Raisonnement transfusionnel

Documents pareils
LES DIFFERENTS PSL : qualifications, transformations et leurs indications

Maladie hémolytique du nouveau né. Dr Emmanuel RIGAL Unité d hématologie transfusionelle GENEVE Présentation du 13 janvier 2012.

FICHE D INFORMATION AVANT UNE TRANSFUSION

L incompatibilité immunologique érythrocytaire

Exposé sur la Transfusion Sanguine

E.R.A. Echanges des Résultats d Analyses

Transfusion Sanguine et Produits dérivés du sang : indications, complication. Hémovigilance (178) Ph. De Micco Avril 2005

CATALOGUE DES FORMATIONS

LE DIRECTEUR GENERAL DE LA SANTE LE DIRECTEUR DE L'HOSPITALISATION ET DE L'ORGANISATION DES SOINS

LES BONNES PRATIQUES TRANSFUSIONNELLES

Le don de moelle osseuse :

Informatisation des données transfusionnelles

MANUEL D AIDE A LA FORMATION EN TRANSFUSION SANGUINE

1 Culture Cellulaire Microplaques 2 HTS- 3 Immunologie/ HLA 4 Microbiologie/ Bactériologie Containers 5 Tubes/ 6 Pipetage

DON DE SANG. Label Don de Soi

Transfusions sanguines, greffes et transplantations


Coombs direct positif (et tout ce qui se cache derrière) : Gestion et interprétation. Dr J.C. Osselaer, Luxembourg,

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

INFORMATIONS pour le médecin qui contrôle et complète le formulaire

Zone de commentaires. Convention EFS / ES ( document à joindre) II, Les systèmes d'information OUI NON NC Zone de commentaires. Zone de commentaires

Don de moelle osseuse. pour. la vie. Agence relevant du ministère de la santé. Agence relevant du ministère de la santé

Complications de la transfusion

Etude d impact de la mise en conformité des échanges électroniques entre dépôts de sang et EFS d Île-de-France. Présentation du 15 décembre 2012

Information à un nouveau donneur de cellules souches du sang

Le Don de Moelle Ça fait pas d mal!

Test direct à l Antiglobuline (TDA ou Coombs direct)

l'institut Paoli-Calmettes (IPC) réunit à la Villa Méditerranée les 29 et 30 mai 2015

SAUVEZ UNE VIE... EN DONNANT LA VIE!

Dossier «Maladies du sang» Mieux les connaître pour mieux comprendre les enjeux liés au don de sang

Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer

HEPATITES VIRALES 22/09/09. Infectieux. Mme Daumas

Nous avons tous un don qui peut sauver une vie. D e v e n i r. donneur de moelle. osseuse

TP3 Test immunologique et spécificité anticorps - déterminant antigénique

Que sont les. inhibiteurs?

Ce manuel a comme objectif de fournir des informations aux patients et ses familiers à respect du Trait Drepanocytaire.

Registre de donneurs vivants jumelés par échange de bénéficiaires. Qu est-ce qu une greffe de rein par échange de bénéficiaires?

DE BONNES PRATIQUES TRANSFUSIONNELLES

Tout ce qu il faut savoir sur le don de moelle osseuse

Chapitre III Le phénotype immunitaire au cours de la vie

Fiche d inscription saison 2014/2015

Critères pour les méthodes de quantification des résidus potentiellement allergéniques de protéines de collage dans le vin (OIV-Oeno )

Formation d Auxiliaire ambulancier

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

Réorganisation du processus de transfusion sanguine au Liban

Que faire devant un résultat positif, négatif ou indéterminé? Elisabeth Bouvet Atelier IGRA VIH JNI Tours 13 Juin 2012

TITRE : On est tous séropositif!

EXERCICES : MECANISMES DE L IMMUNITE : pages

Devenir des soignants non-répondeurs à la vaccination anti-vhb. Dominique Abiteboul - GERES Jean-François Gehanno Michel Branger

PUIS-JE DONNER UN REIN?

Mise à jour du dossier de presse du 2 février 1999 «Organisation d un réseau de sang placentaire en France»

SITES INTERNET CREATION ET FONCTIONNEMENT D UN SITE INTERNET POUR UN LABORATOIRE DE BIOLOGIE MEDICALE

ANEMIE ET THROMBOPENIE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D UN CANCER

F us u ses c ouc u he h s s po p nt n a t né n es J. L J. an sac CHU H T ou

PUIS-JE DONNER UN REIN?

Guide des vaccinations Édition Direction générale de la santé Comité technique des vaccinations

La planification familiale

Vaccinations pour les professionnels : actualités

Dr E. CHEVRET UE Aperçu général sur l architecture et les fonctions cellulaires

Le test de dépistage qui a été pratiqué à la

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

Vaccination contre la grippe saisonnière

+ Questions et réponses

Enquête sur le don de moelle osseuse

Hépatite C une maladie silencieuse..

Dossier de presse. Le don de sang sur les lieux fixes de collecte. Juin Contact presse :

N Section du Contentieux Publié au recueil Lebon M. Stirn, président M. Bernard Stirn, rapporteur SCP BOUZIDI ; BLONDEL, avocats

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

IMMUNOLOGIE. La spécificité des immunoglobulines et des récepteurs T. Informations scientifiques

Bilan d Activité du Don de Plaquettes par cytaphérèse Sur une Période d une année au Service Hématologie EHS ELCC Blida.

Atelier N 2. Consultation de patientes porteuses d une maladie générale

Hépatite B. Le virus Structure et caractéristiques 07/02/2013

La drépanocytose. Sikkelcelziekte (Frans)

Première partie: Restitution + Compréhension (08 points)

FICHE DE RENSEIGNEMENTS

Nathalie Colin de Verdière Centre de vaccinations internationales Hôpital Saint-Louis

AVERTISSEMENT. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction encourt une poursuite pénale.

Les vaccinations en milieu professionnel

Bases de données des mutations

Mécanisme des réactions inflammatoires

REFERENTIEL D ACTIVITES ET DE COMPETENCES CQP AIDE DENTAIRE

TRANSFUSION DE PLASMA THÉRAPEUTIQUE : PRODUITS, INDICATIONS ACTUALISATION 2012 ARGUMENTAIRE

Cordarone et Thyroïde par François Boustani

Vous êtes concerné par l'insuffisance rénale : LA GREFFE DE REIN Qu en est-il en Nouvelle-Calédonie?

La lutte contre la tuberculose est régie par l arrêté royal du 17 octobre 2002.

L AUTOGREFFE QUELQUES EXPLICATIONS

Le don de moelle osseuse

I Identification du bénéficiaire (nom, prénom, N d affiliation à l O.A.) : II Eléments à attester par un médecin spécialiste en rhumatologie :

Formation sur la sécurisation du circuit du médicament

DPC «ACTION EN SECURITE TRANSFUSIONNELLE»

Rendre les résultats d un test VIH, communiquer les messages pour refaire le test et fournir un conseil à l adulte

ASSURANCES ET MANAGEMENT DES RISQUES / SANTE, SOCIAL ET MEDICO-SOCIAL. Proposition d assurance Professionnels libéraux

Depuis l'an 2000, le Ministère de la Santé Publique (MSP) a mis en place une procédure d accréditation pour améliorer la qualité des services

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Plan pluriannuel d accessibilité du BCEI Dernière mise à jour : décembre Exigence Délai Description État

Révision partielle de l ordonnance du 14 février 2007 sur l analyse génétique humaine (OAGH ; RS ) Rapport explicatif

Sommaire de la séquence 8

UTILISATION DES C.C.P DANS LES HEMORRAGIES SOUS AVK ET SOUS NACO : RECOMMANDATIONS DE L HAS COPACAMU 2014

santé le parcours de soins Mémento

Transcription:

En pratique

Système ABO Ex 1 : tout patient du groupe A possède des antigènes A et des anticorps anti-b naturels depuis la naissance Donc, il ne faut jamais le transfuser avec des GR portant des antigènes B, sinon leur rencontre avec les anticorps anti-b du receveur va aboutir à une agglutination : Incident transfusionnel aigu gravissime, voire mortel selon la quantité transfusée et l état basal du patient. Système Rhésus-Kell Ex 2 : les patients Rhésus D- ne possèdent aucun anticorps anti-d naturel depuis la naissance. Donc, si on les transfuse avec des GR Rhésus D +, il ne doit se produire aucune réaction antigène/anticorps, donc aucun risque d incident transfusionnel en théorie. Toutefois, leur système immunitaire ne connaissant pas l antigène D, 70% de ces patients transfusés en GR D+, risquent de faire un anticorps anti- D immun dans les jours ou les mois qui suivent : ce qui n aura pas d incidence particulière sur la transfusion qui vient d être faite Mais, si une future transfusion doit avoir lieu par la suite et que l on transfuse des GR Rhésus D+ chez les patients qui ont développé un anti-d, la réaction antigène (D+)/anticorps (anti-d) va aboutir à une agglutination donc un incident transfusionnel grave. Pour éviter cette situation : Dans la quasi-totalité des cas : transfuser les patients Rhésus D- avec des GR Rhésus D- (Si stocks bas, on peut être amener à positiver en D) Il faut toujours obligatoirement faire une RAI avant chaque transfusion (sauf urgence vitale), laquelle nous permettrait de détecter un anticorps anti-d immun potentiel notamment 2

Concernant les antigènes Rhésus C,E,c,e et Kell, le raisonnement est superposable avec le raisonnement relatif à l antigène D Les anticorps ne sont donc pas naturels, mais immuns (apparus après un premier contact) Ex 3 : les patients Rhésus c- ne possèdent aucun anticorps anti-c naturel depuis la naissance. Donc, si on les transfuse avec des GR Rhésus c+, il ne doit se produire aucune réaction antigène/anticorps, donc aucun risque d incident transfusionnel en théorie. Toutefois, leur système immunitaire ne connaissant pas l antigène c, < 10% de ces patients transfusés en GR c+, risquent de faire un anticorps anti-c immun dans les jours ou les mois qui suivent : ce qui n aura pas d incidence particulière sur la transfusion qui vient d être faite Mais, si une future transfusion doit avoir lieu par la suite et que l on transfuse des GR Rhésus c+ chez les patients qui ont développé un anti-c, la réaction antigène (c+)/anticorps (anti-c) va aboutir à une agglutination donc à un incident transfusionnel grave. Pour éviter cette situation : Le plus souvent: transfuser les patients Rhésus c- avec des GR Rhésus c- (Est indiqué chez les patients déjà immunisés (RAI +), femmes en âge de procréer, les patients atteints d hémoglobinopathies et les patients polytransfusés avec une espérance de vie raisonnable) Il faut toujours obligatoirement faire une RAI avant chaque transfusion (sauf urgence vitale), laquelle nous permettrait de détecter un anticorps anti-c immun potentiel notamment Système Fy,Jk,Ss Concernant les antigènes des systèmes Fy, Jk et Ss, le raisonnement est superposable avec le raisonnement relatif au système Rhésus 3

Remarque 1 : faire une Rai permet de détecter des allo-anticorps immuns (anti- Rhésus, Kell, Jk, Fy, Ss, ) qui seraient apparus chez le patient suite à l introduction dans sa circulation sanguine de GR étrangers, porteurs d antigènes absent de ses propres GR (à l occasion d une transfusion, grossesse). Ex : un patient C+,E-,c-,e+ transfusé en C+,E-,c+,e+ risque de faire un allo-anticorps anti-c qui sera détecté à la RAI une femme enceinte C+,E-,c-,e+ porteuse d un fœtus C+,E-,c+,e+, risque de faire un allo-anticorps anti-c qui sera détecté à la RAI Dans ces 2 cas, si à l avenir ces 2 personnes doivent être transfusées, il faudra obligatoirement les transfuser en GR c-, et plus précisément en GR phénotypés RH-Kell : C+,E-,c-,e+, et ceci à vie, même si la RAI se négative (un anticorps un jour, un anticorps toujours!) Dans le cas de cette femme enceinte qui aura vu l apparition d un anti-c, il existe un risque de fausses couches lors de ses futures grossesses si le fœtus est porteur de GR présentant l antigène c Remarque 2 : Un homme jamais transfusé doit théoriquement avoir une RAI négative car son système immunitaire n a jamais rencontré de GR étrangers, potentiellement porteurs d antigènes différents des siens. Remarque 3 : par contre cette règle n est pas vraie pour les femmes, car à l occasion d une grossesse connue ou inconnue (Fausse couche passée inaperçue), le système immunitaire de la mère a pu rencontrer des GR étrangers, potentiellement porteurs antigènes différents de ses propres GR, situés sur les GR du Foétus (une maman ne possédant pas l antigène c (donc c-), pourra faire un anticorps anti-c si des GR du foétus c+ passent dans la circulation maternelle) 4

Pourquoi ne respecte-t-on pas toujours le phénotype RH-Kell des patients lors d une transfusion? Car nous ne disposons pas de suffisamment de CGR dont le phénotype RH-Kell correspondrait à chaque Receveur Car chaque transfusion incompatible n aboutit heureusement pas obligatoirement à l apparition d un allo-anticorps Ce risque est particulièrement important pour l antigène RHD, plus faible pour Kell et C,E,C,e L HAS (haute autorité de la santé) nous recommande donc de respecter le phénotype Rhésus-Kell chez les patients déjà immunisés (RAI +), femmes en âge de procréer, les patients atteints d hémoglobinopathies et les patients polytransfusés avec une espérance de vie raisonnable Lors d une transfusion, les phénotypes RH-Kell du receveur et du CGR à transfuser peuvent ne pas être identiques, sans aucun risque d apparition d un allo-anticorps Par exemple si le receveur est C+,E-,c+,e+ et que le CGR à transfuser est C+,E-,c-,e+ : la transfusion est compatible car les CGR transfusés n apportent aucun antigène dans le système Rhésus inconnus du receveur. En effet on ne fabrique un anticorps que si l on rencontre des GR porteurs d antigènes qui n existent pas sur nos propres GR Il existe plusieurs nomenclatures D = RH1 C = RH2 E = RH3 c = RH4 e = RH5

Rappels sur certaines qualifications et transformations CGR Phénotypé Rhésus-Kell (et étendu JK Fy Ss) CGR dont les antigènes Rhésus et Kell sont compatibles avec ceux du receveur Est indiqué chez les patients déjà immunisés (RAI +), femmes en âge de procréer, les patients atteints d hémoglobinopathies et les patients polytransfusés avec une espérance de vie raisonnable CGR Compatibilisé Un échantillon du CGR est testé au laboratoire en présence du plasma du futur receveur pour s assurer que le CGR est compatible Est indiqué chez les patients ayant une RAI positive (anticorps anti érythrocytaire) ou un antécédent de RAI positive, NNe de mère RAI+, drépanocytose CGR Déplasmatisé CGR dont on élimine aseptiquement le plasma résiduel pour réduire au maximum la quantité de protéines (allergies) Est indiqué chez les patients ayant présenté une réaction allergique grave lors de transfusions antérieures CGR Irradié CGR exposé à une source de rayonnements ionisants pour détruire les leucocytes Est indiqué dans les déficits immunitaires graves (greffes, déficits congénitaux etc ) en prévention de la maladie «du greffon contre l hôte»