Politiques d innovation américaine et européenne : une vision commune, des leviers d actions différents



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LETTRE DE PROSPECTIVE MAI 2010 - NUMERO 24 Politiques d innovation américaine et européenne : une vision commune, des leviers d actions différents L innovation est le principal moteur de la croissance à long terme, ce qui en fait un axe majeur des stratégies publiques dans les pays développés. De fait, européens et américains partagent aujourd hui des objectifs très voisins : sortir de la crise par l innovation et plus particulièrement par les technologies vertes. Pour autant, la mise en œuvre et les moyens d actions divergent du fait de différences de cultures économique et entrepreneuriale. La publication simultanée, fin 2009 1, des stratégies européennes et américaines en matière d innovation offre une occasion de vérifier ces différences d approches dans l action publique. Par Hélène PERRIN BOULONNE hperrin-boulonne@ccip.fr Europe/États-Unis : le match de l innovation 1. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Réexaminer la politique communautaire de l innovation dans un monde en mutation COM(2009)442 final, septembre 2009. A strategy for american innovation: driving toward sustainable growth and quality jobs, September 2009. Les performances européennes en matière d innovation, quels que soient les indicateurs que l on retienne, sont moins bonnes que celles des américains et cela depuis des décennies. Cet écart explique, en partie, les différences constatées de performances en matière de croissance économique et de capacité à créer des emplois. Conscientes de ce handicap structurel, les autorités publiques européennes, tant au niveau communautaire que des États membres, ont engagé, depuis une dizaine d années, une action volontariste pour tenter de combler ce retard. Si l on en croit le tableau de bord annuel réalisé par la Commission européenne sur les performances relatives des États-Unis et de l Europe en matière d innovation, ces politiques auraient commencé à porter leurs fruits. L Europe a comblé, ces dernières années, une partie de son retard par rapport aux États-Unis. En fait, ce resserrement doit moins à une meilleure performance de l Europe qu à une dégradation de la position américaine à la suite de la réduction de l effort de recherche conduit par l administration Bush. Quoiqu il en soit, sous l impulsion de la nouvelle administration, les américains affichent de nouveau une politique volontariste en matière d innovation, tandis que l Europe, tirant les enseignements du relatif constat d échec de la stratégie de Lisbonne, cherche un nouveau souffle pour sa politique d innovation à moyen long terme. Une lettre de la Direction générale adjointe chargée des Études, de la Prospective et de l Innovation Directeur de la publication : Pierre TROUILLET Rédacteur en chef : Jean-Luc BIACABE Mise en page : Laurence GUILLOT Contact : bmartin@ccip.fr Avertissement : Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la CCIP.

Différentiel d innovation Europe/États-Unis Jusqu'en 2008, les États membres de l'union européenne ont pu améliorer sans cesse leurs performances en matière d'innovation. Cependant, selon le tableau de bord européen de l'innovation (EIS 2 ) de 2009, publié en mars 2010, la crise économique risque de compromettre cette évolution positive et d'inverser le processus de convergence observé au cours des dernières années. Les efforts à fournir demeurent, en effet, importants car les écarts de performance restent particulièrement élevés pour certains indicateurs qui composent l indice de performance globale calculé par l EIS : les dépôts de brevets, l investissement en capitalrisque privé, le nombre de co-publications public/privé, les dépenses de R&D des entreprises et les emplois dans les services intensifs en connaissances 3. Écart de performance selon différents critères 2. EIS : European Innovation Scoreboard, publie chaque année un tableau de bord de l innovation en Europe, http://www.eis.eu/ 3. KIS : knowledge intensive service. 4. Europe 2020, COM(2010) 2020. Source : EIS 2009 C est dans ce contexte que s inscrivent les publications, fin 2009, des nouvelles stratégies en faveur de l innovation des deux côtés de l Atlantique, complétées par la publication en mars 2010 par la Commission européenne d Europe 2020 Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive 4. 2

En réponse à la crise : des objectifs ambitieux des deux côtés de l Atlantique 5. Le progrès technique est réintégré au cœur de la croissance, ce n est plus un résidu. Il est endogène, car il dépend du comportement des agents économiques et des actions publiques : la productivité de l économie peut être améliorée en augmentant le stock de connaissances, les infrastructures publiques et le capital humain. À l évidence, face aux sombres perspectives de croissance après la crise, ces documents montrent une volonté politique de proposer une sortie par le «haut» en redonnant une nouvelle dynamique à la croissance de l économie. Du côté des similitudes dans les discours, on trouvera une même préoccupation sur la dimension «verte» de la croissance et sur l importance de l esprit d entreprise. Les États-Unis souhaitent une politique d innovation pour une croissance soutenable et des emplois de qualité. «Innovation for Sustainable Growth and Quality Jobs». Pour sa part, la politique européenne d innovation a pour ambition de créer une économie de la connaissance pour une économie qui génère peu de carbone et des entreprises européennes qui se positionnent à l extrémité supérieure de la chaîne de valeur. Tant aux États-Unis, qu en Europe, on observe donc un affichage très clair en faveur : d une croissance basée sur la connaissance et l innovation ; d une croissance soutenable et verte. Pour autant, si les objectifs sont largement partagés, les moyens d action divergent significativement. Des objectifs convergents Dans les faits, les politiques proposées sont surtout des politiques qui reposent sur la théorie de la croissance endogène 5 et de la frontière technologique. Elles sont ainsi fondées sur la croissance par l innovation et l avance technologique. L aspect «vert» apparaît pour l essentiel dans le choix des secteurs prioritaires et, notamment, dans l accent mis sur les énergies renouvelables. Au-delà d un engagement vert, l une des motivations principales, surtout aux États-Unis, est de diminuer le degré de dépendance énergétique du pays. La politique américaine s articule autour de trois grands objectifs : 1. Investir dans ce qui fait la force des Etats-Unis en matière d innovation : Investir dans la R&D, le développement du capital humain physique et technologique ; 2. Promouvoir l entrepreneuriat et la prise de risque ; 3. Jouer le rôle de catalyseur pour des secteurs pour lesquels le marché n est pas efficient mais qui peuvent être porteur de croissance pour le futur. Pour la Commission européenne, l innovation est la condition préalable à la création d une économie qui génère peu d émissions de carbone et son développement s articule autour des trois axes suivants : 1. Améliorer les conditions cadres, et améliorer la gouvernance du système communautaire de l innovation ; 2. Favoriser l esprit d entreprise ; 3. Définir des priorités en matière d innovation et identifier des marchés porteurs. Le mode d organisation institutionnelle de l Europe lui impose d assurer la cohérence du système. Ainsi, en matière d investissement en infrastructure (physiques ou immatérielles), l Union européenne peut seulement se contenter d impulser et d influencer les politiques nationales en veillant à en assurer la cohérence. Pour le reste, on retrouve le même accent mis sur les problèmes de formation, de financement, de développement de l initiative privée, etc. Européens et américains souhaitent cibler leurs actions sur un certain nombre de secteurs. Pour se faire, les européens identifient des marchés prioritaires et y font porter leur effort en matière d investissement. Ils font également le choix d utiliser la réglementation et la normalisation pour encourager et stimuler des marchés de produits et services innovants. L administration américaine, pour sa part, identifie des secteurs pour lesquels le marché n est pas efficient, mais qui peuvent être porteurs de croissance pour le futur, et concentre les aides sur ces secteurs. 3

Les principaux secteurs mis en avant dans les politiques d innovation américaine et européenne Recherche fondamentale Technologies propres/vertes États-Unis Sciences et technologies qui permettront de relever les grands défis du XXI ème siècle «smart grid», efficacité énergétique et énergies renouvelables Europe Accès (et maîtrise) aux technologies génériques essentielles Voitures écologiques, bâtiments économes en énergie, usines du futur, produits basés sur des matériaux renouvelables Technologies liées à la santé Technologies de la santé Médicaments innovants Technologies numériques Autres E-éducation E-santé Technologies avancées dans le domaine automobile Cloud computing, systèmes informatiques intégrés, E-santé Aéronautique, nanoélectronique, piles à combustibles et hydrogène, textiles protecteurs Source : Auteur, d après «A Strategy for American Innovation», «Réexaminer la politique communautaire de l innovation dans un monde en mutation» et «Europe 2020». mais des leviers d actions différents L entrepreneuriat et la prise de risque restent des éléments centraux de la politique économique américaine, mais il est intéressant de noter le retour de l État américain dans l investissement en infrastructures et en recherche fondamentale. L État américain souhaite réinvestir massivement dans la recherche fondamentale, ce qui n apparaît pas nécessairement dans le document européen. En Europe, l accent est mis sur l amélioration de la R&D dans le secteur privé et le développement de partenariat public/privé. C est en effet un des points faibles de l Europe. Dans les leviers d actions européens, on retrouve les trois points pour lesquels les écarts de performance entre Europe et États-Unis sont les plus élevés (voir graphique page 2) : le développement des partenariats publics privés, le développement du capital risque et la mise en place d une politique cohérente en matière de propriété intellectuelle. 4

Synthèse des leviers d actions en matière de politique pour l innovation - États-Unis Objectifs Investir dans ce qui fait la force des États-Unis en matière d innovation Restaurer le leadership américain en matière de recherche fondamentale Former les prochaines générations aux connaissances du XXI ème siècle : sciences, technologies, ingénierie et mathématiques Investir dans les infrastructures Favoriser l esprit d entreprise Leviers d actions Investissement massif de l État dans la recherche fondamentale, 18,3 milliards de dollars. Doublement du budget des agences de recherche scientifique clés. Le crédit d impôt R&E devient permanent. Réformer les écoles publiques. Replacer les États-Unis à la première place mondiale en termes de diplômés de l enseignement supérieur. Améliorer l enseignement en mathématiques, sciences et technologies et ingénierie. Faciliter la venue de scientifiques étrangers. Investir dans les infrastructures physiques : pour connecter la population et les entreprises. Développer un réseau Internet performant et accessible à tous. Promotion des exportations. Source : Auteur, d après «A Strategy for American Innovation». Supporter un marché des capitaux ouverts qui permet l allocation des ressources sur les idées prometteuses. Encourager la création d entreprises à haut potentiel de croissance et innovantes. Favoriser l innovation à tous les niveaux de la société y compris dans le secteur public. Synthèse des priorités en matière de politique pour l innovation - Europe Objectifs Améliorer les conditions cadres Supprimer les entraves au bon fonctionnement du marché intérieur Rationaliser les procédures administratives Achever l espace européen de la recherche Améliorer la coopération entre les États membres Leviers d actions Améliorer l accès des PME au marché unique par le développement de l utilisation des TIC. Améliorer l accès aux marchés publics européens. Simplifier le droit des sociétés. Mettre en place des mesures permettant de rebondir après une faillite. Promouvoir les transferts d innovation et de connaissance à travers l Union européenne. Améliorer la qualité de l éducation Protéger convenablement la propriété intellectuelle et la connaissance Favoriser l entrepreneuriat Favoriser l esprit d entreprise Favoriser le financement du risque Poursuivre les efforts visant à accroître la capacité des systèmes éducatifs européens à contribuer à une société de la connaissance innovante et souple. Mise en place du brevet communautaire. Promouvoir par l enseignement et la formation une culture plus favorable à l esprit d entreprise. Définir des mesures d incitation pour les fonds privés consacrés au financement des jeunes entreprises de haute technologie et des PME innovantes. Créer un marché européen efficace du capital risque. Source : Auteur, d après «Réexaminer la politique communautaire de l innovation dans un monde en mutation» et «Europe 2020». 5

Si la promotion de l entrepreneuriat est au cœur des deux stratégies, les visions divergent sur les modes d intervention : La politique européenne est beaucoup plus interventionniste, notamment en matière de risque. L Europe propose des actions qui privilégient la prise de risque dans certains secteurs bien identifiés, alors que les américains se refusent à choisir, considérant qu il n est pas du ressort de la puissance publique de choisir qui sera gagnant ou non 6 en matière d innovation. Pour les Américains, le choix ne s effectue donc pas entre intervention de l État ou pas d intervention de l État, mais selon la pertinence de l intervention elle-même. L État ne doit ainsi pas s aventurer à faire des choix hasardeux sur les industries qu il conviendrait ou non d aider, mais doit s assurer que les individus et les entreprises disposent des outils et des supports nécessaires pour prendre des risques et innover. Autrement dit, il ne doit pas intervenir pour guider les choix des individus en matière de risque. On retrouve ici les fondements de la politique économique américaine qui sont de n agir que si le marché n est pas efficace là où l Europe va parfois agir à la place du marché. Cette différenciation d approche est la même que pour la politique en faveur de l accès aux marchés publics pour les PME : pour les américains il s agit d aider les entreprises qui ne sont pas leader sur leur marché 7. Cette volonté de ne pas influer sur l attitude des agents privés vis-à-vis du risque, tout comme pour le choix des secteurs correspond à un clivage profond entre Europe et États- Unis, avec d un côté une politique interventionniste, de l autre, une politique qui facilite mais n intervient pas dans le fonctionnement du marché. L importance de l innovation dans les plans de relance Autre différence, le système européen manque de cohérence et de concentration et apparaît fragmenté. Les moyens consacrés à la recherche sont ainsi éparpillés, ce qui induit une absence de masse critique et de cohérence entre dispositifs communautaires et dispositifs nationaux. Alors que 100 millions de dollars sont consacrés aux investissements pour l innovation dans le plan de relance américain, il est difficile d identifier les montants du plan européen, les fonds provenant tant de l Europe que directement des pays membres. Il est donc impossible de réaliser des comparaisons et les graphiques ci-dessous ont pour seule ambition de montrer le niveau de priorité mis sur les différents secteurs. Investissements consacrés à l innovation dans le plan de relance américain Energies renouvelables Technologies de la santé Recherche médicale Programme innovant Train à grande vitesse Bande passante (Broadband) Education et formation Véhicules du fut urs et bio-carburant s 6. «pick winners and drive growth too often end up wasting resources and stifling rather than promoting innovation». 7. Voir : Aider les PME : modes, réalités et perspectives, p. 21, CCIP (2008). Smart grid Recherche fondamentale R&D sur les énergies f ossiles Recherche généraliste sur l énergie 0 5 10 15 20 25 30 35 M illiards de $ Source : Strategy for American Innovation. 6

Volet recherche et innovation du plan de relance européen Technologies propres dans le domaine de l automobile 5 milliards Technologies propres dans le domaine de la construction 1 milliard Usine du futur 1,2 milliard Internet à haut débit accessible à tous 1 milliard R&D et éducation Investissement au niveau des Etats membres Source : Auteur, d après European Economic Recovery Plan, COM (2008) 800 final. Europe et États-Unis face à la concurrence mondiale Malgré les conséquences de la crise et les résultats peu encourageants affichés dans le dernier tableau de bord de l innovation, l Europe souhaite maintenir une politique ambitieuse. Considérant que l'accroissement des investissements dans la recherche et l'innovation est la clé de la sortie de crise vers la prospérité durable, la Commission maintient sa cible de 3 % du PIB consacrés aux investissements en Europe. Les États-Unis, à l instar de la CE, veulent aussi un investissement supérieur à 3 % du PIB dans la R&D. Pour autant, la compétition entre États- Unis et Europe n est plus de même nature que dans les décennies précédentes. Les deux grandes puissances occidentales sont, en effet, de moins en moins engagées dans une compétition frontale. Elles cherchent, au contraire, à se prémunir contre la concurrence de nouveaux entrants en matière d innovation. Face à des pays comme les BRIC, et plus particulièrement la Chine, les États-Unis et l Europe ont des politiques d innovation finalement relativement convergentes, notamment sur les points suivants : Priorités données aux sciences et technologies pour produire des innovations de ruptures, et moins d importance accordée aux combinaisons de technologies existantes ; Importance accordée au respect de la propriété intellectuelle, considérée comme un moteur de l innovation ; Rôle stratégique du marché intérieur dans un contexte de mondialisation, qu il existe déjà (États-Unis) ou qu il soit à développer et à consolider (Europe). Dans cette perspective moins conflictuelle entre Europe et États- Unis, il n est pas surprenant d observer un développement des échanges en matière d investissement et d innovation. En 2007, les filiales d entreprises américaines à l étranger ont investi 35 milliards de dollars dont 66 % en Europe. À l inverse, 78 % des dépenses de R&D d entreprises étrangères aux États-Unis proviennent d entreprises européennes. 7

Conclusion Europe et États-Unis montrent une volonté de maintenir leur position de leaders mondiaux en matière d innovation et proposent des plans d actions ambitieux pour faire face à la compétition. Si la concurrence se déplace, l Europe continue néanmoins à être en retard par rapport aux États-Unis en matière d innovation. Ainsi, l Europe pour garder sa place dans la compétition mondiale et affirmer sa position de partenaire des États-Unis doit relever un certain nombre de défis. La nouvelle politique de l Union européenne montre une volonté de «copier» le modèle américain, mais on peut y noter des insuffisances dans plusieurs domaines : Absence de politique pour développer des universités entrepreneuriales capables de générer des idées, former des entrepreneurs et travailler avec la communauté économique. Les Etats- Unis ont une avance considérable sur les Européens dans ce domaine : la plupart des universités américaines ont des centres dédiés à la propriété intellectuelle et des agences de transferts de technologies. Difficulté à créer un marché unique en matière de financement de l innovation privée. Un interventionnisme important dans le choix des secteurs à privilégier qui pourrait conduire à rater la prochaine rupture technologique. Aux Etats-Unis, les politiques de soutien à l innovation s inscrivent dans la continuité en s articulant autour du SBA, des SBIR, et du Bayh Dohl Act notamment. On notera, cependant, un tournant avec le retour marqué de l État dans l investissement en matière de recherche fondamentale. Face à la montée en puissance de ces nouveaux concurrents en matière d innovation, l urgence pour l Europe deviendrait donc autant de combler son retard par rapport aux États-Unis que de trouver des synergies et des coopérations supplémentaires en matière de recherche avec son concurrent d outre-atlantique. 8