AU CŒUR DE LA LUTTE CONTRE LA RAGE EN AFRIQUE 3 èmes Rencontres du Bureau des Experts de la Rage du Continent Africain 23 25 mai 2011 Casablanca Maroc AfroREB soutient Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 1
LA RAGE Une maladie négligée malgré un impact humain majeur La rage est connue depuis la plus haute antiquité, comme l attestent des écrits anciens provenant de Mésopotamie, d Egypte et d Inde. [1,2] C est une menace potentielle pour plus de 3,3 milliards de personnes vivant dans les zones enzootiques (c'est à dire où la rage est présente chez les animaux), principalement en Asie et en Afrique. [3] [4, 5] 99% des cas sont transmis par des morsures de chiens. La rage reste une maladie négligée, seulement un cas sur 20 est signalé en Asie et moins d un cas sur 160 en Afrique. [3] La rage touche principalement des populations à faible revenu: selon une étude réalisée en Inde, 75% des victimes de morsures d'animaux appartenaient aux populations pauvres et à faible revenu. [6] Une maladie mortelle : 1 mort toutes les 10 minutes [7] Une fois les premiers symptômes cliniques apparus, la rage est pratiquement toujours mortelle. [8] Chaque année, environ 55 000 personnes meurent de la rage dans le monde, dont 20 000 en [5, 8] Inde et 24 000 en Afrique. 84% des victimes habitent dans des zones rurales d Afrique et d Asie. [5,8] 30 à 50% des sujets qui meurent de la rage sont des enfants de moins de 15 ans. [9] Les enfants sont particulièrement à risque car ils sont souvent mordus au visage et aux [10, 11] bras. La transmission de la rage La rage est transmise à l'homme par morsure, griffure, ou léchage de la peau excoriée par des animaux infectés. [8] En Europe et en Amérique, la rage est principalement présente chez les animaux sauvages, plus particulièrement les chauves souris en Amérique du Sud [12] et aux Etats Unis. [13] En Afrique et en Asie, les chiens sont les principaux hôtes et vecteurs de la rage. [12] Après pénétration dans l organisme (inoculation), le virus de la rage attaque le système nerveux et le cerveau puis diffuse dans de nombreux tissus et notamment les glandes salivaires. 14] La période d'incubation (période qui précède l apparition des premiers symptômes) est [15, 16] généralement, chez l'homme, de 20 à 60 jours. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 1
Une prévention très efficace en pré exposition et en post exposition (avant et après contact avec un animal enragé) La vaccination en pré exposition est recommandée pour: - tous ceux qui ont un risque accru d'exposition au virus de la rage, [8] - tous ceux qui sont fréquemment exposés à des animaux potentiellement infectés (personnel de laboratoire, vétérinaires...), [8] - les voyageurs en zone à haut risque rabique. [8] La vaccination en pré exposition devrait être encouragée chez les enfants vivants dans des zones où la rage canine est fortement enzootique. [8] Des études en Thaïlande et dans plusieurs autres pays d Asie du Sud Est ont montré que la vaccination en pré exposition est faisable, sûre et efficace, même chez les nourrissons. [8] La prophylaxie en post exposition (PPE) dépend du type de contact avec l'animal potentiellement infecté : [8] En cas de griffures bénignes ou excoriations sans saignement (exposition de catégorie II), un nettoyage local de la plaie doit être effectué (lavage abondant à l eau savonneuse pendant 15 minutes puis application d un antiseptique) et la personne doit être immédiatement vaccinée contre la rage.² En cas de griffures transdermiques simples ou multiples, en cas de morsures, ou de contamination par la salive (léchage) des muqueuses ou d une peau excoriée (exposition de catégorie III): Le traitement post exposition doit comprendre 3 étapes, selon les recommandations de l OMS: le nettoyage local des plaies, l'immunisation passive avec des immunoglobulines antirabiques (IGR) qui doivent être infiltrées dans et autour des blessures, la vaccination (immunisation active) contre la rage. [15] Les IGR pour l'immunisation passive doivent être administrées dès que possible (ou dans la limite des 7 jours qui suivent la première dose du vaccin si l administration immédiate des IGR n était pas possible). [8] Pour les patients déjà pré immunisés de façon complète (ayant été vaccinés en pré exposition ou ayant déjà reçu une vaccination post exposition selon les protocoles approuvés par l OMS), il convient d effectuer un rappel, mais il n est pas nécessaire d administrer des IGR. [8] En dépit des recommandations de l'oms, l'utilisation des IGR est très faible dans les zones d'enzootie rabique: Dans les pays en développement, on estime que moins de 1% des personnes nécessitant une prophylaxie post exposition (catégorie III) reçoivent des IGR. [17] La vaccination de masse des chiens (au moins 70% de la population canine) a permis de réduire sensiblement l'incidence de la rage canine et humaine en Amérique latine [5], dans les pays d Afrique sub saharienne [18] et en Asie [19] où des programmes de vaccination vétérinaire de masse ont été mis en place. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 2
L Afrique, une zone à haut risque rabique [20] Toutes les vingt minutes, un enfant meurt de la rage en Afrique. [8] Environ 44% des décès par rage dans le monde surviennent en Afrique [8], et selon l OMS, tous les pays africains sont des pays «à haut risque» (Fig. 1). La majorité des cas de rage n étant pas signalés, le risque rabique est fortement sous estimé. La rage est perçue comme une maladie rare, elle n est pas considérée comme une priorité et ne bénéficie pas de l'attention qu'elle mérite (dans de nombreux pays d'afrique, la rage n'est pas une maladie à déclaration obligatoire). [21] Fig.1 : Rage, pays et territoires à risque (20) Les décès liés à la rage pourraient être évités par l'administration d une PPE, mais : La population est souvent mal informée du risque encouru ; dans la majorité des cas les personnes exposées ne consultent pas immédiatement un médecin, et une fois les symptômes apparus plus rien ne permet de les sauver..[21] L'infrastructure des centres de prévention est peu développée en Afrique occidentale ; beaucoup de personnes exposées à la rage ne reçoivent donc pas de PPE car elles vivent dans des zones rurales, géographiquement trop éloignées des centres antirabiques qui sont généralement situés dans les grandes villes. Le vaccin n est généralement pas subventionné par les gouvernements, ce qui limite dramatiquement l'accès des populations au traitement, faute de moyens. Dans certains pays d Afrique, jusqu à 60% des patients ne prennent qu un traitement incomplet, mettant ainsi leur vie en danger. [21] Bien souvent, les cas de rage ne sont pas diagnostiqués car un grand nombre de victimes décèdent loin des structures de soins. Les cas diagnostiqués cliniquement ne sont pas toujours rapportés. [22] La maladie reste ainsi ignorée et négligée. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 3
Compte tenu du fait que : - tous les pays d Afrique sont à haut risque rabique, - lorsque les 1 ers symptômes sont apparus il n existe aucun traitement efficace et la mortalité est pratiquement de 100%, - la prophylaxie post exposition est 100% efficace quand elle est administrée selon les recommandations de l OMS, Chaque PPE administrée peut sauver une vie. La rage au Maroc La rage est considérée au Maroc comme une zoonose majeure depuis 1986 (date du lancement du Programme National de Lutte contre la Rage). Au Maroc, le nombre annuel moyen de cas de rage animale est de 416 et le nombre de cas de rage humaine de 22. 85 % des cas recensés résultent d une morsure par un chien infecté, principal vecteur et réservoir du virus. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 4
AfroREB: Au cœur de la lutte contre la rage en Afrique AfroREB (Bureau d Experts de la Rage du continent Africain) est un réseau francophone regroupant des spécialistes de la rage, des médecins, des chercheurs et des représentants des ministères de la santé et de l agriculture, de 15 pays d Afrique du Nord et de l Afrique sub saharienne. www.afroreb.info L objectif d AfroREB, mis en place en 2008 lors d une première réunion qui s est tenue à Grand Bassam (Côte d Ivoire), est de contribuer à la lutte contre la rage en trouvant des solutions adaptées à la situation en Afrique. Les membres d AfroREB se rencontrent régulièrement pour faire le point sur la situation de la cette maladie négligée et élaborer des plans d actions. La deuxième rencontre AfroREB, qui s est tenue à Dakar en 2009, a été l occasion de lancer un partenariat avec le SEARG (Groupe d Afrique de l Est et du Sud contre la rage Southern and Eastern African Rabies Group), dont l objectif est également de contrôler et d éliminer la rage. www.searg.info/doku.php AfroREB collabore avec l Alliance mondiale contre la rage, dont la mission est de prévenir la rage humaine, tout particulièrement chez les enfants, et d alléger le poids de la rage chez les animaux. AfroREB participe à la Journée mondiale de la rage, qui a lieu le 28 septembre chaque année. http://www.rabiescontrol.net/ et http://www.worldrabiesday.org/ Afrique du Nord : Maroc, Algérie, Tunisie Afrique sub saharienne: Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République du Congo, Côte d'ivoire, Gabon, Madagascar, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal et Togo Fig.2 : Pays représentés au sein du groupe AfroREB AfroREB est coordonné par Betty Dodet. Docteur en pharmacie et en biologie humaine, Betty Dodet s intéresse à la rage depuis de nombreuses années. En tant que Directeur scientifique de la Fondation Mérieux, elle a organisé plusieurs congrès sur la rage en Asie. Actuellement, en tant que consultant, elle conçoit, organise et anime des colloques et ateliers, et coordonne des groupes d experts au niveau international, notamment des groupes d experts de la rage : en Asie (AREB), en Europe de l Est/Moyen Orient (MEEREB) et en Afrique (AfroREB). AfroREB bénéficie du parrainage de sanofi pasteur. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 5
Sources: (1) Zheng Fang Fu. Vaccine 1997;15(Suppl):S20 S24. (2) Plotkin SA et al. Vaccines 5th ed. Chapter 27 Rabies vaccines, 2008. (3) Knobel DL et al. Bull WHO 2005;83:360 8. (4) Wandeler AI, Matter HC, Kappeler A, Budde A. The ecology of dogs and canine rabies: a selective review. Rev Sci Tech 1993;12:51 71. (5) Organisation mondiale de la Santé. WHO Expert Consultation on Rabies, 5 8 October 2004. TRS 931 WHO Geneva 2005. Available: http://www.who.int/rabies/relevant_documents/en/index.html, consulté le 14 avril, 2011. http://www.who.int/rabies/trs931_%2006_05.pdf (6) Sudarshan MK. Infect Dis J Pakistan 2004; 13(3)66 7. (7) Journée mondiale de la rage. http://www.who.int/mediacentre/events/annual/world_rabies_day/fr/index.html, consulté le 14 avril 2011 (8) Organisation mondiale de la Santé. Vaccins antirabiques : note d information de l OMS Relevé Epidemiol Hebdo 2010;85: 309 320. Disponible: http://www.who.int/wer/2010/wer8532.pdf, consulté le 14 avril 2011. (9) Organisation mondiale de la santé. Site internet sur la rage [en anglais] http://www.who.int/rabies/en/, consulté le 14 avril 2011 (10) Les enfants et la rage. Journée mondiale de la rage 2007 [en anglais] http://www.who.int/phe/news/children_and_rabies_07.pdf, consulté le 24 mars 2011 (11) Schalamon J, et al. Pediatrics. 2006;117(3):e374 9. http://pediatrics.aappublications.org/cgi/content/full/117/3/e374, consulté le 24 mars 2011 (12) Organisation mondiale de la santé. Rage. Aide mémoire n 99, septembre 2010. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs099/en/index.html, consulté le 14 avril 2011 (13) Centers for Disease Control and Prevention. http://www.cdc.gov/rabies/bats/index.html, (14) Centers for Disease Control and Prevention. http://www.cdc.gov/rabies/transmission/body.html, (15) Plotkin SA., Clin. Infect. Dis., 2000, 30:4 12 (16) Warrell DA. Trans Roy Soc Trop Med Hyg 1976;70( 3):188 95. (17) Meslin FX. J Travel Med 2005;12:S30 S40. (18) Cleaveland S. et al. Vaccine 2003;21(17 18): 1965 73. (19) Cleaveland S. et al. Vet Microbiol 2006;117(1):43 50. (20) Organisation mondiale de la Santé. International travel and health. Geneva:WHO, 2009, consulté le 24 mars 2011 (21) Dodet B, AfroREB. Lutte contre la rage en Afrique: du constat à l action. Bull Soc Pathol Exot Dodet B, AfroREB The fight against rabies in Africa: From recognition to action. Vaccine. 2009;27(37):5027 32. Troisièmes rencontres AfroREB Casablanca, mai 2011 6