Achillée fanée. Charles-Edouard Skaf

Transcription

1 Charles-Edouard Skaf Achillée fanée

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3 Syrie Bordée d écume Mer tu t agites courroucée sur un roc qui se perd, le désert n est pas loin L aube chasse la candeur des rêves d été Les vapeurs de la rosée rafraîchissent les mains Onze années, mon Soleil, que l on s est quittés Ta pureté a nourri mon âme je m en souviens Ô Syrie maintenant c est du sang que tu pleures Prière à Dieu pour les hommes qui se meurent. 3

4 Solitude Rivière acculée à deux montagnes enjouées Livide est son eau elle coule lentement L équille gambade enlisée dans les fonds sablés L œil fixe, elle se cache dit-on, rien n est effrayant L allégresse apparaît vient les sons éployés Le temps passe, les saisons, inévitablement Néant, perplexe puis délicieuse volupté Le lys a fleuri, quelle belle odeur d été! Lorsque ébranlés les ailes déployées les anges riant Tu te trompes! La solitude ne t as pas appelé. 4

5 Lucidité Vers l allée appesantie je m immerge sans cesse Des profondeurs, abîmes obscures j y trouve ma joie S échiner l âme pour un rien, une délicatesse Puis la conscience s en va, rire à haute voix Deux saisons passent voilà Lucidité, la paresse s avise, de suaves moments mes yeux s éploient. 5

6 Sombre mélancolie Fonds boisés embrassent la colline Plus bas que terre, opaque, s échinent Sombre mélancolie, quels sont les remèdes pour te quitter, je prie Dieu quand même Baiser tes lèvres empourprées Souvenirs de printemps éphémères partis, une main délicate, la figure morne appelle l espérance, elle ne m entend pas Sombre mélancolie, quels sont les remèdes pour te quitter, je prie Dieu quand même La houle se calme, l opulence de mon âme c est que l espoir apparaisse enfin, blême est le visage de ces Naïades lorsqu elles croisent mon regard qui s enfuit, habitué au désespoir Mon âme retorse plongé dans l abreuvoir Sombre mélancolie, quels sont les remèdes pour te quitter, je prie Dieu quand même. 6

7 Nouvelle Bacchanale Sur un lac diaphane, la lune s esquisse drapée A pas de loup s y plonge un homme buste complet Âpre est son goût, le platane s en contente lui Gondolé de vertu te sens-tu affaiblie Tes pensées te rongent, les voluptés sont nombreuses Est-ce un remède à ta mélancolie cueilleuse? 7

8 Lamentations des songes Tout est calme, le fleuve finira par tomber dans la mer, océan de pensées intouchables La marotte tombe, toujours la peur ballée qu elle se relève, peur d ascèse inévitable Le masque qui me rongeait l âme a enfin sombré Et pour l instant la maladie n est plus là Est-elle seulement endormie en moi ou Serait-elle pour de bon disparue? je ne sais pas Toujours cette peur de plonger dans le trou Le râle des agonisants, pensée qui m affola S étioler peu à peu et lentement par la vie Toujours ce manque de quelque chose en moi Jamais heureux, voilà l amitié, ne vit que pour l ardeur de créer, tout cela me noie chaque jour dans cette même sombre mélancolie. 8

9 D une colline appesantie une charmille s offre au regard, mon âme est une vrille Harasser par l extrême langueur de la foule s ouvre à moi de nouveaux air, la houle Le peu de tendresse que je reçois régénère mon cœur qui s émoi Ta beauté est comme celle d une caryatide figée, elle ne bouge pas, sans rides Comme le sculpteur qui s acharne sur une stèle de la voûte, la croisée donne des ailes Rêve de rencontre qu une divine allégresse envahisse mon être, égaré par les bassesses Mon âme est en saillie, un bas-relief emprisonné dans ce bloc, elle a des griefs Pourtant elle essaie de sortir, voulant embrasser une femme belle et vertueuse et se reposer. 9