L amélioration du traitement comptable des risques



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Transcription:

Journée d étude sur la gestion de la dette des collectivités et établissements publics locaux.-. Institut d Etudes Politiques de Strasbourg 9 novembre 2012.-. Intervention de M. Christophe Rosenau, Président de la chambre régionale des comptes d Alsace L amélioration du traitement comptable des risques Cette première intervention sur les traitements en matière de la gestion de la dette concerne exclusivement le traitement comptable. La crise a révélé de façon évidente qu il y avait, d une part, un problème de connaissance de la dette et des risques existants et, d autre part, un traitement comptable à améliorer, particulièrement dans la sphère publique locale. Ceci a conduit à une saisine par les pouvoirs publics du Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) qui y a répondu par deux avis : - le premier, du 8 juillet 2011, traite essentiellement de l information financière, plus précisément de l information sur les dettes financières et les instruments dérivés des entités à comptabilité publique relevant du code général des collectivités territoriales, du code de l action sociale et des familles, du code de la santé publique et du code de la construction et de l habitation ; - le second, du 3 juillet 2012, propose de faire évoluer les règles de la comptabilisation des dettes financières et des instruments dérivés des mêmes entités. La transposition effective du contenu des avis du CNoCP relève du pouvoir règlementaire et prend la forme d un arrêté commun pris par les Ministres des Finances et de l Intérieur habituellement en fin d année pour entrer en vigueur, en général, à compter de l exercice suivant. C est le traditionnel arrêté de modification ou d ajustement des plans et normes budgétaires et comptables que les praticiens des finances publiques locales connaissent bien. Celui concernant l amélioration de l information financière sur la dette a été pris par l arrêté conjoint du 29 décembre 2011, tandis que celui relatif à la comptabilisation est annoncé pour la fin de l année. Cet exposé traitera donc, pour partie, des règles à venir et ne fait que refléter les préoccupations de l organe consultatif traitant de la normalisation des comptes publics avec son souci de favoriser l établissement de comptes sincères, fidèles et exhaustifs conformément aux standards constitutionnels et communs applicables en la matière. Il convient d emblée d apporter quelques précisions et éclaircissements sur le but poursuivi par la mise en œuvre de cette réglementation et les difficultés qu elle peut receler. La ligne de conduite qui a sous-tendu la préparation de l aménagement des règles d information financière d abord et, ensuite de la comptabilisation des dettes financières et des instruments dérivés a été constante et peut se résumer par les deux propositions suivantes : - faire simple, c est-à-dire n avoir que des exigences minimales et aisées à satisfaire, tant en matière d information financière à donner que de traitement comptable de la dette, dès lors que l entité ne s est positionnée que sur des emprunts classiques (emprunts à taux fixes, à taux variables ayant recours à des index de marché connus, régulièrement publiés).

2 Réciproquement, ceux qui poursuivent un objectif de minimisation de risques (au sens de subir une évolution défavorable de la charge d intérêts), voire de gain par rapport à l évolution des marchés financiers, objectif qui ne peut être atteint que par une certaine prise de risques (dont les emprunts structurés accolant au prêt proprement dit la vente d une option traduisant une prise de position spéculative sur un ou plusieurs marchés financiers), ceux-là sont tenus d apporter une information financière plus complète sur leurs opérations et à traduire leurs effets dans les comptes, afin que ceux-ci retracent la situation financière réelle de l entité, c està-dire que cette dernière respecte le principe de sincérité et d image fidèle ; - donner une image fidèle ou la plus fidèle possible, c est-à-dire que les pertes d opportunité liées à des produits simples ne donnent pas lieu à un traitement spécifique. Ce traitement comptable est réservé aux produits complexes et qui se différencie selon qu on est en présence d un nouvel emprunt ou d emprunts existants (ou stock). Pour ce faire, il est fait appel à la notion de jugement, c est-à-dire une évaluation du risque, cette évaluation étant revue à la clôture de chaque exercice. L amélioration de l information sur la dette et les instruments dérivés On n insistera guère sur cette partie classique produite à l appui des documents budgétaires (budget primitif et compte administratif) si ce n est pour souligner les aménagements apportés à compter de 2012 ; ceux-ci sont principalement : - en ce qui concerne la répartition des emprunts par type de taux, la catégorisation des emprunts pour distinguer entre emprunts à taux fixes, variables, à plusieurs tranches de taux et avec options ; - les taux d intérêt (à acquitter ou acquittés) sont à indiquer après opération de couverture (une opération de couverture pouvant ainsi conduire à faire passer un produit complexe en produit simple) ; - les opérations de couverture renvoient précisément à l emprunt couvert, distinguant entre risques financiers relatifs aux taux d intérêts et aux taux de change et retracent, d une part, les primes payées ou reçues respectivement, le cas échéant, pour l achat ou la vente d options et, d autre part, les charges et produits constatés depuis l origine du contrat ; - un tableau relatif aux emprunts renégociés/refinancés comportant notamment le rappel de la durée, du taux, du nominal et du profil d amortissement tant pour l emprunt initial que pour l emprunt renégocié ; - l indication du taux minimal/maximal encouru, ainsi que du coût de sortie au 31 décembre de l exercice clos. On retiendra que par-delà l information chiffrée à renseigner dans des tableaux prédéterminés, il devrait être établi une description littérale (présentation d un rapport ou partie de rapport, notamment à l occasion des orientations budgétaires et du vote du compte administratif sur la gestion de la dette et plus particulièrement sur les options de répartition d encours, la gestion de l encours structuré et les risques spécifiques qu il recèle). On observera que par rapport aux préconisations de l avis du CNoCP, il n est pas prévu de renseigner un tableau de flux de trésorerie (à 1 an, et au-delà) distinguant entre capital et intérêts à amortir, ni d analyse de sensibilité permettant de mesurer l incidence d une variation des taux d intérêt ou des taux de change sur les charges financières futures.

3 Le traitement comptable de principe (tel qu il est envisageable au vu de l avis du CNoCP). Ce traitement s applique aux emprunts nouveaux. Il distingue entre produits simples et produits complexes, cette dernière catégorie se différenciant elle-même en produits complexes bénéficiant d un mécanisme de protection (c est-à-dire pour lesquels il existe un instrument financier de couverture) qui les ramène dans le champ des produits simples (si le mécanisme de couverture est jugé efficace). Cette différenciation entre produits simples et produits complexes vaut également pour l approche du stock d emprunts existants. Produits simples et produits complexes Sont qualifiés de produits simples, les produits à taux fixes ou à taux variables ou encore à barrière de taux qui n ont pas d autre effet que d exposer le souscripteur à des pertes d opportunité sous certaines conditions de marché ou, autrement exprimé, qui n exposent pas à des charges d intérêt augmentant dans des proportions sensiblement différentes de celles des taux de marché. Dans le classement de la charte Gissler, ils correspondent aux produits classés au plus à C ou à 3. Ces produits font l objet d un traitement comptable simple qui, toutefois, dans le cas d une bonification de la charge d intérêts en début de période, vise à annihiler l avantage budgétaire en le lissant. Les produits complexes sont les produits qui comportent une composante de prise de risque supérieur, c est-à-dire un risque de devoir acquitter un taux d intérêt très supérieur aux conditions du marché. Ces produits se caractérisent, en général, par un taux bonifié au départ, cette bonification rémunérant la vente d une option qui permet à son acquéreur (qui n est pas ou ne reste pas forcément la banque ayant mis en place le prêt) de bénéficier d une rémunération bien supérieure au taux du marché si les conditions d évolution des taux (par exemple inversion ou rapprochement des taux courts et longs) se réalisent. Comme pour les produits simples, une éventuelle bonification n est comptabilisée qu au moment où elle est certaine. Par contre, le risque supplémentaire pris doit être traduit dans les comptes sous la forme d une provision, sur la base d une évaluation financière à effectuer dès la mise à disposition des fonds. Dès que l évaluation fait apparaître un risque de perte supérieur à la bonification obtenue, une provision doit être constituée à hauteur de cet écart. Le traitement comptable des produits simples et des produits complexes Pour les produits simples, le principe est celui de la comptabilisation des charges par application de la méthode des intérêts courus non échus. Dans le cas d un emprunt à taux bonifié, c est-à-dire l hypothèse où l on diffère la charge d intérêt annuelle en tout ou partie sur une période ultérieure, la bonification est neutralisée en recalculant pour chaque exercice considéré une charge d intérêt, soit sur la base du taux d intérêt effectif lorsque ce taux peut être calculé, soit sur la base du taux de marché à l origine. L écart entre la charge d intérêt affichée et la charge d intérêt calculée est enregistré en produits constatés d avance. A l issue de la période de bonification, le montant correspondant est repris sur la durée restant à courir. En clair, il n y a pas d intérêt budgétaire à recourir à un emprunt présentant en début de période d amortissement une bonification, car le montant de la bonification doit être calculé et mis en réserve (produit constaté d avance). Le taux de marché d origine devra être systématiquement établi et correspondra, soit à un taux Euribor [par application du taux Euribor des différentes maturités (information quotidiennement disponible sur le site de la Banque de France)], soit au taux fixe correspondant à celui du moment de la conclusion du contrat qui pourra être, à défaut d une offre d un établissement prêteur consulté, l indice TEC 10 publié par l Agence France Trésor (le TEC 10 est l indice quotidien des

rendements des emprunts d Etat à long terme correspondant au taux de rendement actuariel d une obligation du Trésor fictive d une durée de 10 ans). A noter que dans son avis, le CNOCP, pour définir le montant de la reprise de bonification, a proposé, soit de reprendre linéairement la bonification sur la durée résiduelle non bonifiée de l emprunt, soit de neutraliser la bonification en recalculant la charge d intérêt annuel sur la base d un calcul financier exact. Pour les produits complexes, c est-à-dire ceux comportant une prise de risque supplémentaire et qui se présentent en général comme ayant un taux bonifié pendant une période par rapport au taux qui aurait été obtenu à l origine en souscrivant un produit simple, l approche à suivre est double. D une part, comme pour les produits simples, la bonification éventuelle ne doit être comptabilisée qu au moment où elle est certaine. Ceci implique qu on enregistre annuellement en produits constatés d avance, l écart entre la charge d intérêt au taux de marché (calculé comme ci-dessus) et la charge d intérêt au taux bonifié. Ces produits constatés d avance sont rapportés au résultat sur la durée résiduelle de l emprunt ou, s il a été mis en place un mécanisme de protection, la bonification excédentaire éventuelle n est rapportée au résultat qu à l échéance de l emprunt. Cette approche répond à fois aux principes comptables de sincérité et de prudence. D autre part, pour traduire le risque supplémentaire, il est réalisé dès la mise à disposition des fonds et au moins à chaque clôture d exercice, une évaluation financière du risque inclus dans l emprunt. Dès que cette évaluation fait ressortir un risque de perte supérieur au montant de la bonification obtenue, une provision est constituée à hauteur de cet écart. Le risque est réexaminé à chaque date de clôture sur la base des anticipations de taux. Le calcul du montant de la provision s effectuera en partant du différentiel de taux (taux structuré moins taux de référence) en appliquant ce différentiel de taux à toutes les échéances à venir.voilà pour l approche théorique. Dans la pratique, parce que la bonification initiale est inconnue du souscripteur, cet écart sera sensiblement égal à la différence entre la valeur actuelle nette de l emprunt à la clôture de l exercice (tel que le prêteur le communique) et le capital restant dû tel qu il ressort du tableau d amortissement. L application de ces dispositions Après avoir évoqué la comptabilisation des provisions, seront précisées les conditions d entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions dont il était prévu qu elles s appliquent à compter de l exercice 2013 (comptes clos le 31 décembre 2013), mais qui ne seront probablement généralisées qu en 2014, 2013 ne concernant que des entités volontaires. Ces dispositions constituent, au plan comptable, un changement de méthode sans impact budgétaire pour les collectivités qui devront toutefois retracer à leur bilan un volume de provisions correspondant au risque éventuel auquel elles sont exposées. Pour les nouveaux emprunts, la comptabilisation des provisions s effectuera, selon les dispositions en vigueur dans les instructions budgétaires et comptables, à une subdivision du compte 1516 «Provisions pour risques sur emprunts» (crédit), par débit du compte 6865 «Dotations aux provisions pour risques sur emprunts». Selon le régime de provision adopté par la collectivité, il s agira de provisions budgétaires ou non budgétaires. Pour le stock d emprunts, c est-à-dire en fait tous ceux conclus avant le 31 décembre 2012, ceux qui auront les caractéristiques d un emprunt complexe doivent donner lieu, pour une application de la réglementation aux comptes de l exercice 2013, à une évaluation du risque (fin 2013) et constitution, le cas échéant, d une provision. Celle-ci sera comptabilisée, par imputation sur la situation patrimoniale nette (débit du compte 1068 «Excédents de fonctionnement capitalisés») au crédit d une subdivision du compte 1516 «Provisions pour risques sur emprunts». Si, par la suite, 4

la provision doit faire l objet d une reprise, le compte 1516 «Provisions pour risques sur emprunts» sera débité, ce montant étant porté au crédit du compte 7865 «Reprise sur provision pour risques et charges financières». Ces écritures, passées par le comptable public au vu des indications données par l ordonnateur, s effectueront selon des modalités différentes selon que la collectivité a ou non opté pour un régime de provisions budgétaires ; éventuellement ces écritures sont également différenciées selon que l organisme dispose d un niveau d excédent d investissement cumulé suffisant pour couvrir le niveau de provision à constituer. La mise en œuvre de ces écritures comptables n a pas d impact sur le niveau des disponibilités, mais fera apparaître les conséquences de l endettement structuré sur la situation nette de l entité. Le réaménagement de la dette Les juridictions financières ont régulièrement effectué des travaux sur les renégociations d emprunts, relevant dans leurs observations que nombre de ces opérations financières se traduisaient au mieux par une amélioration faciale de l état de la dette de la collectivité. Après renégociation, celui-ci présente un taux d intérêt moyen dans la fourchette du marché en contrepartie d un stock de dette augmenté de tout ou partie de l indemnité actuarielle représentative du coût de l abaissement des taux faciaux des emprunts renégociés, lorsque lesdites indemnités ou soultes ne pouvaient pas être acquittées avec des excédents oisifs de disponibilités. Lorsqu à l occasion de ces opérations on remplace, en période de retournement de courbe de taux, des emprunts à taux fixe par des emprunts à taux variable ou qu on allonge la maturité (l abaissement du montant de l annuité en capital permet de retrouver des marges en section d investissement), il y a la quasi-certitude d avoir augmenté les charges d intérêts par rapport à la situation antérieure. La gestion de la dette structurée et ses développements successifs dans le temps (du produit à barrière simple à celui à incrémentation de taux («snow ball») en passant par les différentes formes de produits de pente de taux, de parité de devises ou d autres différentiels) redonnent une véritable actualité aux réaménagements de dettes souvent proposées en anticipation de barrières qui se désactivent ou de courbe de taux qui s inversent. Ces renégociations interviennent alors au moment où les perspectives de gain sur l option vendue par la collectivité se concrétisent pour la contrepartie ou, formulé autrement, cela correspond au moment où l écart de la valeur actuelle nette du contrat s écarte le plus fortement à la hausse par rapport au capital restant dû facialement affiché par le tableau d amortissement. Négocier dans ces conditions revient à geler ou durcir des anticipations de gains futurs de la contrepartie à un niveau élevé (ou au niveau le plus élevé), en dette effectivement cristallisée dans le bilan de la collectivité, sans compter le coût de l éventuelle marge de sortie supplémentaire que le prêteur/la contrepartie souhaite obtenir en renonçant, à l occasion de cette renégociation, à des gains certains ou très probables sur la base de l ancien contrat. En partant du constat que les renégociations d emprunts prennent des formes différentes pour acquitter l indemnité ou la soulte traduisant l écart de la valeur actuelle nette de l emprunt renégocié avec le capital restant dû (tantôt l indemnité est payée immédiatement, tantôt elle est capitalisée, tantôt incluse dans les intérêts futurs), le CNoCP, dans son avis précité du 3 juillet 2012, a souhaité promouvoir un traitement comptable identique de façon à ce que le montant de l indemnité de restructuration soit précisément identifiée et connue. Pour satisfaire à l objectif de transparence et de comparabilité de l ancien et du nouveau contrat, la valeur actuelle nette de chacun devrait être systématiquement communiquée par la contrepartie. L indemnité ou la soulte apparaissant à cette occasion devrait être comptabilisée dans les charges de l exercice quitte à faire l objet d un étalement, mais sans que sa durée puisse excéder la durée restant à courir de l emprunt renégocié. En cas de restructuration de plusieurs emprunts, l étalement de l indemnité devrait être réalisé sur la durée pondérée restant à courir des différents emprunts. 5

Dans la pratique, le respect de toutes ces prescriptions rend très difficile les renégociations car elles deviennent des opérations vérité sur la réalité des risques pris (pour des gains temporaires et limités) et surtout, dans quelques cas, peuvent apparaître irréalisables au regard des contraintes et de la situation financière réelle des entités locales concernées. Pour autant, ces prescriptions s inscrivent indiscutablement dans l exigence de comptes fidèles et sincères comme toute entité publique se doit de les présenter. * * * Il convient maintenant d explorer, en sus de l approche par les règles comptables, d autres modes de traitement, ce qui sera l objet du prochain exposé consacré aux recours contentieux. 6