Assemblée générale (section des travaux publics) Avis n 387.195 6 décembre 2012



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29. Énergie Énergies dites «de réseau» Abstracts : Consommation domestique Bonus-malus Résidence principale ou habituelle - Exigence d intelligibilité de la loi Proportionnalité Principe d égalité Assemblée générale (section des travaux publics) Avis n 387.195 6 décembre Demande d avis du ministre de l écologie, du développement durable et de l énergie concernant la mise en œuvre d'un dispositif de bonus malus pour les consommateurs domestiques d'énergies dites de réseau Le Conseil d Etat, saisi par la ministre de l écologie, du développement durable et de l énergie, d une demande d avis concernant la possibilité de mettre en place par voie législative un dispositif mettant à la charge de chaque consommateur domestique d une énergie dite «de réseau» (électricité, gaz naturel ou chaleur), un malus prenant la forme d une hausse du tarif unitaire facturé par le fournisseur d énergie si sa consommation dépasse une quantité d énergie appelée «volume de base» et le faisant bénéficier dans la limite de ce volume d un bonus prenant la forme d une réduction de ce tarif, et portant sur les questions suivantes : «1 Le dispositif envisagé pourrait il, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, ne s'appliquer qu'aux logements ayant, selon des critères à définir, le caractère de résidence principale ou habituelle? «2 Dans l'hypothèse où, au contraire, l'ensemble des logements seraient inclus dans le dispositif, serait il possible d'appliquer le bonus malus de manière uniforme à la consommation d'énergies de réseau de leurs occupants, sans tenir compte de la durée et des conditions d'occupation des logements n'ayant pas le caractère de résidence principale ou habituelle? «3 Quels pourraient être, dans la même hypothèse, les critères permettant de tenir compte, dans des conditions conformes à la Constitution et sans que soit nécessaire une collecte excessive de données à caractère personnel, de la situation particulière des logements n'ayant pas le caractère de résidence principale ou habituelle?» ; Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 34 ; Vu la Déclaration des Droits de l Homme et du Citoyen du 26 août 1789, notamment ses articles 6, 13 et 14 ; Vu le code de l énergie ; Est d avis qu il y a lieu de répondre dans le sens des observations qui suivent : 1 Sur les principales caractéristiques du dispositif envisagé Le dispositif envisagé par le Gouvernement, qui fait l objet de la présente demande d avis, présente les principales caractéristiques suivantes : a) Le but affiché est d'inciter les consommateurs domestiques à réduire leurs consommations d'énergies dites «de réseau» (électricité, gaz et chaleur) et seulement celles ci. b) Un «volume de base» serait attribué à chaque site de consommation pour chacune de ces énergies, supposé correspondre aux besoins des occupants du ou des logements desservis par ce site. Il serait déterminé en fonction des conditions climatiques, du lieu d'implantation du site, de son mode principal de chauffage et du nombre de ses occupants habituels, tels que déclarés par l'abonné. La loi définirait le volume de base par référence au premier quartile 1 de la consommation de l énergie considérée, par unité 1 Les quartiles sont les trois valeurs qui divisent les éléments d une distribution statistique en quatre parties d effectif égal. Le premier quartile de la consommation d énergie est donc la quantité d énergie que ne dépasse pas la consommation individuelle d un quart des foyers et qui est dépassée pour les trois autres quarts.

de consommation, et préciserait les coefficients multiplicateurs appliqués en fonction du nombre de personnes résidant habituellement au lieu desservi ainsi que la fourchette des coefficients multiplicateurs appliqués en fonction de la zone climatique. Le deuxième occupant compterait pour 50 % d une unité de consommation et chacun des suivants pour 30 %, cette part étant divisée par deux pour les enfants en garde alternée. c) Dans un immeuble collectif pourvu d une installation commune de chauffage, le volume de base serait défini pour l ensemble de la partie à usage d habitation de l immeuble, la consommation prise en compte étant une fraction de la consommation totale correspondant à cette partie, à charge pour les propriétaires ou le syndicat de copropriétaires de répartir le bonus ou le malus en tenant compte des consommations individuelles s il existe des appareils permettant de les mesurer ou, à défaut, au prorata des participations aux charges ou des surfaces. d) Un organisme désigné par les ministres chargés de l économie et de l énergie serait chargé de recueillir annuellement auprès des consommateurs les données nécessaires à l établissement des volumes de base, dont il indiquerait ensuite la valeur aux fournisseurs d énergie. e) L assiette du bonus pour une énergie donnée serait la consommation de celle ci dans la limite du volume de base. Celle du malus serait l excédent de cette consommation sur ce volume. L apparition du malus ne faisant pas disparaitre le bonus, la pénalisation par un malus «net» ne commencerait que lorsque la valeur du malus «brut» dépasserait celle du bonus. f) Le niveau des bonus et des malus serait fixé avant le début de chaque année par les ministres chargés de l énergie et de l économie, sur proposition de la Commission de régulation de l énergie, à l intérieur de fourchettes définies par la loi, de façon que la somme des malus couvre celle des bonus et des frais de gestion exposés par un fonds de compensation à créer auprès de la Caisse des dépôts et consignations pour assurer la gestion du dispositif. Chaque fournisseur appliquerait le malus ou le bonus à la première facture de l année suivante et verserait au fonds de compensation le solde positif des malus et bonus de ses clients ou le fonds lui en rembourserait le solde négatif. Le Gouvernement s interroge sur les conditions auxquelles devrait satisfaire ce dispositif pour assurer sa constitutionnalité, en particulier au regard du principe d égalité devant les charges publiques. Les questions posées portent principalement sur l examen de la nécessité et des modalités d'une prise en compte de la situation particulière de certains logements, en ce qui concerne la durée et les conditions de leur occupation, notamment en cas de double résidence liée à des obligations professionnelles, en cas d'alternance, pour certains étudiants, entre le domicile parental et le lieu d'étude, ou encore dans le cas de résidences secondaires occupées seulement de façon occasionnelle. Le Conseil d Etat ne dispose pas d éléments d information suffisants pour prendre position sur la question du périmètre du dispositif, en particulier sur sa limitation aux seules énergies de réseau eu égard à l objectif poursuivi. Il appelle l attention du Gouvernement sur la nécessité de rédiger un texte qui respecte l exigence d intelligibilité de la loi (voir à cet égard la décision n 2005 530 DC du 29 décembre 2005 du Conseil constitutionnel sanctionnant l inintelligibilité d une disposition méconnaissant l article 14 de la Déclaration des Droits de l Homme et du Citoyen du 26 août 1789) et de veiller à ce que les charges que pourraient entraîner pour les administrations et les juridictions les risques de contestation et le coût de gestion du dispositif ne soient pas hors de proportion avec l objectif poursuivi. 2 Sur la nature juridique du dispositif Il convient, avant de répondre aux questions posées, de déterminer la nature juridique du dispositif en cause : s analyse t il comme un ensemble d obligations tarifaires faites aux fournisseurs, comme un système de péréquation directe entre consommateurs par les prix ou comme une imposition couplée avec l attribution d une aide? Quand bien même une majorité de consommateurs demeurent clients des entreprises historiques au tarif réglementé, par ailleurs inchangé, encore imposé à celles ci pour un certain temps, le droit de l Union

européenne exige de raisonner dans un contexte de liberté de fixation des prix de l électricité et du gaz naturel. Si le dispositif envisagé devait être regardé comme relevant de la catégorie des obligations tarifaires imposées aux opérateurs du fait de sa ressemblance avec le régime français de bonus malus en matière d assurance notamment en ce qu il récompense les consommateurs raisonnables et pénalise les consommateurs excessifs, il n en serait pas pour autant nécessairement contraire au droit de l Union européenne compte tenu de la décision de la Cour de justice du 7 septembre 2004 (C 347/02) jugeant que ce régime, qui laisse les entreprises d'assurance libres de fixer la hauteur des primes de base, n est pas contraire au principe de la liberté tarifaire. Il présente toutefois des différences substantielles avec le bonus malus de l assurance faisant obstacle à ce qu il soit regardé ainsi. En effet, à la différence de la clause de réduction majoration de prix en matière d assurance qui a une incidence directe sur le chiffre d affaires de l assureur et impose à ce dernier d adapter le montant de la prime de base, compte tenu du profil de ses assurés, pour maintenir son niveau global de rémunération, le bonus malus envisagé est totalement neutre pour les fournisseurs d énergie qui se borneront à collecter les malus et à distribuer les bonus pour le compte de la puissance publique. Les montants des malus et bonus seront «collectivisés» et ajustés afin de parvenir à un équilibre global du système. Le dispositif envisagé ne peut non plus être considéré comme un simple système de péréquation entre consommateurs par les prix, neutre pour les fournisseurs. En effet le bonus, dont le montant croît avec la consommation dans la limite du volume de base pour se stabiliser ensuite, s analyse comme une subvention à laquelle a droit tout consommateur indépendamment des montants des malus. Par ailleurs, il est rappelé que les contributions réclamées au titre du financement du fonds du service public de la production d électricité avant la création de la contribution au service public de l électricité (CSPE), lesquelles assuraient alors une forme de péréquation entre producteurs, fournisseurs et distributeurs, bien que ne pouvant être qualifiées de ressources publiques (CE 21 mai 2003, UNIDEN n 237466), n en constituaient pas moins déjà un impôt (CE 13 mars 2006, Société Eurodif, n 255333 258224), comme cela a été jugé pour la CSPE. L objectif est d ailleurs moins d établir une solidarité entre gros et petits consommateurs d énergie au bénéfice des seconds que d inciter tous les consommateurs à adopter ou à conserver un comportement vertueux. En revanche, le dispositif envisagé présente des similitudes avec le bonus malus écologique institué par l article 67 de la loi n 2007 1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, récemment modifié par l article 55 de la loi n 2011 1977 du 28 décembre 2011 de finances pour. L article 1011 bis du code général des impôts prévoit ainsi une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules (malus), assise sur le taux d émission de dioxyde de carbone des voitures particulières, tandis que le décret n 2007 1873 du 26 décembre 2007 institue une aide à l'acquisition de véhicules propres (bonus). Les opérations financières sont retracées dans un compte d'affectation spéciale, avec obligation d équilibre, faisant figurer en recettes, le produit du «malus», déduction faite des frais d'assiette et de recouvrement, et en dépenses, les aides à l'acquisition de véhicules propres. La gestion de ce bonus malus écologique est confiée à l Agence des services et de paiement. Le bonus malus énergie envisagé doit être ainsi analysé, dans la lignée de ce précédent, comme un dispositif double instituant d une part, un impôt dissuasif et d autre part, une aide, le premier finançant la seconde tout en poursuivant un objectif de lutte contre les surconsommations d énergie. Dans ces conditions il convient de distinguer le bonus, support de l aide, du malus, support de la taxation. 3 Sur la première question L'article 6 de la Déclaration des Droits de l Homme et du Citoyen dispose que la loi «doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des

raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de la même Déclaration : «Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Aucun intérêt général ne justifie d exempter certains sites de consommation de la taxation des surconsommations d énergie au motif du caractère réputé occasionnel de l occupation des logements qu ils desservent. Le malus ne peut donc que s appliquer à tous les sites, qu ils correspondent à des résidences habituelles ou à des résidences occasionnelles. Ne pas le faire conduirait à diminuer artificiellement l impact du malus pour les utilisateurs de résidences multiples. En revanche, l octroi d une aide aux occupants des résidence non principales ou habituelles, dont la prise en compte aurait de plus pour effet, par l abaissement statistique des volumes de base attribués, de réduire l ensemble des bonus, serait de nature à apporter un avantage injustifié aux foyers qui ont la possibilité de répartir leurs consommations entre plusieurs résidences. Elle pourrait même dans certains cas permettre à un foyer de bénéficier de plusieurs bonus là où, pour une consommation totale identique, un autre foyer se verrait infliger un malus. La contrariété avec l objectif poursuivi par le législateur serait aggravée par la circonstance que le montant du bonus tel qu envisagé croît avec la consommation quand celle ci est inférieure au volume de base, alors que son montant, pour être conforme avec cet objectif, devrait décroître en fonction de l énergie consommée. L absence d une telle aide pour les résidences non principales ou habituelles ne porterait nulle atteinte à l objectif incitatif poursuivi qui est assuré par le seul malus. Indépendamment de la question de l'assiette du bonus, qui n'entre pas dans le champ de la présente demande d'avis, il pourrait être envisagé de résoudre la difficulté née de la généralisation du bonus en additionnant les consommations de toutes les résidences des membres d un même foyer. Mais cela serait matériellement impossible sans compliquer à l excès le dispositif et butterait en tout état de cause sur l absence de coïncidence, sur tous les points de consommation considérés, de l énergie utilisée, du fournisseur, voire même de l abonné, notamment lorsque certaines des résidences se situent dans des immeubles pourvus d installations collectives de chauffage. Il résulte de ce qui précède que, sauf à identifier des critères, simples d application, qui permettraient de neutraliser les effets contraires tant à l objectif poursuivi qu au principe d égalité (voir le 4 ), le bonus devrait n être rendu possible que pour les résidences principales ou habituelles, ce qui suppose de définir précisément ces notions, dont le contenu est incertain dans la législation actuelle. Ainsi, par exemple, la notion de domicile, au sens de l article 102 du code civil, se distingue t elle de celle du lieu d imposition sur les revenus au sens de article 10 du code général des impôts ou du lieu pris en compte pour le calcul de la population communale en application de l article R. 2151 1 du code général des collectivités territoriales, voire même de celle de la résidence principale au sens de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Un moyen d obtenir le résultat tout en limitant la déclaration de données à caractère personnel, en dissuadant les fausses déclarations et en permettant un contrôle suffisant de celles ci, pourrait consister à ne prévoir l attribution du bonus qu à raison du seul domicile fiscal, le consommateur de chaque site ayant à déclarer la localisation de ce domicile, déclaration qui peut être aisément vérifiée par les services fiscaux. Les déclarations faites à l organisme chargé de la collecte des données nécessaires au calcul des volumes de base, devraient dans ce cas notamment mentionner, dans les immeubles pourvus d installations collectives de chauffage, la présence de logements ne constituant pas le domicile fiscal de ses occupants, afin d en

permettre la vérification et de les exclure de la répartition du bonus entre logements de cet immeuble sans les exclure de celle du malus. 4 Sur les deuxième et troisième questions prises ensemble En ce qui concerne la combinaison entre bonus et malus Aucune exigence constitutionnelle ne s oppose à un traitement uniforme des logements en ce qui concerne le malus. L absence de bonus pour les logements autres que le domicile fiscal, telle que proposée au 3, qui donne son plein effet au malus dès que la consommation dépasse le volume de base, a une incidence financière négative pour le consommateur dès ce dépassement, ce qui revient, en pratique, à abaisser le seuil de déclenchement du malus «net» pour les résidences occasionnelles. Ceci est de nature à réduire la distorsion résultant de la possibilité qu ont les occupants de résidences multiples de répartir leur consommation d énergie entre celles ci. En ce qui concerne les critères pertinents à prendre en compte Si le critère du nombre d occupants habituels paraît relativement difficile à contrôler pour une résidence occasionnelle, il n en demeure pas moins le plus pertinent pour apprécier les besoins des occupants du logement. L application d un critère lié à la surface, certes plus objectif, conduirait à favoriser le chauffage en pure perte de grands volumes, et serait contraire à l objectif de la mesure. L introduction d un coefficient correcteur tenant compte des durées et périodes entre avril et septembre ou entre octobre et mars d inoccupation totale des logements, en permettant de mieux neutraliser les avantages pouvant être tirés de l usage de multiples résidences, serait de nature à fonder plus solidement, aux fins de respecter le principe d égalité, l appréciation du législateur sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l objectif qu il poursuit. L application à l ensemble des logements d un tel coefficient en simplifierait l emploi par l absence de nécessité de distinguer entre logement habituel et logement occasionnel, tout en améliorant le dispositif. Toutefois, il est à craindre que la mise en œuvre d un tel critère, de nature à rendre encore plus complexe un système qui l est déjà beaucoup, ne nécessite la collecte de données à caractère personnel de manière trop intrusive sans gain manifeste en raison des moyens de contrôle réduits dont il serait possible de faire usage. À moins que les techniques ne permettent un jour de connaître, par la seule consultation de compteurs «intelligents», la courbe annuelle de consommation de chaque logement y compris en immeuble collectif, il paraît illusoire de chercher à appliquer un coefficient représentatif du degré et des périodes d occupation dans le temps de tout ou partie des logements. Il s agit là d une des difficultés centrales de la réforme si le dispositif du bonus malus devait être appliqué sans attendre qu aient pu être modifiées les méthodes de mesure de la consommation. En ce qui concerne le bilan au regard du principe d égalité : La seule exclusion des résidences non principales ou habituelles du bénéfice du bonus ne pourrait empêcher des situations telles que par exemple celle dans laquelle un foyer, possédant une résidence secondaire, aurait une consommation totale supérieure à celle d un autre qui n en possèderait pas, tout en bénéficiant d un bonus cependant que cet autre se verrait infliger un malus. Il suffirait pour cela que la consommation de la résidence principale du premier soit un peu inférieure au seuil de déclenchement du malus «net» et celle du second un peu supérieure, cependant que la consommation de la résidence secondaire du premier, sans dépasser le premier quartile, porterait la consommation totale du premier audelà de celle du second. Mais les montants des bonus et des malus des intéressés seraient par définition faibles, puisque proches de la zone où bonus et malus s équilibrent. Surtout les différences de zone climatique et d énergie d une résidence à l autre interdiraient qu il puisse être procédé de façon pertinente à des comparaisons fines relatives aux consommations totales toutes résidences confondues.

L exclusion des résidences non principales ou habituelles du bénéfice du bonus ne pourrait empêcher non plus qu une résidence secondaire où l on consomme peu n en fasse pas moins l objet d un malus parce que située dans un immeuble pourvu d un chauffage collectif où n existeraient pas d appareils de mesure des consommations individuelles et où beaucoup d énergie serait consommée, alors qu il semble nécessaire, selon la décision du Conseil constitutionnel n 98 404 DC du 18 décembre 1998, de tenir compte des comportements individuels. Il est vrai que cette décision s applique à une situation concernant une pénalisation collective des médecins en cas de non respect de l objectif global de modération des dépenses médicales, où chacun est individuellement responsable de ses actes, alors qu est ici en jeu une consommation d énergie dont peuvent être considérés comme collectivement responsables les occupants de l immeuble, entre lesquels les dépenses d énergie sont d ailleurs déjà réparties, en l absence de mesure des consommations individuelles, sans considération du comportement de chacun. Il reste que le malus est une taxation d origine publique poursuivant des fins comportementales. Sa répartition, qui n est pas la répercussion de coûts économiques, ne peut ignorer le comportement réel des ménages habitant l immeuble eu égard à l objectif poursuivi. Dans ces conditions, le respect des exigences constitutionnelles supposerait tout au moins la mise en place effective des procédés d appréciation des consommations individuelles que prévoit l article L. 241 9 du code de l énergie et dont le décret n 545 du 23 avril pris pour l application de ce dernier impose, sauf en cas d impossibilité technique, la réalisation au plus tard le 31 mars 2017.