Il y a longtemps, bien longtemps, vivait en plein cœur du Sahara, un petit garçon, appelé Béni. Oh! Rassurez-vous, il ne vivait pas seul dans cet

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3 Il y a longtemps, bien longtemps, vivait en plein cœur du Sahara, un petit garçon, appelé Béni. Oh! Rassurez-vous, il ne vivait pas seul dans cet immense désert de sable et de cailloux mais bien au contraire, il était entouré d une famille, d une très grande famille que l on appelle là-bas une smala. Une famille de nomades qui se déplace sans cesse pour effectuer des échanges, du troc, du commerce si vous préférez, avec les populations locales vivant dans les oasis. Une caravane toujours en marche, à la recherche d un point d eau et de quelques maigres touffes d herbes. Dans cette tribu mouvante, chacun a un rôle, un travail à faire. Les uns s occupent des dromadaires, d autres des tentes, d autres encore du feu, de la cuisine. Généralement, les hommes vont à la chasse et les plus âgés ont la charge de tailler des morceaux de silex pour en faire des outils ou des flèches pour les chasseurs. Ils sont tous vêtus de vêtements souples et amples pour se protéger des vents de sable, de la chaleur mais aussi du froid, car les nuits peuvent être très fraîches dans cette région. 2 3

4 Béni, lui, est responsable des chèvres. Quand la smala se déplace, il veille sur son troupeau. Quand la smala établit son campement, il lui faut encore marcher et toujours marcher à la recherche d un peu de verdure pour ses bêtes. Il doit les garder pendant de longues heures, les protéger contre les hyènes qui rôdent sans cesse, veiller à ce qu aucun de ses animaux ne s égare. Dans la journée, il s établit dans ce désert un silence profond. Rien ne semble bouger, vivre. Dans ce décor resté le même depuis des siècles, dans ce monde proche de la pureté naturelle, dans ce silence quasiment absolu, la solitude semble à la fois plus profonde et plus désirée. Dans cet univers où le temps s arrête, tous nos repères semblent s évanouir pour laisser la place à la méditation. Béni lui-même n échappe pas à ce pouvoir du désert. Il a une vie intérieure très forte mais cependant il sait garder tous ses sens en éveil, Il est à l écoute du moindre bruit, à la recherche de la moindre présence d animaux étrangers. Malgré son jeune âge, Béni a une très grande expérience. Il n a ainsi aucun mal à repérer dans cet espace, dont les couleurs se situent entre l ocre et le brun, un iguane, un porc-épic, un fennec, une gazelle ou encore un serpent à sonnettes et même un scorpion. Cela ne vous paraît peut-être pas un exploit, mais vous devez savoir que dans le désert, la robe des animaux est d une curieuse uniformité. Tous sont de la couleur rappelant celle du sol. Une affaire de mimétisme, disent les savants. On dit que le désert est aride et brûlant et pourtant la faune y est extraordinairement nombreuse et variée. 24

5 Tous ces animaux s affairent soirs et matins inlassablement en quête, eux aussi, de nourriture. Béni a pris pour habitude de s asseoir au milieu de ses bêtes, de rester silencieux pendant de longues heures tout en fixant le paysage, comme fasciné par les lignes d horizon de ce désert qui n en finissent pas de danser sous l effet de la chaleur et de créer ainsi des mirages. Le mirage est fréquent dans cette région désertique. C est la déformation du paysage. La couche d air au dessus du sol devient brûlante et modifie les contours de l horizon. Les lignes nettes que vous pouvez voir habituellement disparaissent pour laisser la place à des images floues et même animées. Généralement le voyageur croit voir apparaître des nappes d eau et des arbres. Imaginez qu il soit assoiffé, ce qui est fréquent au Sahara. Il risque alors de s épuiser à vouloir atteindre de tels espaces qui, en fait, n existent pas. Ce n est pas très drôle pour un enfant de cet âge de rester ainsi seul dans ce désert, dans cette immensité à perte de vue. Mais Béni aime ses chèvres. Les petits chevreaux l amusent beaucoup. Il peut leur parler pendant des heures. Chez nous, nous aurions dit qu il leur parlait de la pluie et du beau temps, mais au Sahara, il ne pleut jamais, ou presque. Aussi il leur parlait du soleil et des étoiles. Il lui arrivait parfois de leur demander si, à leur avis, ces étoiles, qui scintillent des nuits entières, étaient habitées. Les chèvres levaient alors la tête, observaient le ciel puis se remettaient à brouter, en quelque sorte pour lui dire que c était peut-être possible mais que cela n avait aucune importance et que l essentiel, pour elles, était de brouter. 2 5

6 Il se mettait alors à penser aux histoires que les grands anciens racontent, le soir après le repas, lorsque toute la smala est assise autour du feu. Ceuxlà, le visage buriné par le soleil brulant, expliquent ainsi aux plus jeunes pourquoi ils doivent marcher, toujours marcher et encore marcher sous le soleil et la chaleur pour pouvoir trouver l eau et la nourriture dont ils ont besoin. Cela se passe ainsi depuis le jour où ils ont dû quitter leur village, nommé Bouha- Mama. C était un véritable paradis couvert de palmiers, d orangers et de citronniers. Un village avec même un château, le château de Bouha-Mama. Un pays ou l eau jaillissait de la terre, où les plus belles plantes couvraient le sol et les plus belles fleurs embaumaient les espaces. Mais un village où l eau a fini par disparaitre. Et avec l eau qui s était ainsi évanouie, les arbres, les fruits, les légumes et les fleurs ne poussaient plus. Les oiseaux mêmes avaient fini par quitter les lieux. Seules avec les habitants, les mouches étaient restées encore quelque temps. Elles étaient devenues comme des compagnons de plus en plus collants et de moins en moins désirés, se posant sans cesse sur les visages, à la recherche de la faible humidité que peuvent péniblement offrir les yeux et les lèvres. C était désagréable. Et un jour vint où les habitants ont dû abandonner le village. Et les mouches les ont suivis. Béni n avait jamais connu Bouha-Mama et comme tous ceux de son âge il en rêvait. Il se demandait pourquoi l eau avait disparu brusquement dans ce village et il espérait qu elle reviendrait. Il se confiait ainsi souvent à ses chèvres. 26

7 Un jour, alors que cette vielle histoire lui trottait dans la tête et que ses yeux étaient fixés depuis longtemps sur l horizon, il se met à rêver que l eau est enfin revenue dans ce village, lui-même redevenu un paradis. Puis, il secoue la tête, reprend ses esprits et se met brusquement à regarder autour de lui. Il réalise alors que son plus jeune chevreau, Alibi, a disparu. Il scrute tout le paysage environnant. Pas de chevreau en vue. Pas le moindre frémissement d une herbe au passage d un chevreau. Pas la moindre trace de poussière s élevant dans le ciel sous les pattes d un animal. Pas le moindre signe d une course d une bête dans ce désert. Au bout d un moment, Béni doit se rendre à l évidence, son chevreau Alibi a bien disparu. C est alors qu il est dérangé par une mouche qui se pose tantôt sur ses lèvres, tantôt sur son front ou ses joues. Béni s apprête à la chasser en se donnant une gifle, en prenant même le risque de l écraser contre sa joue, quand subitement, il entend la mouche lui parler à l oreille : «Ton chevreau Alibi est loin, très loin, hors de portée de ta vue. Il ne te reste plus que tes yeux pour pleurer, à moins que tu n obtiennes le secours de la gerboise Minos. Cette gerboise connaît beaucoup d animaux dans la région sur lesquels elle a une grande influence. Elle peut les mobiliser pour retrouver Alibi. La gerboise Minos, séjourne généralement au sommet de ces rochers.» Alors, Béni démarre en trombe pour escalader les rochers. Il saute allègrement d une pierre à l autre quant subitement, il entend : «Mais quel est cet abruti qui a failli m écraser ainsi? Il s en est fallu de peu que je me retrouve complètement aplati!» 2 7

8 Béni, tout surpris, s arrête, se retourne et voit à ses pieds, une petite gerboise. «Excuse-moi, dit-il. C est toi Minos?» La gerboise lui ayant répondu «oui», Béni s empresse alors de lui expliquer ce qu il attend d elle: l aider à retrouver son chevreau Alibi. «Jeune homme, lui dit Minos, je ne vois pas comment je peux faire mieux que toi. Tu es beaucoup plus grand que moi et ta vue porte beaucoup plus loin que la mienne.» «Peut-être, répond Béni, mais ne dit-on pas dans la région que tu connais pratiquement tous les animaux du secteur et que tu as sur eux une très grande influence. Si cela est vrai, il t est certainement possible ainsi de leur demander de se mettre à la recherche d Alibi.» «Non, je ne suis pas un chef de bande. Mais il est vrai, dit Minos, que j ai beaucoup d amis chez tous ces compagnons du désert. Je m efforce toujours de les écouter de mon mieux et de leur apporter les avis et les conseils qu ils viennent parfois chercher.» «Minos, tu es donc bien celle qui est le mieux à même de m aider dans mes recherches.» «Mais, jeune homme, ce type de services est réservé à ses amis, à ceux en qui on peut avoir une grande confiance. A ma connaissance, nous ne sommes pas amis. Nous nous connaissons à peine. Si tu veux devenir mon ami, il te faut me démontrer ton attachement, me prouver, par exemple, que tu es capable de faire des choses exceptionnelles pour moi ou encore de prendre des risques pour moi.» «Je ne demande pas mieux mais as-tu une idée sur ce que je pourrais faire pour obtenir ta confiance, te convaincre?» lui demande Béni. 28

9 Minos se frotte le crane, porte son regard tout en bas des rochers puis dit : «tiens, par exemple, saute. Montre-moi que tu es capable de te jeter dans le vide jusqu en bas. Voilà une épreuve qui prouverait ton dévouement et me permettrai d avoir grande confiance dans ta personne.» La réaction de Béni ne se fait pas attendre : «Je suis désolé, Minos, cette épreuve est stupide. En sautant ainsi, j ai toutes les chances de me casser le cou, et alors je ne pourrais plus être d aucune utilité pour retrouver Alibi.» Béni se met à réfléchir, puis regarde Minos et lui dit : «J ai une autre idée. Tout à l heure, tu m as semblé regretter infiniment ne pas être en mesure de voir aussi loin que moi, compte tenu de ta petite taille. M accepterais-tu comme ami si je te permettais d être plus grand que moi et ainsi de voir plus loin?» «Assurément, s empresse de répondre Minos, mais je ne vois pas chez toi des dons qui te permettraient de réaliser un tel exploit. Pour cela, il faut avoir des pouvoirs exceptionnels, ceux d une fée, par exemple. Si tu disposais de tels dons, tu serais alors en mesure de retrouver aisément ton chevreau sans le concours de qui que ce soit et de celui d une petite gerboise en particulier. Donc je ne vois pas comment tu peux être en mesure de me faire grandir. Je te trouve un peu présomptueux.» Et la gerboise ajoute : «Pour répondre à ta question, je ne prends donc aucun risque en te disant que si tu es capable d un tel miracle, je t accepterais alors volontiers comme ami et ferais tout mon possible pour t aider.» Sans ajouter quoique ce soit à ces mots de Minos, Béni se penche vers la gerboise, la saisit par la taille, la place sur sa tête et lui dit alors : «Reconnais que tu 2 9

10 es ainsi plus grand que moi et que tes yeux, placés plus haut que les miens peuvent voir plus loin que cela m est possible. Minos, totalement surprise, voire même impressionnée met quelques minutes pour répondre à Béni : «Finalement, tu es plus malin que je ne le pensais. Je reconnais que tu as tenu ta promesse et que de ce fait tu deviens mon ami. Je vais donc t aider. Il t appartient de préciser clairement ce que tu attends de moi, mais, et tu le comprendras aisément, il ne m est pas possible de mobiliser de façon permanente tous mes compagnons du désert, aussi je limiterai à trois le nombre de mes interventions possibles. En quelque sorte, je ferai tout mon possible pour satisfaire trois vœux que tu auras exprimés, mais pas un de plus. Il t appartient donc de bien réfléchir et de prendre tout ton temps, encore que ton chevreau court toujours et que la nuit ne va pas tarder à tomber. C est pourquoi, il y a lieu, sans doute, d agir vite. Alors, mon cher ami, qu attends-tu de moi?» «C est simple lui répond Béni. Je souhaite que l on me dise où se trouve mon chevreau et que l on me permette de le récupérer.» «Mon cher Béni, nous en sommes au début de notre collaboration que je souhaite fructueuse. C est pourquoi, je me permets d attirer ton attention sur le fait que tu formules ainsi deux souhaits? Est-ce bien ton intention?» Embarrassé, Béni réalise l erreur qu il est en train de commettre en posant dès maintenant deux souhaits. Après cela il ne pourrait plus en émettre qu un seul. Aussi, il ajoute : «Merci, en effet, il me semble préférable de me limiter, pour le moment, à 210