PATHOLOGIE MAISONS INDIVIDUELLES DES FONDATIONS SOUVENT TROP SUPERFICIELLES

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Photo AQC MAISONS INDIVIDUELLES DES FONDATIONS SOUVENT TROP SUPERFICIELLES TEXTE : FRANCK GAUTHIER PHOTOS : AQC/THIERRY BEL, FRANCK BÉCHADE/SOCABAT Malgré l existence de plans de prévention des risques de retrait-gonflement des argiles, l entrée en vigueur de la nouvelle réglementation parasismique et des progrès apportés par la marque «NF Maison Individuelle», de sérieux efforts restent encore globalement à faire au niveau de la conception et de la réalisation des fondations superficielles et de la superstructure des maisons individuelles. 36 QUALITÉ CONSTRUCTION N 136 JANVIER / FÉVRIER 2013

Alain Blondeau, expert près la cour d appel de Paris et spécialisé en structures et fondations, explique: «Les trois principales sources de pathologies au niveau des maisons individuelles à fondations superficielles (1) sont une insuffisance au niveau des fondations, les effets de la sécheresse et les conditions d exécution. Beaucoup trop d artisans et de petites entreprises de construction continuent encore de travailler de façon empirique, se basant sur des habitudes et des a priori techniques approximatifs. Avec pour résultat des fondations à trop faible profondeur, certaines d entre elles n étant même pas horsgel (2). Au bout de quelques mois ou de quelques années, l évolution du sol d assise sous le poids de la maison finit par provoquer des dégâts sur ses fondations, qui se répercutent ensuite sur la superstructure.» En ville, certaines de ces constructions peuvent aussi être bâties sur des terrains remblayés, hétérogènes, etc., ce qui ne peut qu aggraver les choses. Illustrations AQC/Thierry Bel L étude de sol ne résout pas tous les problèmes La plupart de ces problèmes résultent de l absence d une étude de sol. Heureusement, les choses é- voluent dans un sens positif. «L étude géotechnique n est pas obligatoire et on ne peut que le regretter. De fortes incitations existent cependant: les constructeurs de maisons individuelles (CMI) qui ont obtenu la marque NF Maison Individuelle sont tenus de faire réaliser une telle étude. Certains assureurs de CMI ou d entreprises consentent une réduction des primes si une ingénierie d étude ou de contrôle est associée au projet: géotechnicien, bureau d études structure, contrôleur technique Certains projets placés sous le PPR retrait-gonflement sont également contraints de faire réaliser une telle étude. On constate que ce sont surtout les sociétés de construction d une certaine taille (CMI, entreprises) qui se lancent dans cette démarche. Cela ne couvre donc qu environ la moitié du marché. Le reste des ouvrages est construit par des artisans et de petites entreprises qui se dispensent le plus souvent de faire une étude géotechnique ou se contentent d une étude de sol trop peu professionnelle, sans analyse de sol en laboratoire. Certes, cela représente un certain budget il faut compter environ 2000 euros pour disposer d une étude sérieuse mais l investissement est gagnant à chaque opération. L adaptation au sol de l ouvrage sera faite sur mesure, ce qui réduit le risque d apparition de désordres futurs, toujours très coûteux à réparer. De plus, dans certains cas, il est possible de réaliser des économies en optimisant les fondations», précise Alain Blondeau. De même, en présence (1) Par maisons à fondations superficielles, on désigne celles qui reposent directement sur le sol ou ne s y enfoncent que légèrement (3 mètres au maximum). Les fondations superficielles les plus courantes sont les semelles filantes qui se trouvent sous les murs porteurs, et les fondations ponctuelles (plots ou dés de fondation) qui se trouvent sous les poteaux. Le radier, qui est une dalle couvrant la totalité de l emprise au sol de la construction, est utilisé si le sol ne peut supporter des charges localisées. (2) Pour éviter que le sol d assise des fondations superficielles ne soit déstructuré par les cycles gel/dégel du sol, son niveau doit être suffisamment profond. Cette profondeur dépend de la zone climatique et de l altitude. En France métropolitaine, le niveau «hors-gel» est généralement compris entre 0,50 et 1 m. Les chiffres de la sinistralité Les fondations superficielles représentent l élément d ouvrage qui consomme la plus grande part du coût total de réparation, tous sinistres et bâtiments confondus, à savoir 12,5 %. Si l on considère uniquement les sinistres en maisons individuelles, cette part atteint près de 25 %. Dans le secteur résidentiel (collectif compris), les désordres de fondations superficielles ayant pour cause la fondation sur sol hétérogène représentent 30 % de l effectif signalé à l AQC ; le coût moyen de réparation associé est d environ 29200 euros. À titre de comparaison, le coût moyen de réparation pour l ensemble des désordres est de 6 100 euros toutes destinations de construction confondues contre 5 790 euros dans le résidentiel. En maison individuelle, la fondation sur sol hétérogène représente 22 % de l effectif et 24 % des coûts de réparation. Le coût moyen associé est de l ordre de 30100 euros. En ce qui concerne les dommages dus à la fondation sur sol argileux, la réparation consomme en moyenne 42 % du coût de construction hors immatériels et frais de gestion. Il tend cependant à baisser sur l ensemble de la période 1995-2011, passant de 56 % (1995-2003) à 41 % (2004-2011). Source : Sycodés, base de données de l AQC contenant les signalements de 340000 expertises construction mandatées dans le cadre de la DO, la RCD et la RC, pour des sinistres dont les coûts de réparation sont compris entre 762 euros et 250000 euros, apparus entre 1995 et 2011. JANVIER / FÉVRIER 2013 N 136 QUALITÉ CONSTRUCTION 37

POUR EN SAVOIR PLUS RÉGLEMENTATION Décret n 2010-1254 du 22 octobre 2010 relatif à la prévention du risque sismique. Décret n 2010-1255 du 22 octobre 2010 portant délimitation des zones de sismicité du territoire français. Arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite «à risque normal». Arrêté du 25 octobre 2012 modifiant l arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de constructions parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite «à risque normal». Circulaire du 11 octobre 2010 aux préfets et relative à la prévention des risques liés au retrait-gonflement des sols argileux, règlement PPRn RGA. TEXTES DE RÉFÉRENCE NF EN 1997-2 Eurocode 7 Calcul géotechnique Partie 2: reconnaissance des terrains et essais (septembre 2007). NF P94-500 Missions d ingénierie géotechnique Classification et spécifications (décembre 2006). NF P11-213 (DTU 13.3) Dallages Conception, calcul et exécution. Partie 3: cahier des clauses techniques des dallages de maisons individuelles (mars 2005). DTU 13.11 Fondations superficielles (mars 1988) et son modificatif 1 au cahier des clauses techniques (DTU P111-211) de juin 1997. DTU 13.12 Règles pour le calcul des fondations superficielles (mars 1998) et son erratum de novembre 1988. Référentiel de certification NF 294 de la marque «NF Maison Individuelle» et «Maison Individuelle associée à la démarche HQE». DOCUMENTATIONS Fiches pathologie bâtiment A.1 et A.2 de l AQC, intitulées «Mouvements de fondations de maison individuelle», consultables sur www.qualiteconstruction.com. Article de la revue Qualité Construction de l AQC, intitulé «Savoir corriger des fondations déficientes» et publié dans le n 129 (novembre-décembre 2011, pages 40 à 46). SITES INTERNET www.argiles.fr: site du BRGM indiquant les zones concernées par les argiles gonflantes. macommune.prim.net: pour avoir des informations sur les risques naturels, commune par commune. Photo Franck Béchade/Socabat 1 L étude de sol ne résout pas tous les problèmes. Lors de certaines visites de chantiers, nous nous apercevons que le constructeur ou le maçon n a pas su interpréter et comprendre les risques relevés dans l étude de sol, quand il ne l a carrément pas ignorée d un terrain en pente, s il existe plusieurs solutions techniques, le recours à un bureau d études spécialisé permet de retenir la mieux adaptée dans l enveloppe budgétaire fixée. «Le recours aux études de sol est devenu plus fréquent depuis une quinzaine d années environ. Les assureurs se montrent plus exigeants au niveau des constructeurs organisés, et la négociation du taux de leur prime se base sur les désordres constatés et les moyens de prévention mis en œuvre. Ils privilégient donc logiquement ceux qui systématisent l étude de sol. Cela constitue une sorte d assurance sur l avenir, mais à la condition expresse que les recommandations du géotechnicien soient bien comprises et suivies d effet», souligne Maurice Armand, consultant technique de l Union des maisons françaises (UMF). «En effet, l étude de sol ne résout pas tous les problèmes. Lors de certaines visites de chantiers, nous nous apercevons que le constructeur ou le maçon n a pas su interpréter et comprendre les risques relevés dans l étude de sol, quand il ne l a carrément pas ignorée. D où les désordres que nous venons expertiser. La norme NF P94-500 qui définit les missions d ingénierie géotechnique est en train d évoluer. Il faudrait que les préconisations communiquées soient plus adaptées aux lecteurs que sont les constructeurs et les maçons Et surtout que les connaissances de base en géotechnique soient plus largement diffusées», ajoute Franck Béchade, expert Socabat. «Il faut aussi savoir s adapter aux cas de figure imprévus. Même si le géotechnicien dit qu il faut creuser à telle ou telle profondeur à tel endroit du terrain, il ne faut pas hésiter à le recontacter si d autres hétérogénéités imprévues se révèlent lors du chantier. Même si cela représente un surcoût», précise Maurice Armand. L hétérogénéité du sol est, en effet, une cause majeure de pathologies. Elle provoque des tassements différentiels qui se traduisent par l apparition de fissures, plus ou moins prononcées, au niveau des murs porteurs périphériques. «En région Provence-Alpes-Côte d Azur (Paca), l hétérogénéité des sols est la principale cause de pathologies au niveau des fondations superficielles. Mais la solution 38 QUALITÉ CONSTRUCTION N 136 JANVIER / FÉVRIER 2013

2 Illustration AQC/Thierry Bel classiquement recommandée de descendre uniformément à 80 cm de profondeur, voire davantage dans certains cas, ne résoudra pas tous les problèmes de sol. Les solutions-types ont, par définition, leurs limites. Il sera préférable de creuser plus profondément à certains endroits et peut être moins à d autres pour s adapter au mieux à la nature hétérogène du sol», analyse Maurice Armand. Consulter le PPR et le comprendre Les constructions sur des sols argileux, notamment ceux composés de smectites et de montmorillonite, peuvent engendrer des mouvements différentiels. Sous l effet de la dessiccation, l argile voit son volume fortement diminuer. Mais ce n est pas le seul problème. Les mouvements du sol ne sont pas uniformes sous la maison: en effet, l argile située sous la zone centrale de la maison est relativement protégée de la sécheresse, contrairement à celle se trouvant à sa périphérie, d où des mouvements différentiels, générateurs de fissures. La trop grande proximité d une végétation ayant d importants besoins en eau (chênes, peupliers, saules ) peut aussi aggraver ce processus. «Il ne faut pas toutefois se focaliser uniquement sur les arbres à hautes tiges. Même les haies en limite de propriété doivent respecter la règle d éloignement de 1,5 fois la taille de la végétation de toute construction sur un terrain sensible», précise Franck Béchade. Après une période suffisamment pluvieuse, l effet opposé de gonflement de l argile peut aller jusqu à refermer les fissures. Ce qui peut aussi poser de nouveaux problèmes, cette fois-ci au niveau des réparations effectuées «Depuis quelques années, les constructeurs et les maçons ancrent mieux les fondations : autour de 80 cm de profondeur avec trois rangs de parpaings. C est la solution a minima en prévention du retraitgonflement des argiles dans les zones d aléas faible et moyen de la carte argiles.fr du BRGM», signale Franck Béchade. Au niveau national, il existe un plan de prévention des risques naturels des mouvements de terrain liés au retrait-gonflement des argiles (PPRn RGA). «Il doit normalement être transposé au niveau des départements puis de chaque commune argileuse à risque. Mais cette démarche a pris du retard : pour l instant, environ 1200 mairies seulement ont approuvé le PPRn De plus, les préconisations du règlement PPRn pour les projets neufs ne sont pas assez explicites pour le maçon moyen. Il faudrait prévoir un document d accompagnement avec des fiches pratiques pour illustrer ces préconisations de mise en conformité des maisons existantes. La loi sur les catastrophes naturelles est également en cours de refonte avec notamment un volet qui concernera les projets neufs. Jusqu à présent, le particulier, le lotisseur ou le constructeur en diffus pouvaient vendre un terrain sans aucune indication sur les caractéristiques du sol. Avec cette réforme, une sorte de carte d identité du terrain sera fournie sur la base d éléments de reconnaissance du sol et son environnement» explique Franck Béchade. 1 La bande de pelouse grillée montre la zone d influence de la succion des racines de la haie, sur 1,5 fois sa hauteur. 2 Synthèse des mesures forfaitaires prim.net et de la circulaire aux préfets pour la prévention du risque RGA du 11 octobre 2010. JANVIER / FÉVRIER 2013 N 136 QUALITÉ CONSTRUCTION 39

3 Photos Franck Béchade/Socabat 4 Il serait assez facile de diviser par deux le nombre de sinistres en cessant d ignorer l importance de certains phénomènes pouvant apparaître comme mineurs à première vue: des regards fuyards, une absence de drain Toujours faciliter l évacuation des eaux «Il serait assez facile de diviser par deux le nombre de sinistres en cessant d ignorer l importance de certains phénomènes pouvant apparaître comme mineurs à première vue: des regards fuyards, une absence de drain Bref, de l eau qui stagne au pied des fondations, en plus ou moins grande quantité, plus ou moins durablement, et qui, peu à peu, change localement la consistance du sol. Cela peut mettre des années. Ainsi, un simple regard fuyard à 15 euros peut finir par ruiner une maison à 100000 euros», souligne Franck Béchade. En effet, une hydratation accidentelle du sol va plastifier les argiles, d où la perte de portance locale et le mouvement différentiel de la construction. Il faut également se méfier de certains travaux réalisés à proximité d une maison. «Les tranchées pour l implantation ou la rénovation des réseaux, par exemple, peuvent entraîner dans certains cas un apport d eau localisé et profond qui peut déstabiliser le sol» explique Alain Blondeau. «Si le terrain de fondation est peu perméable (argile, limon ), les eaux d infiltration peuvent venir s accumuler le long d un ou plusieurs murs enterrés. La réalisation d un drain périphérique est donc indispensable, mais cela ne suffit pas. Il faut s assurer du maintien de son bon fonctionnement au fil du temps: il ne doit pas se boucher, l exutoire naturel ou artificiel (égout) doit toujours rester opérationnel, et si l eau de drainage est amenée vers une fosse, la pompe d exhaure ne doit pas être défaillante», rappelle Alain Blondeau, qui souligne aussi le paradoxe des drains dans les sols sensibles au retrait-gonflement qui doivent être éloignés des ouvrages de fondations. «Sur les terrains en pente, par définition on se méfie, donc le problème est le plus souvent traité. C est plus rarement le cas en terrain plat alors qu il s y crée des zones de rétention d eau. L eau descend le long du mur de soubassement et arrive sur la fondation. Il faut donc absolument drainer autour de la maison. S il n y a pas d exutoire opérationnel, l humidité stagne. L eau doit pouvoir sortir faute de quoi la fondation va se transformer en 40 QUALITÉ CONSTRUCTION N 136 JANVIER / FÉVRIER 2013

Photos Franck Béchade/Socabat 5 6 bassin de rétention, en véritable piège à eau qui va amplifier les variations hygrométriques», précise Maurice Armand. «Le bon sens impose une bonne gestion de l eau avant, pendant et après le chantier. Il faut laisser l eau passer, ne pas la retenir mais, au contraire, faciliter son parcours. Réaliser une tranchée n est pas sans risque: sur certains chantiers, elle est à contre-pente, ce qui aggrave plutôt la situation! Certaines cunettes aussi sont mal réalisées: avec un élément de coffrage de chaque côté, elles ont des rebords trop élevés qui font que l eau contourne la cunette ou est piégée par elle D une manière générale, les solutions les plus simples sont souvent les plus fiables. Et dans tous les cas de figure, il faut prévoir des solutions visibles ou visitables, avec des regards pour voir ce qui se passe et intervenir rapidement, si nécessaire». «Attention aussi au déroulement du chantier de construction : lors de travaux pendant l hiver, le dessous de la maison peut facilement se transformer en piscine. Si rien de particulier n est fait et que la construction reprend ensuite, la maison se fissurera probablement dès la première année», explique Franck Béchade. «Travailler dans la boue n est jamais une bonne solution Si le vide sanitaire se remplit en phase travaux, il se remplira à nouveau à l avenir dès qu il pleuvra. Il faut donc prévoir une sortie pour évacuer l eau en phase chantier, sortie qui sera conservée ensuite», ajoute Maurice Armand. Dans certaines régions comme par exemple la région Paca, la plupart des maisons ne disposent pas de gouttières pour évacuer les eaux pluviales en provenance du toit. «Il faut donc savoir gérer l eau qui arrive au pied du mur. Le plus simple est de regarder, d observer l endroit où elle a tendance à s évacuer naturellement par ruissellement. Il faut, en quelque sorte, se mettre à la place de l eau et se demander par où il sera, pour elle, le plus facile de passer. Et d adapter la solution retenue en conséquence. Au final, l idée d un trottoir périphérique tout autour de la maison n est pas toujours une bonne idée. S il n est pas parfaitement solidarisé avec la façade, l eau va s infiltrer à la jonction entre les deux. Dans certains cas, s il est mal réalisé par exemple, une contre-pente peut même ramener l eau contre la façade», précise Maurice Armand. Davantage rigidifier la maison «En ce qui concerne les dallages sur terre-plein, la dernière version du DTU 13.3 (norme NF P11-213), publiée en 2005, préconisant des renforts métalliques et des essais à la plaque, a fait progresser les choses», explique Franck Béchade. «Le prix d un dallage conforme à ces nouvelles dispositions s approche de celui d un plancher sur vide sanitaire. Cette dernière solution apporte de la rigidité et des charges sur les fondations, qui rendent la construction moins sensible au gonflement des argiles», souligne Franck Béchade. L entrée en vigueur de la nouvelle réglementation parasismique (3), qui tend à rigidifier les maisons, va améliorer leur comportement vis-à-vis des mouvements de sols d une manière générale, et devrait réduire le nombre de pathologies. «Cela éliminera l effet des petits tassements et va différer 3 Regard fuyard et dommage sur terrasse. 4 Auréole de diffusion de l eau à l intérieur du vide sanitaire derrière le regard. 5 et 6 À l extérieur: absence d éloignement des eaux durant le chantier (photo de gauche). À l intérieur: le vide sanitaire se transforme en piscine (photo de droite). (3) L entrée en vigueur de la nouvelle réglementation parasismique vient d être reportée au 1 er janvier 2014 par l arrêté du 25 octobre 2012. JANVIER / FÉVRIER 2013 N 136 QUALITÉ CONSTRUCTION 41

Les fondations d un bâtiment en construction doivent descendre au niveau de celles du bâtiment voisin existant. Autre possibilité: les fondations du bâtiment voisin peuvent être descendues, par une reprise en sous-œuvre, au niveau du bâtiment en construction Fissuration verticale à la jonction de deux maisons mitoyennes non harpées entre elles et sans joint de rupture à la suite du tassement d une des deux constructions. la date d apparition des sinistres des mouvements différentiels importants», commente Franck Béchade. «Les ferraillages des maisons individuelles souffrent de malfaçons chroniques: le défaut de continuité des armatures des ouvrages en béton armé (liaisons semelle/chaînage vertical, chaînage vertical/chaînage horizontal ). Cent cinquante euros d équerres de renforts suffisent pour assurer la transmission des efforts de traction à ces différents nœuds», ajoute-t-il. Attention aux modifications ultérieures Dans le cas d une mitoyenneté avec un bâtiment existant, les charges reportées d une construction à l autre peuvent être gênantes. «Les fondations d un bâtiment en construction doivent descendre au niveau de celles du bâtiment voisin existant. Autre possibilité: les fondations du bâtiment voisin peuvent être descendues, par une reprise en sous-œuvre, au niveau du bâtiment en construction», rappelle Maurice Armand L extension d une maison existante peut elle aussi poser problème, surtout si la maison est ancienne. «Les systèmes constructifs sont le plus souvent différents et la liaison entre les deux parties souvent ratée. Si elle est très forte entre les deux parties du bâtiment et qu ils évoluent de façon différente, une fracture se produira entre les deux et se répercutera au-delà du scellement. Si la liaison est fragile, une cassure anarchique se produira et se répercutera aussi sur le second œuvre (huisserie, revêtements ). La bonne méthode consiste tout simplement à prévoir un joint de rupture entre les deux parties et une dissociation plus marquée», explique Alain Blondeau. La création d une terrasse ne s improvise pas non plus. En effet, l ajout d une plate-forme contre une façade crée une surcharge parasite excessive au droit de la semelle du mur. D où un risque de tassements différentiels et de fissurations. Risque auquel peut s ajouter celui de la formation d une contre-pente ramenant les eaux pluviales collectées par la terrasse à sa jonction à la façade Photo AQC 42 QUALITÉ CONSTRUCTION N 136 JANVIER / FÉVRIER 2013