Présence Africaine :

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Présence Africaine : une tribune, un mouvement, un réseau Bibliothèque centrale de l université Cheikh Anta Diop 11 mars 26 juin 2011 journal gratuit

2 Présence Africaine : une tribune, un mouvement, un réseau 1. «Présence Africaine : une tribune, un mouvement, un réseau», musée du quai Branly, 10 novembre 2009 31 janvier 2010 et bibliothèque de l université Cheikh Anta Diop, 11 mars 26 juin 2011. La revue littéraire et culturelle Présence Africaine, est fondée à Paris en 1947 par l intellectuel sénégalais Alioune Diop. Un texte inaugural «Niam n goura ou la raison d être de Présence Africaine» explique clairement les objectifs de la revue : publier des études africanistes sur la culture et la civilisation noire, publier des «textes africains», passer en revue les «œuvres d art ou de pensée concernant le monde noir». Il crée un comité de rédaction essentiellement constitué d intellectuels africains (Bernard Dadié, Mamadou Dia, Abdoulaye Sadji, ) et s entoure de toutes les personnalités intéressées par les mondes noirs : ethnologues, anthropologues (Marcel Griaule, Georges Balandier, Théodore Monod, Michel Leiris, Paul Rivet), écrivains, philosophes (Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Jean-Paul Sartre, André Gide, Albert Camus, Richard Wright) mais aussi galeristes et critiques d art (Charles Ratton, William Fagg). En acceptant de constituer le comité de patronage de la revue et en publiant des textes sur la nature de leur engagement ces personnalités firent du numéro inaugural un des premiers manifestes anticolonialistes et antiracistes de l après-guerre. Il s agissait pour eux d accompagner et de soutenir la naissance d une revue nécessaire. Si, en 1947, Alioune Diop écrit «cette revue ne se place sous l obédience d aucune idéologie philosophique et politique», en 1955, il redéfinit clairement ses objectifs : «Tous les articles seront publiés sous réserve que leur tenue s y prête, qu ils concernent l Afrique, qu ils ne trahissent ni notre volonté antiraciste, anticolonialiste, ni notre solidarité des peuples colonisés». Qu est-ce que Présence Africaine? C est à la fois une revue, une maison d édition, fondée par Alioune Diop en 1949, et une librairie, qu il ouvre en 1962, toute trois à Paris, centre de l empire colonial et de la «République mondiale des lettres». Outre ses activités éditoriales, Alioune Diop, produit le film Les Statues meurent aussi d Alain Resnais et Chris Marker (1953), organise les deux congrès d écrivains et artistes noirs, à Paris en 1956 et à Rome en 1959, fonde la Société africaine de culture en 1956, et participe activement à l organisation du Premier Festival des arts nègres de Dakar en 1966. C est à cette période, allant de la fondation de Présence jusqu à la fin des années 1960, que s intéresse en particulier l exposition présentée au musée du quai Branly et la bibliothèque de l Université Cheikh Anta Diop 1. Présence Africaine fut également une tribune, un mouvement, un réseau, qui ont permis à plusieurs courants d idées liés au «monde noir» de s exprimer et de débattre. Sept ans avant la conférence de Bandung (1955), Alioune Diop rassemble autour de lui des intellectuels français, africains, antillais et américains pour proposer une autre vision du monde, affirmer la présence des dominés dans l histoire et dénoncer le racisme et la colonisation. Cette maison d édition a ainsi permis de constituer l une des premières bibliothèques des textes fondateurs de l anticolonialisme en France (Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre, Frantz Fanon, Mongo Beti ). L exposition a pour ambition de montrer le rôle majeur joué par l entreprise culturelle «Présence Africaine» dans l histoire politique et culturelle des intellectuels noirs francophones, anglophones et lusophones des années 1950-1960. Nous souhaitons également rendre hommage à Alioune Diop et révéler à un large public le rôle méconnu des intellectuels africains, antillais, malgaches et noirs américains dans la vie intellectuelle française et mondiale. À la mort d Alioune Diop, en 1980, sa femme, Christiane Yandé Diop, a repris la direction des éditions Présence. Les éditions ont publié le philosophe Valentin Yves Mudimbe, le prix Nobel de littérature Wole Soyinka (1986), l écrivain Daniel Maximin, le lauréat du prix Renaudot Alain Mabanckou (2006) La Société africaine de culture, aujourd hui Communauté africaine de culture, est dirigée par Wole Soyinka. Sarah Frioux-Salgas, commissaire de l exposition

Textes de l exposition et citations 3 Texte d introduction La revue Présence Africaine est fondée à Paris en 1947 par l intellectuel sénégalais Alioune Diop (1910-1980) avec les objectifs suivants : «publier des études africanistes sur la culture et la civilisation africaine ; publier des textes africains ; passer en revue des œuvres d art ou de pensée concernant le monde noir *» Alioune Diop crée un comité de rédaction essentiellement constitué d intellectuels africains, malgaches et antillais. Il rassemble aussi un comité de soutien prestigieux : Jean-Paul Sartre, André Gide, Emmanuel Mounier, Richard Wright S il ne souhaite pas au départ défendre une idéologie particulière, Alioune Diop définit en 1955 cette ligne éditoriale : «Tous les articles seront publiés sous réserve que leur tenue s y prête, qu ils concernent l Afrique, qu ils ne trahissent ni notre volonté antiraciste, anticolonialiste, ni notre solidarité des peuples colonisés.» Il fonde en 1949 une maison d édition, ouvre en 1962 une librairie, organise le premier Congrès des artistes et écrivains noirs à Paris en 1956, un second congrès à Rome en 1959 et participe activement à l organisation du premier Festival des arts nègres de Dakar en 1966. Cette exposition retrace les vingt premières années de Présence Africaine, qui fut une tribune, un réseau et un mouvement permettant aux différents courants d idées liés aux «mondes noirs» de s exprimer pendant la colonisation puis au début des Indépendances. «L Atlantique noir» : du panafricanisme à la négritude Des combats politiques et intellectuels transnationaux Présence Africaine est l héritière d une «presse noire» internationale qui existait déjà dans les années 1920-1930, et des mouvements politiques et culturels nés au début du xx e siècle comme le panafricanisme, le mouvement «New Negro» et la Négritude. À Paris, les membres de la diaspora noire se croisent, sans pour autant former un groupe homogène. Les expériences sociales, politiques et historiques de chacun donnent lieu à des discours idéologiques différents. Certains sont anticolonialistes, d autres défendent l égalité des droits ou réclament une reconnaissance culturelle. Ces différents mouvements d idées sont issus des échanges entre les Noirs d Afrique, d Amérique et d Europe et constituent une culture noire transnationale. Les panafricains américains Au début du xx e siècle, la lutte pour la défense des conditions des Noirs américains prend un caractère international grâce à deux leaders. Le Jamaïcain Marcus Garvey prône un nationalisme noir fondé sur l union des Noirs de tous les continents et leur retour en Afrique. Il diffuse ses idées en anglais, espagnol et français dans le journal The Negro World, fondé en 1918. W.E.B. Du Bois pense au contraire que le Noir américain peut être à la fois noir et américain. Il estime nécessaire de lier la lutte pour la reconnaissance des droits civiques aux États-Unis aux mouvements africains de décolonisation et dirige le mensuel de l Association nationale pour le progrès des gens de couleur, The Crisis, créé en 1910. *Alioune Diop, «Niam n goura ou les raisons d être de Présence Africaine», Présence Africaine, n 1, 1947 Section 1

4 «[ ] le problème du xx e siècle est le problème de la ligne de partage de couleur.» W.E.B. Dubois Londres, 1900 Le mouvement «New Negro» Dans les années 1920, Harlem voit apparaître une jeune génération d écrivains et d artistes noirs qui s approprient leur héritage africain, revendiquent leur identité américaine et dénoncent la condition des Noirs : Langston Hughes, Zora Neale Hurston, Claude McKay, Countee Cullen, Paul Robeson, Aaron Douglas Alain Locke les édite dans deux anthologies publiées en 1925 : Harlem, Mecca of the New Negro et The New Negro, qui mêlent littérature, sociologie, ethnologie et histoire de l art. Cette initiative donne naissance au mouvement «New Negro». Ce mouvement est aussi célébré en 1934 dans Negro : An Anthology de Nancy Cunard. Elle y rassemble des poèmes et des articles très illustrés sur l Afrique, les Caraïbes, l Amérique Noire, l art africain, la musique, le racisme et la colonisation. «Nous les jeunes générations qui créons aujourd hui, nous avons l intention d exprimer sans crainte ni honte, notre personnalité noire.» Langston Hughes The Nation, 1926 Paulette Nardal et La Revue du Monde Noir Inspirée par le mouvement «New Negro» et issue des mouvements assimilationnistes portés par les mensuels Les Continents et La Dépêche africaine, la Martiniquaise Paulette Nardal fonde à Paris en 1931 La Revue du Monde Noir, bilingue (français-anglais), pour défendre un internationalisme culturel noir. Dans les six numéros sont publiés des essais politiques, historiques, des nouvelles et des poèmes d auteurs africains, antillais et américains. Elle joue aussi le rôle de «passeuse culturelle» auprès des diasporas noires présentes à Paris. La Revue du Monde Noir précède Légitime Défense, L Étudiant noir et Tropiques, qui seront publiés par les membres les plus jeunes et les plus radicaux de la revue. «Je connaissais les écrivains noirs-américains qui m avaient été révélés par La Revue du Monde Noir.» Aimé Césaire 1978, entretien avec Jacqueline Leiner, in réédition de Tropiques, éd. Jean-Michel Place Les militants Des militants africains proches du Parti communiste s organisent pour dénoncer l impérialisme européen, la condition sociale des Noirs et la colonisation. Ces organisations rassemblent essentiellement des petits employés, des marins, des ouvriers et des tirailleurs africains. En 1926, le Sénégalais Lamine Senghor fonde en France une des premières associations noires, le Comité de défense de la race nègre, et en 1927 le journal La Voix des Nègres. Avec Tiemoko Garan Kouyaté, il crée également en 1927 la Ligue de défense de la race nègre et publie La Race nègre (1927-1931) qui devient Le Cri des Nègres (1931-1936). Ces journaux, diffusés en France, en Afrique et en Amérique, sont régulièrement censurés par le ministère des Colonies qui surveille de près les activités des «indigènes anti-français». «Le gentleman blanc avait dit au patron que les Noirs qui publiaient La Race noire faisaient une œuvre antifrançaise, qu un pareil journal devrait être interdit et que ceux qui l éditaient on devrait [ ] les fourrer en prison comme des criminels. Le propriétaire du bar répondit qu on n était pas ici en Afrique Occidentale, où lui avait-on dit les autorités locales avaient interdit la diffusion du Negro World.» Claude McKay Banjo, 1929 La Négritude Le contexte culturel et politique international annonce le mouvement de la Négritude que Césaire, Senghor et Damas lancent dans l unique numéro de L Étudiant noir, publié en 1935. Ils refusent la domination coloniale caractérisée par la conquête, l esclavage, le déni culturel, la domination politique et l exploitation économique. Avant même le Cahier d un retour au pays natal (1939) d Aimé Césaire, le poète guyanais Léon-Gontran Damas illustre la Négritude en 1937 avec les poèmes de Pigments, puis en 1938 avec Retour de Guyane qui, écrit suite à une mission ethnographique officielle (1934), critique violemment le système colonial. Ces poèmes qui dénoncent au rythme du jazz l oppression des Noirs sont interdits en 1939 pour atteinte à la sûreté de l État.

«L Étudiant noir, journal corporatif et de combat, avait pour objectif la fin de la tribalisation, du système clanique en vigueur au Quartier Latin! On cessait d être étudiant martiniquais, guadeloupéen, guyanais, africain et malgache, pour n être qu un seul et même étudiant noir.» Léon-Gontran Damas, Histoire de la littérature négro-africaine, Lilyan Kesteloot, éd. Karthala, 2001 «(Pour Aimé Césaire) J ai l impression d être ridicule dans leurs souliers dans leur smoking dans leur plastron dans leur faux-col dans leur monocle dans leur melon [ ] J ai l impression d être ridicule parmi eux complice parmi eux souteneur parmi eux égorgeur les mains effroyablement rouges du sang de leur ci-vi-li-sa-tion» Léon-Gontran Damas Extrait de Pigments, éd. Présence Africaine, 1962 Section 2 Présence Africaine : un projet, des engagements À partir de 1947, Alioune Diop décide de réagir à la situation coloniale en mettant en place la structure éditoriale Présence Africaine : une revue (1947) et une maison d édition (1949). Il s engage dans un combat pour la reconnaissance des cultures noires qui se transforme rapidement en une lutte contre le racisme et pour la liberté culturelle, politique et économique de l Afrique. En 1956, il fonde la Société africaine de culture (SAC). Présence Africaine publie des romans, des manifestes politiques, des articles et des ouvrages d histoire, de sociologie, d économie, de linguistique concernant l Afrique, les Antilles, l Océan Indien, l Amérique. À travers ses choix éditoriaux et en fédérant des auteurs d horizons très divers, Alioune Diop a constitué la bibliothèque d une histoire politique, littéraire et scientifique plurielle des intellectuels d Afrique et de la diaspora des années 1950-1960. Naissance de Présence Africaine À l opposé de Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas et Aimé Césaire qui deviennent députés à l Assemblée nationale à partir de 1945, Alioune Diop abandonne sa carrière politique pour se consacrer à la création de Présence Africaine. Il conçoit le projet 5 Présence Africaine/ Communauté africaine de Culture

6 à Paris pendant la guerre, puis le concrétise à Dakar. Mais la revue paraît à Paris, centre de la «République mondiale des lettres» et du pouvoir colonial. Présence Africaine est publiée dans un contexte éditorial favorable. Les revues Les Temps modernes et Esprit, les éditeurs Le Seuil, Seghers, Corréa publient des auteurs d Afrique, d Amérique, des Antilles et de l Océan Indien, engagés ou non. Michel Leiris joue un rôle essentiel en mettant en relation Alioune Diop avec les acteurs de ce milieu, dont certains feront partie du comité de patronage de la revue. «L idée remonte à 1942-1943. Nous étions à Paris un certain nombre d étudiants d outre-mer qui [ ] nous sommes groupés pour étudier la situation et les caractères qui nous définissaient nousmêmes.» Alioune Diop «Niam n goura ou Les Raisons d être de Présence Africaine», Présence Africaine, n 1, 1947 «Tout m attirait en lui, son élégance naturelle, sa générosité, sa double culture, sa volonté patiente qui ne redoutait ni les obstacles, ni les défis : être catholique, bien que fils de lettré musulman, parler à des communautés séparées par les différences, l inégalité et les discriminations. Nous avons discuté chaque soir et il fut mon instituteur.» Georges Balandier à propos d Alioune Diop Civilisés, dit-on, Puf, 2003 Création d un corpus littéraire Alioune Diop édite plusieurs générations de poètes et d écrivains : les anciens Birago Diop, Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Jacques Rabemananjara, Sembène Ousmane, Bernard Dadié et les nouveaux venus David Diop, Mongo Beti, Édouard Glissant ou René Depestre. Présence Africaine publie aussi des poètes en édition bilingue : Derek Walcott, Guy Tirolien, Barbara Simmons, Leroi Jones, Tchicaya U Tam si, Christopher Okigbo ; des ouvrages anglophones ou lusophones en traduction française : Le Monde s effondre de Chinua Achebe (Nigéria), Au bas de la Deuxième Avenue d Ezekiel Mphahlele (Afrique du Sud), Camaxilo de Castro Soromenho (Angola). Ainsi que plusieurs anthologies littéraires : Poètes noirs (n 12, 1951), Anthologie de la littérature négro-africaine par Léonard Sainville (1963-1968), Anthologie des écrivains français du Maghreb par Albert Memmi (1969), Nouvelle somme de poésie du monde noir (n 57, 1966) par Léon-Gontran Damas. La revue propose également des chroniques sur l actualité littéraire et ouvre ses colonnes au débat. En 1955, Mongo Beti critique violemment l Afrique idyllique de Camara Laye dans L Enfant noir. La même année, René Depestre et Aimé Césaire lancent une discussion sur «les conditions d une poésie nationale chez les peuples noirs». Camarade Depestre C est un problème assurément très grave des rapports de la poésie et de la révolution le fond conditionne la forme et si l on s avisait aussi du détour dialectique par quoi la forme prenant sa revanche comme un figuier maudit le poème mais non je ne me charge du rapport j aime mieux regarder le printemps. Justement c est la Révolution Aimé Césaire «Réponse à Depestre poète haïtien (élément d un art poétique)», Présence Africaine, n 1-2, 1955 «Nous savons que certains souhaitent nous voir abandonner la poésie militante [ ] au profit des exercices de style et des discussions formelles. Leurs espoirs seront déçus car pour nous la poésie ne se ramène pas à dresser l animal langage mais à réfléchir sur le monde et à garder la mémoire de l Afrique.» David Diop «Contribution au débat sur la poésie nationale», Présence Africaine, n 6, 1956 «L on devine dès lors qu une littérature africaine réaliste ne peut être du goût de ces messieursdames, car est-il pire risque pour eux que de voir un jour leurs louches opérations dénoncées, démontées, étalées sur des feuilles populaires? Ils tâcheront donc d étouffer dans l œuf toute littérature réaliste africaine. Car, la réalité actuelle de l Afrique Noire, sa seule réalité profonde, c est avant tout la colonisation et ses méfaits.» Eza Boto (Mongo Beti) «Afrique noire, littérature rose», Présence Africaine, n 1-2, 1955 «Si nous avons écrit une anthologie de la littérature noire c est bien dans l espoir que dans des temps que nous croyons assez proches, il ne sera plus question de littérature blanche, jaune, ou noire.» Léonard Sainville Anthologie de la littérature négro-africaine, éditions Présence Africaine, 1963

Le Blanc a tué mon père Car mon père était fier Le Blanc a violé ma mère Car ma mère était belle Le Blanc a courbé mon frère sous le soleil des routes Car mon frère était fort Puis le Blanc a tourné vers moi Ses mains rouges de sang Noir M a craché son mépris au visage Et de sa voix de maître : «Hé boy, un berger, une serviette d eau.» David Diop «Le Temps du martyr», Présence Africaine, n 2, 1948 «J aime ce pays, disait-il, on y trouve nourriture, obéissance, poulets à quatre sous, femmes à cent, et bien missié pour pas plus cher. «Le seul problème, ajoutait-il, ce sont les anciens tirailleurs et les métis et les lettrés qui discutent les ordres et veulent se faire élire chefs de villages». Moi, je n aime pas cette Afrique-là Paul Niger «Je n aime pas l Afrique» (extrait), Présence Africaine, n 3, 1948 L inventaire des cultures noires L engagement de Présence Africaine se traduit aussi par la publication de textes d histoire, de linguistique, de sociologie, d économie, d ethnologie : Le Monde noir (n 8-9, 1950), Le Travail en Afrique Noire (n 13, 1952), La Philosophie Bantu du Père Tempels (1949), les travaux des historiens Adboulaye Ly, Joseph Ki- Zerbo, Boubou Hama et des économistes Mamadou Dia et Abdoulaye Wade. La revue propose également des comptes rendus d ouvrages de sciences humaines publiés en France et à l étranger. Alioune Diop crée plusieurs collections : «Enquêtes et études», «Essais», «Culture et religion», «Enseignement-pédagogie». Il souhaite constituer une bibliothèque qui permettrait de mieux connaître les réalités historiques, sociales et économiques de l Afrique et des Noirs en général. «Du R. P. Tempels, missionnaire et belge, sa Philosophie Bantoue vaseuse et méphitique à souhait, mais découverte de manière très opportune, comme par d autres l hindouisme, pour faire pièce au matérialisme communiste, qui menace, paraît-il, de faire des nègres des vagabonds moraux.» Aimé Césaire Discours sur le colonialisme, éd. Présence Africaine, 1955 «Mon théâtre, c est le drame des nègres dans le monde moderne» Aimé Césaire (1967) Aimé Césaire publie chez Présence Africaine deux de ses pièces principales qui mettent en scène les grandes figures politiques de la décolonisation et du monde noir : La Tragédie du roi Christophe en 1963 (sur Haïti) et Une tempête, d après La Tempête de William Shakespeare : adaptation pour un théâtre nègre dans le n 67 de 1968 (sur les Noirs américains). Une saison au Congo (sur l Afrique et Lumumba) est publiée au Seuil en 1966. La Tragédie du roi Christophe est créée par Jean- Marie Serreau en 1964 à Salzburg. Elle est reprise en 1965 au Théâtre de l Odéon à Paris, à l initiative de l association des Amis du roi Christophe (Michel Leiris, Pablo Picasso, Alberto Giacometti, Marguerite Duras ). La pièce est ensuite jouée dans plusieurs villes d Europe et à Dakar en 1966. Une tempête est également créée par Jean-Marie Serreau en 1969. «Christophe est un Faust africain. [ ] pour juger Christophe, il faut comprendre son contexte social et humain [ ]. Il ressent le déni de justice envers l Afrique, mais il y a en lui une sorte de trahison culturelle. C est l un des éléments du drame actuel des dirigeants noirs.» Aimé Césaire cité dans l article de Roger Toumson «Aimé Césaire dramaturge : le théâtre comme nécessité», Cahier de l association internationale des études françaises, 1994 «Devant la domination de Prospéro, il y a plusieurs façons de réagir : il y a l attitude violente et la non violente. Il y a Martin Luther King et Malcom X et les Black Panthers.» Aimé Césaire 1968, dans le journal belge Le Point «Pour moi le théâtre est un art total, composé de danses, de chants et de poésie. En cela je me rattache à une tradition tout à fait africaine.» Aimé Césaire cité dans l article de Roger Toumson «Aimé Césaire dramaturge : le théâtre comme nécessité», Cahier de l association internationale des études françaises, 1994 7

8 Présence Africaine et les arts plastiques Une maison d édition engagée La revue publie des articles sur l art dès ses premiers numéros. En 1951, Présence Africaine édite un cahier spécial intitulé «L Art nègre». Coordonné par Charles Ratton, Georges Balandier et Jacques Howlett, il a pour objectif de «montrer la présence africaine dans le domaine esthétique» et de réfléchir «aux problèmes posés par un art africain moderne qui se crée lentement». Les auteurs sont essentiellement européens : William Fagg, Henri Lavachery, Denise Paulme Alexandre Adandé, seul auteur africain, défend la nécessité de créer des musées en Afrique. Présence Africaine continue à s interroger sur les pratiques artistiques d Afrique en produisant en 1953 le célèbre film Les Statues meurent aussi de Chris Marker et Alain Resnais. Ce film reçoit le prix Jean Vigo mais est censuré jusqu en 1963. «À l origine, c était un film sur l art nègre, que Présence Africaine nous avait commandé. Avec Chris Marker, nous avons commencé à travailler ; nous n avions pas au départ, l idée de faire un film anticolonialiste et antiraciste. C est naturellement que nous avons été conduits à poser quelques questions, qui ont valu au film d être interdit.» Alain Resnais 1961, dans Clarté Présence Africaine accompagne et soutient les acteurs des luttes anticoloniales (dans les colonies françaises, anglaises et portugaises) puis ceux des Indépendances. La collection «Tribune des jeunes» et des numéros spéciaux de la revue donnent la parole à la jeunesse africaine. En 1953, le n 14, Les Étudiants noirs parlent rassemble déjà des textes anticolonialistes. Des collections spéciales sont créées : «Leaders politiques africains», «Le Colonialisme». En 1955, Aimé Césaire y republie Le Discours sur le colonialisme et en 1956 Le Cahier d un retour au pays natal. Les Damnés de la Terre de Frantz Fanon, publié chez Maspéro, est traduit en anglais en 1963. Présence Africaine se penche également sur la lutte contre l Apartheid, la dénonciation des conditions des Noirs américains et celle de la situation des Antillais. Daniel Guérin y publie en 1956 Les Antilles décolonisées ; Les Âmes du peuple noir de W.E.B. Du Bois est traduit en 1959 ; le procès de Nelson Mandela est retranscrit en 1963 (n 46). «Chris Marker et moi sommes partis de cette question : pourquoi l art nègre se trouve-t-il au musée de l Homme, alors que l art grec ou égyptien est au Louvre?» Alain Resnais 1961, dans Premier plan «Le film Les Statues meurent aussi a montré la voie d un cinéma de combat et militant de surcroît, donc utile et fonctionnel comme l est l art africain.» Paulin Vieyra Hommage à Alioune Diop, éd. Présence Africaine, 1977

Section 3 Le premier Congrès des artistes et écrivains noirs : «Bandung culturel» 1956 Il se déroule à Paris, dans l amphithéâtre Descartes de la Sorbonne, du 19 au 22 septembre 1956, dans le contexte de la guerre froide et sur fond de colonisation et de ségrégation. Alioune Diop réussit à rassembler pour la première fois des intellectuels noirs de divers continents et de toutes obédiences politiques. Il s agit de réaliser l inventaire commun des cultures noires et d analyser «les responsabilités de la culture occidentale dans la colonisation et le racisme». Ce congrès, qui réunit les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques et qui marque l entrée sur la scène internationale des pays du Tiers-monde, sera considéré comme le pendant culturel de la conférence de Bandung (1955). Les débats révèlent que l unité culturelle des Noirs n est pas une évidence. L intervention d Aimé Césaire intitulée «Culture et colonisation», dans laquelle il juge analogue la situation des Noirs américains et celle des Africains colonisés fait scandale. Refusant cette comparaison, les Américains menacent de quitter le congrès. Tous les congressistes s accordent pourtant pour déclarer que «l épanouissement de la culture est conditionné par la fin de ces hontes du xx e siècle : le colonialisme, l exploitation des peuples faibles et le racisme». «Notre congrès invite tous les intellectuels noirs à unir leurs efforts pour que deviennent effectifs le respect des droits de l homme quelle que soit sa couleur, des peuples et des nations quels qu ils soient. «Notre congrès engage les intellectuels noirs et tous les hommes épris de justice à lutter pour la création des conditions concrètes de la renaissance et de l épanouissement des cultures nègres.» «Il demeure cependant que nos souffrances n ont rien d imaginaire. Pendant des siècles l événement dominant de notre histoire a été la traite des esclaves. C est le premier lien entre nous congressistes, qui justifie notre réunion ici.» Alioune Diop Le I er Congrès international des écrivains et artistes noirs : Paris, Sorbonne, 19-22 septembre 1956 : compte-rendu complet, Paris, Présence africaine, n 8-10 (numéro spécial) 9 Présence Africaine/ Communauté africaine de Culture

10 «Ce jour sera marqué d une pierre blanche. Si depuis la fin de la guerre, la rencontre de Bandung constitue pour les consciences non européennes, l événement le plus important, je crois pouvoir affirmer que ce congrès mondial des hommes de culture noirs, représentera le second événement de cette décade.» Alioune Diop Le I er Congrès international des écrivains et artistes noirs : Paris, Sorbonne, 19-22 septembre 1956 : compte-rendu complet, Présence africaine, n 8-10,1956 «Nous sommes là pour dire et pour réclamer : donnez la parole aux peuples. Laissez entrer les peuples noirs sur la grande scène de l histoire.» Aimé Césaire Le I er Congrès international des écrivains et artistes noirs : Paris, Sorbonne, 19-22 septembre 1956 : compte-rendu complet, Présence africaine, n 8-10, 1956 Résolutions «Nous estimons que l épanouissement de la culture est conditionné par la fin de ces hontes du xx e siècle : le colonialisme, l exploitation des peuples faibles, le racisme. «Nous avons examiné nos cultures elles-mêmes et en fonction des conditions sociales et générales qui les affectent : le racisme et le colonialisme. «Nous, écrivains et artistes noirs, proclamons notre fraternité envers tous les autres hommes et attendons d eux qu ils manifestent envers nos peuples la même fraternité. Délégués et Intervenants Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs 1956 «Je pense aussi que toutes les grandes civilisations furent des civilisations résultant du métissage.» Léopold Sédar Senghor Le I er Congrès international des écrivains et artistes noirs : Paris, Sorbonne, 19-22 septembre 1956 : compte-rendu complet, Présence africaine, n 8-10, 1956 «Le congrès mondial des écrivains et artistes noirs a défini les caractères d une culture noire libre.» Titre du Monde du 25 septembre 1956 «Artistes et poètes reviennent toujours au même pays natal, quelle que soit leur couleur. Salut fraternel au Congrès des hommes de culture du Monde Noir.» Message de Picasso aux congressistes «À elle seule, l idée qui préside à l organisation de votre Congrès suffirait à attester qu une nouvelle période est en train de s ouvrir, dans l histoire de la pensée humaine.» Message de Claude Levi-Strauss aux congressistes La culture moderne et notre destin (introduction au congrès) «Deux tâches primordiales quant à nous 1/ Faire accéder à l audience du monde l expression de nos cultures originales, dans la mesure où celles-ci traduisent la vie actuelle de nos peuples et de nos personnalités ; 2/ Renvoyer à nos peuples l image de leurs aspirations, de l expérience ou de leurs joies, éclairées par les épreuves, les joies et notre personnalité. Bref faire de notre culture une puissance de libération et de solidarité, en même temps que le chant de notre intime personnalité. Afrique équatoriale française (Maintenant Tchad, République centrafricaine, Gabon, Congo Brazzaville) Paul Tchibamba (écrivain) Afrique du Sud Gérard Sekoto (artiste) Angola Abbé Joachim Pinto Andrade M. Lima (étudiant) Barbade P. Blackman George Lamming (écrivain) «The Negro writer and his world» (L écrivain noir et son monde) Congo belge (Maintenant RDC) Antoine-Roger Bolamba (écrivain et journaliste) Côte d Ivoire Bernard Dadié (écrivain) Brésil Wilson Tiberio (peintre) Cameroun Pasteur Thomas Ekollo (philosophe) «De l importance de la culture pour l assimilation du message chrétien en Afrique noire» François Sengat Kuo (directeur du journal camerounais Kaso) Benjamin Matip (économiste) Nyunai (économiste) Ferdinand Oyono (écrivain ) Meinrad Hebga (professeur) Cuba Walterio Carbonnel (journaliste) Dahomey (Maintenant Bénin) Nouro Bello Damz (écrivain et peintre) Paulin Joachim (écrivain et journaliste) Paul Hazoumé (écrivain et diplomate) «La révolte des Prêtres»

États-Unis Horace Mann Bond (universitaire) «Reflections, comparative, on West African Nationalist Movements» (Réflexions comparatives sur les mouvements nationalistes ouest-africains) Mercer Cook (universitaire) J.A. Davis (universitaire) William Fontaine (universitaire) «Segregation and desegregation in the United States : a philosophical analysis» (Ségrégation et déségrégation aux États-Unis : analyse philosophique) James Ivy (journaliste) «The N.A.A.C.P. as an instrument of social change» (La NAACP comme instrument de changement social) Richard Wright (écrivain) «Tradition and industrialization. The plight of the tragic elite in Africa» (Tradition et industrialisation. Le fardeau de l élite tragique en Afrique) Guadeloupe Pierre Mathieu (chercheur au CNRS) Freddy Rival (peintre) Moune de Rivel (chanteuse) Haïti Jacques-Stephen Alexis (médecin et écrivain) «Du réalisme merveilleux des Haïtiens» Gérard Bissainthe (religieux) «Le christianisme face aux aspirations culturelles des peuples noirs» René Depestre (poète) Albert Mangones (sculpteur et architecte) «L art plastique en Haïti» Emmanuel C. Paul (ethnologue et journaliste) «L Ethnologie et les cultures noires» René Piquion (médecin et poète) Jean Price-Mars (ethnologue et homme politique) «Survivances africaines et dynamisme de la culture noire outre-atlantique» Emile Saint-Lot (écrivain et homme politique) Maurice-Alcibiade Lubin (économiste) Inde Cedric Dover (professeur) «Culture et créativité» Jamaïque Marcus James (philosophe) «Christianity in the emergent Africa» (Le Christianisme dans la nouvelle Afrique) J. Holness (architecte) Ronald Moody (sculpteur) Madagascar Edouard Andriantsilaniarivo (universitaire) «Le Malgache du xx e siècle» Jacques Rabemananjara (poète et homme politique) «L Europe et Nous» Flavien Ranaivo (écrivain) Ranivoson (peintre ) Martinique Louis Thomas Achille (professeur) «Les Negro Spirituals et l expansion de la culture noire» Aimé Césaire (poète et homme politique) «Culture et colonisation» Frantz Fanon (psychiatre et philosophe) «Racisme et Culture» Edouard Glissant (poète) Gilbert Gratiant (poète) Mozambique Marcelino Dos Santos (économiste et sociologue) Niger Boubou Hama (historien) Nigeria Ben Enwonwu (artiste) «Problems of the African artist to-day» (Problèmes de l artiste africain aujourd hui) L.A. Fabunmi (universitaire et diplomate) Ebenezer Lasebikan (linguiste) «The Tonal Structure of Yoruba Poetry» (Structure tonale de la poésie yoruba) James Koyinde Vaughan (étudiant) Sénégal Mamadou Dia (économiste et homme politique) Cheikh Anta Diop (historien) «Apports et perspectives culturels de l Afrique» David Diop (poète) Diop Ousmane Socé (écrivain et homme politique) Assane Seck (géographe) Léopold Sédar Senghor (poète et homme politique) «L esprit de la civilisation ou les lois de la culture négroafricaine» Bachir Touré (comédien) Abdoulaye Wade (universitaire, actuel président de la République du Sénégal) «L Afrique Noire doit-elle élaborer un droit positif?» Traoré Bakary (étudiant) Sierra Leone Davidson Nicol (écrivain et diplomate) «The Soft Pink Palms» (Les palmes douces roses) Soudan (Maintenant Mali) Amadou Hampaté Bâ (ethnologue et écrivain) «Culture peulhe» Doucoure Abdoul Wahab (universitaire) Togo François N Sougan Agblemagnon (sociologue) 11

12 Le second Congrès des artistes et écrivains noirs : «Agir» 1959 Ce second congrès est accueilli officiellement par la ville de Rome en 1959. L heure n est plus à l élaboration d un inventaire des cultures noires, mais à la construction d une politique culturelle, scientifique et éducative commune autour du thème «Unité et Responsabilités». Plusieurs commissions sont mises en place : littérature, sciences humaines, arts, sciences mathématiques et techniques. Les interventions des congressistes et les résolutions très concrètes de chacune des commissions révèlent un réel souci d associer luttes culturelles et luttes politiques. À la veille des Indépendances, les intellectuels proposent de participer aux changements à venir. «Notre double devoir est là : il est de hâter la décolonisation, et il est, au sein même du présent, de préparer la bonne décolonisation, une décolonisation sans séquelle.» Aimé Césaire Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959 «C est au cœur de la conscience nationale que s élève et se vivifie la conscience internationale. Et cette double émergence n est, somme toute, que le foyer de toute culture.» Frantz Fanon Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959 «Notre congrès, à la vérité c est le Congrès des voleurs de langue. Ce délit au moins nous l avons commis! Dérober, à nos maîtres leur trésor d identité, le moteur de leur pensée, la clef d or de leur âme, le sésame magique qui nous ouvre toute grande la porte de leurs mystères, de la caverne interdite où ils ont entassé les butins volés à nos pères et dont nous avons à leur demander des comptes.» Jacques Rabemananjara Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959 «L Indépendance de l Afrique, l unité de l Afrique avance à grande allure du fond de l horizon et l heure a sonné de pousser d une telle raideur le grand cri nègre que les assises du monde en seront ébranlées» Jacques Rabemananjara Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959 «C est pourquoi nous nous donnons pour mission, chacun dans sa spécialité de travailler [ ] à libérer les disciplines et les arts de ces entraves dont les impératifs de l hégémonie occidentale avaient compromis la vocation universelle.» Alioune Diop Ouverture du congrès de 1959 Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959 «Désoccidentaliser pour universaliser, tel est notre souhait. Pour universaliser, il importe que tous soient présents dans l œuvre créatrice de l humanité.» Alioune Diop Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs : Rome, 26 mars 1 er avril 1959, tome 1 : L unité des cultures négro-africaines, Présence africaine, n 24-25, 1959

Section 4 Le premier Festival mondial des arts nègres (Dakar, 1 er 24 avril 1966) «L Afrique a rendez-vous avec elle-même» Joachim Paulin, Bingo, avril 1966 Le premier Festival des arts nègres fait écho au combat culturel de Présence Africaine et au congrès de 1959 qui recommandait de concevoir un festival sur le sol africain qui comporterait chants, danse, théâtre et une exposition d art organisée par des Africains pour «démontrer la vitalité et l excellence de la culture africaine». Ce festival devait avoir lieu en 1961 pour fêter la première année d indépendance du Sénégal et symboliser les liens entre les libertés politiques et les libertés culturelles. Finalement, Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal, le prépare à partir de 1963 en s entourant de spécialistes africains et européens. Il crée l Association du Festival mondial des arts nègres, présidée par Alioune Diop, et s associe officiellement avec la France et l UNESCO. Ce festival est le premier grand événement culturel organisé en Afrique par un jeune État indépendant. Il est aussi représentatif de la stratégie politique nationale et internationale de Senghor et révèle clairement ses liens avec la France. Des danses traditionnelles du Mali au concert de Gospel Le programme des spectacles révèle une volonté de présenter des pratiques artistiques aussi bien classiques que contemporaines de l Afrique et de la diaspora : danses et chants folkloriques, concert de Duke Ellington, spectacle de l «American Negro Dance Company», Nuit des Antilles animée par Joséphine Baker, Negro Spiritual, Nuit brésilienne Plusieurs pièces de théâtre à thème historique sont également présentées : Le Spectacle féerique, fresque historique de la traite négrière, La Tragédie du roi Christophe, de Césaire ou encore Les Derniers Jours de Lat Dior, d Amadou Cissé Dia. Les arts d Afrique en Afrique : l exposition «Art nègre : Sources, Évolutions, Expansion» La première exposition d art africain d envergure internationale est présentée au musée dynamique de Dakar, puis au Grand Palais, à Paris, en juin 1966. Organisée par des spécialistes africains et français, elle rassemble des œuvres issues de collections publiques et privées du monde entier. Cette exposition doit permettre d appréhender l art africain d un point de vue esthétique et historique. À Dakar, plus de vingt mille visiteurs viennent admirer des objets de leur patrimoine culturel, conservés en grande partie à l étranger ; au Grand Palais ils seront cinquante mille. La création contemporaine africaine est présentée au Palais de Justice de Dakar dans une autre exposition importante organisée par Iba N Diaye : Tendances et Confrontations. Les artistes afro-américains sont aussi présents lors de ce festival dans Ten Negro Artists from United States. Le colloque «Fonction et signification de l art nègre dans la vie du peuple et pour le peuple» (31 mars 8 avril 1966) Ce colloque présidé par Alioune Diop rassemble des historiens de l art, des anthropologues, des écrivains et des artistes pour débattre des productions artistiques de l Afrique. Les intellectuels européens ne sont plus les seuls à s exprimer sur les arts africains : Paulin Vieyra, Katherine Dunham, Langston Hughes, Wole Soyinka, Engelbert Mveng, Lamine Diakhaté prennent la parole aux côtés de Jean Laude, Michel Leiris, Roger Bastide. Les débats portent sur trois sujets : tradition africaine, rencontre de l art nègre avec l Occident, problèmes de l art nègre moderne. «Nous voici donc dans l histoire [ ] Pour la première fois, un chef d État prend entre ses mains périssables le destin spirituel d un continent.» «Si nous avons assumé la terrible responsabilité d organiser ce Festival, c est pour la défense et l illustration de la négritude.» Léopold Sédar Senghor Cérémonie inaugurale, 30 mars 1966 «Le Festival est un moment crucial pour dire, frères Africains, ce que nous avons depuis toujours à dire, et qui n a jamais pu franchir le seuil de nos lèvres.» André Malraux Cérémonie inaugurale, 30 mars 1966 Amadou Hampaté Bâ Avril 1966 13

14 Chronologie (non exhaustive) politique et littéraire reproduite dans l exposition Les publications de Présence Africaine sont signalées en gras. Année 1900 1901 1902 1903 1908 1909 1910 1912 1914 1918 1919 1920 1921 1922 1923 1924 1925 1926 1927 1929 1930 1931 1932 Événements Londres : naissance du mot «panafricanisme» lors de la première Conférence panafricaine Afrique du Sud : création de l African Political Party Congo : l État indépendant devient le Congo Belge États-Unis : création de la NAACP (Association nationale pour le progrès des gens de couleur) Création et organisation de l AEF (Afrique équatoriale française) Union sud-africaine : fondation du South African Native National Congress (futur ANC). Cuba : soulèvement mené par le Independent Movement of People of Color, répression du gouvernement avec l aide des USA AOF : Blaise Diagne élu député du Sénégal États-Unis : UNIA (Association universelle pour le progrès nègre) fondée par Marcus Garvey France : Premier congrès panafricain organisé par W.E.B. Du Bois à Paris États-Unis : émeutes raciales France : création de la Ligue pour l accession aux droits de citoyens des indigènes de Madagascar par Max Bloncourt et Samuel Stefany États-Unis : UNIA, première Convention internationale des peuples nègres du monde, New York. Déclaration des droits des peuples nègres du monde France : Association panafricaine fondée par le Guadeloupéen Gratien Candace Deuxième congrès panafricain : 28-29 août Londres ; 31 août 2 septembre Paris-Bruxelles Madagascar : fondation de la Ligue pour l accession aux droits de citoyens français Éthiopie : devient membre de la SDN Troisième congrès panafricain à Londres et à Lisbonne Liberia : échec de la fondation d un «grand État noir» par les adeptes de Marcus Garvey France : création de la Ligue universelle pour la défense de la race noire et du journal Les Continents par Kodjo Tovalou Houenou et René Maran Kenya : Jomo Kenyatta fonde la Kikuyu Central Association (KCA) Londres : West African Students Union fondée par le Nigérian Ladipo Solanke (WASU) États-Unis : Marcus Garvey accusé de fraude postale et emprisonné au pénitencier d Atlanta Rome : sacre des six premiers évêques catholiques de couleur (28 octobre) France : Lamine Senghor (Sénégal) fonde le Comité de défense de la Race Nègre Bruxelles : Conférence internationale contre l impérialisme et l oppression coloniale France : Tiemoko Garan Kouyaté (Soudan, Mali actuel) fonde la Ligue de défense de la race nègre États-Unis : Quatrième congrès panafricain à New York Éthiopie : Haïlé Sélassié sacré empereur France : Exposition coloniale à Vincennes États-Unis : début de l affaire des «Scottsboro Boys» Publications Londres : création par Henry Sylvester Williams du mensuel Le Panafricain États-Unis : W.E.B. Dubois publie Les Âmes du peuple noir (A.C. McClurg & Co) États-Unis : la NAACP fonde la revue The Crisis États-Unis : l UNIA fonde le journal The New Negro France : Blaise Cendrars publie Anthologie Nègre (La Sirène) René Maran (Martinique) publie Batouala (Albin Michel, prix Goncourt) États-Unis : Langston Hughes publie «The Negro Speaks of Rivers» dans le magazine The Crisis Exposition d œuvres d artistes noirs-américains à la 135th street Branch of the New York Public Library États-Unis : Claude McKay publie Harlem Shadows (Harcourt Brace) Boston Public Library : exposition spéciale d art et de littérature afro-américains États-Unis : naissance du magazine Opportunity, A Journal of Negro Life, un forum littéraire pour les artistes et les auteurs de la Harlem Renaissance Londres : la pièce The Emperor Jones est montée à Londres avec Paul Robeson dans le rôle principal États-Unis : Alain Locke et Winold Reiss publient des éditions spéciales du Survey Graphic : Harlem, Mecca of the New Negro et The New Negro Magazine Fire!! lancé par Langston Hughes, Wallace Thurman, Zora Neale Hurston, Aaron Douglas et Richard Bruce Nugent Royaume-Uni : Thomas Mofolo (Lesotho) publie Chaka (Sesuto books depot) France : Ho Chi Minh (Vietnam) publie Le Procès de la colonisation française (Librairie du Travail) France : création du journal La Voix des nègres Création du journal La Race nègre (organe mensuel de défense de la race nègre) André Gide publie Voyage au Congo (Gallimard) Haïti : Jean Price-Mars et Jacques Roumain fondent les revues La Trouée et La Revue indigène France : Albert Londres publie Terre d Ébène (Albin Michel) France : création du journal Le Cri des nègres (Organe des travailleurs nègres) France : traduction française de Banjo de Claude McKay (Rieder) France : création de la revue Légitime Défense Création du journal L Étudiant martiniquais Traduction française de Quartier Noir de Claude McKay (Rieder)

1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 1946 Éthiopie : envahie par l Italie New York : émeutes à Harlem Royaume-Uni : création du mouvement International African Friends of Abyssinnia (IAFA) dont les leaders sont Jomo Kenyatta (Kenya), L.R. James (Trinidad), Georges Padmore (Trinidad) Union sud-africaine : lois ségrégationnistes, Representation of Natives Act et Native Trust and Land Act Sénégal : le Parti socialiste sénégalais devient une branche de la SFIO Tchad : Félix Éboué nommé gouverneur France : fondation de l Institut français d Afrique noire (IFAN) Londres : Conférence sur les peuples africains, la démocratie et la paix dans le monde Soudan : arrivée à Khartoum de Haïlé Sélassié, exilé à Londres depuis 1936 Tchad : ralliement de Félix Éboué au général de Gaulle, ralliement de l AEF Brazzaville : création par de Gaulle du Conseil de Défense de l Empire Éthiopie : prise d Addis-Abeba par les Anglais, retour de Haïlé Sélassié Royaume-Uni : mémorandum «La Charte de l Atlantique et de l Afrique Occidentale Britannique» publié par plusieurs journalistes dont Nmamdi Azikiwé (Nigéria). Réclame l application aux colonies africaines du droit des peuples à choisir leur forme de gouvernement Congo : conférence de Brazzaville Kenya : nomination d un Africain au Conseil législatif, formation de la Kenya National Union (KAU) présidée par Jomo Kenyatta Création au Royaume-Uni de la Fédération Panafricaine Maroc : révolte de Sétif, répression sanglante Ghana : West African National Secretariat (WANS) fondée par N Krumah Royaume-Uni : Cinquième congrès panafricain, Manchester France : 29 députés africains participent à l élaboration de la constitution de la IV e République France : africains, malgaches et antillais ont fourni environ 113 000 hommes aux régiments coloniaux entre 1942 et 1945 Soudan français (Mali actuel) : création du Rassemblement démocratique africain (RDA) Londres : WANS organise une Conférence Ouest Africaine, élus français de l AOF présents France : démission du général de Gaulle, états généraux de la colonisation française à Paris, constitution de l Union française, suppression de l indigénat, citoyenneté étendue à tous les habitants de l Union française (loi «Lamine Gueye»), création à l Assemblée de l Intergroupe des élus d outre-mer avec élus d Afrique, des Caraïbes et d Asie sous l impulsion de Gaston Monnerville Aimé Césaire député de la Martinique, Leopold Sédar Senghor député du Sénégal, Alioune Diop sénateur du Sénégal Allemagne : George Padmore (Trinidad) fonde le journal The Negro Worker États-Unis : Claude McKay publie Banana Bottom (Harper & Brothers) Brésil : Gilberto Freyre publie Maîtres et esclaves (Maia & Schmidt) France : cinq poèmes de Léon Gontran Damas (Guyane) paraissent dans la revue Esprit Royaume-Uni : Nancy Cunard publie Negro : An Anthology (Wishart & Co) États-Unis : Zora Neale Hurston publie Jonah s Gourd Vine France : Kouyaté fonde le journal Africa Parution de L Étudiant Noir États-Unis : Zora Neale Hurston publie Mules and Men (J.B. Lippincott Company) Exposition African Negro Art, Museum of Modern Art New York Royaume-Uni : IAFA se transforme en International African Service Bureau (IASB) et crée son journal : International African Opinion France : Léon-Gontran Damas (Guyane) publie Pigments, préface de Robert Desnos (G.L.M. éditeurs) Nigéria : Nnamdi Azikiwé publie Renascent Africa Nnamdi Azikiwé fonde le West African Pilot France : Léon-Gontran Damas (Guyane) publie Retour de Guyane (José Corti) Londres : Jomo Kenyatta (Kenya) publie Facing Mount Kenya (Secker and Warburg) États-Unis : Zora Neale Hurston publie Tell My Horse, étude anthropologique de la culture haïtienne et jamaïcaine (J.B. Lippincott Company) France : censure de Pigments de Léon-Gontran Damas (Guyane), pour atteinte à la sûreté de l État Léopold Sédar Senghor (Sénégal) publie Ce que l homme noir apporte dans la revue L Homme de couleur Aimé Césaire (Martinique) publie Cahier d un retour au pays natal dans la revue Volonté Martinique : Aimé Césaire fonde la revue Tropiques Afrique du Sud : H.I.E. Dhlomo publie Valley of a Thousand Hills (Knox Publishing) France : Albert Camus publie L Étranger (Gallimard) France : parution du bulletin L Étudiant de la France d Outre-Mer à destination des étudiants coloniaux bloqués en France par l occupation allemande Léon-Gontran (Guyane) Damas publie Veillées noires, Contes nègres de Guyane (Stock) États-Unis : Eric Williams Trinidad et Tobago publie Capitalism and Slavery (University of North Carolina) France : Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir fondent Les Temps modernes Léopold Sédar Senghor (Sénégal) publie Chants d Ombre (Seuil) Algérie : Ferhat Abbas publie Manifeste du Peuple algérien (Alger, Imprimerie générale) France : Georges Bataille fonde la revue Critique Boris Vian publie J irai cracher sur vos tombes (éditions du Scorpion) En 1946, la revue Les Cahiers du Sud confie à Pierre Guerre la coordination du numéro spécial «Le Sang noir» Royaume-Uni : Peter Abrahams (Afrique du Sud) publie Mine Boy (Heinemann) 15