensachés passent de mains en mains, les refouloirs refoulent, les boutefeux s abaissent, l artillerie tonne. La lourde voix du canon domine le fracas de la bataille. Les équipes de pièces ne ménagent pas leur peine : «Par sainte Barbe, il faut en donner aux Prussiens!». Un chevreuil affolé court dans tous les sens, se jette au-devant des canons, revient, s affole encore et disparait ventre à terre. L observateur Anglais en est étonné, mais il maintient son poste d observation. 60

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La mêlée devient plus dense au fond du thalweg, la fumée envahit tout, les unités s engagent à fond, les adversaires se fusillent à demi-portée de fusil. Les tirs de pelotons, les feux de file partent en rafales. La fumée de poudre noire reste au sol, le vent l évacue avec peine. Les bataillons français poussent en avant, baïonnettes dressées, les Prussiens résistent pied à pied, ce sont de rudes soldats, plus grands que les nôtres, mais moins enragés, ils obéissent par la contrainte, les soldats français ont la conviction de se battre pour la liberté et le maintien des libertés acquises avec la révolution. La fumée dissimule les unités, tant est dense la fusillade. 62