La quote-part restante est la «quotité disponible», et c est uniquement de celle-ci dont il sera possible de disposer librement. Lorsque le défunt ne laisse pas de descendant, son conjoint survivant non divorcé est réservataire. Le taux de la réserve du conjoint survivant (lorsqu il est réservataire) est invariablement fixé à un quart de la succession. Par contre, le partenaire lié au défunt par un Pacte civil de solidarité n est pas héritier réservataire. Il en est a fortiori ainsi pour le concubin survivant. Les quotités auxquelles nous faisons références sont déterminées par rapport à une masse de calcul qui comprend les biens laissés par le défunt à son décès, diminués du passif de la succession et auxquels on réunit fictivement toutes les donations que le défunt a consenties de son vivant. Exemple Le défunt laisse à son décès un patrimoine de 300 000. Il avait fait une donation à l un de ses deux enfants de 300 000. La masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve est de 600 000. En présence de deux enfants, la quotité disponible est d un tiers, soit 200 000, la réserve des enfants de deux tiers, égale à 400 000, soit 200 000 pour chaque enfant. Chaque enfant est donc assuré de recevoir au minimum 200 000 dans la succession de son père. Le conjoint survivant bénéficie, lui, dans la succession de son époux, d une quotité disponible spéciale qui lui permet de recevoir : soit la quotité disponible ordinaire, comme n importe qui ; soit toute la succession en usufruit ; soit un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit. L enfant adopté hérite-t-il aussi? Aucune distinction n étant faite selon la nature de la filiation, les enfants adoptifs ont, en principe, les mêmes droits que les enfants par le sang, et leur succession est dévolue dans les mêmes conditions. Quelques particularités subsistent toutefois. 56 Guide Pratique 2015 Donations & successions,
L enfant qui a fait l objet d une adoption plénière est totalement assimilé à un enfant par le sang. Il hérite de ses parents adoptifs et perd corrélativement tout droit successoral dans sa famille d origine. L enfant qui a fait l objet d une adoption simple conserve un lien avec sa famille d origine et peut en hériter. Il hérite également de ses parents adoptifs comme un enfant par le sang. Dans sa famille adoptive, toutefois, il n a pas la qualité d héritier réservataire à l égard des ascendants de ses parents adoptifs. En cas de décès d une personne qui a été adoptée simplement et qui ne laisse pas de descendant ni de conjoint survivant, sa succession se divise par moitié entre sa famille d origine et celle de l adoptant (selon le mécanisme de la fente successorale). Cependant, les biens que l adopté auraient reçus par donation ou succession de ses père et mère adoptifs ou d origine et qui se retrouvent en nature dans sa succession retournent dans la famille dont ils viennent. Quels sont les droits de l époux survivant? Rappelons que pour bénéficier de droits successoraux, le conjoint survivant doit avoir la qualité de successible, c est-à-dire qu il ne doit pas être divorcé. Ainsi qu il a été dit supra, l époux survivant recueille des droits différents en fonction des héritiers avec lesquels il est en concours. En présence de descendants, il convient également d opérer la distinction suivante : si tous les enfants du défunt sont issus des deux époux, le conjoint survivant recueille, à son choix, la pleine propriété d un quart de la succession ou l usufruit de la totalité de la succession. En fonction de ce choix, les enfants du défunt recueilleront soit trois quarts de la succession en pleine propriété, soit la nue-propriété de la totalité de la succession. en présence d un ou plusieurs enfants du défunt non issus des deux époux (enfants d un autre lit), le conjoint survivant recueille un quart de la succession en pleine propriété, sans possibilité d option pour l usufruit. Les enfants recueillent les autres trois quarts. Guide Pratique 2015 Donations & successions, 57
En présence d ascendants, la succession est partagée entre le conjoint survivant et les père et/ou mère. Si le défunt laisse son père et sa mère, le conjoint survivant recueille la moitié de la succession en pleine propriété, l autre moitié étant partagée entre les parents à raison d un quart pour chacun. Si le défunt ne laisse que son père ou sa mère, le conjoint survivant recueille les trois quarts en pleine propriété de la succession, et le quart restant est dévolu au survivant des parents. Il faut toutefois préciser que les grands-parents du défunt (ou arrière-grandsparents) qui seraient dans le besoin disposent, dans cette situation, d une créance d aliments contre la succession. Quand le défunt ne laisse ni descendant, ni père, ni mère, le conjoint survivant recueille l intégralité de la succession en pleine propriété. Le conjoint survivant prime donc non seulement les collatéraux et ascendants ordinaires du défunt, mais aussi les frères et sœurs et leurs descendants. La dévolution de l intégralité de la succession au conjoint survivant connaît toutefois deux limites : le droit de retour au profit des frères et sœurs sur la moitié des «biens de famille», et la créance d aliments reconnue aux ascendants ordinaires dans le besoin. Lorsque le défunt ne laisse pas de descendant, ni d ascendant privilégié, ce droit de retour des frères et sœurs permet à ces derniers (ou leurs enfants) de recevoir la moitié des biens que le défunt avait reçus par donation ou succession de ses parents ou grands-parents, si ces biens se retrouvent encore en nature dans la succession. Droits au logement Afin de permettre au conjoint survivant de conserver son cadre de vie s il le souhaite, la loi du 3 décembre 2001 a créé deux droits au logement : d une part, un droit de jouissance gratuite du logement d habitation et du mobilier le garnissant pendant une année à compter du décès. Si le conjoint survivant est locataire (ou occupant un bien en indivision entre le défunt et un tiers), il pourra se faire rembourser par la succession 12 mois de loyers (ou 12 mois d indemnité d occupation). S il occupe un immeuble qui appartenait au défunt ou aux deux époux, il pourra continuer à occuper gratuitement l immeuble pendant un an. 58 Guide Pratique 2015 Donations & successions,
Le droit porte également sur les meubles meublants garnissant ces immeubles dont le conjoint pourra conserver la jouissance gratuitement pendant ce délai d un an. d autre part, un droit viager d habitation du logement et d usage du mobilier le garnissant. Ce droit, prévu pour toute la vie du conjoint survivant, peut s exercer si le conjoint survivant occupe, au moment du décès, un immeuble appartenant au défunt ou aux deux époux. Ce droit peut s appliquer même si les époux ne vivaient plus ensemble au moment du décès. Aucune condition de vie commune des époux n est imposée. Ce droit, évalué à 60 % de la valeur qu aurait le droit d usufruit du conjoint sur cet immeuble, doit être demandé par le conjoint survivant dans le délai d un an à compter du décès. À défaut, ce droit est perdu. Peut-on limiter les droits de l époux survivant? Le droit de jouissance gratuite reconnu au conjoint pendant une année à compter du décès est réputé être un effet direct du mariage et non un droit successoral. C est un droit d ordre public. Le conjoint survivant ne peut donc être privé de ce droit ni directement ni indirectement, s il remplit les conditions (c est-à-dire être locataire ou occuper un immeuble qui appartient en tout ou partie au défunt). Le droit viager au logement et d usage sur le mobilier le garnissant bénéficie, jusqu à son décès, au conjoint successible qui occupait effectivement, à l époque du décès, à titre d habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession. Le défunt peut priver le conjoint survivant de ce droit viager au logement, mais à la condition d établir un testament authentique. La privation de ce droit par un testament olographe serait absolument sans effet. Il faut souligner, toutefois, que la privation des droits d habitation et d usage exprimée par le défunt est sans incidence si le conjoint recueille des droits en usufruit en vertu de la loi ou d une libéralité. En effet, les droits d habitation et d usage seront inclus dans l usufruit. Si le conjoint survivant est usufruitier de toute la succession, le droit viager au logement ne lui apportera rien de plus. Guide Pratique 2015 Donations & successions, 59
De même, si le conjoint a vocation à recueillir l intégralité de la succession en propriété, la privation des droits d habitation et d usage par la voie du testament authentique sera inefficace du fait de l absorption de ces droits dans la propriété du tout. Il ne faut pas perdre cet aspect de vue lors de la confection d un testament. Pour priver son conjoint de ses autres droits dans la succession (par exemple du droit à un quart de la succession en pleine propriété en présence d enfants non communs), il suffit d établir un testament et il n est pas nécessaire qu il soit authentique. Lorsque le défunt laisse un conjoint mais pas de descendant, il ne peut exhéréder totalement ce conjoint, puisque celui-ci est alors réservataire d un quart de la succession en pleine propriété. Comment décider soi-même de sa succession? Une personne peut, de son vivant, décider volontairement de la dévolution des biens qui composeront sa succession. Le défunt a, en effet, sous certaines limites, et notamment celle de la réserve héréditaire, la totale maîtrise de son patrimoine. Il peut, pendant sa vie, se dessaisir de certains de ses biens en réalisant des donations. Il peut décider qui héritera de lui après sa mort en désignant librement des légataires par testament ou en prévoyant une donation entre époux qui prendra effet à son décès. Ce sont les libéralités. Si la donation entre vifs est un acte par lequel une personne (le donateur) se dessaisit de son vivant, à titre gratuit, de manière irrévocable, de tout ou partie de ses biens au profit d une ou plusieurs personnes (les donataires), le testament, quant à lui, est un document révocable à tout moment du vivant de son auteur (le testateur). Il exprime la volonté de celui-ci de disposer de tout ou partie de ses biens au profit d une ou plusieurs personnes déterminées pour le temps où il ne sera plus. La donation produit ses effets dès le jour où l acte est signé par le donateur et le donataire. Le testament, quant à lui, ne produit ses effets qu au jour du décès du testateur. 60 Guide Pratique 2015 Donations & successions,