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NOTE DE SYNTHÈSE R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E COMMISSION DE LA CULTURE, DE L ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE (EPCC) : DES LOCOMOTIVES DE LA DÉCENTRALISATION DE LA CULTURE À MIEUX CONNAÎTRE ET SOUTENIR Rapport d information n 679 (2017-2018) de M. Laurent Lafon et Mme Sylvie Robert, sur le bilan du fonctionnement des EPCC quinze ans après leur création par la loi Un outil particulièrement pertinent N DLC-139 (2017-2018) 18 JUILLET 2018 1. Un instrument qui s inscrit dans une logique de décentralisation culturelle Les EPCC ont été créés par la loi n 2002-6 du 4 janvier 2002 à l initiative d une proposition de loi sénatoriale, dans un objectif de renforcement de la décentralisation culturelle, pour offrir un instrument juridique moderne et indépendant susceptible de garantir une certaine stabilité et pérennité dans la gestion des services publics culturels locaux. L article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales leur confie pour objet la gestion d un service public culturel, qu il soit existant ou créé ex nihilo, dès lors que celui-ci présente un intérêt pour chacun des partenaires et contribue «à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture». Même si l EPCC porte avant tout un projet de territoire, son rayonnement peut déborder ce périmètre. Toutes les activités culturelles, quelle que soit leur nature (spectacle vivant, festivals, lieux patrimoniaux, musées, centres de ressources, écoles d art ) sont susceptibles d être gérées par un EPCC. La seule exception concerne «les services qui peuvent être assurés par la collectivité territoriale elle-même» de manière à ce que l EPCC apporte une réelle plus-value par rapport à ce que chaque collectivité aurait pu réaliser de manière isolée et à ce qu il ne soit pas un moyen pour une collectivité de faire financer par d autres un service qui la concerne elle seule. Le statut d EPCC vise à encourager les partenariats entre plusieurs collectivités territoriales ou entre les collectivités territoriales et l État (ou l un de ses établissements publics nationaux) afin d ouvrir de nouvelles perspectives pour le développement culturel dans les territoires. Les communes, en particulier les grandes villes, et les intercommunalités restent prédominantes parmi les partenaires. L un des premiers EPCC créés : le Pont du Gard 2. Un outil arrivé à maturité, plébiscité pour sa souplesse de fonctionnement et sa rigueur de gestion Dans les conclusions d un rapport de juin 2010 qui leur était consacré, l inspection générale des affaires culturelles (IGAC) notait qu à mesure que les EPCC devenaient familiers dans le paysage culturel, ils passaient «de l état d objet de crainte à celui d objet de désir». De fait, l expérience montre en fin de compte que les coûts de transformation d une structure existante en EPCC, qui ont parfois pu paraître importants au point de freiner certaines créations, sont finalement rapidement absorbés au-delà des Sénat 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - www.senat.fr

2 BILAN DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE premières années qui suivent la création de l établissement. Les principales qualités reconnues au statut d EPCC sont, d une part, sa souplesse de fonctionnement et, d autre part, sa rigueur de gestion, en particulier les garanties de transparence qu il offre sur la gestion des fonds publics. Ces atouts justifient que le nombre de créations d EPCC soit plutôt en hausse ces dernières années. L autonomie des EPCC, que la loi vise à garantir, est jugée essentielle pour leur permettre de porter un projet culturel coordonné et fédérateur entre les partenaires. La loi prévoit en effet le partage équilibré des responsabilités entre les partenaires au sein de l établissement, dont la création repose sur le volontariat de chacun des membres. Les travaux conduits par votre commission en 2012 avaient, à juste titre, mis en lumière la nécessité de mesurer la volonté politique de chaque partie et de définir le projet de manière approfondie, comme celle d analyser l opportunité des différents statuts en fonction du projet à mener préalablement à la création d un établissement. 3. Un sens nouveau avec la réaffirmation de la compétence culturelle partagée La réaffirmation, par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), de la compétence partagée des différents échelons de collectivités territoriales en matière de culture pourrait donner aux EPCC une ampleur nouvelle. Compte de l équilibre entre les différents partenaires en leur sein, ces établissements garantissent une vraie qualité de débat. Ils apparaissent de ce fait comme un outil approprié pour organiser des coopérations avancées dans le domaine de la culture entre les collectivités territoriales, sur la base des propositions qui pourraient être faites au sein des commissions chargées de la culture des conférences territoriales de l action publique dites «CTAP culture». Également à l initiative de ces dernières instances, votre commission de la culture a toujours jugé important que la compétence partagée soit exercée en commun par tous les échelons de collectivités territoriales, et ne se résume pas à une simple répartition des responsabilités entre eux, compte tenu du besoin de culture qui se fait sentir. 4. Un manque de données regrettable L absence d observation centralisée de l outil au niveau de l État reste problématique, au risque de générer un déficit de connaissance des expériences existantes qui pourrait pourtant être profitable à l ensemble du réseau. Aucune évaluation du dispositif n a plus été réalisée depuis le rapport de l inspection générale des affaires culturelles de juin 2010. Le nombre exact d EPCC en fonction sur le territoire n est pas connu, de même que la nature des partenaires ou le champ culturel dans lequel ils interviennent. Au sein du ministère de la culture, en dehors d un léger suivi opéré par le service des affaires juridiques au sein du Secrétariat général, ce sont les directions métiers (direction générale de la création artistique, direction générale des patrimoines) qui effectuent des analyses en fonction du champ dont relèvent les EPCC, ce qui ne permet pas de connaître l outil dans sa globalité. Ce défaut de centralisation est une source de difficultés, y compris pour la gestion en DRAC. L essentiel des données sur les EPCC émane à l heure actuelle du comité national de liaison des EPCC, qui constitue un espace d échanges entre les EPCC qui y ont adhéré. Il est regrettable que la recommandation formulée par votre commission en 2012 qu un référent EPCC soit nommé au sein du ministère de la culture n ait jamais été suivie d effet. Une telle personne offrirait un point d appui utile pour les DRAC, les élus et les professionnels et pourrait être chargée, en concertation avec le ministère de l intérieur, de centraliser les arrêtés préfectoraux de création d EPCC, de manière à connaître précisément le nombre de ces établissements sur notre territoire.

BILAN DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE 3 Des difficultés qui procèdent davantage de certaines pratiques que d un cadre législatif qui serait incomplet L autonomie de fonctionnement de l EPCC constitue une condition importante pour la bonne réalisation des projets qu il porte. Si les dispositions législatives paraissent de nature à garantir l équilibre entre les différents partenaires, des problèmes émergent parfois dans la pratique. 1. Une présence de l État attendue dans le respect de l autonomie des collectivités territoriales Les multiples casquettes de l État, au travers du contrôle de légalité, de la conduite de la politique culturelle nationale, du contrôle scientifique et technique ou encore de la délivrance de labels ou d agréments, ont pu alimenter la crainte de son éventuelle mainmise sur les décisions au sein des EPCC et du poids trop important qui pourrait lui être donné sur la définition des grandes orientations stratégiques. Même si aucune règle n impose de corrélation entre le nombre de sièges au conseil d administration des établissements et le montant de l apport financier de chaque partenaire au fonctionnement de l établissement, le principe de «celui qui paye décide» prédomine largement, au point que l État peine parfois à se faire entendre. Les auditions ont pourtant révélé une attente forte des personnels des EPCC en faveur d un meilleur accompagnement des établissements au-delà de la phase de leur création. Le manque de dialogue entre l État et les collectivités territoriales est d autant plus regretté que l État a besoin des collectivités pour porter les politiques nationales au niveau local et que les collectivités ont besoin du soutien de l État pour faciliter la mise en œuvre de leurs projets et contribuer à leur rayonnement. L Etat pourrait tout à fait utiliser les EPCC comme un outil au service de l aménagement culturel du territoire, pour fédérer les collectivités territoriales autour d un projet culturel dans les zones où des carences seraient identifiées. Dans l esprit d Ivan Renar, à l origine de la création du statut il y a seize ans, la présence de l État au sein des EPCC permet de garantir un équilibre entre les différents partenaires locaux et favoriser l articulation entre les politiques nationale et locale. L État aurait un rôle de garant, d arbitre et de conseil. Pour autant, l État n a pas vocation à être partenaire de l ensemble des EPCC. La loi n impose d ailleurs pas sa présence. Toutefois, son association paraît souhaitable dans les cas dans lesquels le service géré par l EPCC présente un intérêt autant pour les collectivités que pour l État, à l image d un établissement titulaire d un label ou situé dans un monument appartenant à l État ou reconnu par lui. Même si le rapport de l IGAC de 2010 concluait à la nécessité d accroître le poids des engagements de l État dans les EPCC, ce dernier manifeste une certaine frilosité à s engager dans des projets qu il lui faudrait financer. La mise en place d une gouvernance évolutive au fil de la vie de l EPCC, qui ferait intervenir des partenaires différents en fonction de la nature principale du projet porté par l EPCC à un instant t - par exemple, les premières années où le projet est défini et construit, puis les années suivantes consacrées à la gestion du projet est parfois avancée comme une piste pour l avenir. 2. La persistance de craintes autour de l implication des collectivités territoriales Les craintes à l égard des collectivités territoriales sont ambivalentes. D une part, le risque d une volonté d ingérence de certaines collectivités territoriales reste évoqué. Différents garde-fous ont été mis en place pour limiter ce risque, qu il s agisse de l absence de corrélation entre le nombre de sièges octroyé au conseil d administration et le montant de la participation financière, du statut du directeur destiné à garantir son indépendance, ou de la présence de personnalités qualifiées, de représentants du personnel ou de représentants d associations ou de fondations dans la composition des conseils d administration.

4 BILAN DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE Néanmoins, le fait que l intérim dans des cas de vacance de la direction d un EPCC ait été confié, à plusieurs reprises, à des fonctionnaires territoriaux de l une des collectivités membres, a pu faire rejaillir des craintes, alors même que des dispositions réglementaires prévoient expressément que «les fonctions de directeur sont incompatibles avec un mandat électif dans l'une des collectivités territoriales membres de l'établissement et avec toute fonction dans un groupement qui en est membre ainsi qu'avec celles de Des améliorations encore possibles 1. Pérenniser les moyens de ces établissements Le financement des EPCC, généralement réalisé sur la base de subventions dont le montant est déterminé annuellement, constitue l un des principaux éléments de fragilité de ces établissements, puisqu il rend incertaine toute stratégie pluriannuelle pourtant indispensable à la réalisation, à la croissance et au rayonnement des projets. L inscription dans les statuts de chaque établissement du montant minimal de la contribution annuelle nécessaire à la réalisation du projet de base fait partie des pistes avancées pour garantir l autonomie des EPCC et leur fonctionnement dans la durée. Tout en apportant des engagements pluriannuels, une telle évolution donnerait aux partenaires l occasion de se mettre d accord sur le socle de leur projet. Cette solution ne remettrait pas en cause la possibilité pour l un des partenaires de sortir du dispositif, mais nécessiterait l organisation d un débat préalable entre les partenaires pour changer les statuts. L inscription du pourcentage de contribution des partenaires dans les statuts ne paraît pas, quant à elle, être une piste de nature à permettre d assurer une stabilité des financements puisque toute baisse de contribution de l un des partenaires entraînerait alors mécaniquement celle de tous les autres, rendant impossible la réalisation du projet défini. Quoi qu il en soit, si la loi ne saurait imposer de telles contributions statutaires en raison du principe de la membre du conseil d'administration de l'établissement». D autre part, la crainte du désengagement des collectivités territoriales est de plus en plus forte. Le danger du retrait d une collectivité territoriale inquiète d autant plus qu il peut avoir un effet de contagion sur les autres partenaires. Des solutions ont majoritairement été trouvées jusqu ici pour limiter ou compenser le retrait d une collectivité, mais de premières fermetures sont intervenues. libre administration des collectivités territoriales, il parait souhaitable que les partenaires discutent, au moment de la création de l EPCC ou, pour les EPCC existants, ultérieurement, de l opportunité d en retenir le principe. Les EPCC sont également susceptibles d être confrontés à d autres difficultés budgétaires : la question du gel budgétaire, susceptible de réduire chaque année le montant de la subvention effectivement octroyée par l État par rapport aux prévisions, au risque d inciter les collectivités territoriales partenaires à diminuer elles aussi leurs subventions ou à sortir. Conscientes du problème, les DRAC auraient par exemple décidé de ne pas faire porter le gel sur la subvention de l État aux écoles d art, estimant que le montant de celle-ci était incompressible ; les difficultés d accès au fonds de compensation de la TVA pour les EPCC dont l État est partenaire et qui veulent assurer la maîtrise d ouvrage. En l absence de dérogations prévues en leur faveur à l heure actuelle, soit l EPCC doit renoncer à l exercice de la maîtrise d ouvrage pour la laisser à l une des collectivités partenaires, soit l État est obligé de sortir de l EPCC. 2. Clarifier le statut du directeur Investi de fonctions d impulsion, de gestion et d animation, le directeur joue un rôle central au sein des EPCC. Son statut est particulier, puisqu il s agit d un salarié, dont le recrutement fait l objet d un contrat de droit public pour la

BILAN DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE 5 durée de son mandat. Trois principaux problèmes sont aujourd hui identifiés : a/ La durée du premier mandat, qui peut être comprise entre trois et cinq ans au libre choix du président de l EPCC, se révèle souvent insuffisante dans les établissements dont l activité se fonde sur une programmation en amont (musées, spectacle vivant ) pour permettre d évaluer correctement le directeur sur la mise en œuvre de son projet Porter systématiquement cette durée à cinq ans pour ce type d établissements permettrait d éviter le risque qu un directeur soit avant tout évalué dans ses fonctions sur le bilan de son prédécesseur. b/ La procédure de renouvellement du mandat soulève également des interrogations. Elle gagnerait sans doute à être mieux formalisée dans les règlements intérieurs des établissements, notamment en ce qui concerne la procédure d évaluation du directeur sortant et le respect des délais de préavis applicables aux contrats de droit public, sans pour autant remettre en cause la faculté pour les collectivités territoriales de renouveler le titulaire du poste si elles le jugent nécessaire. c/ L articulation des procédures relatives à la nomination et au renouvellement des directeurs d EPCC avec celles relatives à l agrément des directeurs des structures labellisées est également nécessaire après la consécration législative des labels par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l architecture et au patrimoine. 3. Fluidifier la gouvernance L une des clés du bon fonctionnement des EPCC est l implication des partenaires dans la définition des orientations stratégiques, dans le suivi des réalisations et dans l évaluation régulière de la réalisation du projet. A cet effet, les retours d expérience montrent que les établissements qui ont fait le choix de se doter d un règlement intérieur ont gagné en fluidité de fonctionnement. Son élaboration n est pas aujourd hui obligatoire, même reste une faculté mentionnée dans les dispositions réglementaires. La question de la composition et du rôle du conseil d administration (CA) est également posée. La large composition des conseils d administration est, de manière générale, saluée en ce qu elle autorise l expression de tous les partenaires. La présence de personnalités qualifiées au sein des CA est jugée indispensable pour l éclairage professionnel et stratégique qu elles apportent aux débats. Toutefois, les CA se résument bien souvent à de simples chambres d enregistrement des décisions et leur ordre du jour est souvent trop encombré pour permettre de véritables discussions autour des orientations politiques et culturelles de l établissement. La création de conseils stratégiques ou de commissions au sein des EPCC pourraient apparaître comme une solution pour remédier à ces difficultés. Les écoles d art : des EPCC pas comme les autres? 1. Un statut désormais apprivoisé La transformation des écoles d art territoriales en EPCC, à la demande de l État, au tournant des années 2010, ne s est pas faite sans heurts. Cette évolution à marche forcée, en contradiction avec le principe du volontariat sur lequel doit reposer la création d un EPCC, a été très contestée, au point que le statut a souvent été rendu responsable de tous les maux rencontrés par les écoles d art. Bientôt dix ans après son adoption, le statut d EPCC semble désormais apprivoisé par les écoles d art, même si l opportunité d une plus grande adaptation de celui-ci aux spécificités de ces établissements continue de se poser. L autonomie des établissements est en effet indispensable pour garantir leur bonne insertion dans le processus de Bologne, dont découle le système «LMD». A ce titre plusieurs demandes sont régulièrement formulées, parmi lesquelles : - la présence indispensable de l Etat comme contrôle pédagogique au sein des CA. Comme la loi prévoit que les CA sont composés, pour la majorité de

6 BILAN DU FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION CULTURELLE leurs membres, de représentants des collectivités territoriales et de représentants de l Etat sans en préciser la proportion respective, cela suppose que les collectivités territoriales acceptent parfois de revenir sur leurs quotas, sans pour autant que leur prépondérance soit remise en cause ; - une meilleure représentation des enseignants et des élèves au sein des CA. Le ministère de la culture paraît plutôt favorable à une telle évolution ; - la mise en place d un conseil artistique et scientifique et d un conseil pédagogique de la vie étudiante afin de mieux répondre aux exigences de l enseignement supérieur et à la nécessaire autonomie pédagogique ; 2. Le statut des enseignants des écoles d art territoriales : une question toujours en suspens Les différences de statut (niveau de recrutement, grille indiciaire, temps de travail, décharges horaire pour des activités de recherche) qui subsistent entre les enseignants des écoles d art nationales et ceux des écoles d art territoriales font craindre aux écoles territoriales un risque de décrochage vis-à-vis des écoles nationales. Le statut de leurs enseignants n est pas compatible avec le développement des activités de recherche, ce qui rend difficile leur accréditation à délivrer des diplômes de niveau doctorat. La progression du statut des enseignants des écoles territoriales constitue un enjeu important pour garantir la cohérence du réseau des écoles d art à travers notre pays. Sa mise en œuvre est toutefois difficile en raison du principe de libre administration des collectivités territoriales et du coût qu elle pourrait représenter pour les collectivités territoriales, les enseignants des écoles d art relevant de la fonction publique territoriale. Dans un rapport au Parlement d avril 2015 consacré à la question de cet alignement de statut, le Gouvernement recommandait la création d un nouveau cadre d emploi spécifique aux enseignants des écoles d art territoriales pour rapprocher le statut, sans toutefois parfaitement l aligner. Cette solution ne fait pas nécessairement l unanimité, d autres plaidant plutôt pour la création d un troisième grade. Aucune avancée n a plus été enregistrée dans cette direction depuis lors : un chantier de réévaluation du statut des enseignants des écoles nationales a été ouvert depuis ; il est important d en connaître l issue avant de reprendre la réflexion sur l alignement des statuts entre les enseignants des deux types d écoles. Cette question demeure essentielle pour éviter que ne se développe un enseignement à deux vitesses au sein des écoles d art, qui creuserait inévitablement les inégalités culturelles et sociales dans l accès à ces établissements. Pour consulter le compte rendu de la réunion de la commission de la culture consacrée à l examen de ce rapport, rendez-vous à l adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-renducommissions/20180716/cult.html#toc6 Commission de la culture, de l éducation et de la communication Secrétariat de la commission 15 rue de Vaugirard 75291 Paris Cedex 06 Téléphone : 01.42.34.23.23 secretariat-afcult@senat.fr Présidente : Catherine Morin-Desailly Sénatrice de Seine-Maritime (Union centriste) Co-rapporteur : Laurent Lafon Sénateur du Val-de-Marne (Union centriste) Co-rapporteure : Sylvie Robert Sénatrice d Ille-et-Vilaine (Socialiste et républicain)