Compte-rendu de la reunion publique QUE FAIRE DE MON LOPIN DE TERRE? Mardi 21 juillet 2015 salle bleue, Mairie de Le Palais. Etaient présents : Madame Bertho, maire de Locmaria, Bernard Giard, adjoint à l urbanisme de Locmaria, Muriel Vallade, adjointe à l urbanisme de Le Palais ; la présidente, vice-présidente et directeur du CPIE, respectivement Catherine Lebigre, Evelyne Dhume et Guillaume Février ; Marine Buet, stagiaire (offre et demande alimentaire à Belle-Île) au CPIE ; Maïna Samzun stagiaire dans le cadre de l appel aux Projets Agro-Environnementaux et Climatiques à la CCBI ; 14 propriétaires fonciers ; 6 agriculteurs dont 4 sont porteurs de projet ; enfin, 9 citoyens. LE CONTEXTE - POURQUOI CETTE REUNION? Les paysages de Belle-Île subissent de fortes mutations liées entre autres, au développement de l activité touristique mais aussi à l évolution des pratiques agricoles et une déprise de plus en plus lisible dans le paysage insulaire. Ces 20 dernières années, 300 hectares de terres à vocation agricole se sont enfrichés. Alors que les vallons aujourd hui majoritairement boisés, ont volontairement été abandonnés en partie du fait de la mécanisation de l activité agricole, l enfrichement récent du plateau, témoigne des nombreuses difficultés que rencontrent les agriculteurs bellilois : inadaptation d un modèle agricole conventionnel à un territoire qui ne l est pas du fait de son isolement, accès au foncier et au bâtiment à cause de la rétention foncière Représentant presqu un tiers du territoire insulaire (20%), les friches deviennent un potentiel conséquent pouvant motiver de nouvelles économies, sylvicole ou agricole. Si le maintien des exploitations agricoles en place est aujourd hui l une des préoccupations majeures des acteurs locaux, expérimenter de nouveaux modes de gestion de ces espaces abandonnés ou susceptibles de l être est un moyen d anticiper les évolutions qui transforment les paysages de l île. Mais aussi de concevoir collectivement un projet de territoire. La réunion avait dans un premier temps pour objectif de présenter des méthodes générales de valorisation et réappropriation des terrains en friche autour du hameau de Bourhic. Des méthodes générales car elles doivent être transposables à d autres parties du territoire. Les objectifs étaient aussi de sensibiliser plus largement la population (habitants permanents, temporaires, propriétaires fonciers, élus ) aux difficultés auxquelles se heurtent les agriculteurs et porteurs de projet agricole, aux enjeux économiques, sociaux, écologiques et paysagers liés à la pérennité des activités primaires sur le territoire, enfin de recueillir les idées de l assistance et mobiliser la population autour d un projet pour le maintien et le développement de l activité agricole et sylvicole à Belle-Île.
DEROULE DE LA REUNION 1. Introduction Directeur du CPIE de Belle-Île, Guillaume Février a dans un premier temps présenté les différentes actions que l association engage sur le territoire insulaire depuis plus de 10 ans. Plus généralement autour des thématiques telles que la biodiversité, l éco-habitat, l eau, les déchets et plus précisément autour de l agriculture : le développement d un programme agricole pour l île, la sensibilisation auprès de la population pour des produits locaux (accompagnement de l association Au Coin des Producteurs), enfin l accompagnement à la gestion du foncier et des friches. Si à l origine les friches étaient abordées selon une approche naturaliste, le CPIE souhaite ouvrir à d autres démarches leur gestion et multiplier les solutions de valorisation de ces terrains. C est dans ce cadre que s est constitué notre partenariat. 2. Présentation du projet / Accompagner et prévenir l enfrichement sur le plateau de Belle-Île, autour du hameau de Bourhic. Ont été abordés : * le contexte dans lequel s inscrit un tel projet ainsi que ce qui est en jeu d un point de vue économique, social, écologique et paysager, * Le choix du périmètre autour du hameau de Bourhic Choisi entre autres parce qu il offre une diversité de situations et de consistance des friches (de la plus jeune à la plus armée), ce périmètre permet de développer différentes méthodes de réappropriation de ces terrains abandonnés, et ce, en fonction de leurs caractéristiques. Rien de ce qui a été présenté sur les plans à la réunion n est définitif : le projet est expérimental et il évoluera collectivement, en fonction des attentes et besoins de l ensemble des acteurs (agriculteurs, porteurs de projet agricole, propriétaires fonciers, habitants ). Ma mission de paysagiste étant de faciliter l émergence des activités humaines sur le territoire en étant attentif aux qualités du socle naturel et à ses ressources. * Le programme en trois axes pour le maintien et le développement des activités primaires, expérimenté dans un premier temps autour de Bourhic : la consolidation voire la simplification foncière des exploitations déjà existantes l installation de nouvelles exploitations, la diversification des pratiques et d une offre agricole de qualité et de proximité l expérimentation autour d une nouvelle activité primaire liée à l utilisation et à la valorisation de la ressource en bois de l île, d une sylviculture adaptée aux conditions naturelles abrasives de l Océan Atlantique. Nous proposons des méthodes de valorisation des friches en fonction des particularités de chaque parcelle et de leur état d enfrichement, de la plus jeune à la plus armée, de la plus facile à rouvrir à la plus difficile. Le défrichage n est donc pas la seule manière d agir ; nous tenons compte également des boisements denses d ajoncs et de prunelliers pour en proposer d autres usages que ceux agricoles. Il ne s agit pas de lutte contre la friche mais bien de gestion des friches adaptée aux différentes situations.
Situation des trois axes du programme en fonction de la consistance des friches * Les moyens mis en œuvre pour la réussite du projet : l identification des ressources végétales et humaines, des attentes, des besoins des agriculteurs, porteurs de projets agricoles, propriétaires fonciers pour comprendre le territoire et définir justement les objectifs du projet, l information, la sensibilisation et mobilisation des habitants permanents et temporaires, en particulier des propriétaires fonciers en passant par une veille et médiation foncière, l information quant aux conditions de location ou prêt des terrains ainsi que les Groupements Fonciers Agricoles / les Associations Foncières Agricoles pour permettre de mettre en contact agriculteurs, porteurs de projet et propriétaires fonciers plus aisément, mettre en confiance, rompre les préjugés quant à l occupation des terrains par l activité agricole, et enfin expérimenter le programme, la mobilisation de partenaires, des collectivités locales, d associations, et d institutions comme Terre de Liens, la Chambre d Agriculture du Morbihan, la Pépinière Forestière d Etat de Guéméné Penfao pour un soutien politique, technique, juridique, financier et garantir le bon déroulement des opérations. * ainsi que des exemples sur d autres territoires en particulier insulaires à l Île d Yeu avec le Projet Terres Fert île du Collectif Agricole de l Île, à Oléron avec la création d un Comité de Développement pour une Agriculture Durable (CDAD) et à Moëlan-sur-Mer. Ces exemples visaient à faire prendre conscience que les problèmes liés au foncier peuvent être résolus malgré l ampleur de la tâche, qu ils ne sont pas une fatalité, qu il est par conséquent possible de parvenir à Belle-Île à un plan de maintien et de développement de l activité agricole insulaire, mais que pour ce faire, nous avons besoin d une forte mobilisation de la population.
3. Le projet d installation d Emmanuelle et Morgane un élevage caprin Emmanuelle et Morgane actuellement en exercice à la ferme de Keroulep sont intervenues pour présenter leur projet d installation. Elles arrivent au terme de leur convention avec la ferme de Keroulep fin 2015. Elles ont exprimé leur envie d installer définitivement à Belle-île leur exploitation caprine. Pour ce faire, elles recherchent une trentaine d hectares de terrains ainsi qu un bâtiment agricole. Mais sont confrontées comme chaque porteur de projet à de nombreuses difficultés dont l accès au foncier qui pourraient les contraindre à abandonner leur projet à Belle-Île et le tenter ailleurs sur le continent. Leur intervention, à titre d exemple, a permis lors de la réunion d illustrer concrètement les difficultés d accès au foncier et au bâtiment agricole auxquelles sont confrontés les agriculteurs et les porteurs de projet agricole, d informer les propriétaires fonciers de la nécessité de se mobiliser pour garantir la réussite de ces installations et un devenir économique à l île, indépendant de la seule activité touristique. 4. Les échanges / un appel idées Après la présentation du projet et de ses objectifs, nous avons voulu un temps d échanges pour évaluer l intérêt que pouvait susciter cette réflexion, à quel point pourrait-elle mobiliser la population, répondre à diverses interrogations, craintes et surtout écouter les idées et solutions proposées par l assistance. Ci-après, les différents sujets abordés lors des échanges et propositions qui devront être travaillées par la suite : * Les Constats : Certains des agriculteurs présents ont insisté sur la difficulté d accéder simplement au foncier. Ils font face à une situation de plus en plus inextricable du fait de l augmentation du nombre de parcelles de taille réduite et des indivisions suite aux héritages successifs. L ensemble de l assistance déplore cette situation qui doit être urgemment prise en compte. Les propriétaires regrettent également le fait de manquer d information générale quant à la propriété foncière, des obligations en tant que propriétaires (selon le code rural et de l environnement, obligation d entretenir son terrain ) et des usagers (en fonction des baux), les différents baux et ce qu ils impliquent aussi bien pour l occupant que le propriétaire lui-même Les propriétaires estiment que les actes notariés pour la vente de leur terrain leur coûtent beaucoup trop cher. Ce fait combiné à celui de l indivision, ils préfèrent par conséquent «abandonner» la gestion de leur terrain. Autre difficulté majeure pour les agriculteurs : l accès au bâtiment agricole. En effet, au départ en retraite des agriculteurs, les hangars et annexes agricoles changent de destination. De plus les hameaux anciennement agricoles mais aujourd hui résidentiels contraignent les agriculteurs à exiler leur exploitation en dehors du village, à plus de 100 mètres des habitations pour les élevages. Seulement les superpositions de règlementations relatives à l urbanisation et à la protection de l environnement deviennent extrêmement contraignantes à Belle-Île et limitent la construction de nouveaux bâtiments agricoles sur le territoire, donc les installations. Pourtant, nombreux sont les porteurs de projet agricole à Belle-Île. Comment éviter qu ils abandonnent leur projet à Belle-Île? Comment les soutenir? De plus, la demande pour une agriculture durable, qualitative, plus adaptée au territoire et de proximité, pour des produits à forte valeur ajoutée est conséquente et fait consensus pour l ensemble de la population bien que la rétention et la spéculation foncière la contredisent.
* informer - mobiliser Sans hésitation, les participants à la réunion préfèrent mettre en œuvre des mesures incitatives à destination des propriétaires fonciers, prévoir des réunions en salle comme sur le terrain, des campagnes d information sur les conditions d occupation des terrains privés par une activité agricole, de sensibilisation sur les enjeux relatifs au développement et au maintien de l activité sylvicole et agricole. De se regrouper régulièrement pour entretenir la dynamique et mobiliser le plus de monde possible autour du projet, à Bourhic mais aussi ailleurs à Belle-Île. Majoritairement, l emploi de mesures coercitives a été rejeté. Il conviendrait de soumettre des contrats souples aux propriétaires qui craignent de ne pouvoir récupérer leur terrain quand ils le souhaitent. En témoigne le débat qui suivit entre propriétaires et agriculteurs. D informer sur l existence des contrats tels que les commodats (prêt à usage) et des Groupements Fonciers Agricoles ou Associations Foncières Agricoles, des solutions locatives et collectives envisageables lorsque la vente des terrains coûte trop cher (prix de l hectare excessif sur les îles et de l acte notarié). Ce point soulève l importance de réunir à Belle-Île et publiquement des organismes tels que la SAFER ou le réseau associatif Terre de Liens, mais aussi les notaires. D organiser une véritable veille et information foncière auprès des agriculteurs comme des propriétaires fonciers. Ces rencontres pourraient également permettre de discuter du prix des terres agricoles et tenter de lutter contre la spéculation foncière, de définir collectivement des espaces prioritaires et d en garantir leur vocation agricole.
* Le PLU un outil considérable Les agriculteurs et les porteurs de projet agricole ont fait part de l importance de l implication et du soutien des élus et des collectivités territoriales pour la mise en œuvre d un tel programme. Que ce soit auprès des propriétaires fonciers mais aussi au travers d outils politiques et d aménagement du territoire tel que le PLU. Il nous faut profiter du fait que le PLU soit encore en cours d élaboration pour intégrer ce programme de développement et de maintien de l activité agricole et sylvicole. Ce qui permettra de «résoudre» une partie des difficultés que rencontrent les agriculteurs et porteurs de projet grâce à la définition par exemple de Zones Agricoles Protégées et Zones Agricoles Constructibles (bâtiments agricoles), de mettre fin à la rétention et spéculation foncière autour des hameaux. Ces espaces définis, il sera plus aisé de travailler au développement de pratiques agricoles et sylvicoles adaptées aux conditions insulaires, mais aussi de proposer des alternatives au système agricole conventionnel, aujourd hui dans l impasse, des alternatives qui soient aussi rentables pour les agriculteurs. Les activités primaires sont les garantes de la diversité des paysages de l île. Il s agit d anticiper leurs évolutions, d en faciliter leur émergence pour ne pas subir celles des paysages de Belle-Île. A l île d Arz, à Locmariaquer, Moëlan-sur-Mer les élus ont aidé au développement de projets agricoles. Leur implication est indispendable. * Le projet sylvicole Le terme «sylvicole» est peut-être mal approprié, trop ambitieux. Avant d envisager des plantations, il conviendrait d étudier en premier lieu le gisement présent et les débouchés potentiels que l on pourrait en tirer afin d assurer la viabilité d une exploitation et de définir les conditions de sa réussite. Le travail de M. Trochu est à réexaminer, à approfondir. Etudier dans quelles conditions les ressources locales pourraient permettre le développement de l autonomie énergétique de l île au travers d une gestion écologique des boisements. CONCLUSION La réunion a permis de rassembler une vraie quarantaine de personnes de tous horizons et toutes très concernées par le maintien de l activité agricole voire sylvicole à Belle-Île. Il nous faut entretenir la dynamique et parvenir à mobiliser encore et toujours plus l ensemble de la population par des assemblées participatives et d information régulières, en salle comme sur le terrain. Les échanges ont été riches. Probablement parce que l agriculture est un sujet que l on peut aborder de manière transversale : économie, social, paysager, écologie De nombreuses idées ont été proposées. Il nous faut les étudier et trouver les moyens de les mettre en œuvre. Merci à tous de votre participation. Contact : Jeanne Roche 06.72.19.95.01. jeanneroche.paysage@gmail.com