LE DROIT DE POURSUIVRE POUR LA TAXE NON PAYÉE : UNE



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Transcription:

CHRONIQUE TPS/TVQ 381 LE DROIT DE POURSUIVRE POUR LA TAXE NON PAYÉE : UNE SOLUTION FACILE? JOSÉE MASSICOTTE, AVOCATE MCMILLAN BINCH MENDELSOHN TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION... 383 1. CONDITIONS D APPLICATION DE L ARTICLE 224 L.T.A.... 383 1.1. L ARTICLE 224 L.T.A.... 383 1.2. SE CONFORMER AU PARAGRAPHE 223(1) L.T.A... 384 1.3. RENDRE COMPTE DE LA TAXE OU VERSER LA TAXE... 387 1.3.1. Verser la taxe... 388 1.3.2. Rendre compte de la taxe... 388 2. AUTRES SUJETS D INTÉRÊT... 390 2.1. TRIBUNAL COMPÉTENT... 390 2.2. AUTRES MOYENS DE POURSUIVRE SI LES CONDITIONS DE L ARTICLE 224 L.T.A. NE SONT PAS RESPECTÉES... 390 2.3. PÉNALITÉ ET INTÉRÊT... 391 2.4. TAXES INCLUSES OU TAXES EN SUS... 392 2.5. OPPOSABILITÉ À REVENU QUÉBEC... 393 CONCLUSION... 393

382 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2

CHRONIQUE TPS/TVQ 383 INTRODUCTION Il arrive au cours de notre pratique de faire face à des cas de transactions insuffisamment documentées et qu un problème relatif à l application de la Partie IX de la Loi sur la taxe d accise 1 et de la Loi sur la taxe de vente du Québec 2 surgisse. Il peut se présenter certaines situations où un fournisseur n arrive pas à percevoir la taxe sur les produits et services (ci-après «TPS») et la taxe de vente du Québec (ci-après «TVQ») d un acquéreur, et ce, pour différents motifs, soit que la documentation ne prévoit pas de montant de TPS/TVQ, soit que la documentation ne fasse pas ressortir clairement qu il s agit d une fourniture taxable, ou encore que l acquéreur refuse tout simplement de payer la TPS/TVQ. Pour aider les fournisseurs à percevoir la TPS/TVQ des acquéreurs, la Loi sur la taxe d accise et la Loi sur la taxe de vente du Québec autorisent les fournisseurs, lorsque certaines conditions sont respectées, à engager des poursuites en recouvrement devant les tribunaux afin de leur permettre de récupérer la TPS/TVQ des acquéreurs. Ce droit est prévu aux articles 224 L.T.A. et 427 L.T.V.Q. 3 En premier lieu, nous verrons les conditions générales d application de l article 224 L.T.A. ainsi que les questions soulevées par l application de cet article, le tout en soulignant les positions gouvernementales ainsi qu en mettant en évidence la jurisprudence récente. Par la suite, nous aborderons d autres questions d intérêt qui découlent de l application de l article 224 L.T.A. et certains éléments qui entrent en conflit avec l application de ce même article. 1. CONDITIONS D APPLICATION DE L ARTICLE 224 L.T.A. 1.1. L ARTICLE 224 L.T.A. Le paragraphe 165(1) L.T.A. prévoit que l acquéreur d une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du Chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture. De façon générale, la structure de la Loi sur la taxe d accise prévoit, le tout sur la base des articles 221 et suivants L.T.A., que la personne qui effectue une 1 2 3 L.R.C. (1985), c. E-15 et mod. (ci-après «L.T.A.»). L.R.Q., c. T-0.1 et mod. (ci-après «L.T.V.Q.»). Sauf indication contraire, les commentaires relatifs à la TPS s appliquent à la TVQ.

384 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2 fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du Chef du Canada, percevoir la taxe payable par l acquéreur. Tel qu il appert du paragraphe 165(1) L.T.A. et de l article 221 L.T.A., la TPS doit être «payée» par l acquéreur et «perçue» par le fournisseur, mais il n existe aucune obligation légale pour l acquéreur de payer la TPS au fournisseur. En pratique, cet élément ne crée généralement pas de problème puisque l acquéreur paie la taxe au fournisseur en même temps que la contrepartie de la fourniture. Or, si un acquéreur décidait de ne pas payer la taxe au fournisseur, ce dernier se retrouve dans une situation difficile où il demeure responsable de la TPS qu il avait l obligation légale de percevoir. L article 224 L.T.A. tente d aider le fournisseur en lui octroyant un droit de poursuivre l acquéreur. L article 224 L.T.A. prévoit ce qui suit : «Le fournisseur, ayant effectué une fourniture taxable au profit d un acquéreur et tenu par la présente partie de percevoir la taxe de celui-ci relativement à la fourniture, qui s est conformé au paragraphe 223(1) en ce qui concerne la fourniture et qui a rendu compte au Receveur général de la taxe payable relativement à la fourniture, ou la lui a versée, sans la percevoir de l acquéreur, peut intenter, devant un tribunal compétent, une action en recouvrement de la taxe de l acquéreur comme s il s agissait d un montant que celui-ci lui doit.» (Notre soulignement) Avant qu un fournisseur puisse intenter une poursuite contre un acquéreur, certaines conditions doivent être respectées. L article 224 L.T.A. prévoit deux conditions essentielles afin que la procédure de l article 224 L.T.A. puisse être utilisée par le fournisseur : ce dernier doit s être conformé au paragraphe 223(1) L.T.A. et il doit avoir rendu compte au Receveur général de la taxe payable ou lui avoir versé la taxe. 1.2. SE CONFORMER AU PARAGRAPHE 223(1) L.T.A. Le paragraphe 223(1) L.T.A. prévoit qu un fournisseur doit indiquer à l acquéreur, selon les modalités réglementaires 4, sur la facture ou le reçu délivré à l acquéreur ou dans la convention écrite, soit la contrepartie payée ou payable et la taxe payable, de sorte que le montant de taxe apparaisse clairement, soit la mention que le montant payé ou payable par l acquéreur comprend la taxe. Un fournisseur doit donc indiquer, s il s agit d une fourniture taxes en sus, le 4 Voir le Règlement sur la divulgation de la taxe, DORS/91-38.

CHRONIQUE TPS/TVQ 385 montant desdites taxes et, s il s agit d une fourniture taxes incluses, une mention selon laquelle effectivement la fourniture est effectuée taxes incluses 5. Il est donc judicieux de mentionner dans la documentation si la taxe est incluse dans le prix ou si elle est facturée séparément. Il est aussi pertinent de remarquer que l indication de la taxe doit se faire dans la convention écrite, sur la facture ou le reçu. La définition de «facture» à l article 123 L.T.A. prévoit que sont assimilés à une «facture» les états de compte, les notes, les additions et les documents semblables, sans égard à leur forme ni à leurs caractéristiques, ainsi que les relevés ou reçus de caisse. Ainsi, la définition du mot «facture» dans la Loi sur la taxe d accise est relativement large et ne se limite pas à une facture commerciale comme on peut l entendre au sens strict du terme. Lorsque la documentation est claire et répond aux critères du paragraphe 223(1) L.T.A., cette condition est respectée. Cependant, les problèmes surviennent quand la documentation n est pas claire. Ainsi, peut-on corriger de la documentation après le fait? Un fournisseur peut-il corriger une erreur sur la facture originale plusieurs mois ou plusieurs années après l émission de la facture originale? En 1995, dans l affaire Claveau c. Doyon 6, la Cour du Québec a décidé que l action du fournisseur devait être rejetée puisque le contrat de vente en litige ne respectait pas les exigences du paragraphe 223(1) L.T.A. Dans cette affaire, un contrat de vente d immeuble et d autres biens avait été préparé par un notaire et comportait la clause suivante : «2.1 En autant qu elles sont applicables, les parties doivent respectées [sic] les dispositions légales et réglementaires de la TPS et de la TVQ». Le juge de la Cour du Québec a décidé que la clause ne respectait pas les exigences du paragraphe 223(1) L.T.A. Malheureusement, il n a pas considéré la possibilité que de la documentation ultérieure, par exemple une mise en demeure claire relative à la TPS/TVQ et/ou une facture émise postérieurement pour la TPS/TVQ, puisse corriger la documentation initiale et que la condition du paragraphe 223(1) L.T.A. soit respectée. 5 6 Cette notion de taxes incluses ou exclues est à l origine de nombreuses discordes entre fournisseurs et acquéreurs et fera l objet d une courte étude à la section 2.4. [1995] R.D.F.Q. 346 (ci-après «Claveau»).

386 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2 Bien qu un courant jurisprudentiel soutienne la théorie que la TPS ne puisse être facturée après le fait 7, il y a somme toute un courant très fort ainsi que plusieurs positions administratives des autorités fiscales qui suggèrent que la TPS puisse être facturée après le fait. En février 1995, Revenu Québec a émis un bulletin d interprétation 8 qui traite expressément de l application de l article 427 L.T.V.Q. Revenu Québec mentionne expressément que «si aucune indication a eu lieu au moment de la transaction, le fournisseur peut faire l indication de la taxe à la suite de la transaction si les faits ou les circonstances le permettent» 9. Cette interprétation a été confirmée par Revenu Québec dans un document émis en juillet 1997 10. Dans cette demande d interprétation, il appert que le fournisseur n avait pas facturé la TVQ pour les années 1993 à 1996 et qu il a ensuite été cotisé par Revenu Québec pour la TVQ non perçue. La demande d'interprétation traitait du droit d intenter des poursuites en recouvrement contre les clients après leur avoir fait parvenir une seconde facture pour la TVQ non facturée lors de la fourniture initiale. Revenu Québec a répondu ce qui suit : «Le fournisseur rencontrerait les conditions de l article 427 si, après avoir été cotisé pour un montant de TVQ non perçu, il émettait une facture à ses clients pour la TVQ seulement, et ce, en indiquant la taxe conformément à l article 425.» L Agence du revenu du Canada (ci-après «ARC») a publié un énoncé de politique 11 en janvier 1994. De la même façon, elle confirme que «si le fournisseur ne s est pas conformé aux exigences du paragraphe 223(1) L.T.A. il 7 8 9 10 11 Voir notamment Lloyd c. Reierson, [1995] G.S.T.C. 26 (B.C. Prov. Ct.) (ci-après «Reierson»); Deep Six Developments Inc. c. Kassam, [1998] G.S.T.C. 36 (B.C.S.C.) (ciaprès «Deep Six Developments») et Villa Nova Developments c. Hunter, [1998] G.S.T.C. 74 (Nfld. Prov. Ct.). REVENU QUÉBEC, Bulletin d interprétation TVQ. 427-1, «Recouvrement de la taxe suite à une cotisation», 28 février 1995. Id., par. 9. Revenu Québec prévoit un exemple de circonstances où un fournisseur ne pourrait pas corriger la documentation : «Le fournisseur qui, au moment de la fourniture, aurait indiqué sur la facture la mention toutes taxes incluses, ne pourrait émettre une seconde facture indiquant un montant de taxe à payer». REVENU QUÉBEC, lettre d interprétation 97-0105953, 17 juillet 1997. AGENCE DU REVENU DU CANADA, Énoncé de politique P-116, «Perception de la TPS par le fournisseur lorsque la facture ne donne aucune indication quant à la taxe à payer», 27 janvier 1994.

CHRONIQUE TPS/TVQ 387 peut tenter de remédier à la situation en établissant une facture modifiée conforme aux exigences en matière d indication». Plus loin, l ARC ajoute 12 : «S il n y a pas de restriction, relevant du contrat ou du common law, à l établissement d une facture supplémentaire ou d une facture modifiée, le Ministère continuera à accepter que les exigences en matière d indication puissent être respectées après le fait.» La Cour d appel du Nouveau-Brunswick, dans la décision Occo Development Limited c. McCauley 13, a aussi confirmé, en adoptant le point de vue d un auteur de doctrine 14, qu un fournisseur peut corriger une indication de taxe incomplète contenue dans les documents relatifs à la fourniture en émettant une facture ou un reçu qui respecte les critères du paragraphe 223(1) L.T.A. Plusieurs décisions de différents tribunaux ont confirmé la possibilité d émettre une facture de correction après le fait 15. Il semble donc qu un fournisseur ayant des documents déficients relativement aux exigences du paragraphe 223(1) L.T.A. et souhaitant facturer la TPS après le fait ou bien corriger les documents pour justifier une poursuite en vertu de l article 224 L.T.A. puisse le faire sur la base d un fort courant jurisprudentiel en sa faveur ainsi que sur celle des interprétations de l ARC et de Revenu Québec qui soutiennent sa position. 1.3. RENDRE COMPTE DE LA TAXE OU VERSER LA TAXE Comme deuxième condition d application, l article 224 L.T.A. prévoit que le fournisseur doit avoir rendu compte au Receveur Général de la taxe payable ou la lui avoir versée. 12 13 14 15 Voir aussi AGENCE DU REVENU DU CANADA, Énoncé de politique P-118R, «Établissement d une cotisation sur la base de la taxe comprise ou de la taxe noncomprise», 5 mai 1999 qui est au même effet. [1996] G.S.T.C. 16 (ci-après «Occo Development»). Alan SHRAGIE, «Application of the Goods and Services Tax to Damages and Related Matters», (1990), vol. 38, n o 6 Revue fiscale canadienne 1468-1497. Voir notamment Dworak c. Kimpton, [1996] G.S.T.C 97 (B.C.S.C.) (ci-après «Dworak»); Carman c. Jackson, [1999] G.S.T.C 24 (Alta Prov. Ct.); B & B Music Limited c. Thompson River Music Co. Limited, [1999] G.S.T.C. 87 (B.C.S.C.).

388 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2 1.3.1. Verser la taxe Le terme «verser» la taxe est probablement plus facile à expliquer que le fait qu un fournisseur «ait rendu compte» de la taxe. De façon générale, la Loi sur la taxe d accise prévoit le versement de la taxe par le fournisseur au moyen de sa déclaration de taxe comme le requièrent les articles 225 et suivants L.T.A. Aussi, Revenu Québec prévoit, lorsqu un montant cotisé auprès d un fournisseur est payé par ce dernier, que ce montant de taxe payé devient un montant de taxe percevable que le fournisseur a inclus dans le calcul de sa taxe nette et que ce montant a été versé au ministre conformément aux dispositions des articles 428 et 437 L.T.V.Q. 16 De même, l ARC prévoit, dans l Énoncé de politique P-116, qu un fournisseur peut verser la taxe en vertu d une cotisation établie après coup et par divulgation volontaire. 1.3.2. Rendre compte de la taxe Puisque le législateur a opté pour deux expressions différentes pouvant signifier relativement la même chose («versée» et «rendu compte»), il a semblé à la Cour d appel du Nouveau-Brunswick, dans l affaire Occo Development, que le terme «rendre compte» devait avoir une signification propre. La Cour a confirmé que ce terme signifiait que le fournisseur reconnaissait son obligation de remettre la TPS, malgré le fait que ce fournisseur se soit opposé à la cotisation. La Cour d appel affirme : «It seems obvious that where the Act provides for assessments by Revenue Canada, it must be deemed to authorize the agents of Revenue Canada to collect the moneys they are required to remit as a result of the assessment. [ ] It is my view that accounting for tax under the terms of section 224 is a recognition vis-à-vis Revenue Canada of the obligation to remit the tax to Revenue Canada 17.» Dans l affaire Occo Development, le fournisseur avait déjà déclaré et payé les taxes relatives à la fourniture taxable initiale mais il avait été cotisé pour un montant supplémentaire de taxe à la suite d une vérification de l ARC. Le fournisseur réclamait donc de l acquéreur le montant supplémentaire de taxe après que l ARC eut confirmé l avis de cotisation par suite de l avis d opposition déposé par le fournisseur. La Cour d appel a confirmé que le 16 17 REVENU QUÉBEC, op. cit., note 8, par. 6 et 13. Occo Development, précité, note 13, par. 15.

CHRONIQUE TPS/TVQ 389 fournisseur ne devait pas «rendre compte» de la taxe une seconde fois puisque le fournisseur avait «rendu compte» de la taxe au moment de la fourniture initiale et que le problème se posait exclusivement quant à la détermination du montant de taxe à percevoir de l acquéreur. La Cour d appel a donc confirmé que la condition de «rendre compte de la taxe» était remplie et que la TPS «supplémentaire» devait être payée par l acquéreur. Dans l affaire S.P. Holdings Canada Inc. c. IKEA Limited 18, IKEA, à titre de locataire, a décidé de résilier son bail commercial qui le liait à S.P. Holdings qui a accepté la résiliation, sur la base d un paiement de 5 M$. Une clause dans la lettre couverture préparée par les représentants de S.P. Holdings prévoyait ce qui suit : «[ ] to the extent that GST and QST is applicable in respect to the foregoing amounts, IKEA Limited agrees to pay it to the applicable parties, in trust for the respective government authorities». Par la suite, S.P. Holdings a demandé à IKEA de lui payer la taxe en sus du versement de 5 M$. IKEA a refusé au motif que la TPS et la TVQ étaient incluses dans le paiement du montant de 5 M$. La Cour d appel du Québec est arrivée à la conclusion que la poursuite était irrecevable puisque les conditions de l article 224 L.T.A. n avaient pas été remplies : puisque S.P. Holdings n avait jamais déclaré ni payé les taxes qu elle réclamait, l article 224 L.T.A. ne pouvait s appliquer. En effet, il semble que S.P. Holdings n ait jamais rendu compte de la taxe et qu elle n ait jamais été cotisée pour la taxe à remettre. Étant donné que verser la taxe ou rendre compte de la taxe est une condition essentielle de l application de l article 224 L.T.A., on est en droit de se demander comment cette condition peut être remplie pour que le fournisseur puisse poursuivre l acquéreur devant le tribunal. Suffit-il au fournisseur d alléguer qu il a versé ou rendu compte de la taxe à Revenu Québec? Doit-il soumettre des éléments de sa comptabilité afin de prouver que les montants de taxe ont effectivement été versés ou qu il a effectivement rendu compte de la taxe? Dans le cas où le fournisseur a reçu un avis de cotisation, doit-il prouver que les montants cotisés ont été payés? Il semble donc que le fournisseur se doive d être prudent : puisque le concept de «rendre compte» n est pas clair, le fournisseur devrait s assurer, avant de poursuivre un acquéreur, qu il n a pas seulement «rendu compte» de la taxe, mais qu il a aussi «versé» la taxe. Il semble également que le fournisseur devrait alléguer qu il a versé la taxe et a rendu compte de la taxe dans sa procédure et qu il devrait présenter devant le tribunal des preuves suffisantes au soutien de ses allégués. 18 [2001] R.D.F.Q. 33 (C.A.) (demande d autorisation d appel à la Cour suprême du Canada refusée).

390 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2 2. AUTRES SUJETS D INTÉRÊT 2.1. TRIBUNAL COMPÉTENT L article 224 L.T.A. prévoit que le fournisseur peut poursuivre un acquéreur devant un tribunal compétent. Pour le Québec, il semble que les poursuites en vertu de l article 224 L.T.A. devraient être engagées devant la Cour du Québec si le montant en litige est inférieur à 70 000 $ ou devant la Cour supérieure si le montant est égal ou supérieur à 70 000 $ 19. En effet, bien qu il s agisse d un droit spécial donné dans une loi fiscale spécifique, l affaire ne sera pas traitée devant les tribunaux dits fiscaux : de façon générale, au Québec, les appels des décisions sur opposition sont traités devant la Cour canadienne de l impôt et devant la Cour du Québec, sans limite relativement au montant en litige. Dans l affaire Association coopérative de taxi de l est de Montréal c. STCUM 20, la Cour supérieure s est prononcée sur cette question. Dans cette affaire, Revenu Québec est intervenu devant la Cour supérieure et a soutenu par requête verbale que la Cour supérieure n avait pas juridiction pour juger du litige entre l Association coopérative de taxi de l est de Montréal et la STCUM, puisqu un avis d opposition avait déjà été déposé par la STCUM à la suite de l émission de l avis de cotisation par Revenu Québec. La Cour supérieure a décidé, dans son jugement au fond, qu elle avait juridiction puisqu il s agissait d une matière contractuelle entre deux parties. 2.2. AUTRES MOYENS DE POURSUIVRE SI LES CONDITIONS DE L ARTICLE 224 L.T.A. NE SONT PAS RESPECTÉES Dans le cas où les conditions de l article 224 L.T.A. ne sont pas respectées, existe-t-il un autre moyen pour un fournisseur de poursuivre un acquéreur? On peut argumenter que le droit de poursuivre prévu à l article 224 L.T.A. est un droit spécifique et que si les conditions ne sont pas respectées, aucun autre recours n est ouvert au fournisseur. Dans l affaire Deep Six Developments, la Cour est arrivée à la conclusion qu une poursuite en vertu de l article 224 L.T.A. était la seule façon de récupérer la taxe d un acquéreur 21. Ce courant de jurisprudence suggère en effet que la Loi sur la taxe d accise, et l article 19 20 21 Voir le Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, art. 31 à 36.2. [1999] R.D.F.Q. 35 (C.S.). Cette décision a été portée en appel devant la Cour d appel du Québec, mais un règlement est intervenu entre les parties. La décision de la Cour supérieure est donc finale. Voir aussi les affaires Claveau, précité, note 6 et Reierson, précité, note 7.

CHRONIQUE TPS/TVQ 391 224 L.T.A. sont un code complet et que, lorsque les conditions de l article 224 L.T.A. ne sont pas remplies, le fournisseur n a malheureusement pas de base légale pour poursuivre un acquéreur. Cependant, dans l affaire Occo Development, le juge Bastarache est d opinion que le droit de poursuite prévu à l article 224 L.T.A. n est pas exclusif et qu il pourrait exister un droit contractuel de récupérer les taxes et même peutêtre les pénalités sur la base d un engagement contractuel. Or, un fournisseur pourrait prétendre qu il existe à tout le moins un droit général de poursuites pour dommages en vertu des articles 1457 et 1458 du Code civil du Québec 22. Du point de vue extracontractuel, la question est de savoir si un montant de taxe peut représenter un dommage, et si le fait de ne pas payer la taxe au fournisseur est une faute au sens du droit civil. Sur le plan contractuel, le contrat représente la loi des parties, et les parties, de par leurs négociations, peuvent prévoir des clauses relatives à toute réclamation de TPS/TVQ 23. Par conséquent, il est à prévoir que la jurisprudence évoluera sur cette question. 2.3. PÉNALITÉ ET INTÉRÊT De par le texte même de l article 224 L.T.A., il semble clair que le droit de poursuivre en vertu dudit article est limité au montant de taxe. Or, il est fort possible qu un fournisseur cotisé par Revenu Québec pour un montant de taxe non remis ait été cotisé pour les droits plus les pénalités et les intérêts. Est-ce qu un fournisseur peut récupérer d une certaine façon les pénalités et les intérêts cotisés? De façon générale, les pénalités et les intérêts sont appliqués lorsqu une personne ne remplit pas ses obligations en vertu des lois fiscales. Or, l obligation de remettre un montant de taxe payable existe, le tout en vertu de l article 228 L.T.A., même si ce montant n a pas été payé par l acquéreur. Dans la décision Occo Development, la Cour d appel du Nouveau- Brunswick a affirmé qu un fournisseur ne peut réclamer les pénalités et les intérêts puisqu ils découlent du défaut du fournisseur de remettre la taxe au Receveur général. La Cour d appel écrit : «The debt attributable to penalties and interests arose by reason of the failure of Occo to make its remittance and it is therefore not recoverable from the apartment owners 24.» 22 23 24 L.Q. 1991, c. 64. Voir Wilson c. Hrytsak, [2002] G.S.T.C. 108 (B.C.S.C.). Occo Development, précité, note 13, par. 17.

392 REVUE DE PLANIFICATION FISCALE ET SUCCESSORALE, VOL. 26, N O 2 Dans une lettre d interprétation 25 de 1995, l ARC a répondu que, puisqu un acquéreur n a aucune obligation légale de rapporter la transaction aux autorités fiscales, il n existait aucune obligation en vertu de la Loi sur la taxe d accise, pour un acquéreur, de payer des intérêts et des pénalités sur un montant de taxe non perçu par le fournisseur. Il semble donc qu un fournisseur ne pourra pas recouvrer d un acquéreur les pénalités et les intérêts, le tout sous réserve du droit général de poursuivre en vertu du Code civil du Québec (voir la section 2.2. à cet effet). 2.4. TAXES INCLUSES OU TAXES EN SUS La plupart des décisions de jurisprudence relativement à l article 224 L.T.A. traitent de la question de savoir si les taxes étaient incluses dans le montant mentionné aux contrats ou aux documents, ou si des taxes doivent être payées en sus du montant mentionné aux contrats ou aux documents. De façon générale, la question des taxes incluses ou taxes en sus est presque exclusivement une question de fait. Donc, après l analyse des relations entre les parties, des intentions des parties, de la documentation et de l ensemble de la preuve au dossier, les tribunaux arriveront à la conclusion que les taxes étaient incluses ou en sus. De façon générale, et conformément à l économie de la Loi sur la taxe d accise, il semble que lorsque les contrats ou les documents sont silencieux quant à l application de la TPS, le montant mentionné représente le montant payable pour la contrepartie et la taxe doit être calculée en sus, donc sur le montant représentant la contrepartie 26. L ARC a fait connaître sa position relativement à cette question dans l Énoncé de politique P-118R 27. À cet égard, l ARC mentionne dans ce document qu elle respectera l intention des parties dans la détermination de la taxe incluse ou de la taxe en sus. En conclusion, le tout demeure une question de fait. 25 26 27 AGENCE DU REVENU DU CANADA, lettre d interprétation W95-322, 13 février 1996. Voir Governor s Hill Developments Ltd. c. Robert, [1996] G.S.T.C. 43 (Ont. C.A.); Dworak, précité, note 15 et Fast Trac Bobcat & Excavating c. KWH Constructors Ltd., [2001] G.S.T.C. 140 (B.C.S.C.). AGENCE DU REVENU DU CANADA, op. cit., note 12.

CHRONIQUE TPS/TVQ 393 2.5. OPPOSABILITÉ À REVENU QUÉBEC Le plus important point d interrogation soulevé par l article 224 L.T.A. lors de son application demeure la question d opposabilité d une décision du tribunal compétent aux autorités fiscales. La question qui sous-tend cette première interrogation concerne aussi le procès lui-même : doit-on mettre les autorités fiscales en cause? Dans l affaire Claveau, le demandeur a mis en cause Revenu Québec. Or, dans la plupart des décisions de jurisprudence, les autorités fiscales ne sont pas mises en cause. Un problème conceptuel apparaît : est-ce qu un contribuable ne pourrait pas se trouver dans la situation ambiguë où il s est fait cotiser à titre de fournisseur pour la taxe non perçue calculée en sus du montant mentionné aux documents, que ce fournisseur paie la cotisation (à la suite d une opposition ou non), qu il poursuive l acquéreur en vertu de l article 224 L.T.A. et qu un juge arrive à la conclusion que la taxe était incluse au montant du contrat ou qu aucune taxe ne s appliquait dans le dossier en l espèce? En effet, dans la défense qu un acquéreur peut opposer au fournisseur, il est possible que se retrouve le fait que la taxe était incluse dans le montant prévu au document, que la fourniture était détaxée ou encore exonérée. Potentiellement, il est possible que des contradictions apparaissent entre la position de Revenu Québec en ce qui concerne l avis de cotisation et la décision d un juge dans le contexte de la poursuite sur la base de l article 224 L.T.A. Pour limiter le risque d avoir des décisions contradictoires, il semble donc qu un fournisseur qui poursuit un acquéreur devant le tribunal devrait appeler et assigner Revenu Québec comme partie au litige à titre de mis en cause dans ses procédures, rechercher des conclusions contre Revenu Québec et s opposer également à l avis de cotisation de Revenu Québec jusqu au règlement final du litige. CONCLUSION Finalement, bien qu à première vue la procédure prévue à l article 224 L.T.A. permettant à un fournisseur de poursuivre un acquéreur semble être quand même assez facile, celle-ci n est pas un remède à tous les maux autant du côté des fournisseurs que des acquéreurs. En effet, de nombreuses questions se présentent que ni la jurisprudence ni la doctrine ne semblent avoir résolues. Le meilleur conseil qu on pourra donner à un client, qu il soit fournisseur ou acquéreur, sera de bien analyser les transactions et de rédiger la documentation pertinente en ayant en tête l application de la Loi sur la taxe d accise et de la Loi sur la taxe de vente du Québec lors de toute transaction afin d éviter des problèmes relatifs au paiement de la TPS/TVQ.

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