E2. Aux grandes échelles de temps La plus grande difficulté pour connaître la composition atmosphérique et les différentes composantes climatiques sur des grandes échelles est le manque d indices, de traces restant de ces anciennes conditions. E2.a EVOLUTION DE L ATMOSPHERE i. Connaître l atmosphère primitive La Terre s est formée il y a 4,5 Ga par accrétion de poussières stellaires de composition chondrititques. Les chocs engendrés par les collisions entre particules ont libéré assez d énergie pour entraîner la fusion et le dégazage de la planète en formation. Doc 1 Formation des météorites et de la Terre L analyse des chondrites qui tombent actuellement sur Terre permet de connaître la composition de l atmosphère primitive. En effet, les CHONDRITES n ayant pas subi de différenciation, elles renferment tous les éléments constituant la «protoplanète Terre» et dans des proportions similaires. Leur composition chimique est le reflet de la composition chimique moyenne de la Terre. Le dégazage des chondrites en laboratoire permet d en extraire des éléments volatils dans des proportions comparables à celles composant l atmosphère primitive. Le dégazage ayant eu lieu il y a 4,5 Ga se poursuit (de façon moindre) actuellement. Les roches volcaniques d origine profonde renferment des inclusions fluides, sorte de bulles emprisonnées dans des minéraux. Les gaz qu elles renferment n ont pas été en contact avec l atmosphère actuelle. L analyse des gaz chondritiques et volcaniques permet d approximer la composition de l atmosphère primitive. 3
ii. Composition gazeuse de l atmosphère primitive et actuelle L atmosphère primitive est essentiellement constituée d H2O (à l état de vapeur) et de CO2. Elle ne contient pas d O2. L atmosphère actuelle est caractérisée par sa richesse en O2 et N2, alors que H2O et CO2 largement minoritaires Gaz chondritiques Gaz volcaniques Atmosphère actuelle H2O 80 83 < 1 CO2 20 12 0.04 N2 1 5 78 O2 0 0 21 Doc 2 Composition gazeuse en pourcent des gaz chondritiques, des gaz volcaniques et de l atmosphère actuelle iii. Réservoirs La composition actuelle et passée de l atmosphère est le résultat d interactions permanentes entre les quatre réservoirs terrestres : atmosphère, hydrosphère, géosphère et biosphère. Les éléments présents dans les différents réservoirs sont engagés dans des cycles biogéochimiques où ils alternent les phases solubles, gazeuses, liquides ou solides. 4
E2.b EVOLUTION DU DIOXYGENE ATMOSPHERIQUE i. Les roches sédimentaires comme indicateur de la présence d O2 Les roches sédimentaires sont de bons indicateurs du milieu (atmosphérique/océanique) dans lequel elles se sont formées. La présence d oxyde de fer, comme l HEMATITE, est caractéristique d un milieu oxydant, donc riche en O2. La présence de fer rubané ("banded iron formation" ou BIF en Anglais) témoigne de production localisée d O2 dans les océans entre -3,5 et 2,2 Ga. Les fers rubanés sont des roches formées de lits d'hématite (Fe2O3) alternant avec des lits de silice (SiO2) plus ou moins colorés par l'hématite. L'hématite, normalement grise, devient rouge lorsqu'elle est oxydée (oxydes ferriques Fe 3+ ). Après -2,2 Ga, les paléosols retrouvés sont riches en hydroxydes ferriques (ions Fe 3+ ) qui ont précipité sur place. Ces paléosols ont une couleur rouge caractéristique et témoignent d une atmosphère oxydante. ii. Evolution de la concentration atmosphérique d O2 La présence de stromatolithes fossiles datant de 3.5 Ga démontre que la production d O2 est d origine photosynthétique. Toutefois, il y a un décalage entre la présence de ces organismes et l apparition d une atmosphère oxydante 1Ga plus tard. Jusqu à 2 Ga, la forte activité volcanique et hydrothermale sature l océan de ions ferreux solubles (Fe 2+ ). La production d O2 étant alors localisées dans des lagunes confinées, il est immédiatement piégé par l oxydation de fer qui précipite sous forme d oxydes ferriques. Ce n est que lorsque tout le fer des océans a précipité que l O2 se répand dans les océans et diffuse dans l atmosphère. 5
E2.c EVOLUTION DU DIOXYDE DE CARBONE ATMOSPHERIQUE La concentration de CO2 atmosphérique a varié de 85% à 0.04%. Le CO2 atmosphérique provient essentiellement du volcanisme. Si celuici a varié au fil des années, il n est jamais devenu inférieur aux valeurs actuelles. La diminution de CO2 atmosphérique s explique donc par sa séquestration dans les autres réservoirs terrestres. L essentiel du CO2 atmosphérique constituant l atmosphère primitive se trouve actuellement stocké sous forme de carbonates (27.106 GT de carbone) et de roches carbonées (7.106 GT de carbone). Ces roches de la lithosphère constituent donc des réservoirs de carbone. i. Intégration dans l hydrosphère Lorsque la température terrestre est descendue en dessous de 100 C, l eau s est condensée formant les fleuves et les océans. Le cycle de l eau s est dès lors mis en place, mu par l énergie solaire. Les grosses précipitations à l origine de l hydrosphère ont emporté le CO2 atmosphérique très soluble. Cette eau de pluie chargée en CO2 dissous induit une altération des roches (silicates, carbonates, ), conduisant au lessivage de certains atomes. Dans le cas des silicates calciques par exemple, les ions calciums sont lessivés et précipitent par la suite avec les ions hydrogénocarbonates en calcaire. [1] CaSiO3 + H2O + 2 CO2 à SiO2 + Ca 2+ + 2 HCO 3- [2] Ca 2+ + 2 HCO 3- à CaCO3 + H2O + CO2 ii. Intégration dans la biosphère et géosphère è Analyser des documents 1. A parti des documents ci-dessous expliquer pourquoi le CO2 atmosphérique était irréversiblement transféré de l atmosphère à la biosphère puis à la géosphère entre 3.5 et 2.5 Ga. Doc 1 Les premières formes de vie sur Terre 6
Doc 2 Echanges de CO 2 entre l atmosphère et la biosphère Doc 3 Stromatolites Les stromatolites sont des structures en couches résultant de l activité de cyanobactéries et d un piégeage de particules sédimentaires. Ils se forment en milieu marin côtier. Les éléments a et b présentent la croissance verticale des filaments de cyanobactéries le jour, avec piégeage de sédiments et précipitation des carbonates. c présente la croissance horizontale des filaments d autres bactéries la nuit et fixation des particules. Doc 4 Processus chimiques à l origine de la croissance des stromatolites La croissance en couches successives d un stromatolite, outre le dépôt et le piégeage mécanique de particules sédimentaires par les filaments bactériens, est la conséquence : 1. de la solubilisation du dioxyde de carbone atmosphérique dans l eau 2. de la dissolution du dioxyde de carbone qui donne des ions hydrogénocarbonates (HCO 3 - ) 3. de la précipitation biochimique du carbonate de calcium (CaCO 3 ) formant un ciment calcaire à partir des hydrogénocarbonates (HCO 3 - ) et des ions calcium (Ca 2+ ) 4. de la photosynthèse des cyanobactéries 7
Dans un écosystème en équilibre, la biomasse produite est stable. Le CO2 absorbé par la biomasse par photosynthèse est restitué à l atmosphère par la respiration et la fermentation. Toutefois, il y a eu plusieurs épisodes où une partie du CO2 n est pas restitué à l atmosphère car soustrait à la minéralisation. Les êtres vivants sont donc les principaux responsables de la séquestration du carbone. Ils réduisent le CO2 atmosphérique sous forme de molécules organiques au cours de la photosynthèse (intégration à la biosphère) et le transforme aussi en carbonates (stromatolites, récifs coralliens, tests, ). A la mort de ces organismes, une partie de ces carbonates échappe à la dissolution, sédimente et constitue les roches calcaires (intégration à la géosphère). Avant 600 Ma Jusque 600 Ma, les cyanobactéries sont plus ou moins les seuls êtres vivants sur Terre. Les lamines calcaires présentes dans les stromatolites sont dues à la précipitation de carbonate de calcium lors de l activité photosynthétique des cyanobactéries. En effet, la consommation de CO2 lors de la photosynthèse déplace l équilibre de la réaction ci-dessous vers la droite et entraîne la précipitation de calcaire : [2] Ca 2+ + 2 HCO 3- à CaCO3 + H2O + CO2 Les lamines sombres sont riches en matière organique provenant des cyanobactéries. L alternance des lamines est liée à une alternance de périodes favorables ou défavorables à la photosynthèse. Les réactions d oxydation étant impossibles en l absence d oxygène et d organismes décomposeurs, le carbone allait irréversiblement de l atmosphère vers les sédiments. Il n existait pas encore de cycle de carbone. Après 500 Ma A partir de 500 Ma, il y a une grande diversification de la vie dans les océans, puis la conquête des continents par les végétaux au Silurien (440 à 420 Ma). Au Carbonifère (360 à 300 Ma), la teneur en CO2 diminue donc fortement alors que la teneur en O2 augmente. Ceci est du à l apparition de végétaux vascularisés lignifiés. Aucun organisme décomposeur capable de dégrader la lignine n existant alors à cette époque, une grande partie de ces végétaux a été enfouie (gisement de charbon). Les forêts du carbonifère fonctionnent donc comme des puits à carbone. De plus, cette période correspond à un contexte tectonique au cours duquel de nombreux bassins subsidents fonctionnent comme de véritables pièges à sédiments riches en matière organique, à l origine de nombreux gisements de charbon. A la fin du Carbonifère, ces tendances s inversent. 8
E2.d DETERMINATION DU PALEOCLIMAT - PRINCIPE D ACTUALISME Pour connaître les climats de régions à différentes époques, on se base sur l étude des roches et des fossiles en appliquant le PRINCIPE D ACTUALISME : Les observations effectuées aujourd hui et les lois qui en découlent sont applicables aux différentes époques géologiques (paléoclimat). Appliqué aux êtres vivants, ce principe suppose que les espèces fossiles avaient des exigences écologiques semblables aux espèces qui leur sont proches actuellement. Appliqué aux roches, ce principe suppose que les conditions de formation des roches sédimentaires dans le passé sont les mêmes qu aujourd hui. Ces roches nous permettent de retrouver les conditions de leur formation. Cette méthode permet au géologue, à partir de certaines roches sédimentaires, de reconstituer les conditions climatiques passées. è Analyser des documents Doc 5 Fossile de Lepidodendron, 300 Ma, France Doc 6 Tronc d une fougère > arborescente actuelle de la Réunion Doc 7 Polypiers fossiles dans calcaires urgoniens, 115 Ma, Sud-est de la France Ces roches sédimentaires contiennent de nombreux fossiles (polypiers). Doc 9 Carte de répartition des sols latéritiques dans le monde actuellement Les latérites sont des sols rouges, Lorsqu ils contiennent de l alumine on les appelle bauxite. Doc 8 Polypiers actuels Les récifs coralliens sont des constructions calcaires dues à des animaux marins, les Scléractinaires, en symbiose avec des algues marines, les zooxanthelles. 9
Doc 10 Mine de bauxite au Baux de Provence et échantillon de bauxite. Dans cette localité, le minerai riche en oxyde d aluminium se présente sous forme de poches formées dans des calcaires altérés. Les bauxites provençales reposent sur une surface d érosion de type karstique datant aussi bien le Crétacé inférieur que le Jurassique moyen. Doc 11 Tillites surmontées d un niveau calcaire (600 Ma, Namibie) Les tillites sont des moraines solidifiées. Les moraines sont le produit de l érosion des glaciers. Les carbonates du niveau calcaire ne peuvent avoir été créées que dans des eaux chaudes. Doc 12 «Ice rafted debris» inclus dans un sédiment marin (protérozoïque, Namibie) Les blocs inclus dans les sédiments ont été transportés par des icebergs puis ont chuté dans le fond de l océan quand les icebergs ont fondu. 2. D après les documents ci-dessus et vos recherches personnelles, déterminer une partie du paléoclimat de la France en général, de la Provence et de la Namibie. 10
E2.e ORIGINE DES VARIATIONS CLIMATIQUES Les roches sédimentaires portent les traces des variations climatiques passées qui peuvent locales ou mondiales. De nombreux paramètres peuvent influencer le climat mondial. Parmi ceuxlà, le taux de CO2 atmosphérique est un facteur essentiel qui détermine la température à la surface du globe. Ce taux de CO2 est lui- même influencé par des mécanismes variés tels que le volcanisme, l altération des carbonates, le piégeage de la matière organique... La dynamique de la lithosphère a donc eu des conséquences sur les variations climatiques passées. i. Concentration de [CO2]atm et température La fluctuation du taux de CO2 atmosphérique, responsable d un effet de serre plus ou moins marqué, est responsable des fluctuations de températures. Depuis le phanérozoïque (550 Ma-act), la concentration de CO2 atmosphérique décroit (avec des oscillations). ii. Mesurer la concentration de [CO2]atm Pour les 800 000 dernières années, la concentration de CO2 peut être mesurée par analyse des bulles d air emprisonnées dans les glaciers. Depuis 600 Ma, les sédimentologues ont réussis à établir une évaluation précise de la concentration de CO2. En effet, c et le volcanisme qui est responsable des augmentations ponctuelles de CO2 atmosphérique. Le volcanisme produit une grande quantité de roches volcaniques (basaltes) et de CO2. Le CO2 se dissous rapidement dans les pluies et augmente l altération des roches silicatées et carbonées, entraînant la libération de ions Ca 2+ et HCO3 - (voir chapitre E2.ci). Ramenés par les fleuves, l augmentation de la concentration des ions calcium dans les océans favorise le développement des organismes à test calcaire et donc la sédimentation de carbonates. L augmentation de la concentration des ions calcium est aussi alimentée par le métamorphisme des basaltes, libérant lui aussi des ions calciums. Cette concentration peut aussi être déterminée de manière approximative en utilisant l INDEX STOMATIQUE de plantes fossiles comme le Gyngko où le pourcentage de stomates est inversement proportionnel à la concentration de CO2 atmosphérique. 11
ii. Position des continents et variations climatiques locales L étude des fossiles et des roches sédimentaires démontre que la France possédait un climat tropical au Carbonifère. Pourtant, la concentration de CO2 atmosphérique à cette époque montre, elle, que la Terre avait une température moyenne similaire à celle d aujourd hui. A l inverse, l Inde et l Afrique auraient été recouvertes de calottes glaciaires? Comment expliquer cette différence? Ces différences locales de climat s expliquent par le mouvement des continents. Au Carbonifère, tous les continents étaient réunis. Afrique et Inde étaient situées au pôle alors que l Europe avait une position équatoriale. 12
E2. ATMOSPHERE ET CLIMAT AUX GRANDES ECHELLES DE TEMPS - Résumé 13
S exercer au BAC Liban 2016 II.b À partir de la mise en relation des informations extraites des documents et de vos connaissances, expliquer les phénomènes qui ont pu contribuer à l installation d une glaciation au Permo-Carbonifère. Document 1 Paléogéographie il y a 340 Ma Au cours de la formation de la Pangée, des chaînes de montagnes résultent de plusieurs collisions continentales initiées depuis 400 Ma. D après Matte, 2001 Document 2 Relation entre albédo et quelques types de surface L albédo est le rapport de l énergie solaire réfléchie par une surface sur l énergie solaire reçue. Sa valeur est comprise entre 0 et 1. Quelques surfaces du globe Océan 0,1 Forêts 0,12 Sable sec 0,3 Glace continentale 0,6 Neige 0,8 Valeur d albédo 14
Document 3 Les variations de la teneur en CO2 de l atmosphère D après Berner, 1994 et 1997 Document 4 : L altération des roches et la teneur en CO2 de l atmosphère au Carbonifère 4a : l arène granitique, témoin de l altération des roches. Les roches granitiques de la croûte continentale s altèrent, en particulier dans les chaînes de montagnes. Il en résulte une arène avec des minéraux non altérés (quartz), des minéraux altérés devenus friables (feldspaths, micas) et des minéraux argileux nouvellement formés. Certains des éléments des minéraux altérés, les ions Na+ et Ca2+ par exemple, sont dissouts dans les eaux d altération. 4b : l altération des silicates et le CO2 atmosphérique. En précipitant, le CaCO3 forme du calcaire. 15