Leçon n 8 : «La République de l entre-deux-guerres : victorieuse et fragilisée» Intro : La période de l entre deux guerres est une période mouvementée tant du point de vue politique qu économique et social. Après 1917 les affrontements politiques se multiplient entre Bloc national et Cartel des gauches. Dans les années 30 la crise économique se mue en crise politique, crises auxquelles le Front Populaire tente de répondre. A quelles difficultés la République française est-elle confrontée durant l entre deux guerres?
I La France entre 1917 et 1926 : une vie politique mouvementée A Les affrontements politiques
Clemenceau : le «Tigre» Dans les tranchées fin 1917 collection du Musée Clemenceau (Photo : Musée Clemenceau)
Clemenceau : le «Tigre» Le 17 novembre 1917, Georges Clemenceau (76 ans) forme un gouvernement de choc afin de poursuivre et intensifier la guerre avec l'allemagne. Il est appelé à la présidence du Conseil par son vieil ennemi, le président de la République Raymond Poincaré. Obnubilé par la volonté de poursuivre la guerre jusqu'à la victoire, Clemenceau, président de la commission de l'armée, au Sénat, a auparavant torpillé une offre de paix séparée de l'empereur d'autriche-hongrie, Charles 1er, communiquée aux Alliés par le prince Sixte de Bourbon-Parme. Il prend la tête du gouvernement français à un moment crucial. Les Allemands gardent l'avantage militaire. Ils occupent le nord et l'est du territoire et, depuis la révolution bolchevique du 6 novembre et le retrait unilatéral de la Russie de la guerre, ils peuvent concentrer tous leurs efforts sur le front occidental La France est saisie par le doute et la lassitude. Les partisans d'une paix de compromis, comme Joseph Caillaux, relèvent la tête. Sur le front, des soldats excédés par l'incompétence de leurs chefs en arrivent à se mutiner. Dans son discours d'investiture devant la Chambre des députés, le 20 novembre, le nouveau président du Conseil, par ailleurs ministre de la guerre, annonce sans ambages son intention de traquer les présumés défaitistes et traîtres qui entravent à l'arrière les efforts des combattants. «Nous prenons devant vous, devant le pays qui demande justice, l'engagement que justice sera faite, selon la rigueur des lois... Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. Ni trahison, ni demi-trahison. La guerre. Rien que la guerre. Nos armées ne seront pas prises entre deux feux. La justice passe. Le pays connaîtra qu'il est défendu...» Sa détermination vaut au président du Conseil d'être surnommé le «Tigre» ou le «Père de la Victoire». Les poilus témoignent d'une grande affection pour le vieillard qui n'hésite pas à ramper jusqu'à eux dans les tranchées et l'appellent plus simplement «Le Vieux». http://www.herodote.net
1919 : la victoire du Bloc national Manuel hachette 2012, p 176. Manuel Nathan 2012, p. 161.
1924 : la victoire du Cartel des gauches La «Grande Armée» du Bloc national,pierre DUKERCY (1888-1945) http://www.histoire-image.org
A Les affrontements politiques Trace : Le 17 novembre 1917, alors que la situation militaire est délicate pour la France et que les mutineries se multiplient sur le front, que les grèves et le pacifisme mettant à mal l union sacrée qui avait prévalue jusqu alors se développent à l arrière, Georges Clemenceau, l un des dirigeant du parti radical, est appelé à la tête du gouvernement, il gouverne avec autorité jusqu à la victoire. En 1919, les français donnent la majorité au bloc national, une coalition de partis de droite et du centre, et élisent une chambre appelée «bleu horizon» car beaucoup d anciens combattants y siègent. La volonté de reconstruction du pays, l anti-bolchevisme mais aussi l acharnement contre l ennemi allemand est au cœur de leur projet politique et l armée française envahit la Ruhr en janvier 1923 car les allemands n ont pas versé les réparations de guerre prévues par le traité de Versailles. Mais en 1924, aux élections législatives le «cartel des gauches» l emporte largement. La Ruhr est évacuée. Cependant dès 1926, c est un gouvernement d union nationale qui est formé autour d un homme de droite, Raymond Poincaré.
B La révolution russe et la France
La droite et le bolchevisme Adrien BARRIÈRE (1877-1931), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine / Musée d'histoire contemporaine
Les grèves des années 1919-1920 La Jeune Garde est chantée par les jeunesses socialistes et communistes françaises dans l entre-deuxguerres. Grève des cheminots de l'état, réunion à Levallois le 26/2/20 : [photographie de presse] / [Agence Rol] Prenez garde! [ ] Vous les sabreurs, les bourgeois, les gavés, V là la jeune garde! [ ] Qui descend sur le pavé! C est la lutte finale qui commence, C est la revanche de tous les meurtde-faim! C est la révolution qui s avance, Et qui sera victorieuse demain. [ ] Enfants de la misère, [ ] nous ne voulons plus de famine : à qui travaille, il faut du pain. Demain nous prendrons les usines. Chanson composée par Montéhus, 1920
B La révolution russe et la France Trace : Les révolutions russes de 1917 ont un impact certain sur la France. Le bloc national qui domine la chambre des députés entre 1919 et 1924 est ouvertement anti-bolchevique et Clemenceau a fait campagne sur ce thème de la menace bolchevique en 1919. Par ailleurs, au sortir de la guerre, les problèmes économiques sont nombreux, le chômage et l inflation progressent, l agitation sociale gagne d autant que la révolution bolchevique en Russie suscite un espoir grandissant dans la classe ouvrière. A la CGT et à la SFIO des militants réclament des évolutions sociales immédiates. Le 1 er mai 1919, les ouvriers descendent dans la rue et des heurts ont lieu avec la police. En 1920 une grève des cheminots paralyse le réseau avant que d autres métiers ne se joignent à eux et le 11 mai la France compte 1,5 million de grévistes. Mais ces grèves sont sévèrement réprimées.
Les conditions d adhésion à la IIIè Internationale (extraits) "Le IIème Congrès de l'internationale communiste décide que les conditions d'adhésion dans l'internationale sont les suivantes : 7/ Les Partis désireux d'appartenir à l'internationale communiste ont pour devoir de reconnaître la nécessité d'une rupture complète et définitive avec le réformisme et la politique du centre 12/ Les Partis appartenant à l'internationale communiste doivent être édifiés sur le principe de la centralisation démocratique le Parti communiste ne pourra remplir son rôle que s'il est organisé de la façon la plus centralisée, si une discipline de fer confinant à la discipline militaire y est admise et si son organisme central est muni de larges pouvoirs, exerce une autorité incontestée, bénéficie de la confiance unanime des militants. 14/ Les Partis désireux d'appartenir à l'internationale communiste doivent soutenir sans réserves toutes les républiques soviétistes dans leurs luttes avec la contre-révolution. 16/ Toutes les décisions des Congrès de l'internationale communiste, de même que celles du Comité exécutif, sont obligatoires pour tous les Partis affiliés à l'internationale communiste. 17 / Conformément à tout ce qui précède, tous les Partis adhérant à l'internationale communiste doivent modifier leur appellation. Tout Parti désireux d'adhérer à l'internationale communiste doit s'intituler: Parti communiste de... Marc Lazar et Stéphane Courtois, "Histoire du Parti Communiste français" - PUF éditeur - 1995
SFIO : Pour ou contre l adhésion?
La scission L Humanité du 31 décembre 1920 Manuel Nathan 2012, p155.
B La révolution russe et la France Trace : A partir de 1920, les partis socialistes qui veulent se rallier à la révolution bolchevique doivent rejoindre la IIIè Internationale, organisation fondée par Lénine en 1919 pour regrouper les partis communistes du monde entier sous la direction de Moscou. L adhésion à la IIIè Internationale, soumise à l acceptation de 21 conditions, est l objet de vifs débats au sein de la SFIO (Section française de l internationale ouvrière fondée en 1905) lors du congrès de Tours. Les partisans du pour autour de Marcel Cachin obtiennent la majorité et fondent le Parti socialiste, section française de l internationale communiste (SFIC) ou parti communiste. Les partisans du non à l adhésion, minoritaires et réunis autour de Léon Blum, restent membres de la SFIO.
II Les années 30 en France : le temps des crises A La crise économique
De la crise américaine à la crise mondiale
De la crise américaine à la crise mondiale
De la crise américaine à la crise mondiale auteur : Philippe Rekacewicz, 1992
Les conséquences économiques de la crise en France Manuel Hachette 2012, p. 182. Manuel Lelivrescolaire 2012, p.167.
A La crise économique Trace : Le 24 octobre 1929, les États-Unis subissent un krach boursier, les actions perdant 43% de leur valeur en quelques jours. Cet effondrement boursier entraîne la ruine des petits spéculateurs et la faillite de nombreuses banques puis par effet d entraînement des faillites d entreprises et du chômage de masse. Les États-Unis se voient contraints de baisser leurs importations et de rapatrier leurs capitaux investis dans le monde et notamment en Europe, ce qui entraîne une forte réduction du volume du commerce mondial. La crise désormais internationalisée touche la France vers 1931-1932, la production industrielle et les salaires chutent tandis que les faillites d entreprises et le nombre de chômeurs explosent.
B La crise politique
Les ligues d extrême droite "Daladier nous mène comme un troupeau de foire aux Blum, Kaiserstein, Schweinkopf et autres Zyromsky, dont Ie nom bien français est tout un programme. Voilà nos maîtres les patriotes! Voilà la dictature qui t'attend peuple de France! Ton Parlement est pourri. Tes politiciens compromis. Ton pays livré à la boue des scandales. Ta sécurité menacée. La guerre civile grogne. La guerre tout court rôde. Paysan, la ruine te menace Ouvriers, intellectuels, votre situation est assaillie par des étrangers. Petits rentiers, petits fonctionnaires, petits commerçants, votre pain quotidien est menacé. Ni les uns, ni les autres vous n'êtes plus chez vous. La France aux Français!» Affiche de la ligue «solidarité française», février 1934.
Le 6 février 1934 Place de la Concorde à Paris, 6 février 1934 Le colonel de La Rocque Charles Maurras Joseph Marie François Spoturno dit François Coty
B La crise politique Trace : Les gouvernements qui se succèdent en France ne parviennent pas à régler la crise économique et sociale. C est dans ce contexte que des ligues d extrême droite se font entendre comme les Croix de Feu du lieutenant-colonel de La Roque, l Action Française de Charles Maurras ou encore la «Solidarité Française» de François Coty. Elles se montrent anticommunistes, anti-parlementaristes et xénophobes. Le 6 février 1934, alors que le président du conseil Édouard Daladier présente son nouveau gouvernement, les ligues organisent une violente manifestation qui tourne à l émeute. Des milliers de militants tentent de marcher sur le Palais- Bourbon. La Garde mobile tire, on compte 17 morts dont un policier et un millier de blessés. Daladier doit céder sa place à l ancien président de la République Gaston Doumergue.
C Le Front Populaire
Manifestation du 14 juillet 1935 Google image
Élections législatives, mai 1936 http://beaugency.over-blog.com
Les grèves de juin 1936 Vidéo INA Manuel Hachette 2012, p. 178.
C Le Front Populaire Trace : Les partis de gauche (SFIO, parti radical et parti communiste) croient voir dans les émeutes du 6 février et le changement de gouvernement une tentative de coup d'état d'extrême droite. Ils décident alors de s unir en formant un Front Populaire et prêtent serment, lors de la première manifestation du Rassemblement populaire le 14 juillet 1935, de défendre la démocratie et la paix contre les ligues. Aux élections législatives de mai 1936, c est le Front Populaire qui l emporte, la SFIO devenant la première force politique de France. Aussitôt de grands mouvements de grève mettent la pression sur le gouvernement et le patronat afin que des réformes en faveur des travailleurs soient entreprises.
Le programme du Front Populaire Brochure, J.-L. Charmet
Les accords Matignon 7 juin 1936 «Les délégués de la Confédération générale de la production française et de la CGT se sont réunis sous la présidence de Monsieur le Président du Conseil, et ont conclu l accord ci-après, après arbitrage de Monsieur le Président du Conseil : Art.1. La délégation patronale admet l établissement immédiat de contrats collectifs de travail. Art.3. les employeurs reconnaissent la liberté d opinion, ainsi que le droit pour les travailleurs d adhérer librement et d appartenir à un syndicat professionnel Les employeurs s engagent à ne pas prendre en considération le fait d appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions en ce qui concerne l embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement ( ) Art.4. Les salaires réels pratiqués pour tous les ouvriers à la date du 25 mai 1936 seront, du jour de la reprise du travail, rajustés suivant une échelle décroissante commençant à 15% pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7% pour les salaires les plus élevés Art.5. En dehors des cas particuliers déjà réglés par la loi, dans chaque établissement comprenant plus de dix ouvriers, après accord entre organisations syndicales, ou, à défaut, entre les intéressés, il sera institué deux ou plusieurs délégués ouvriers selon l importance de l établissement. Ces délégués ont qualité pour présenter à la direction les réclamations individuelles qui n auraient pas été directement satisfaites Art.6. La délégation patronale s engage à ce qu il ne soit pris aucune sanction pour faits de grève. http://travail-emploi.gouv.fr
Les autres lois sociales Vidéo congés payés Manuel Hachette 2012, p. 179.
L opposition au Front Populaire Dessin de Pol Ferjac paru dans le Canard Enchaîné du 12 août 1936 Affiche du centre de propagande des républicains nationaux, 1936 Affiche de Léon Blot pour "Ordre et bon sens", mai 1936
C Le Front Populaire Trace : Léon Blum, à la tête du gouvernement de Front Populaire, entreprend des réformes économiques et sociales importantes. Les accords Matignon du 7 juin 1936 prévoient pour les travailleurs la liberté d adhérer à un syndicat, une augmentation des salaires, l institution de conventions collectives et des délégués ouvriers. Quelques semaines plus tard sont décidés la semaine de travail de 40h et les congés payés de 15 jours. Cependant, le Front Populaire échoue à régler la crise économique qui s aggrave. La droite, l extrême droite et le patronat critiquent férocement le gouvernement et des divisions internes au Front populaire se font jour. En juin 1937 Blum démissionne et le Front populaire se disloque l année suivante.