Éditorial. Cinquante ans!

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Transcription:

20 12 Éditorial Cinquante ans! Cinquante ans déjà, cinquante ans seulement. Quelle histoire mais par où commencer? Que de chemin parcouru depuis les premiers dossiers de succession et de gestion de sinistres pour le compte de ressortissants britanniques en 1962, à la création du Fonds Européen de Stabilité Financière au printemps 2010. Cinquante ans dans la vie d'un cabinet d'avocats c'est un bel âge, celui de la maturité, un jubilé. C'est avant tout une fantastique aventure humaine, animée par des hommes et des femmes qui ont su être des visionnaires exceptionnels. Des hommes et des femmes habités par cette conviction forte que les activités de conseil seraient celles répondant le mieux aux besoins des entreprises, qu'il fallait privilégier à tout prix la dimension internationale, être obnubilé par la qualité du service à fournir à nos clients, et se persuader que derrière chaque nouveau client, petit ou moyen, pouvait se cacher le grand groupe de demain. Des hommes et des femmes qui ont, à travers ces années, fait preuve d'une ambition jamais démentie tout en construisant leur métier avec la plus grande humilité et qui ont basé tous leurs efforts de développement sur l'excellence technique de leurs prestations, convaincus que la qualité du travail fourni est le premier et le meilleur vecteur de fidélisation de la clientèle. Des hommes et des femmes qui ont cru à l'intérêt stratégique d'une approche pluridisciplinaire du droit en cherchant à développer toutes les disciplines intéressant les grandes entreprises et sans limiter leur ambition aux premiers succès rencontrés dans tel ou tel domaine. Cinquante ans, c'est beaucoup de stress mais aussi de bons moments, de fous rires, de coups de gueule et de peine lorsque le souvenir nous ramène vers celles et ceux trop tôt disparus alors qu'ils contribuaient pleinement à cette aventure. Cinquante ans, c'est la confirmation d'une culture forte qui a résisté aux tempêtes qui ont pourtant emporté de trop nombreux cabinets que l'on croyait solides, et c'est déjà l'émergence de la troisième génération d'avocats, dans un métier où le passage d'une génération à une autre est souvent perçu comme une étape décisive dans l'affirmation d'une pérennité. C'est le contraste entre les premières instructions reçues par courrier simple, et l'avènement des e-mails et autres comptes "Twitter", reflet d'une évolution technologique fulgurante qui amplifie ellemême une accélération incroyable du marché. C'est également une remise en cause permanente, face à la vigueur du marché et à l'incroyable situation concurrentielle qu'elle génère, face à nos clients qui ont professionnalisé de façon remarquable leur utilisation du droit comme outil de stratégie commerciale, et face aux exigences mêmes de notre métier, dans son évolution géographique, technologique ou économique. Cinquante ans c'est aussi la conviction que si la réussite dans notre métier exige avant tout de grands succès pour le compte de nos clients, elle nous commande aussi de savoir rendre à notre profession ce qu'elle nous apporte, à travers les nombreuses charges d'enseignements assurées par le Cabinet, les partenariats dans le milieu universitaire et académique, l'accueil de centaines de stagiaires, les actions de bénévolat vers les plus démunis et la participation active à la vie de notre Ordre. Cet engagement essentiel fait partie de notre culture, donne du sens à notre action, et permet à chacun de s'épanouir dans les multiples facettes de notre profession. L'histoire de ce cabinet est pour moi un plaisir et un défi sans cesse renouvelés depuis plus de trente-deux ans et je mesure chaque jour l'honneur qui m'a été fait par mes associés en me confiant la gestion de cette magnifique maison depuis l'an 2000. Yves Wehrli Avocat à la Cour Managing Partner 1

L astronaute Buzz Aldrin junior marche sur la surface de la Lune le 20 juillet 1969 "C est un petit pas pour l homme mais un pas de géant pour l humanité": la mission Apollo 11 se pose sur la lune Le festival de Woodstock, aux États-Unis, rassemble une centaine d artistes et plusieurs centaines de milliers de hippies Sortie en France du film La Piscine de Jacques Deray George Pompidou est élu Président de la République le 15 juin 1969, avec 58,22 % des voix Clifford Turner conseille Bernard Sunley dans le cadre de la construction d Isola 2000 Le footballeur brésilien Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, marque son 1000 ème but 20

19 69 La guerre du verre ou l OPA RATéE de BSN sur Saint-Gobain 1969 est l'année de la première offre publique d'achat (OPA) hostile en France, celle de BSN contre Saint-Gobain. Ce qui ne devait être qu'une opération industrielle devint l'évènement du début d'année, au point que l'on parla de "la guerre du verre". L'opération est pour le moins audacieuse pour l'époque : une entreprise relativement récente envisageait de prendre par surprise le contrôle d'une entreprise emblématique, plusieurs fois centenaire, au chiffre d'affaires trois fois supérieur au sien, et ceci sans même mobiliser de capitaux, par la technique de l'obligation convertible en actions. Créée en 1665 par Louis XIV, la Manufacture royale des glaces et miroirs a su traverser les siècles sereinement, ayant autrefois fabriqué les miroirs de la Galerie des Glaces à Versailles et devenir un acteur prépondérant dans le secteur du verre plat et du verre d'emballage. BSN, quant à elle, avait été créée en 1966. Cette dernière estimait qu'un rapprochement des deux sociétés était nécessaire pour faire face à la concurrence étrangère et conquérir le marché de l'emballage, alors en pleine expansion. Pour Saint-Gobain, qui avait entrepris de diversifier son activité, l'exploitation de ces nouveaux marchés n'était pas aussi indispensable. Les dirigeants de BSN, convaincus que le rapprochement leur était vital, décidèrent que la seule solution possible était de s'emparer par la force de la "Compagnie". BSN devait prendre le contrôle d'une société beaucoup plus importante qu'elle-même (BSN avait à l'époque un chiffre d'affaires global d'environ 2,5 milliards de francs, Saint-Gobain un chiffre d'affaires proche de 7 milliards de francs). La solution trouvée par BSN fut l'utilisation du mécanisme de l'obligation convertible. BSN offrait aux actionnaires de Saint-Gobain des obligations convertibles en actions BSN de 230 francs de nominal et portant intérêt de 4,5 % l'an. Ce mécanisme ingénieux permettait de concilier les avantages des obligations et des actions, à savoir un taux d'intérêt garanti, assorti de la possibilité, à terme, de devenir actionnaire du grand groupe mondial nouvellement formé. à l'échange, ordonne la vente massive d'actions Saint-Gobain qu'elle détenait afin de faire baisser le cours de l'action Saint-Gobain et inciter les actionnaires à échanger leurs titres contre les obligations convertibles de BSN. Enfin, la contre-attaque fut médiatique. Saint-Gobain insista notamment sur l'aspect subversif d'un rachat reposant sur le mécanisme de l'obligation convertible qui permettait de prendre le contrôle d'une société sans mobiliser de capitaux, ce qui reviendrait à "faire payer les actionnaires de Saint-Gobain avec leur propre argent". Finalement, l'offre échoua. Sans doute, l'opération était trop novatrice et audacieuse pour réussir et le mécanisme envisagé trop complexe pour le public de l'époque. Cependant, cette OPA pionnière en entraînerait d'autres qui allaient façonner le droit boursier français : Pinault/Printemps, Total/Elf, BNP/Paribas/Société Générale, pour n'en citer que quelques-unes. Le monde des OPA était en marche et avec lui le développement de la communication financière en direction des salariés et des actionnaires. Banques d'affaires et cabinets d'avocats allaient devenir les conseils indispensables de ces offensives d'un style nouveau, que ce soit pour l'initiateur ou pour la cible. Arnaud Félix Avocat à la Cour Gilles Lebreton Avocat à la Cour Mais la vénérable "Compagnie" allait surprendre son agresseur par la verdeur de sa défense. La contre-attaque fut juridique, boursière et médiatique. Sous l'angle juridique, la contre-attaque consistait notamment à faire valoir que l'émission des obligations convertibles n'avait pas été autorisée par l'assemblée générale des actionnaires de BSN préalablement à l'offre. L'acquisition constituerait, en outre, une concertation prohibée et un abus de situation dominante car le futur groupe serait placé dans une position de quasi-monopole. La contre-attaque boursière devait être mise en œuvre par les actionnaires défenseurs de Saint-Gobain, qui procédèrent à des achats massifs de l'action Saint-Gobain portant le cours du titre au-dessus du niveau des 230 francs offert par l'obligation convertible BSN. En un mois, plus d'un quart du capital de Saint-Gobain change de main. En riposte, BSN, quelques jours avant la date butoir pour procéder Brel, Brassens et Ferré réunis pour un entretien historique, sur proposition du magazine Rock n Folk 21

Le ministre de la Justice Robert Badinter intervient à la tribune du Sénat, le 28 septembre 1981, pour défendre son projet de loi sur l abolition de la peine de mort. Elle fut définitivement abolie en France le 9 octobre 1981 Jusqu'en 1981, on pouvait lire dans le Code pénal français : Article 12 du Code pénal : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée." Article 17 du Code pénal : "Si une femme condamnée à mort se déclare et s il est vérifié qu elle est enceinte, elle ne subira la peine qu après sa délivrance." Il y a à peine plus de trente ans, les cours d assises de la République appliquaient encore ces dispositions d un autre âge. Le 10 octobre 1981, la loi abolissant la peine capitale était promulguée au Journal officiel, la France devenait le 35 ème État abolitionniste, l un des derniers en Europe occidentale. Aujourd hui, l on s étonne que cette loi n ait pas été votée plus tôt. Le débat n était pourtant pas neuf. Il a vu le jour dans l enceinte de la première Assemblée constituante de la République en 1791 lors de l élaboration d un projet de Code pénal. La question de l abolition réapparaîtra dans les débats de l Assemblée en 1795, 1848 et 1906. Elle ne sera jamais votée. Entretemps, la peine de mort était abolie en 1867 au Portugal, en 1870 aux Pays-Bas et en 1905 en Norvège. C est finalement 200 ans après l avoir envisagée pour la première fois que la France abolit à son tour cette peine irréversible. L abolition est cependant fragile : l opinion publique voit toujours dans la mort une revanche que d autres peines sont insusceptibles de garantir et un sondage récent montre que 47 % des Français seraient favorables au rétablissement de la peine de mort. Mais la France a aujourd hui intégré l abolition dans sa Constitution et adhéré au Protocole additionnel n 6 de la Convention européenne de droits de l'homme (CEDH) interdisant la peine capitale. Ainsi, jamais plus les avocats ne devraient connaître la sensation terrible de leurs aînés d avoir à plaider au risque de la vie d un homme. Inauguration du TGV reliant Paris à Lyon en 2 h 40 François Mitterand est élu Président de la République le 10 mai 1981 avec 51,76 % des voix Clifford Turner conseille Bouygues SA pour la construction d une centrale électrique à Lagos au Nigeria Clifford Turner conseille Cable & Wireless PLC NCE dans un arbitrage CCI au Moyen-Orient 44

19 81 1981: un nouveau régime français qui va inspirer le monde Le rayonnement d un pays emprunte parfois des voies détournées, qui avec le recul surprendraient bien les dirigeants de l époque. Le 12 mai 1981, en pleine effervescence politique, la France se dote d un nouveau régime relatif à l arbitrage international. Avec seulement seize articles et trente ans d existence, ce décret du 12 mai 1981 a beaucoup contribué à l influence du droit français en matière d arbitrage. Paris est l une des toutes premières places au monde dans ce domaine. Ce succès est largement dû à la présence de la Cour internationale d arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) et ce, depuis sa création en 1923. Les dernières statistiques de la CCI en témoignent. Sur les cinq dernières années, la France a été le siège de 19 % des arbitrages conduits sous l égide de la CCI. Sur la seule année 2011, Paris a été choisi dans 18 % des arbitrages CCI, soit 8 points de plus que Londres, deuxième de ce classement. Le décret de 1981 a encouragé le choix de Paris comme siège d arbitrage, alors même que les parties pourraient n avoir aucun lien avec la France. C est ainsi que, d une part, les articles 1494 et 1495 du Code de procédure civile ont placé la volonté des parties au centre de chacune des étapes de la procédure arbitrale. Et que, d autre part, la limitation des pouvoirs du juge étatique à l égard de l arbitrage a été confirmée par la codification du principe fondamental dit de "compétence-compétence". Les articles 1458 et 1466 du Code de procédure civile prévoient en effet que les arbitres statueront par priorité sur leur propre compétence. La doctrine française et les praticiens de la place de Paris ont largement contribué au rayonnement de la France dans le règlement des litiges internationaux par voie d arbitrage. L exécution en France d une sentence annulée par l État du siège de l arbitrage en est un exemple discuté. Dans son arrêt Putrabali du 29 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi suivi un courant doctrinal en affirmant que "la sentence internationale, qui n est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale". L œuvre jurisprudentielle a été à ce point créative qu une codification fut opérée par le décret du 13 janvier 2011 portant, à nouveau, réforme de l arbitrage. L intensification et la complexification des échanges internationaux, aussi bien financiers que commerciaux, sont autant de défis que ce récent décret devra relever afin de maintenir Paris, comme le décret de 1981 l avait fait en son temps, au rang de capitale de l arbitrage international. Jason Fry Solicitor, England & Wales Barrister and Solicitor, High Court of New Zealand Simon Greenberg Inscrit au barreau de Paris Solicitor, England & Wales Barrister and Solicitor, Supreme Court of Victoria and High Court of Australia L adoption de ce décret renforce l innovation et le progressisme dont la France faisait déjà preuve. Il fut à l origine d un important mouvement de modernisation des régimes juridiques propres à l arbitrage international de nombreux pays signataires de la Convention des Nations unies, signée à New York le 10 juin 1958, "pour la reconnaissance et l exécution des sentences arbitrales étrangères". Pour ne citer que les principaux, il s agit des Pays-Bas en 1986, de la Suisse en 1987 ou plus généralement des pays ayant fondé leurs législations sur la loi type de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), telle qu adoptée en 1985. La jurisprudence française fondée sur le décret devient également une source d inspiration pour le monde. L arrêt Dutco, du 7 janvier 1992, en est un exemple important. Sur la base des dispositions relatives à la régularité de la constitution du tribunal arbitral, la Cour de cassation a posé un principe d égalité en cas de pluralité de parties dans la désignation de leurs arbitres. Ce principe a été repris par les sections 16 et 18 de l Arbitration Act anglais de 1996 et par de nombreux règlements d arbitrage, comme celui de la CCI du 1 er janvier 1998 et celui de la CNUDCI tel que révisé en 2010. Le prince Charles et Lady Diana quittant la cathédrale Saint-Paul le jour de leur mariage 45

Russell Crowe dans Gladiator Au 1 er janvier le bug de l an 2000 n a pas eu lieu Le français Mohamed Ouaadi remporte le Marathon de Paris en 2 h 08 min 49 s Le CAC 40 atteint sa valeur record de 6 922,33 points Le film Gladiator de Ridley Scott remporte l Oscar du meilleur film et du meilleur acteur pour Russell Crowe, Rogers & Wells et le cabinet Pünder, Volhard, Weber & Axster fusionnent en janvier 2000, créant ainsi le premier cabinet d avocats au monde regroupés au sein d un partnership unique Création d un premier Règlement Intérieur Harmonisé pour l ensemble des Barreaux de France Le cabinet conseille EADS dans le cadre de sa triple introduction en Bourse à Paris, Francfort et Madrid conseille le ministère des Transports, de l équipement et du Logement sur l élaboration du contrat et la procédure de sélection du concessionnaire du grand viaduc de Millau. En 2008, le cabinet conseillera DEPFA, Dexia, FSA & MBIA pour le refinancement rehaussé du viaduc de Millau L Inde compte officiellement 1 milliard d habitants 84 Google fête ses deux ans d existence : en juin 2000, Google est le premier moteur de recherche à avoir référencé 1 milliard de pages web

20 00 EADS : une introduction en Bourse peu ordinaire La création et l'introduction en bourse d'eads restera comme l'une des opérations les plus marquantes de la place de Paris. Tout d'abord, il s'agissait d'une opération ayant pour caractéristique d'être à la fois une Initial Public Offering (IPO) et un rapprochement industriel des activités aérospatiales et militaires de trois sociétés : la française Aérospatiale Matra (elle-même issue de la fusion Matra/ Aérospatiale l'année précédente), l'allemande Daimler Chrysler Aerospace et l'espagnole CASA. Ces groupes coopéraient certes déjà depuis de nombreuses années (notamment au sein d'airbus), mais il est apparu alors nécessaire d'œuvrer vers une véritable intégration. Sous cet angle, l'opération comprenait des négociations complexes sur les parités et la gouvernance du nouvel ensemble entre les principaux promoteurs de cette opération (Lagardère et l'état français, Daimler en Allemagne et l'état espagnol). Simultanément à la réalisation de ce rapprochement, l'entité résultant de cette fusion (dénommée EADS) devait être introduite en bourse. Ceci pour deux raisons : parce qu'aérospatiale Matra était cotée sur la bourse de Paris, mais aussi pour que le nouveau groupe puisse faire appel au marché et fournir des instruments de motivation à ses cadres par le biais de stock-options et d'actions réservées aux salariés. Pour des raisons principalement politiques, l introduction en bourse devait se dérouler simultanément sur les trois marchés nationaux des principaux pays concernés par l'opération, les bourses de Paris, Francfort et Madrid. Le calendrier de cette opération était particulièrement serré. Une opération de ce type prend d ordinaire six mois à un an, le calendrier finalement imposé sera de quatre mois et rien de plus. Sur le plan boursier, l'explosion de la bulle des valeurs technologiques de l'époque a certes joué défavorablement à court terme. L'action EADS a été introduite le lundi 10 juillet 2000 à 18 euros auprès des particuliers et à 19 euros pour les investisseurs institutionnels. Le titre s'est effrité par la suite, car comme toutes les valeurs cycliques et liées au dollar, EADS était exposée aux aléas de la conjoncture. Mais à plus long terme, EADS affiche un parcours boursier remarquable, celui d'un des plus beaux fleurons industriels européens devenu numéro un mondial. Du coup, la valeur du titre EADS a pratiquement doublé en moins de six ans, puisqu'elle affichait un plus haut de 35,13 euros le 20 mars 2006. Début 2012, EADS se traitait autour de ces niveaux et reste un exemple souvent cité comme l'un des plus grands succès européens. Tout cela place l'introduction en bourse d'eads comme une opération hors du commun et en fait probablement l'une des opérations de ce type les plus complexes jamais réalisées. Thierry Schoen Avocat à la Cour Avocat au barreau de New York Aux problématiques françaises, allemandes et espagnoles venaient s'ajouter des problématiques hollandaises, EADS étant une société de droit néerlandais. Cette option avait été retenue pour des raisons politiques et de souplesse réglementaire mais aussi en raison de problématiques américaines et britanniques du fait de la taille de l'opération et de la situation géographique des actionnaires institutionnels (fonds de pensions et autres). Il fallait donc naviguer entre six droits différents. Autre élément de complexité, l'introduction en bourse portait sur une société qui ne préexistait pas à l'opération mais résultait de celleci. En effet, EADS est le résultat non pas d'une ou de plusieurs acquisitions mais d'une véritable fusion au sens économique du terme. Le "E" dans la dénomination sociale European Aeronautic Defense and Space Company est d'ailleurs important, puisqu'il symbolise la première constitution d'une société industrielle véritablement européenne et à dimension mondiale. Cette opération concernait les secteurs de l'aéronautique, de l'espace et de la défense, des secteurs fascinants dans lesquels les futures filiales d'eads étaient déjà des acteurs mondiaux et de tout premier plan, notamment Airbus et Eurocopter. Une décennie plus tard, ces sociétés conservent tout leur prestige et ont même amélioré leur positionnement. Cette fusion semble donc prouver que les groupes européens peuvent s'unir et concurrencer les groupes américains. Tombstone de la création d EADS 85