Cours de formation postgraduée et continue de la SSMI 1 / 5 La ChauxdeFonds, 56.11.2008 Urticaire : quel bilan au cabinet? «Docteur, j ai une allergie» Dr Cédric DERUAZ, FMH médecine interne, FMH allergologie et immunologie clinique Tout ce qui est rouge et qui gratte n est pas de l urticaire! urticaire = lésion cutanée stéréotypée: papules érythémateuses et oedémateuses monomorphe, fugace (moins de 24h, sans laisser de trace), migratrice / mobile, prurigineuse aspect classique = piqûre d'ortie (urtica) le nombre, la taille, la forme, la couleur, la localisation peuvent être très variables les "plaques" peuvent confluer ou non, avoir des contours arrondis ou polycycliques l'éruption étant éphémère (même si de nouvelles plaques peuvent survenir parfois "en continu", une lésion individuelle ne dure pas plus de 24h), des photographies seront souvent utiles l'urticaire profonde s'étendant dans l'hypoderme donne un aspect typique d'angiœdème ou œdème de Quincke et peut persister plus longtemps (48 à 72 h) 4050% des patients associent urticaire et angiœdème, 40% urticaire seule, 1020% angiœdème seul un angiœdème isolé doit évoquer une étiologie particulière: intolérance aux IECA, déficit en C1 inhibiteur même si l'urticaire est une lésion cutanée très fréquente (1225 % de la population présentera au moins un épisode au cours de son existence), tout "bouton rouge" n'est pas de l'urticaire diagnostic différentiel de l'urticaire: o maladie avec lésion d urticaire atypique (dans certaines classifications font partie des urticaires): vasculites urticariennes (lésions qui durent plus de 48h, avec aspect purpurique persistant, biopsie avec signe de vasculite, peut s inscrire dans le cadre d une maladie systémique, en particulier le lupus érythémateux systémique) mastocytoses (mastocytose maculeuse éruptive ou urticaire pigmentaire: amas de mastocytes sous forme de maculopapules rougeviolacé à brun, la friction déclenche une lésion urticarienne = "signe de Darier") o affections cutanées pouvant comporter une composante d'urticaire à un certain stade: eczéma au stade initial (surtout au visage) érythème polymorphe dermatite herpétiforme pemphigoïdes mucinose folliculaire ortiée o lésions pouvant être confondues avec de l'urticaire: réactions aux piqûres d'insectes (avec ou sans surinfection) exanthèmes maculopapulaires (durent plus longtemps (des jours), fixes, moins œdématiés), peu prurigineux (infectieux, souvent viraux) ou prurigineux (éruptions médicamenteuses) dermatite atopique et autres eczémas pityriasis rosé lucites o maladie ou syndrome comportant des lésions d urticaire (syndromes rares!): affections autoinflammatoires médiées par la cryopyrine (urticaire familiale au froid, syndrome de MuckleWells, CINCA syndrom (chronic infantile neurologic cutaneous articular) syndrome de Schnitzler (avec gammapathie) syndrome hyperigd
Cours de formation postgraduée et continue de la SSMI 2 / 5 La ChauxdeFonds, 56.11.2008 Toute urticaire n est pas allergique! l'aspect clinique (à l'anamnèse et au status) de l'urticaire donne des pistes étiologiques et guide le bilan (cf. tableau) d'autres éléments anaphylactiques (angiœdème pharyngolaryngé avec dysphagie, dysphonie et dyspnée haute, asthme bronchique, troubles digestifs (crampes, diarrhées, vomissements), lipothymie et syncope) font recourir à un traitement d'urgence spécifique et doivent faire penser à une allergie ou une pseudoallergie. Un bilan spécialisé est en général nécessaire pour identifier ou confirmer le facteur déclenchant et proposer les évictions nécessaires et donner les instructions pour un traitement d'urgence autoadministré. une urticaire qui récidive pendant plus de 6 semaines est une urticaire chronique urticaire aiguë = ¾ des cas dont ¾ des origines retrouvées urticaire chronique = ¼ des cas dont ¼ des origines retrouvées même dans l'urticaire aiguë, seule une faible proportion est liée à une allergie vraie, la plupart des cas étant en relation avec des infections souvent potentialisés par la prise de médicament, sans qu'il s'agisse d'allergie médicamenteuse. dans l'urticaire chronique, selon les études 1 à 10% des u. chroniques ont une relation avec un aliment ou un médicament, le mécanisme étant soit une allergie vraie (lié à un IgE) soit une pseudoallergie (intolérance). 1 à 2% étaient en rapport à une maladie systémique (vasculite, thyroïde, lupus érythémateux disséminé, autre connectivite, paraprotéinémie). la découverte d une éventuelle cause est surtout guidée par l anamnèse : date de début de la maladie (donc durée générale), fréquence et durée des poussées, variation au cours de la journée, forme, taille et distribution, angiœdème associé, symptômes associés (prurit, douleur, brûlure, ), anamnèse familiale, problèmes antérieurs ou actuels d'allergie, d'infection, de maladie systémique, poussées induites par des agents physiques ou l'exercice, emploi de médicaments (AINS, injection, vaccination, hormones; sans oublier: suppositoires, gouttes oculaires, vente libre et médecine alternative), aliment, professionnel, hobbies, relation avec les weekends, les vacances, les voyages à l'étranger, implant chirurgicaux, piqûres d'insectes, relation au cycle menstruel, réponse aux traitements antérieurs, stress, qualité de vie. un examen clinique général est nécessaire à la recherche d'autres lésions cutanées, d'adénopathie, de signe de dysthyroïdie, de piste pour une infection, pour des signes d'atteinte articulaire, neurologique, respiratoire, digestive, actuellement, les recommandations proposent de ne pas effectuer de bilan de laboratoire de routine; le bilan doit être guidé par la clinique (cf. tableau). Pour l'urticaire chronique, une formule sanguine complète (FSC), une vitesse de sédimentation (VS) ou une CRP sont un bilan admis mais qui n'est que rarement utile. traitement: si une origine ou un facteur aggravant ont pu être identifiés, l'éviction est nécessaire. Sinon le traitement repose sur les antihistaminiques de type antih1 de seconde génération (cétirizine (Zyrtec) et lévocétirizine (Xyzal), féxofénadine (Telfast), loratadine (Claritine) et desloratadine (Aerius)). Les dosages peuvent être augmentés à 4 prises/j en combinant les molécules. L'adjonction de doxépine, d'antih2 ou d'antileucotriène peut parfois apporter un bénéfice supplémentaire. Les corticoïdes oraux n'ont aucune place dans le traitement à long terme des urticaires chroniques, mais peuvent soulager une poussée particulièrement intense. D'autres immunosuppresseurs ont été tentés. en dehors de l'anaphylaxie, le pronostic est sans gravité, même si la qualité de vie est fortement atteinte. Globalement les u. chroniques physiques présentent moins de rémission que les u. idiopathiques (à 1 an 16% versus 47%). A 5 ans, 80% n'auront plus d'urticaire.
Cours de formation postgraduée et continue de la SSMI 3 / 5 La ChauxdeFonds, 56.11.2008 Classification des urticaires, adapté de 1., 6. et 7. type %age des u. facteurs déclenchant caractéristiques investigations de base investigations complémentaires chroniques urticaires spontanées (ou ordinaires) u. aiguë na moins de 6 semaines pas de bilan, sauf bilan allergologique si dans le cadre d'une anaphylaxie, sinon uniquement si fortement suggéré par l'histoire du patient u. chronique formes idiopathiques: 5080% tous les jours ou presque tous les jours, pendant plus de 6 sem. u. physiques 1530% u. au froid acquise 2% air/eau/vent/aliment/objet froid, en fait chute de la température F > H, jeunes adultes u. retardée à la pression 0.5% pression verticale souvent urticaire profonde, survenant après 3 8 h et durant jusqu'à 48 h, svt port de charge, paumes, plantes; H 2 : 1 F, vers 30 ans u. à la chaleur (localisée) 0.2% chaleur localisée, température critique variable (3850+C) petites papules périfolliculaires avec halo, survient en 25 min, dure 1 h; existe souvent une période réfractaire pouvant aller jusqu'à 24h u. solaire 0.5% UV et/ou lumière visible éruption quasi immédiate, dure 15 min 3 h; tolérance transitoire; F > H, jeunes adultes. dermographisme ou urticaire factice 810% forces de cisaillement, de friction apparition en 15 min, svt linéaire, dure 30 min; c/o les jeunes adultes u. vibratoire très rare vibration (p. ex. marteau piqueur) érythème prurigineux immédiat, puis œdème 6 h après. autres urticaires u. aquagénique 0.2% eau éruption souvent fine (tête d'épingle) sur fond érythémateux; survient en 30 min, dure 2090 min; F 5 : 1 H, jeunes u. cholinergique (ou à la chaleur généralisée) u. de contact 1% u. anaphylaxie induite par l'exercice 15% augmentation de la température corporelle (bain chaud, sudation, exercice, stress, épices, alcool) immunologique: latex, farine, animaux, cosmétiques, nonimmunologique: animaux (méduses, chenilles), végétaux (ortie, algues, cactus, térébenthine, ), éruption souvent fine (tête d'épingle) en semis sur fond érythémateux; survient en 30 min, dure 2090 min survient en dans la ½ h et dure 12 h (sauf si le contact se poursuit!) formule sanguine complète avec répartition des GB (FSC), vitesse de sédimentation (VS) / CRP test au glaçon et autres provocation par le froid (avec recherche du seuil) provocation (0.21.5 kg/cm 2 10 à 30 min) (p. ex. sac à dos chargé) lecture 30 min, 6 h et 24 h provocation à la chaleur (éprouvette chauffée) (avec recherche du seuil) provocation aux UV test par frottement avec pointe mousse provocation 515 min, lecture immédiate et à 6 h provocation (habits mouillés à la température corporelle 20 min) exercice ou bain chaud prick ou patchtests, lecture à 20 min exercice physique éventuelle provocation (avec précaution et en milieu de réanimation), avec ou sans prise alimentaire avant angiœdème isolé pour l'angiœdème lié au C1 inhibiteur: infections, pression, chirurgie vasculite urticarienne lésions qui durent plus de 48h, avec aspect purpurique persistant éviction de l'iec, dosage complément C4 autoanticops antithyroïdiens, fonction thyroïdienne, les autres analyses sont dictées par la clinique: recherche d'une allergie, autoanticops antinucléaire, tests physiques, tryptase, régime d'éviction (aliment et médicament) pendant 3 semaines, biopsie cutanée FSC, VS / CRP, cryoglobuline, exclure une infection exclure autres photodermatoses FSC, VS / CRP recherche d'ige spécifique si C4 abaissé, tests du C1inhibiteur (quantitatif, fonctionnel) biopsie, FSC, VS / CRP, anticorps antinucléaires, ANCA, compléments C3 et C4, tests hépatiques et rénaux, électrophorèse des protéines
Cours de formation postgraduée et continue de la SSMI 4 / 5 La ChauxdeFonds, 56.11.2008 Recommandation pour référer au spécialiste, tiré de 8.
Cours de formation postgraduée et continue de la SSMI 5 / 5 La ChauxdeFonds, 56.11.2008 Références (les liens Internet permettent un accès direct aux articles) : 1. Zuberbier T, et coll. EAACI/GA2LEN/EDF guideline: definition, classification and diagnosis of urticaria. Allergy. 2006 Mar; 61(3):31620. Review. PMID: 16436140 www.eaaci.net/media/pdf/d/1119.pdf 2. Zuberbier T, et coll. EAACI/GA2LEN/EDF guideline: management of urticaria. Allergy. 2006 Mar; 61(3):321 31. Review. PMID: 16436141 www.eaaci.net/media/pdf/m/1122.pdf 3. Société française de dermatologie. Conférence de consensus Prise en charge de l urticaire chronique janvier 2003 www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/urticaire_long.pdf 4. Grattan CE, Humphreys F; British Association of Dermatologists Therapy. Guidelines and Audit Subcommittee. Guidelines for evaluation and management of urticaria in adults and children. Br J Dermatol. 2007 Dec;157(6):111623. PMID: 18021095 www.bad.org.uk/healthcare/guidelines/urticaria_and_angiodema_(2007).pdf 5. Powell RJ, et coll; British Society for Allergy and Clinical Immunology (BSACI). BSACI guidelines for the management of chronic urticaria and angiooedema. Clin Exp Allergy. 2007 May; 37(5):63150. PMID: 17456211 www3.interscience.wiley.com/cgibin/fulltext/117999973/pdfstart 6. Schmied C. Urticaires, in Saurat JH et coll., Dermatologie et infections sexuellement transmissibles, 4ème édition, Masson, Paris, 2004. 7. Wüthrich B, et coll. Urticaires physiques: clinique, diagnostic et traitement. Swiss Med Forum 2006 ; 6 :215 24 www.medicalforum.ch/pdf/pdf_f/2006/200609/200609089.pdf 8. American Academy of Allergy, Asthma & Immunology. Consultation and referral guidelines citing the evidence: how the allergistimmunologist can help. J Allergy Clin Immunol 2006 Feb; 117(2 Suppl Consultation):S495523. PMID 16553071 http://download.journals.elsevierhealth.com/pdfs/journals/0091 6749/PIIS0091674905025790.pdf 9. Kozel MM, et coll. Evaluation of a clinical guideline for the diagnoses of physical and chronic urticaria and angioedema. Acta Derm Venereol. 2002;82(4):2704. PMID: 12361131