Guide Citoyen sur la BEI Une Banque pas comme les autres?



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Guide Citoyen sur la BEI Une Banque pas comme les autres?

Publié par : Counter Balance: Réformer la Banque européenne d investissement, une coalition d organisations non gouvernementales spécialistes de l environnement et du développement. Counter Balance réunit des membres des pays suivant: Europe Centrale et Orientale: CEE Bankwatch Network France: Les Amis de la Terre Allemagne: urgewald et WEED (World, Economy, Ecology & Development) Italie : Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM) Pays-Bas: Both ENDS Royaume-Uni: Bretton Woods Project Remerciements: Merci à Korinna Horta de Environmental Defense Fund et à tous les membres de Counter Balance pour leurs contributions à ce guide. Ce guide est également disponible en anglais, en allemand, en espagnol et en italien. Traduction française : Laurent Hutinet et Anne-Sophie Simpere Conception graphique et mise en page : Piotr Tabor (info@s3e.pl) Imprimeur : Grafokon, Prague Imprimé sur papier recyclé. Ce document a été réalisé avec le soutien financier de la Commission européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de CEE Bankwatch Network et ne reflète en aucun cas la position de l Union européenne.

Guide citoyen sur la BEI Liste des Abréviations Synthèse 4 5 1. Introduction 6 2. La BEI dans le cadre des politiques européennes de développement 12 3. Pourquoi il faut réformer la BEI 16 4. Réformer la BEI 28 5. Petit guide pratique pour aborder la BEI 40

Liste des Abréviations ACP ALA BEI CCB CE CJCE CMB DG ECO ECOFIN ECON EIE FEI IE IFI ME MFS MPE ONG PAB PE PME RETE UE Afrique, Caraïbes et Pacifique Amérique Latine et Asie Banque Européenne d Investissement Commission du Contrôle Budgétaire Commission européenne Cour de Justice des Communautés Européennes Commission Mondiale des Barrages Direction Générale de la Commission européenne Europe Centrale et Orientale Conseil des Affaires Economiques et Financières Commission des Affaires Economiques et Monétaires Etude d Impact Environnemental Fonds Européen d Investissement Investissement extérieur Institution Financière Internationale Médiateur Européen Mécanisme de Financement Structuré Mandat de Prêt Extérieur Organisation Non Gouvernementale Plan d Activité de la Banque Parlement Européen Petites et Moyennes Entreprises Réseaux Européens de Transports et d Energie Union Européenne 4

Synthèse Elle est le plus grand bailleur public au monde et l un des plus importants financeurs du développement au Sud. C est une institution européenne, mais elle est presque totalement inconnue des représentants politiques et du grand public. Elle n a pour ainsi dire aucun compte à rendre aux autres institutions communautaires. Elle fonde son action sur l idéologie dépassée de la croissance et soutient les grandes firmes privées occidentales d une façon qui rappelle les pires agissements de la Banque mondiale dans les années 1990. Bienvenu à la Banque européenne d investissement (BEI). Il est assez extraordinaire, étant donné l importance et la nature de ses opérations, que la BEI ait réussi à rester aussi discrète vis-à-vis des milieux politiques, du grand public et des ONG spécialisées dans le développement. Cette situation vient peut être du fait que jusqu ici, la plus grande partie du travail de la BEI consistait à financer des infrastructures dans les Etats et régions les plus pauvres de l UE, une spécialité qui n attire pas l attention. Mais les choses changent : une part croissante des opérations de la BEI se déroule désormais en dehors de l UE. Le droit communautaire ne s y appliquant pas, les problèmes liés à l absence de standards opérationnels contraignants de la Banque deviennent flagrants. En bref, la BEI est en train de devenir une institution européenne qui verse des sommes considérables au titre du développement et de l aide internationale, sans disposer de la moindre expertise, ni des capacités ou des principes opérationnels indispensables à ce genre d action. Ce guide est destiné à tous ceux qui s inquiètent de cette situation. Il commence par présenter la BEI : actionnaires, provenance des fonds, modes d action, opérations et secteurs soutenus. La section 2 s intéresse à ce que la banque devrait faire - c est-à-dire aux obligations de la BEI selon la réglementation et les objectifs européens, et les traités signés par l UE en matière de développement. Le guide se termine sur un aperçu des questions que la BEI doit commencer à prendre en compte. La section 3 analyse la question de la responsabilité (ou absence de responsabilité) de la BEI dans le cadre institutionnel démocratique de l UE. Cette section examine ensuite quels sont La BEI au Sud au bénéfice de qui? les régions, les secteurs et les groupes d intérêt qui bénéficient du soutien de la BEI, et se demande si cela est réellement l usage le plus approprié des ressources publiques. La section 4 propose des alternatives en s appuyant sur des impératifs liés aux droits humains, à la protection de l environnement et au développement durable, afin de promouvoir une autre approche du développement pour la BEI. Enfin, la section 5 est un petit guide pratique destiné aux personnes touchées par les projets soutenus par la BEI, et au public intéressé en général. Il indique rapidement comment s y prendre avec la Banque et apporte des détails pratiques sur la façon de contacter la BEI sur différents sujets, tels que la divulgation des informations, le dépôt d une plainte ou les soupçons de corruption. Selon la convention d Aarhus, la BEI est en effet soumise à des obligations en matière d information du public sur la nature de ses opérations. Nous encourageons toutes les parties intéressées à profiter des possibilités d action qu elle offre. Ce guide est une publication de Counter Balance, une campagne récemment créée, qui regroupe un collectif d ONG de développement et de défense de l environnement partageant des préoccupations communes quant aux procédures et aux impacts des activités de la BEI. Notre objectif : réformer la BEI afin qu elle respecte ses obligations vis-à-vis des politiques de développement de l UE, des citoyens européens et des personnes affectées par ses projets. Nous sommes à la disposition de tous ceux qui partagent ce but. Janneke Bruil 5

1. Introduction 1.1 Informations générales sur la BEI Créée en 1958 par le Traité de Rome, qui établit la Communauté Economique Européenne (à laquelle a succédé l Union européenne), la BEI est la banque de la Communauté européenne. Avec plus de 53 milliards de prêts approuvés en 2006, la BEI est aussi la plus grosse Institution Financière Internationale publique active au niveau mondial. Son siège est situé au Luxembourg et elle a ouvert un nombre croissant de bureaux régionaux ces dernières années. En tant qu institution de l Union européenne, la BEI affirme que sa mission consiste à contribuer aux objectifs de l UE en «apportant des financements de long terme pour des Répartition du capital de la BEI au 1er Janvier 2007 investissements viables». Cela suggère qu au moins deux principes devraient être au centre des politiques de prêt de la BEI. Le premier consiste à respecter les objectifs de l UE, qui sont de plus en plus axés autour de la promotion du développement durable à l intérieur comme à l extérieur de l UE. Le second principe est celui d additionnalité : la BEI devrait utiliser ses ressources pour financer des projets qui, bien que financièrement et socialement viables, comportent des risques à cause desquels la plupart des financeurs à but lucratif classiques ne veulent pas s engager. En d autres termes, il s agit de favoriser les projets qui le méritent et qui n auraient pas vu le jour autrement. Comme on le verra grâce à ce guide, la BEI ne parvient jamais à respecter ces deux principes. 0 10 000 000 000 20 000 000 000 % Germany France Italy United Kingdom Spain Belgium Netherlands Sweden Denmark Austria Poland Finland Greece Portugal Czech Republic Hungary Ireland Romania Slovak Republic Slovenia Bulgaria Lithuania Luxembourg Cyprus Latvia Estonia Malta 26 649 532 500 26 649 532 500 26 649 532 500 26 649 532 500 15 989 719 500 7 387 065 000 7 387 065 000 4 900 585 500 3 740 283 000 3 666 973 500 3 411 263 500 2 106 816 000 2 003 725 500 1 291 287 000 1 258 785 500 1 190 868 500 925 070 000 863 514 500 428 490 500 397 815 000 290 917 500 249 617 500 187 015 500 183 382 000 152 335 000 117 640 000 69 804 000 DE FR IT GB ES BE NL SE DK AT PL FI GR PT CZ HU IE RO SK SI BG LT LU CY LV EE MT 16.170 16.170 16.170 16.170 9.702 4.482 4.482 2.974 2.269 2.225 2.070 1.278 1.216 0.784 0.764 0.723 0.567 0.524 0.260 0.241 0.177 0.151 0.113 0.111 0.092 0.071 0.042 Total 164 808 169 000 100.000 Source: site Internet de la BEI 6

La BEI est financée par ses actionnaires, les 27 Etats membres de l UE. Ils contribuent ensemble au capital de la BEI, leurs apports respectifs étant fonction de leur importance économique au sein de l Union. La contribution directe des Etats membres est significative (environ 8 milliards d euros), mais le gros du soutien public à la BEI est apporté sous forme de capitaux souscrits (environ 160 milliards d euros) qui garantissent ses investissements. La BEI étant la propriété des Etats membres de l UE, qui contribuent à son capital et le garantissent, elle est considérée comme un partenaire financier très solide et bénéficie d une notation AAA de la part des agences de notation (Moody s/ Standard et Poor s/fitch). Cela permet à la BEI d intervenir sur les marchés financiers, comme emprunteur sur les marchés de capitaux et d obligations, ce qui lui procure l essentiel de ses liquidités. Gouvernance et structure : présentation et faiblesses Les décisions de la BEI sont prises par les organes suivants. Le Conseil des Gouverneurs de la BEI Le Conseil est composé des Ministres des Etats membres (généralement des Ministères des Finances, de l Economie ou du Trésor). Il adopte les orientations générales de la banque en matière de politique du crédit, décide des augmentations de capital et autorise les activités de la BEI hors de l UE. Le fait que les Ministres des Etats membres soient les gouverneurs de la BEI est l une des causes principales du mode de fonctionnement actuel de la Banque. La fonction des Gouverneurs au sein de leurs pays respectifs légitime les opérations de prêt et les procédures de la BEI, la protégeant contre les critiques et ne permettant pas de changement fondamental. 7

Le Conseil d Administration Nommé par le Conseil des Gouverneurs, le CA approuve les opérations de prêt et d emprunt, accorde les garanties et les emprunts, et recommande au Conseil des Gouverneurs les changements à apporter à la politique de crédit. Il comprend 28 Directeurs (un nommé par chaque Etat et un nommé par la Commission européenne), et 18 suppléants. Tous sont désignés par le Conseil des Gouverneurs, généralement pour une période de cinq ans. Le CA a le rôle crucial d approuver les projets, alors que c est un organe non permanent qui ne se réunit que dix fois par an pour passer en revue plus de 300 projets. Cela signifie que la majorité des projets n est pas examinée avec l attention qui serait requise au regard de leurs conséquences pour les communautés affectées et l environnement. Les Administrateurs ne travaillent pas à temps complet pour la banque, mais sont des représentants officiels, le plus souvent de hauts fonctionnaires ministériels, qui s intéressent prioritairement aux questions de leurs pays. Le Comité de Direction Il comprend huit Vice-présidents placés sous l autorité du Président (actuellement le belge Philippe Maystadt). C est l organe exécutif à plein temps de la BEI. Il supervise les affaires courantes. Les membres du Comité sont nommés pour une période de six ans, mais peuvent effectuer un second mandat, ce qui leur donne une influence à long terme sur les politiques et la direction. Le rôle du Comité de Direction lui confère un pouvoir immense au sein de la BEI, puisqu il prépare les décisions des Administrateurs, notamment les décisions d emprunt et de prêt. Cela signifie qu il peut peser sur l examen des impacts environnementaux et sociaux des projets et sur l information fournie. Le Comité de Vérification est l un des autres organes de la BEI, et il a pour responsabilité de vérifier que les opérations de la BEI ont été conduites correctement et que ses comptes sont régulièrement tenus. La BEI, une étrange créature La BEI est un animal très étrange. C est une banque publique qui tend à agir comme une institution de crédit privée. Elle bénéficie du soutien public, d une personnalité juridique propre et d une large autonomie au sein du système communautaire, sans se plier en contrepartie à des mécanismes de mise en cause de sa responsabilité, ou à des normes contraignantes. La BEI garantit des prêts principalement grâce à ses emprunts qui, avec ses fonds propres (capital versé et réserves), constituent ses «ressources propres». Pourtant, son statut légal et ses obligations vis-à-vis de l UE n ont jamais été réellement clarifiés. Considérée à juste titre comme une institution de l Europe, la BEI est soumise à la réglementation européenne. Elle doit légalement agir dans les limites fixées par les traités de la Communauté européenne et par ses statuts. Elle est également tenue d adhérer aux objectifs de l UE en matière de développement. Pour autant, alors que les actions de la BEI sont censées être encadrées par les politiques et réglementations de l UE, la confusion règne sur la façon dont sa responsabilité peut être engagée en cas de manquements à ces politiques et réglementations. Il est tout aussi problématique que la BEI soit la seule des grandes Institutions financières internationales (IFI) à financer des projets de développement au Sud sans disposer du moindre standard environnemental et social opérationnel pour encadrer les projets soutenus. Cette situation est à l origine de toute une série de problèmes : manque de responsabilité et de transparence dans la prise de décisions, mauvaise prise en compte et gestion des dommages infligés aux écosystèmes et aux économies locales, difficultés à garantir que les personnes affectées percevront de réels bénéfices, et prise de décision fondée sur des critères presque exclusivement économétriques. D un point de vue institutionnel, la BEI est organisée pour accorder des prêts sur la base d une idéologie simpliste fondée sur des critères de croissance, et elle n a ni capacité, ni inclination à prendre suffisamment en compte les impacts environnementaux et sociaux des projets qu elle finance. 1. La BEI emprunte des fonds sur les marchés de capitaux 8

Les procédures d emprunt et de prêt de la BEI La BEI soutient des projets à travers différents mécanismes financiers : Les prêts individuels Ils sont accordés pour des projets précis, dans les secteurs publics ou privés, y compris le secteur financier. Les prêts globaux Ce sont des lignes de crédits accordées à des intermédiaires (banques, sociétés de crédit ou institutions financières), qui à leur tour accordent des prêts à des autorités locales ou des PME pour réaliser des programmes d investissement ou des projets admissibles dont le coût est inférieur à 25 millions d euros. La demande de crédit est faite directement à la banque ou l institution financière agissant comme intermédiaire au niveau national, régional ou local. Le capital risque Ce sont des activités développées de pair avec le Fonds Européen d Investissement, qui avec la BEI constitue le «groupe BEI». La BEI dispose également d un ensemble d instruments de prêts spécialisés : Le mécanisme de financement structuré : il s agit d un mécanisme de financement de projets présentant un profil de risque élevé, qui permet à la BEI de poursuivre ses opérations de prise de participation et de garantie en faveur de projets relatifs à des infrastructures de grande ampleur. Les Mécanismes de financement avec partage des risques : il s agit d un mécanisme créé en collaboration avec la Commission européenne pour donner à la BEI plus de latitude pour financer des projets innovants présentant un degré de risque plus élevé dans le domaine des plateformes technologiques et de la recherche-développement. Les fonds carbone : il s agit de fonds créés en collaboration avec des institutions telles que la BERD et la Banque mondiale pour développer le marché des crédits carbone dans les pays en transition et pour promouvoir la participation du secteur privé. Les contribuables surveillent le forum annuel de la BEI en 2004 Les priorités de la BEI en matière de prêt La BEI a défini pour l UE et les pays-candidats 2 six objectifs prioritaires explicités dans le Plan d Activité de la Banque (PAB): La cohésion économique et sociale Le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) La viabilité environnementale La mise en œuvre de l Initiative «Innovation 2010» Le développement des Réseaux Européens de Transports et d Energie (RETE) Une énergie sûre, compétitive et soutenable Bankwatch / R. Cyglicki 2. A la date de publication, il s agit de la Croatie, de la Turquie et de l Ex-République Yougoslave de Macédoine. 9

La BEI en dehors de l Union européenne En dehors de l UE, les prêts de la BEI sont fondés sur les politiques de coopération et de développement de l Union (ce point sera détaillé dans le chapitre suivant). Le total des prêts accordés hors de l UE atteint 5,9 milliards d euros en 2006. Les mandats confiés à la BEI par l UE sont les suivants: Préadhésion, en vertu du nouveau mandat de prêt extérieur : Pays candidats et pays candidats potentiels entrant dans le cadre de l élargissement Coopération économique, en vertu du nouveau mandat de prêt extérieur : Amérique latine et Asie (ALA) Les objectifs en matière de prêts hors UE sont essentiellement axés sur le développement du secteur privé et des infrastructures, le soutien à la présence de l UE grâce aux garanties apportées à l Investissement Direct Etranger et au transfert de savoir-faire, la protection et l amélioration de l environnement, et de manière croissante la sécurité énergétique Politique européenne de voisinage, en vertu du nouveau mandat de prêt extérieur: les pays méditerranéens, la Russie et les pays voisins de l Est Développement en vertu des Accords de Cotonou : Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), République d Afrique du Sud 10

1.2 Qui sommes-nous? La campagne BEI Counter Balance : Réfomer la Banque européenne d investissement est une nouvelle coalition européenne d ONG travaillant dans les domaines de l environnement et du développement. Ces organisations ont une large expérience en matière de financement du développement, et sur les questions des Institutions Financières Internationales (IFI) et des impacts des grands projets d infrastructures. Plusieurs d entre elles, en particulier le réseau CEE Bankwatch, critiquent depuis de longues années l implication de la BEI dans des projets controversés pour des raisons sociales et environnementales. Counter Balance remet en cause l idéologie de marché et vise à faire de la BEI une institution ouverte et progressiste et une priorité politique en Europe, et à renforcer le pouvoir des personnes affectées par ses activités. Nous souhaitons que la BEI soit profondément réformée pour devenir une banque axée sur l intérêt général, poursuivant les Objectifs du Millénaire pour le Développement et jouant un rôle dans la lutte contre le changement climatique. Nous voulons que la BEI devienne une institution vraiment responsable, accordant des prêts à des projets éthiques et porteurs d une réelle valeur ajoutée au lieu d apporter des subventions publiques à des entreprises privées. En outre, nous voulons informer les différents groupes de la société civile des conséquences des opérations de la BEI hors de l UE et des impacts environnementaux, sociaux, et en matière de droits humains des activités de la banque. Counter Balance comprend des membres provenant des régions suivantes : Counter Balance collabore également avec des organisations d Europe centrale et orientale, d Afrique, d Amérique Latine et d Asie. La BEI est la seule des IFI à se situer dans un système d institutions démocratiques. La BEI appartient également aux 27 Etats membres de l UE. Les mandats sur la base desquels elle agit défendent des questions qui intéressent de nombreux citoyens de l UE, tels que la réduction de la pauvreté, inscrite parmi les objectifs des accords de Cotonou, la viabilité environnementale et le développement des infrastructures (même si aujourd hui, ces aspects sont secondaires pour la BEI, qui se préoccupe avant tout du soutien au secteur privé et de la sécurité énergétique). La BEI pourrait être améliorée grâce à la pression d une grande variété de parties prenantes, de communautés affectées et de personnes exerçant leurs droits démocratiques en tant que citoyens européens. Nous cherchons à galvaniser et à soutenir certaines de ces pressions pour réaliser la nécessaire réforme de la BEI. Nous voudrions encourager les groupes qui ont déjà travaillé sur, pour ou autour de la BEI, ainsi que ceux qui s impliquent dans les secteurs pertinents dans le cadre des opérations de la banque hors de l UE - organisations environnementales, de développement ou de défense des droits humains à se joindre à nos efforts. Nous sommes à votre disposition pour toute question ou demandes d aide sur les projets financés par la BEI, spécialement celles venant du Sud, qui auraient besoin de soutien pour affronter l institution. Europe Centrale et Orientale: CEE Bankwatch Network France: Les Amis de la Terre Allemagne: Urgewald et WEED (World, Economy, Ecology & Development) Italie: Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM) Pays-Bas: BothEnds Royaume-Uni: Bretton Woods Project 11

2. La BEI dans le cadre des politiques européennes de développement 2.1. obligations de la BEI au regard des réglementations européennes La situation légale de la BEI est curieuse et ambiguë. Elle a été créée en 1957 par le Traité de Rome, mais n est pas formellement une institution communautaire telle que celles qui sont citées dans son article 7. Elle n est pas considérée comme une institution dotée de pouvoirs législatifs ou exécutifs ou chargée de concevoir des politiques. Elle a été créée en tant qu organisme financier, avec une personnalité juridique et une structure administrative propres, afin de pouvoir fonctionner comme une institution financière. Bankwatch / M. Michon Cette indépendance signifie que la BEI dispose de larges marges de manœuvre légales. La BEI s est toujours efforcée d appliquer la réglementation européenne de façon très restreinte, et le moins souvent possible, à tel point que d autres institutions de l UE, notamment la Commission, ont été amenées à la traduire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) à plusieurs reprises. La CJCE a constamment jugé, contrairement à la position de la BEI, qu «il est clair ( ) que la BEI est censée contribuer à l atteinte des objectifs de la Communauté européenne et ( ) qu elle outrepasse donc ses marges d autonomie.» (Commission contre Banque européenne d investissement, 2003). Mais si la CJCE s est montrée prête à pousser la BEI à écouter les autres institutions, elle n a pas pour autant souhaité donner au public le moindre contrôle sur la banque. Ainsi, quand un groupe de citoyens français a traduit la BEI en justice à propos du financement d un périphérique autour de Lyon, le tribunal a jugé qu en la matière, les citoyens devaient s adresser à leur gouvernement : «Seules les décisions prises par les différentes autorités françaises concernées ( ) sont responsables de la situation juridique du requérant.» (Etienne Tête et autres contre EIB, 1993). En d autres termes, la responsabilité juridique de la BEI envers les personnes touchées par ses décisions est très réduite, voire nulle. Celles-ci doivent se tourner vers les Etats membres, qui dans la plupart des cas ne souhaitent pas entrer en conflit avec la BEI, ou en sont incapables. Le problème du manque de responsabilité légale s aggrave avec l élargissement du portefeuille de la BEI. La banque a été créée au départ avec une mission spécifique : «contribuer, en ayant recours aux marchés des capitaux et en utilisant ses propres ressources, au développement équilibré et régulier du marché commun dans l intérêt de la Communauté». Lorsque la BEI a été créée, ce «développement régulier» était envisagé pour les régions les moins développées de l UE (Etats les plus pauvres, ou régions les plus pauvres dans les Etats plus riches). Cependant, avec le temps, les activités de la BEI se sont peu à peu étendues, pour inclure des financements toujours plus importants hors de l UE, en particulier en Afrique (depuis 1963), en Europe de l Est (depuis 1989), et en Amérique Latine et en Asie (depuis 1993). La BEI dépasse désormais la Banque mondiale en terme de volumes de prêts, et est devenue le plus grand bailleur public au monde, avec un montant annuel de prêts d environ 45 milliards d euros. En 2006, le montant des projets financés en dehors de l UE, principalement dans les pays en développement, a atteint 5,9 milliards d euros. Et dans ces régions extérieures à l UE, la BEI n est soumise à aucune réglementation européenne. 12

Etant donné le champ d intervention très large de la BEI, il est légitime de se demander si le pouvoir et les responsabilités que lui confèrent son statut et le Traité de Rome de 1957 sont toujours appropriés aujourd hui, et s il ne serait pas nécessaire de les réviser fondamentalement. Sur quelques aspects, néanmoins, les choses s améliorent. L avancée la plus remarquable vient peutêtre de la Convention d Aarhus. La Convention d Aarhus, l une des rares réglementations de l UE à laquelle la BEI est soumise, donne au public des droits à l information, à la participation au processus de décision et à l accès à la justice dans le domaine environnemental. Il reste à voir à quel point cette Convention, qui n a été transposée au droit communautaire qu en 2006, modifiera l approche de la BEI en termes de politiques et de décisions sur les projets. Aujourd hui, ces deux aspects sont justement caractérisés par une information du public très restreinte et bornée. L aspect intéressant d Aarhus est son caractère proactif: elle exige de la BEI et des entreprises qui bénéficient de ses fonds une diffusion active des informations sur les projets, et des efforts positifs pour impliquer les personnes et communautés concernées. Le fait de ne pas respecter ces exigences peut exposer la BEI à des poursuites judiciaires. Etant donnée son attitude tenace à faire «profil bas», cela place la BEI devant un certain dilemme : parler aux gens ou prendre le risque que les choses se terminent au tribunal. 2.2. Les obligations de la BEI au titre de la politique de développement de l UE Si les obligations de la BEI vis-à-vis du droit européen ne sont pas claires, est-il plus facile de déterminer ce que la BEI est censée faire au titre des politiques européennes, notamment en matière de développement? La BEI insiste beaucoup sur le fait qu elle est avant tout une banque, et que sa compétence est principalement financière. Pourtant, avec ses prêts au Sud, la BEI joue un rôle de plus en plus important dans la politique de développement de l UE un rôle qu elle reconnaît et dont elle se défend tour à tour. Quoi qu il en soit, la BEI accepte le fait que «[sa] mission consiste à poursuivre les objectifs de l UE» ; et il est clair que les objectifs de l UE au Sud sont très fortement influencés par les idées de développement durable et de réduction de la pauvreté. Ainsi, la Déclaration de la Communauté Européenne sur la Politique de Développement affirme que «la politique de développement de la Communauté est fondée sur le principe d un développement humain et social durable, équitable et participatif ( ) l objectif principal de la politique de développement de la Communauté est de réduire, et, finalement, d éradiquer la pauvreté.» R. Cyglicki 13

Ces principes sont aussi très clairement consacrés par les deux principaux accords sur la base desquels la BEI intervient hors de l Europe. Dans les pays du groupe ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), la BEI agit sur mandat de l Accord de Cotonou, dont les finalités explicites comprennent «la réduction de la pauvreté et la promotion du développement durable». (Comme le site Internet de la BEI le déclare clairement, «la BEI est un partenaire du développement dans la plupart des pays ACP depuis 30 à 40 ans»). De la même façon, en vertu de son nouveau Mandat de Prêts Extérieurs (MPE), sur la base duquel elle agit en Europe de l Est, en Amérique Latine et en Asie (ALA), «Les opérations de financement de la BEI devraient être cohérentes avec les politiques extérieures de l UE et les soutenir, y compris en ce qui concerne les objectifs régionaux spécifiques, en assurant une cohérence globale avec les actions de l UE». (Le MPE présente également «la protection de l environnement» et «la sécurité énergétique des Etats membres» comme des objectifs que doit se fixer la BEI). Donc, s il est donc clair que la BEI a l obligation de suivre les objectifs de développement de l UE, la grande question est : est-ce que la BEI favorise le développement, durable et l éradication de la pauvreté au Sud grâce à ses investissements? Pour nous, la réponse est claire: non. Ces dernières années, la BEI a été impliquée dans plusieurs des projets d infrastructure les plus délirants et les plus destructeurs de la planète. L oléoduc Tchad-Cameroun, le grand barrage des Hauts plateaux du Lesotho, et le Gazoduc d Afrique de l Ouest (voir encadrés 2 et 3 pour en savoir plus) ne sont que quelques-uns des projets très controversés qui ont été rendus possibles grâce aux prêts de la BEI. Ces projets sont à l origine de déplacements massifs de population, de l appauvrissement considérable des communautés locales, mais également de graves destructions environnementales. Ils ont apporté des bénéfices dérisoires aux communautés et aux Etats locaux, puisque la plus grande part des profits est allée aux vastes consortiums d entreprises occidentales qui les mettent en œuvre. Ce problème ne peut que s aggraver. En décembre 2006, la BEI s est vue attribuer par le Conseil de l Union européenne un nouveau mandat extérieur de 27,8 milliards d euros (contre 20,7 milliards pour la période précédente). Cette augmentation va s appliquer aux deux mandats d intervention de la BEI hors de l UE : hausse de 53% pour les prêts consacrés à la zone ALA, tandis que les fonds disponibles dans la zone ACP ont pour ainsi dire doublé, en prenant en compte que plus de 2 milliards d euros ont été ajoutés aux propres fonds de la BEI. Et la liste des projets douteux dans le pipeline de la BEI ne fait que s allonger. On peut citer à titre d exemple la mine de cuivre de Tenke Fungurume en République Démocratique du Congo, où des émeutes de travailleurs qui protestaient contre leurs conditions de travail ont récemment eu lieu, et dont le contrat de concession a été signé pendant la guerre raison pour laquelle plusieurs IFIs ont refusé d appuyer le projet. Autres exemples : en Ethiopie, le barrage Gilgel Gibe III, fortement soupçonné de corruption, ou en Zambie, la mine du cuivre de Mopani, qui en ne respectant pas ses obligations environnementales a récemment provoqué la pollution des réseaux d eau potable et l empoisonnement de 800 personnes. Pourquoi la BEI a-t-elle tendance à soutenir des projets de ce type, qui entraînent des dégâts sociaux et environnementaux de grande ampleur, et qui visiblement ne respectent pas les obligations de la banque en matière de développement? Une part du problème vient de la structure de la BEI : les décisions d investissement sont prises par un Conseil d administration non permanent, constitué de représentants venant des Ministères des Finances des Etats de l UE, qui ne se rencontrent que dix fois par an pour passer en revue 30 projets par séance en moyenne. Cette procédure expresse signifie qu une fois que les projets arrivent dans le pipeline de la BEI, ils sont en pratique quasiment sûrs d obtenir son soutien. Il faut aussi noter que 14

Peter Sinkamba la plupart des projets sont amenés devant la BEI à travers un Etat membre (ou la Commission européenne), ce qui favorise manigances et échanges de faveurs entre Etats. Un canal d évacuation de la Mine de Cuivre de Mopani, Zambie Avec seulement 1300 employés (contre plus de 10 000 pour la Banque Mondiale) la BEI manque également de moyens et d expertise pour analyser systématiquement les projets en fonction de critères de développement. Les projets sont presque uniquement évalués par des économistes et des ingénieurs. La direction du développement durable, très réduite, n est pas en mesure de suivre l ensemble des projets, et est généralement marginalisée lors de leur conception et de leur approbation. Les taux de retour sur investissement et autres critères économétriques dominent le processus de sélection des projets. Mais le problème est avant tout idéologique. La BEI est prise dans l idéologie dépassée de la croissance économique, qui, selon ses propres termes, «ne peut être menée que par le secteur privé». Il en résulte une tendance marquée de la banque à soutenir des projets de grande ampleur mis en œuvre par de grosses multinationales. Ainsi, plus de 80% des fonds de la Facilité d Investissement, le principal fonds destiné aux projets ACP, partent vers le secteur privé. Le plus souvent, celui-ci a davantage besoin de l argent de la BEI comme une assurance politique que comme liquidités. En RDC, l un des promoteurs de la mine Tenke est ainsi Freeport McMoran, la plus grande multinationale minière au monde. Il est difficile de comprendre pourquoi une entreprise privée géante (traînant un lourd passif en matière environnementale et sociale) mérite les subventions publiques de la BEI, et en quoi la collectivité publique bénéficie de ce type de financements. Les grandes entreprises n ont pas à être des adversaires inhérents au développement. Mais l expérience montre qu il est difficile de mettre en cause leur responsabilité, qu elles cherchent à maximiser leurs bénéfices, même si cela doit se faire aux dépens des communautés locales et de l environnement, et qu elles aggravent les tendances à l instabilité politique et à l autoritarisme. L «idéologie de la croissance» ignore également les conséquences sociales de la croissance dans les sociétés humaines : si elle améliore le sort de quelques groupes, classes et secteurs, elle a des effets limités, et même négatifs, sur les autres. Il en résulte bien souvent une polarisation des bénéfices, des conflits sociaux, et la mise à l écart des secteurs qui nécessitent des investissements à long terme au profit de projets à rentabilité immédiate et à court terme. Quels projets la BEI devrait-elle soutenir? Les analyses du processus de développement mettent à présent l accent sur la nécessité de prendre en compte en amont les impacts distributifs de la croissance économique : groupes gagnants et perdants, conditions permettant d être certains que les bénéfices et les coûts sont partagés de façon plus équitable entre l ensemble des groupes sociaux, etc. Ces analyses encouragent aussi une meilleure appropriation des projets : si les communautés affectées sont impliquées dans la conception et le développement des projets, ceux-ci ont plus de chance de profiter aux populations locales, et d être au final des réussites. Finalement, le développement à long terme a besoin d activités qui créent une valeur ajoutée importante, qui assurent le développement des compétences locales, et qui permettent l autonomie fiscale des Etats. Exactement l opposé du modèle «extraction de matières premières par des travailleurs non qualifié et tournée vers l exportation» soutenu par la BEI. 15

3. Pourquoi il faut réformer la BEI 3.1. Le déficit démocratique : devant qui la BEI est-elle responsable? Quels intérêts sert-elle? Pour avoir une meilleure vision de la façon dont la BEI travaille en pratique, il faut soulever les questions suivantes : envers qui la BEI est-elle responsable, et par quels mécanismes? S agit-il de la Commission européenne, du Parlement européen, du Conseil Européen, du médiateur européen, des responsables des gouvernements nationaux, des citoyens ordinaires? Comment peuvent-ils examiner les prêts de la BEI, et peuvent-ils avoir une influence sur ceuxci? Et qu en est-il des personnes affectées par ses projets? Il est difficile d apporter une réponse précise à toutes ces questions. En effet, la façon dont la BEI est construite révèle des faiblesses considérables en ce qui concerne les mécanismes par lesquels la BEI peut être tenue responsable. Coopération avec les institutions de l UE La BEI gère sa coopération avec les institutions de l UE principalement par le biais, i) de son bureau de Bruxelles, placé sous l autorité du Secrétariat général de la BEI et chargé de la relation avec les institutions de l UE sur les questions politiques ii) de son département «Soutien à la stratégie», placé au sein de la Direction des projets de la BEI à Luxembourg et chargé des relations avec les institutions de l UE sur des sujets plus techniques. Le rôle de la Commission européenne L organisation actuelle des institutions limite le contrôle des activités de la BEI par la Commission européenne (CE). La BEI explique souvent que sa coopération avec la Commission est garantie par la présence de l administrateur nommé par celle-ci au sein du Conseil d Administration. Mais les mécanismes garantissant que celui-ci exprime les préoccupations de la Commission en son nom, et la façon selon laquelle l avis de la Commission est sollicité, demeurent inconnus du grand public. La CE peut également examiner le processus de prêt de la BEI au moyen d une procédure interne («consultation interservices») par laquelle la BEI fournit des informations à la CE par le biais des différentes Directions Générales (DG), qui peuvent analyser les projets et les commenter. Les avis des différentes DG sont coordonnés par la DG des Affaires Economiques et Financières (ECFIN). Cette pratique est toutefois extrêmement inefficace, puisque les représentants de la CE ne soulèvent des problèmes que très rarement. Cela est dû aux capacités limitées de la CE en termes de personnel contrôlant les projets de la BEI, à la mauvaise qualité et au manque d informations fournies sur les projets par la banque, et aux délais très courts dont la Commission dispose pour apporter des commentaires. Enfin, malgré les déclarations fréquentes de la BEI selon lesquelles son lien avec la CE valide ses investissements, il faut signaler que la CE se contente d émettre un simple «avis de conformité», qui se borne à indiquer son opinion. Ainsi, la CE joue un rôle mineur dans le cycle d adoption des projets de la BEI, sans aucun pouvoir de veto : un projet peut être approuvé malgré les inquiétudes éventuellement exprimées par la Commission. 16

Le rôle du Conseil de l UE La BEI assiste aux réunions du Conseil ECOFIN en y apportant son expertise sur les questions économiques. Par ailleurs, le Conseil de l UE demande souvent à la BEI de mettre en œuvre de nouvelles initiatives communautaires en apportant les instruments financiers appropriés. En principe, le Conseil de l UE peut faire des suggestions à la BEI, mais cela ne garantit en aucune façon un contrôle effectif de la BEI. Les membres du Conseil ECOFIN sont aussi membres du Conseil des Gouverneurs de la BEI, ce qui devrait en principe assurer une cohérence entre les politiques de l UE et les objectifs de la BEI. Le rôle du Parlement européen La coopération entre le Parlement européen (PE) et la BEI est réduite au minimum. Le Parlement n examine les activités de la BEI que sur sa propre initiative, et émet un rapport sur le Rapport annuel de la BEI. Le rapport du Parlement européen est généralement voté durant la première moitié de la deuxième année suivant la publication du Rapport annuel de la BEI (donc au cours du premier semestre 2008 pour le rapport annuel 2006 de la BEI). Sur la base du rapport annuel, la Commission des Affaires Economiques et Monétaires (CAEM), et plus récemment la Commission du Contrôle Budgétaire (CONT), publient des commentaires et des recommandations sur l impact des prêts de la BEI 3, sur ses opérations et ses performances. Les rapports du PE ont souvent été critiques à l encontre de la BEI, demandant une meilleure intégration entre la CE et les institutions de la BEI, et plus de transparence autour des projets financés. Ils ont également demandé à la BEI d entretenir un dialogue plus fourni et de meilleure qualité avec les organisations de la société civile, et de contrôler l utilisation des prêts globaux. Ces recommandations n ont toutefois aucun caractère contraignant, et il est difficile d évaluer comment la BEI les prend en compte. Plusieurs d entre elles ont été réitérées à plusieurs reprises dans les rapports annuels du PE, et la BEI ne les met toujours pas en œuvre. 3. Les rapports annuels de la BEI sont disponibles sur son site Internet: www.eib.org, en trois langues : anglais, français et allemand. Le rôle des gouvernements nationaux Les gouvernements nationaux ont une influence limitée sur les décisions de la BEI. Le Conseil des Gouverneurs, composé des Ministres de l économie ou des Finances de chaque Etat membre, définit les grandes orientations de la politique de la BEI. Mais ce Conseil ne se réunit qu une fois par an, ce qui est clairement insuffisant pour exercer un réel contrôle des activités de la BEI. Traditionnellement, la BEI est toujours restée assez discrète vis-à-vis des administrations nationales des Etats membres. Le fait que la BEI leur apporte de l argent bon marché, et sa réticence à partager l information au sujet de ses prêts, même vis-à-vis de ses propres actionnaires, ont conduit les Etats membres à ne pas chercher à exercer leur pouvoir de pression sur la banque. Cette situation est en train d évoluer avec l élargissement des activités de la BEI, et le fait qu elle soit maintenant plus connue. De plus en plus, les gouvernements nationaux demandent à la BEI de prouver qu elle applique le principe d additionnalité et que les projets qu elle soutient méritent de recevoir de l argent public. La société civile et les populations impactées Divulgation de l information La société civile a joué un rôle important dans les réformes de la BEI, en particulier dans le cas de sa politique de transparence. Suite à ses pressions, en 2006, la BEI a produit une nouvelle Politique de Divulgation de l Information, après un processus public de consultation. Dans cette Politique, la BEI déclare être «responsable devant les citoyens de l Union» par l intermédiaire des Etats membres de l UE. Cela représente un progrès, quand on se souvient qu en 1998, le Directeur de la Communication de la BEI avait déclaré que la BEI était responsable uniquement devant le marché. A l opposé de cette conception, cette Politique donne plus de clarté au cadre institutionnel de la BEI et à ses relations avec la Cour de Justice, la Cour des Comptes Européenne, l Office Européen de lutte AntiFraude et le Médiateur 17

Européen. Cette Politique énonce également les règles de l accès du public à l information sur les politiques, les stratégies et les opérations de prêt et d emprunt de la BEI. Cet accès est toutefois largement limité par certaines exceptions, principalement concernant les informations présentées comme relevant du «secret commercial». La BEI est également soumise aux règles de la convention d Aarhus, qui garantit au public les droits à l accès à l information, à la participation à la prise de décision, et à la justice dans le domaine environnemental 4. En pratique, pourtant, il est toujours difficile d obtenir de la BEI les informations nécessaires sur les projets, et, plus important encore, de les obtenir dans un délai suffisant avant les décisions d approbation des prêts. L expérience montre qu il est difficile de comprendre quels sont les intentions de la BEI, et donc de faire connaître les problèmes liés aux projets. Dans certains cas, les projets publiés sur le site Internet de la BEI l ont été seulement après leur approbation. Enfin, la question de la consultation des populations concernées par les projets reste non résolue. Actuellement, la BEI n ayant aucune procédure ni aucun moyen pour assurer la consultation des communautés impactées, elle délègue cette responsabilité au promoteur du projet, qui, ayant un intérêt inhérent à ce que son projet soit accepté, n a aucune impartialité. Les citoyens affectés et le Médiateur Européen (ME) A de nombreuses reprises, la BEI a soutenu des projets dans des régions hors de l UE où les citoyens affectés ne bénéficient pas de la liberté d expression et des droits politiques nécessaires pour faire entendre leurs plaintes et revendications. C est par exemple le cas pour le projet minier Tenke Fungurume, l une des plus grandes mines de cuivre de République Démocratique du Congo; pour la série des projets Gilgel Gibe en Ethiopie ; pour l oléoduc et le gazoduc Tchad-Cameroun ; ou encore le barrage Nam Theun II au Laos. Le rôle du Médiateur Européen s est renforcé au fil des années, bien qu aucun changement réel pour les personnes affectées par les projets n ait pour le moment été constaté. Si le médiateur peut conduire des enquêtes quand il est saisi par des personnes physiques, ses décisions ne s imposent pas à la BEI. Son mandat consiste en principe à traiter des cas interne à l UE, soumis par des citoyens européens, et n accorde aucun recours légal aux personnes affectées par des projets financés en dehors de l UE. Récemment, pourtant, le ME a annoncé qu il pouvait sur sa propre initiative se saisir d affaires hors de l EU dans les cas de «mauvaise administration», c est-à-dire les cas de non-respect par une institution de ses propres réglementations et politiques. Reste à savoir comment cela sera mis en œuvre. 4. Pour plus d information, voir BEI, «L accès à l information environnementale», et le communiqué de presse «La BEI applique le Règlement Aarhus sur l accès du public à l information environnementale», du 27 juin 2007. 18

3.2. Où vont vos 50 milliards d euros? La BEI fournit différents types de prêts : des prêts individuels, finançant des programmes et projets spécifiques (montants supérieurs à 25 millions d euros) ; des prêts intermédiaires (ou globaux), accordés sous forme de lignes de crédit à des banques et des institutions financières pour soutenir des PME (dont les projets sont inférieurs à un montant de 25 millions d euros) ; et des mécanismes de financement structurés, pour les prêts et les garanties de premier rang apportés aux projets à hauts risques, essentiellement pour les infrastructures. Concernant les prêts individuels, la BEI finance des projets dans une large variété de secteurs, qui devraient en principe contribuer aux objectifs économiques et politiques européennes, et respecter les «politiques de développement et de coopération dans les pays partenaires» de l UE, sur la base desquelles la banque intervient dans les pays en développement. Ces objectifs étant définis de façon très large, leur interprétation tend à être vague et sans limites claires, ce qui donne à la BEI une grande latitude dans le choix des projets qu elle finance. Figure 1. Répartition des prêts de la BEI par secteur sur la période 1995-2006 Urban Development 3% Transport 28% Telecom 5% 1% Agriculture 0% 1% Où la BEI intervient La très grande majorité des investissements de la BEI - 87% en 2006 -va aux Etats membres de l UE. En comparaison, les montants prêtés hors de l UE, dans les pays partenaires sont faibles. Mais ils sont en constante augmentation, représentant un montant de plus de 5,9 milliards d euros en 2006, ce qui fait de la BEI le plus gros bailleur public intervenant au Sud. La BEI finance des secteurs variés, mais la plus grande partie de ses prêts va au secteur financier (dont 50% pour des prêts globaux), suivi par les secteurs des transports, de l énergie, de l industrie et des télécoms, pour des projets à grande échelle (voir fig. 1). Au cours des 10 dernières années, seule une petite fraction des prêts de la BEI a été consacrée à des projets dans les secteurs de l éducation, de la santé et de l agriculture. Si l on regarde de plus près les différents secteurs dans lesquels la BEI investit, la question de la contribution de ces financements aux objectifs et politiques de la banque, et audelà aux objectifs de développement de l UE au Sud, se pose très rapidement. Education 3% Energy 10% Environment 5% Financial Sector 30% not defined Agriculture Damage reconstruction Education Energy Environment Financial Sector Health Industry Infrastructure Mixed categories Postal Service Telecom Transport Urban development Postal Service 1% Health 2% Infrastructure 2% Industry 8% Focusing on various sectors where the EIB is providing lending, questions arise whether the EIB indeed follows its objectives and set policies, and even more, whether financing in the countries outside of the EU contributes to EU development objectives. 19

La BEI et les mines: L un des domaines dans lesquels la BEI est activement engagée est le secteur minier (classé par la BEI dans la catégorie des prêts dans le secteur de l Industrie), particulièrement dans les pays de la zone ACP. Mais alors que la BEI affirme que le secteur minier contribue au développement, en réalité, ces prêts profitent avant tout aux grandes firmes multinationales qui extraient les ressources africaines pour les exporter en Europe, aux Etats-Unis ou dans les pays émergents (tels que la Chine, qui exporte ensuite massivement des biens manufacturés fabriqués à partir de ces matières premières vers les pays riches). En outre, la contribution du secteur minier à la réduction de la pauvreté est extrêmement controversée (voir encadré 1). Par exemple, selon les termes du contrat de concession de la mine de cuivre de Mopani, qui a obtenu un prêt de la BEI, le taux royalties versé au gouvernement zambien est de 0,6% seulement. Alors que les pays du Nord sont les principaux bénéficiaires de l extraction minière, les pays hôtes subissent les lourds coûts environnementaux et sociaux causés par les mines à grande échelle : déplacements de population, déforestation, pollutions de l air et des eaux, corruption, violation des droits humains, conflits, etc. Entre 2000 et 2006, les projets miniers ont représenté plus de 80% des prêts de la BEI en Zambie, dont 188 millions d euros investis dans des projets de mines de cuivre et de cobalt. Pourtant, l UE finance justement un Programme de diversification du secteur minier en Zambie, pour sortir le pays de la dépendance aux secteurs miniers traditionnels que sont le cuivre et le cobalt 5! 5. Pour plus d information sur les prêts de la BEI dans le secteur minier, voir le rapport Banque européenne d investissement : six ans de financement du pillage minier en Afrique, Novembre 2007, les Amis de la Terre France. Le rapport est disponible sur http://www.amisdelaterre.org/nouveau-rapoprt-des-amis-de-la.html La BEI et le secteur de l énergie: Les prêts au secteur énergétique sont devenus l une des priorités de la BEI, et visent spécifiquement à accroître les financements en faveur d une «énergie soutenable, compétitive et sûre». Malgré des objectifs ambitieux en matière d énergies renouvelables, la BEI augmente activement le montant des financements accordés à des projets dans le secteur des énergies fossiles (voir figure 2). Cela comprend la construction d oléoducs et de gazoducs dans des régions marquées par l instabilité politique, une grande pauvreté, le non-respect des droits humains et de graves problèmes de corruption. Parmi ces projets problématiques soutenus par la BEI figurent l oléoduc Tchad-Cameroun et le Gazoduc d Afrique de l Ouest (qui transporte le gaz provenant de la région instable du delta du Niger), ainsi que des oléoducs situés au Mozambique et en Egypte. S il faut saluer le fait que la BEI prenne de plus en plus conscience de la nécessité de financer des projets dans le secteur des énergies renouvelables, il faut aussi souligner qu entre 2002 et 2006, elle a prêté près de QUATRE FOIS PLUS au secteur du gaz et du pétrole qu au secteur des énergies renouvelables. Sur les 23,7 milliards d euros investis dans le secteur énergétique sur la période partout dans le monde, 11,3 milliards ont été aux énergies fossiles alors qu entre 3 et 3,6 milliards seulement sont allés aux énergies renouvelables, selon que l on y inclut ou non l hydroélectricité. Il est impossible de quantifier les investissements dans l efficacité énergétique, sauf pour un ou deux projets spécifiques, puisque ces investissements sont intégrés à d autres projets. Figure 2: Les investissements de la BEI dans le secteur énergétique de 2002 à 2006 35% 3% 13% 2% 2% 3% 42% Gas Coal Hydropower Renewable energy Oil Electricity distribution Other 20