Thèse en sciences de gestion de S. Lacoste 19/05/10. Résumé thèse



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Transcription:

Résumé thèse Le développement de nouvelles formes «hybrides» de l échange vertical, combinant des aspects transactionnels et relationnels, analysées du point de vue du Grand Compte global En marketing, l analyse du comportement du consommateur occupe une place prépondérante, en atteste le classement de la revue The Journal of Consumer Research qui figure parmi les quatre revues académiques de premier rang en marketing. Cette analyse du comportement du consommateur ne semble pas avoir de contrepartie aussi développée en marketing industriel où la recherche se concentre sur l analyse du point de vue du fournisseur et fort peu sur celle du client. Certes, le groupe IMP (Industrial Marketing and Purchasing) tente de relier cette analyse du point de vue du fournisseur (aspect marketing) et du point de vue du client (aspect achats). Ford (2002) souligne qu en b-to-c, seul le vendeur est véritablement «actif», alors qu en b-to-b, les deux parties (vendeur et acheteur) sont «actives» et les «choses deviennent légèrement plus compliquées», d où la nécessité de ne pas séparer le processus marketing du processus achats. Néanmoins, la littérature propre aux achats reste moins développée, plus ancrée dans l empirisme et surtout avec peu d interaction avec celle du marketing. L analyse des relations client / fournisseur reste majoritairement analysée en marketing, c est-à-dire selon la vision du fournisseur. En effet, l une des définitions concises du marketing est comment «satisfaire des besoins de façon rentable». Les besoins sont certes ceux du client, mais la rentabilité et, par conséquent, la perspective restent bien celles du fournisseur. 1

Nous avons choisi d étudier les relations client / fournisseur et donc nous commençons notre travail de recherche à partir du marketing et plus particulièrement du marketing transactionnel et relationnel qui explore les formes de l échange, avant de nous tourner vers celui dont le point de vue est peu analysé, le client industriel de grande taille. L interactivité, décrite par Ford (2002), entre le client et le fournisseur, ainsi que la densité de la littérature marketing sur notre thématique expliquent que notre analyse ne se base pas exclusivement sur le point de vue du client, mais les incursions dans le domaine du fournisseur servent à nourrir notre réflexion sur la perspective du client grand compte industriel global, sur lequel nous nous focalisons. Ce type spécifique de client a émergé ces dernières décennies sous différents vocables : le «compte clé» ou le «grand compte» ou le «compte stratégique». Ce nouveau concept de client a d abord vu le jour aux USA, à la fin des années 1960, souvent sous le vocable de National Account, puis de Strategic Account et aujourd hui de Global Account le nombre d adhérents à la NAMA (devenue SAMA, Strategic Account Management Association) est ainsi passé de 250 dans les années 1970 à plus de 800 en 1997 et serait aujourd hui de plus de 3 000. Dans ce contexte, les premières définitions des grands comptes nous viennent principalement de chercheurs américains. Stevenson (1980) a essayé de définir la notion de grands comptes selon trois critères de classification. Le premier et le deuxième critère sont liés : il s agit de la centralisation des achats par opposition à la multiplicité des centres de production ou de livraison. On assiste à une concentration des achats au sein des grandes organisations, qui est à mettre en perspective par rapport au nombre de points 2

d approvisionnement, qui peut être, lui, relativement élevé. C est cet écart entre le nombre de moins en moins élevé d acheteurs et leur périmètre grandissant d action, par rapport au nombre de points d approvisionnement, qui permet de définir le grand compte. Cette notion de centralisation dépendra du niveau de complexité organisationnel et opérationnel du grand compte (Shapiro et Moriarty, 1982) et du niveau géographique sur lequel il opère (pays, région, voire monde entier s il s agit d un groupe multinational). Le troisième critère est représenté par un volume d achats important, ce qui signifie que le client peut représenter une part importante du chiffre d affaires du fournisseur. Il va aussi signifier que le client cherche à augmenter son pouvoir vis-à-vis de ses fournisseurs en étant un acteur significatif du marché. Nous avons retenu cette définition du grand compte de Stevenson, mais dans son approche actuelle, c est-à-dire le grand compte «global», cette entreprise étendue, qui fait fi des frontières des pays pour s organiser à l échelle planétaire ou tout du moins par grande zone géographique, et pour laquelle le terme «région» devient synonyme de «continent». Cette organisation «globale» entraîne, bien sûr, un niveau de complexité supplémentaire dans l organisation et le processus de prise de décision du grand compte. Compte tenu de ces spécificités du client grand compte, nous nous sommes intéressée à analyser les caractéristiques et les déterminants de leurs relations avec leurs fournisseurs. Quelques articles clés jalonnent la littérature sur les relations clients / fournisseurs (Dwyer, Schur et Oh, 1987 ; Heide et John, 1990 ; Ring et Van de Ven, 1994 ; Dyer et Singh, 1998 ; Cannon et Perreault, 1999 ; Jap et Anderson, 2007), mais aucun de ces articles ne choisit un angle d analyse spécifique à un type de client. Notre domaine de recherche sur les relations grand compte / fournisseurs a donc été peu exploité jusqu à présent. 3

Nous allons particulièrement nous attacher à définir le processus d interaction à travers la nature de l échange quand celle-ci est de nature hybride et mélange des formes relationnelles opposées. Les concepts qui sous-tendent notre sujet sont directement issus de la littérature en marketing relationnel. Ce marketing oppose échange transactionnel et relationnel. Nous transposons ces concepts au niveau de l échange «vécu» par le client grand compte : nous retenons de l échange transactionnel la focalisation sur le prix, la volonté de ne pas entrer dans une relation coopérative afin de mettre les fournisseurs en concurrence et nous retenons de l échange relationnel, sa vocation à s inscrire dans un continuum qui va de la coopération (optimisation de tous les aspects de la supply chain) à la collaboration (alignement stratégique), selon les définitions de Trent (2005). Nous avons donc pour objectif d analyser les formes relationnelles hybrides qui mélangent des approches transactionnelles (mise en concurrence) et relationnelles (coopération et collaboration). Le point de départ de notre travail de recherche est rattaché à notre expérience professionnelle d une dizaine d années dans la gestion des grands comptes : nous avons constaté que les grands comptes, aujourd hui, symbolisent en même temps la «relation partenariale» et l utilisation, de plus en plus significative de nouvelles approches transactionnelles (appels d offres, enchères inversées, etc.). Or, si la littérature marketing oppose le marketing transactionnel au marketing relationnel sur un continuum, peu de chercheurs se sont intéressés à la zone de convergence, au milieu du continuum, de ces deux types de marketing. Il y a là une sorte de «boîte noire» relationnelle où l on peut imaginer que les caractéristiques des deux types de marketing s entremêlent, sans qu aucune réflexion théorique n ait contribué à définir la combinaison de ces deux approches marketing, en particulier dans le contexte de la relation commerciale avec le client grand compte. 4

marketing transactionnel Forme relationnelle mixte, mélangeant les aspects transactionnels et relationnels marketing relationnel Figure 1 Le continuum relationnel Notre recherche doit ainsi nous permettre d élaborer un modèle conceptuel spécifique aux relations grands comptes / fournisseurs. L intérêt théorique de ce travail de recherche est donc d apporter de nouvelles connaissances sur la nature même de l échange entre le client grand compte et ses fournisseurs. Du point de vue managérial, nous avons fait le choix d analyser le point de vue du client, non pas dans une stricte perspective achats, mais également dans une perspective marketing afin de permettre aux équipes grand compte du fournisseur de mieux comprendre les déterminants de la relation du point de vue de leur client et d avoir ainsi des outils d analyse pour mieux définir leur stratégie vis-à-vis de leurs grands comptes. Nous proposons donc d étudier l émergence d un nouveau mode relationnel, typique des grands comptes et de leur point de vue, un mode relationnel combinant des formes de l échange relationnel (coopératif / collaboratif) et de l échange transactionnel (mise en concurrence). 5

COMMENT ET POURQUOI LES GRANDS COMPTES ONT-ILS RECOURS A CE NOUVEAU TYPE D ECHANGE HYBRIDE TRANSACTIONNEL / RELATIONNEL AVEC LEURS FOURNISSEURS? Cette problématique appelle plusieurs remarques sur les termes utilisés. L échange «hybride transactionnel / relationnel» fait référence à une expression utilisée par Coviello et al. (2002), qui décrivent ainsi l utilisation simultanée de deux formes de marketing opposées. Nous l utilisons pour exprimer la combinaison des caractéristiques transactionnelles et coopératives dans la même «relation». Le mot «relation» et ses déclinaisons sont problématiques car, selon les écoles de pensée, ils prennent un sens différent. Ainsi, pour les chercheurs de l IMP, la «relation» (relationship) décrit les interactions et le comportement mutuel entre une société (fournisseur) et son client, sur une échelle de temps assez longue (Ford et al., 2003 : 38). Cette échelle de temps implique que la relation soit faite d épisodes conflictuels et d épisodes de coopération (Hakansson et Gadde, 2002). Pour des chercheurs de l école américaine du marketing relationnel, la «relation» ne s applique qu à la coopération, l approche transactionnelle ne s inscrivant pas dans une relation, mais dans «l échange», ce qui est mis en exergue dans le schéma suivant : 6

Figure 2 Conception de la relation (basée sur Sheth et Parvatiyar, 1995) Les autres chercheurs du marketing relationnel, qui s inscrivent dans un continuum relationnel (Grönroos, 1994 ; Day, 2000), opposent également l échange transactionnel et relationnel. L adjectif «transactionnel» prend le sens de mise en concurrence, de recherche des meilleures conditions offertes par le marché, tandis que l adjectif «relationnel» est ici synonyme de coopération et de collaboration entre le client et ses fournisseurs. L orientation de «la relation» est analysée par «sa nature» et non plus par «sa durée», et peut être «transactionnelle» ou «relationnelle». 7

Le terme «relation» peut donc signifier l ensemble de l interaction entre le client et le fournisseur (IMP), quelle que soit la nature de cette interaction, ou uniquement la partie de l interaction qui est coopérative (Écoles américaines et scandinaves). Notre recherche porte sur la nature de la relation et sur ses caractéristiques transactionnelles ou, par opposition, relationnelles au sens de coopératives et collaboratives. Pour éviter toute confusion, nous avons le plus souvent essayé d employer le terme de «coopération» (dans lequel nous incluons le sens de collaboration, selon les deux définitions de Trent, 2005 ) lorsque nous qualifions l approche relationnelle de l échange, tandis qu il nous arrive d utiliser l adjectif relationnel («stratégies relationnelles») pour qualifier l ensemble des interactions entre clients et fournisseurs. Notre problématique est donc un questionnement sur l utilisation conjointe, par le client grand compte, de caractéristiques transactionnelles (mise en concurrence des fournisseurs) et de caractéristiques coopératives (codéve-loppement de produit par exemple) dans une relation (interaction) de moyen à long terme : comment le grand compte articule-t-il ces caractéristiques relationnelles opposées? Quels sont ses objectifs lors de l utilisation de formes d interaction hybrides? Quelle en est la finalité? La littérature académique concernant les formes relationnelles hybrides reste aujourd hui relativement limitée. Ceci nous conduit à scinder notre recherche théorique en deux volets : d une part, les travaux sur les formes relationnelles opposées, d autre part, les travaux sur l articulation des formes mixtes nées de l assemblage de ces formes opposées. Pour Trent (2005 : 54-55), la relation de coopération s inscrit sur le long terme avec un objectif d amélioration de la supply chain tandis que la collaboration possède un degré d intensité supplémentaire avec la notion d alignement stratégique entre le fournisseur et son client. 8

Le premier volet théorique mobilisé regroupe ainsi des travaux développés en marketing dans le courant du marketing relationnel et en achats afin de rechercher les convergences de ces deux disciplines sur les formes relationnelles verticales (clients / fournisseurs) et d analyser les caractéristiques des deux formes d échange opposées : l échange transactionnel et l échange relationnel. Dans cette approche, les bénéfices relatifs de chaque forme de l échange sont identifiés, car ils forment un soubassement théorique important pour comprendre l utilisation de formes relationnelles hybrides. D autres disciplines académiques s intéressent à l interaction de concepts opposés, en particulier en stratégie et dans le domaine du contrôle en management, et nous fournissent un cadre d analyse qui étaye notre problématique. Finalement, le cadre conceptuel retenu est issu de la juxtaposition de différents courants de recherche (voir Figure 3). Littérature sur le marketing relationnel Littérature sur le contrôle (en management) Cadre conceptuel Littérature sur les achats Littérature sur la stratégie et l ECT (économie des coûts de transaction) Figure 3 Élaboration du cadre conceptuel Comme nous abordons un domaine de recherche qui a été peu étudié, nous nous inscrivons dans une démarche déductive et abductive, qui s articule autour d étapes complémentaires et successives. 9

La première partie a pour objectif de conceptualiser des phénomènes liés à notre problématique. Dans cette perspective, la revue de littérature a pour objectif de mettre en lumière les deux concepts opposés qui constituent la forme hybride relationnelle, puis de mettre en exergue des formes d hybridation. Nous aboutissons à une première élaboration d un cadre conceptuel et à la définition de la problématique. Compte tenu de la nouveauté de notre sujet, la deuxième partie va d abord nous conduire à valider les conjectures élaborées à travers notre problématique avec une première étude à portée exploratoire. Les conclusions de cette analyse qualitative ont une visée confirmatoire et nous permettent de valider notre question de recherche (démarche abductive). Une seconde phase de recherche qualitative, basée sur des études de cas, nous permet d explorer le phénomène étudié et de dépasser nos premières conjectures pour définir un modèle théorique explicatif des formes relationnelles hybrides. Nous aboutissons à la définition de deux formes hybrides : la première forme hybride est composée d une dominante transactionnelle et d une forme secondaire coopérative, tandis que la deuxième forme hybride est composée d une dominante coopérative et d une forme secondaire transactionnelle. Nous avons également défini un modèle théorique d articulation entre la dominante et la forme secondaire : le modèle «CRS». Ce modèle est composé de trois modes d articulation, la «correction» (la forme secondaire «corrige» les faiblesses de la forme dominante), le «renforcement» (la forme secondaire renforce les avantages de la forme dominante) et la «substitution» (la forme secondaire se substitue à la forme dominante, quand tous les avantages liés à son utilisation ont été obtenus). 10

Nous aboutissons ainsi à la constitution de six typologies relationnelles, qui peuvent être classées d une forme transactionnelle légèrement «impure» à une forme relationnelle presque «pure». Ces typologies sont en fait une typologie de fournisseurs inscrite dans une dynamique ou une trajectoire relationnelle. La recherche par le grand compte d un type de fournisseur ou de relation dépendra certes du produit acheté, mais plutôt de la valeur créée par la marque ou la Business Unit. Le niveau de valorisation des marques ou des activités du grand compte dans un environnement hypercompétitif est le facteur explicatif majeur de la dynamique relationnelle basée sur des formes mixtes. L ensemble de notre construction a été évaluée par un retour auprès des informants et d enseignants chercheurs (séminaire organisé le 15 octobre 2009 dans le cadre du Centre de Recherche sur le Commerce de la CCIP). Sur le plan théorique, cette recherche offre plusieurs niveaux de contribution. La première contribution consiste à rapprocher la théorie de l empirie. Dans le domaine des relations interorganisationnelles, les travaux qui portent sur les relations verticales s appuient sur des théories solides, comme l ECT (Économie des coûts de transaction), ou originales, comme le marketing relationnel, mais qui, conceptualisées dans les années 1970 à 1990, ne prennent pas toujours en compte l évolution importante et récente de ces relations. Notre singularité, mais aussi la difficulté de notre travail, ont consisté à utiliser notre expérience du monde de l entreprise comme point de départ pour approfondir et transformer une connaissance empirique en une approche conceptuelle. La deuxième contribution est consacrée au regard croisé que nous apportons entre marketing et achats afin d élargir le cadre conceptuel 11

du marketing : que vaut une théorie marketing si elle ne rencontre pas le point de vue du client? Alors que la recherche en marketing b- to-c passe naturellement par l étude du comportement du consommateur, la recherche en marketing b-to-b, déjà peu importante en France, fait peu d incursions dans le champ académique des achats. La troisième contribution consiste également à rattacher deux autres champs d étude qui convergent peu : la recherche sur les grands comptes et celle sur les relations interorganisationnelles. Le premier champ de recherche est souvent celui de chercheurs spécialisés qui se focalisent sur les grands comptes du point de vue du fournisseur (programmes grands comptes, équipe dédiée, etc.), tandis que le deuxième champ d étude est du domaine de chercheurs à la frontière du marketing et de la stratégie. Notre recherche s appuie sur un cheminement conceptuel qui peut être utilisé par ces deux groupes de chercheurs. Enfin, notre contribution se veut aussi managériale, pour apporter tant aux acheteurs qu aux responsables de grands comptes des outils pour bâtir, conforter leurs stratégies relationnelles. Ils devraient trouver à travers ce travail de recherche à la fois des outils afin de mieux comprendre certains phénomènes relationnels, mais aussi des pistes (que nous étayons dans le dernier chapitre) afin de résoudre certaines difficultés ou dilemmes relationnels. Notre travail de recherche s organise autour de deux grandes parties, chacune ayant des objectifs bien définis. 12

PREMIERE PARTIE : APPROCHE CONCEPTUELLE ET ELABORATION DE LA PROBLEMATIQUE Traitant principalement des aspects conceptuels, la première partie consiste en un état de l art de la littérature académique débouchant sur la définition de la problématique et le positionnement méthodologique de la recherche. Le point de départ de notre recherche est le paradigme du marketing relationnel, qui nous permet de définir et d opposer marketing transactionnel et marketing relationnel et de dégager les bénéfices inhérents à chacun (chapitre 1). Nous élargissons ensuite notre analyse en approfondissant le cadre théorique pour intégrer la perspective du client, en étudiant les théories relationnelles achats, et analyser ainsi la double perspective de l échange, en nous concentrant plus particulièrement sur le client grand compte. Ce point de vue du grand compte nous conduit à une analyse détaillée des concepts de pouvoir et de confiance (chapitre 2). L étude des formes opposées de l échange et de leurs déterminants, dans les deux premiers chapitres, nous amène à aborder le concept d articulation de ces formes dans des mécanismes relationnels mixtes (chapitre 3). La revue de littérature dans les trois premiers chapitres nous a permis d élaborer quelques conjectures, que nous synthétisons dans la mise en place de notre problématique et nous terminons cette première partie avec le positionnement épistémologique de notre recherche (chapitre 4). Au terme de cette première partie, nous avons des conjectures qui guident notre problématique et qui sont issues d une analyse de champs multidisciplinaires. La deuxième partie va représenter l approche empirique et qualitative de notre recherche. 13

DEUXIEME PARTIE : ANALYSE EMPIRIQUE DES FORMES RELATIONNELLES HYBRIDES Dans une première étape, une analyse qualitative exploratoire est menée, qui débouche sur l approfondissement de la problématique. Nous procédons ensuite à la validation des conjectures qui ont permis d approfondir la problématique, cela nous conduit à définir une deuxième recherche qualitative de plus grande envergure par la méthode des cas. Nous définissons la méthodologie utilisée et présentons quatre études de cas (chapitre 5). Nous aboutissons à la présentation des résultats de ces études de cas ; ils renforcent les premiers résultats de l étude exploratoire. Les résultats sont présentés, discutés et conceptualisés (chapitres 6 et 7). Enfin, nous terminons la deuxième partie et cette thèse par la présentation de notre contribution théorique et managériale (chapitre 8), suivie d une conclusion générale. 14