LES SYSTEMES D INNOVATION Bruno Amable (CEPREMAP)



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1 LES SYSTEMES D INNOVATION Bruno Amable (CEPREMAP) Juin 2001 Contribution à l Encyclopédie de l innovation dirigée par Philippe Mustar et Hervé Penan La notion de «système d innovation» (SI) rassemble diverses tentatives d incorporer des éléments institutionnels dans l analyse économique du changement technique, l architecture des systèmes scientifiques, la genèse de l'innovation technologique et, pour les approches les plus conséquentes, d étudier les conséquences de l'innovation sur les performances économiques de long terme des nations. Le point de départ commun à l ensemble de ces recherches peut paraître banal : l abandon de la conception de l innovation comme un processus de décision individuel indépendant de l environnement au profit d une conception d acteurs insérés dans différents réseaux d institutions. Dans cette optique, l innovation implique nécessairement des interactions entre les acteurs (les firmes, les laboratoires, les universités, etc.) et leur environnement. Ce dernier ne se réduit pas à un ensemble de prix de marché(s) -même contingents- mais consiste en un ensemble de règles, de formes d'organisation et d'institutions. Selon le type d'approche, les études portant sur les SI considèrent un environnement plus ou moins étendu, partant des interactions minimales pour que l'on puisse raisonnablement parler de système, articulées autour des intervenants directs du processus d'innovation, et allant jusqu'à la considération d'une très large gamme d'influences du comportement des agents économiques. On verra que cette relative indétermination pose un problème, celui de la délimitation du système, qui est avant tout un problème théorique, celui du choix de la théorie économique et de la conception des institutions sur lesquelles doit s'appuyer l'analyse des SI. Une idée commune aux diverses recherches sur les SI est que les différences observables dans les «styles technologiques» à l échelle d un territoire, - le plus souvent le territoire national, mais aussi parfois la région ou un ensemble plus large de pays voire d un secteur, renvoient à des différences dans les configurations institutionnelles spécifiques à ces territoires. L expression «style technologique» est volontairement vague car les éléments caractéristiques du changement technique mis en relation avec les particularités institutionnelles sont variables en fonction des auteurs : rythme du changement technique, type d innovation (radicale ou incrémentale par exemple), spécialisation scientifique ou technique, spécialisation sectorielle suivant l intensité technologique L'approche en termes de SI a le mérite de sortir d'une vision, maintenant dépassée, du changement technique comme se développant d'une façon quasi-autonome du reste de l'économie, sous la seule influence des progrès d une science soumise à ses propres règles. Elle réintègre l'innovation dans l'économie (et la société) en allant aussi au delà d'une détermination strictement «économiciste» qui verrait dans l'innovation le simple résultat d'un investissement à but lucratif de la part d'entrepreneurs plus ou moins isolés. Le concept a connu une certaine fortune auprès des instances économiques nationales ou internationales (l OCDE notamment, mais aussi la Commission Européenne ) et contribue à orienter les politiques de l'innovation. Mais en se situant au croisement d'influences diverses: économie, voire sociologie, du changement technique, théorie de la croissance, théorie des organisations, analyse comparative des capitalismes l'approche des SI peine à définir ses frontières et à trouver une place bien définie au sein des approches institutionnalistes en économie.

2 Le problème qui se pose à toute approche des SI est celui de la frontière du système, de la détermination des éléments à prendre en compte dans la définition du SI. Cette question n est pas sans enjeu car elle va situer l analyse des SI : strictement dans le domaine de l analyse du changement technique ou dans la lignée des analyses institutionnelles plus généralistes de l économie. De plus, la théorie des institutions sur laquelle s appuient les différentes conceptions des SI n est pas unique. Si on reprend la structuration de l'institutionnalisme en trois grands courants selon Hall et Taylor [1997] : institutionnalisme historique (IH), institutionnalisme sociologique (IS) et institutionnalisme du choix rationnel (ICR), on trouve que c est majoritairement l'is, avec la théorie des organisations et le cognitivisme comme fondement du choix individuel, qui inspire les analyses sur les SI, marquant ainsi la filiation de cette approche avec la théorie évolutionniste. Par ailleurs, la place des institutions par rapport à la technique au sein de l approche des SI n est pas sans ambiguïté. Les analyses des SI peuvent-elles se débarrasser du déterminisme technologique qui semble bien les empêcher de rejoindre les autres approches institutionnalistes comparatives? Le concept de système d innovation est principalement utilisé dans le cadre de l'étude de ce qu'on appelle des systèmes nationaux d'innovation (SNI) 1. L'approche des SI connaît aussi des variantes particulières: les systèmes régionaux d'innovation 2, qui sont l'application de l'approche des SNI à un territoire plus réduit, et les systèmes sectoriels d'innovation 3, qui manifestent pour leur part une certaine rupture par rapport à la logique qui fonde l'approche des SNI. Les relations entre ces divers niveaux d'analyses ne sont pas forcément simples. On pourrait penser a priori que dans la logique quasi «sociétale» des systèmes nationaux d'innovation, les éléments communs à l'ensemble des secteurs au sein d'un même pays l'emportent sur les éléments communs au secteur d'activité quel que soit le pays. L'approche des systèmes sectoriels d'innovation, qui cherche précisément à mettre en évidence l'importance des éléments propres au secteurs d'activité dans la définition du SI serait alors antagoniste à l'approche des systèmes nationaux. On verra plus loin qu'il est toutefois possible de concilier les deux approches en précisant le rôle que chaque approche doit jouer dans la compréhension de la dynamique d'innovation. Les trois soubassements conceptuels de l'approche en termes de SI sont, pour reprendre Smith [1998], les suivants : - la prise de décisions économiques repose sur des fondements institutionnels. La conséquence en est que différentes structures institutionnelles donnent lieu à des différences dans les comportements économiques et dans les performances auxquelles ces comportements conduisent. - L'avantage compétitif (des nations) résulte de la variété et de la spécialisation, il possède des propriétés qui mènent à la dépendance par rapport au chemin suivi. Les spécialisations technologiques et industrielles qui mènent à une croissance rapide conduisent à des phénomènes auto-renforçants, qui donnent des effets de système - La connaissance technologique est engendrée par l'apprentissage interactif ce qui donne naissance à des "bases de connaissance" différentes selon les agents. Ces bases de connaissances différentes conditionnent les possibilités d'innovation. Le premier élément est important car il place l'ensemble des travaux sur les SNI dans la lignée des autres travaux institutionnalistes en économie. Par conséquent, les travaux sur les SI doivent pouvoir être comparés aux autres travaux qui placent les institutions au premier plan des déterminants des comportements économiques. Le deuxième élément insiste sur l'intérêt que portent les approches en termes de SI à la compétitivité externe et sur la spécialisation industrielle dans leurs analyses des trajectoires nationales. On peut rattacher la préoccupation qu'exprime cet élément à une conception kaldorienne du changement tech- 1 Freeman [1987] Lundvall [1992], Nelson [1993], Edquist [1997] 2 Saxenian [1994] 3 Breschi et Malerba [1997], Malerba.[1999], [2001].

3 nique: un apprentissage macroéconomique dont l'origine se trouve dans l'industrie, qui conduit à des mécanismes auto-renforçants de compétitivité dont les conséquences se lisent dans les performances de croissance et la compétitivité internationale 4. Le dernier élément inscrit les approches en termes de SI dans l'économie évolutionniste. Si le point précédent relevait de la macroéconomie, celui-ci donne en quelque sorte des fondements microéconomiques à l'approche, définissant les principes d'interaction entre les acteurs du changement technique dans un contexte institutionnel. Se rattachent à cette conception évolutionniste d'autres caractéristiques du comportement des agents qui tournent autour de la rationalité limitée 5, des conséquences en termes de progrès technique localisé autour de certaines pratiques, de dépendance par rapport au chemin suivi, etc. Trouvant ses origines aux croisement de l'économie du changement technique et de l'analyse des politiques technologiques, il n'est pas surprenant que l'approche des SI ait prêté une attention particulière aux institutions qui concernent directement le processus d'innovation ou d'accumulation de compétence et qui se trouvent en outre soumises à l'influence des politiques publiques. La conception minimale d un SI est donc probablement l'ensemble des institutions et organisations qui concernent directement la science et la technologie, puis, par extension, les institutions en amont comme le système éducatif ou en aval l'industrie et enfin l'ensemble des activités économiques. La conception fondamentaliste du SI reste concentrée autour des activités strictement scientifiques et techniques. C'est cette conception qui est la plus répandue, rassemblant les activités communément et explicitement liées à l'innovation. Cette clôture du système est revendiquée par certains auteurs 6 qui refusent même de considérer l influence de l innovation sur le reste de l économie, en appelant à une articulation de l approche des SNI avec une théorie de la croissance fondée sur les innovations pour le bouclage macroéconomique. Cette stricte séparation entre l étude des causes à l origine de l innovation, qui relèverait de l approche des SI, et l analyse des conséquences de l innovation, qui serait le domaine de la théorie de la croissance, est quelque peu curieuse. Elle interdit d analyser sérieusement les effets en retour du «reste de l économie» sur l innovation, directement ou indirectement par le biais des organisations et institutions constituant le SI. L articulation des SI et de la théorie de la croissance n est pas forcément optimale si on sépare soigneusement l analyse de chacun des domaines. Cette césure est d autant plus curieuse lorsqu on connaît la place centrale que joue l innovation dans la théorie évolutionniste. Elle ne prendrait sens que dans le cadre d un déterminisme technologique assez simple : Système national d innovation Innovation Croissance Il n est pas interdit de trouver un tel schéma trop simple. La négligence d effets en retour de la croissance, ou plus généralement du reste de l économie, sur l innovation ou le SI lui même n est défendable que dans une optique d analyse sectorielle. De plus, la délimitation des activités ressortissant strictement au domaine de l innovation ne va pas de soi. Lundvall [1992] distingue notamment deux conceptions différentes des SI : 4 Kaldor [1981]. 5 Voir Dosi [1988] pour un exposé de la conception évolutionniste du changement technique. 6 Notamment Edquist [1997].

4 - la conception étroite se limite aux domaines de la science, la recherche, la technologie et dans certains cas l éducation ; - la conception large s étend à toutes les structures économiques et institutionnelles qui affectent le système de production. La conception étroite ne prend comme objet d étude que le système scientifique et technologique. Elle considère explicitement hors de son champ les déterminants et conséquences de l innovation qui sont externes à ce champ. L avantage de cette restriction est un gain de précision dans l analyse. De fait, la littérature qui se rattache à la conception étroite 7 fournit des études détaillées de l architecture institutionnelle et organisationnelle des systèmes d innovation nationaux, ou des études centrées autour de la firme et son environnement local : interactions entre fournisseurs et utilisateurs, etc. L importance des déterminants nationaux dans la structuration des interactions entre acteurs (et par conséquent sur le système d innovation) peut être parfois mise en doute. Des déterminants territoriaux plus limités, concernant la région, ou même non territoriaux peuvent être privilégiés : par exemple des systèmes sectoriels ou régionaux d innovation 8. Les partisans d une telle approche des SI ont tendance à minimiser l importance des institutions à influence «macro» ou intersectorielles et à insister sur des canaux d interactions plus localisés, régionaux ou intrasectoriels. Une autre conséquence est que dans cette optique, des déterminants strictement technologiques ont tendance à être préférés comme source d influence 9 : les externalités localisées de la connaissance circulant à l intérieur des régions sont les principaux facteurs structurants des systèmes d innovation régionaux, les éléments sectoriels de la technologie jouent ce rôle pour les systèmes sectoriels d innovation, etc. Mais, là encore, le lien avec une conception plus globale de l économie doit se faire selon des modalités qui restent à préciser. L étude des déterminants de l innovation conduit «naturellement» à prendre en compte des influences qui ne sont pas strictement du domaine de la science et de la technologie. Le passage à la conception étendue se fait par une logique de proximité des différents domaines à considérer (la science, la technique, l éducation supérieure, la firme, ) qui laisse la porte ouverte à des interprétations plus ou moins extensives du système. culture, coutumes, traditions nationales, législations, Il est plus aisé de parler d un système national d innovation et pas seulement d un système local centré autour de certaines firmes ou de certains réseaux. Le mode d interrelations entre les différents acteurs du processus de création de technologie et d innovation n est pas spécifique à un réseau particulier (ou une technique particulière) mais commun à tous les intervenants appartenant à une même «culture». Mais le niveau macro n est pas qu une question de culture, quoi que cela puisse bien vouloir dire en économie. C est plus le fait que ce soient des institutions nationales qui entrent en jeu qui détermine le caractère national du SI, même si les interrelations sont à l origine plus localisées, autour d une certaine technique ou au sein d une région particulière. L éventuelle place de la culture dans la cohérence nationale des SI est alors en amont, comme fondement de l architecture des institutions nationales, macro, qui donnent un caractère particulier au SNI. La considération d une approche étendue des SI a des conséquences sur le type d études empiriques. L hypothèse principale est que les différences structurelles nationales jouent un rôle dans les modes nationaux d innovation, la compétitivité, la spécialisation sectorielle et, éventuellement, la croissance. Ceci implique pour le moins un raisonnement en deux étapes : - La première est que la technologie ou plus généralement l accumulation de connaissances ou de compétences est organisée de façon très différente selon les pays. Il 7 Nelson (1993] en particulier. 8 Voir Malerba [1999]. 9 Ce n est cependant pas le cas de tous les auteurs.

5 est donc possible d effectuer une ou plusieurs classifications de pays selon les structures de leurs systèmes scientifiques et techniques et la façon dont la science et la technique interagissent avec les autres domaines de l économie - La deuxième étape est que l innovation, plus généralement le changement technique et l accumulation de connaissances, sont les principaux facteurs influençant la compétitivité des firmes, des secteurs, des régions, des nations. Cette hypothèse ne paraît pas trop sujet à controverse à première vue, particulièrement à la lumière des récentes théories de la croissance endogène, des nouvelles théories du commerce international, etc. Une conséquence de l approche en termes de SI est que les différences technologiques issues de différences institutionnelles ou organisationnelles au sein du SNI peuvent être observées dans le mode de spécialisation technologique, laquelle est alors conçue comme l expression la plus visible de la compétitivité technologique. C est pourquoi une grande partie du travail empirique effectué sur les SI a prêté une attention particulière aux modes de spécialisation industrielle en relation avec le type de spécialisation technologique ou scientifique. Le fait qu il existe une relation significative entre la science et la technologie d une part et la compétitivité économique d autre part est alors perçue comme la confirmation de l importance de la technologie dans la détermination des performances économiques. Les différences dans les systèmes nationaux d innovation se reflètent alors dans les différentes variantes des relations entre la technologie et la compétitivité : élasticités, formes fonctionnelles, que l économétrie peut mettre en évidence. Mais les tests économétriques ne sont pas la seule voie de recherche empirique de l approche en termes de SI. On peut là encore distinguer deux approches, qui trouvent toutes deux leurs origines dans l économie de l innovation : - Des études centrées sur les firmes individuelles, s attachant aux interdépendances entre les utilisateurs et les producteurs de technologie. On peut regrouper ici une large partie de «l approche danoise» des SI 10 : le SNI est une expression de l importance de l apprentissage interactif entre utilisateurs et fournisseurs de la technologie. Les processus d apprentissage eux même et la spécialisation compétitive évoluent de concert dans un processus qui possède de fortes spécificités nationales notamment parce que des institutions «macro» exercent une influence sur les processus d apprentissage «micro» ou «méso» et parce que les interactions entre firmes sont facilitées si les firmes en question appartiennent au même pays. Les auteurs de ce courant mettent alors dans ce dernier facteur tous les éléments de proximité auxquels on peut penser : géographique, linguistique, culturelle souvent sans références théoriques explicites. Toutefois, l importance des interactions entre firmes, des routines locales et des «bases de connaissances» dans ce schéma laisse la porte ouverte à la considération de SI régionaux ou même sectoriels plus que nationaux. - Les influences d ordre macro, comme par exemple les mesures de politique structurelle, voire les inévitables références à la culture. La définition du système est donc la plupart du temps floue : un groupe plus ou moins limité d organisations et d institutions dans la conception restreinte, un ensemble potentiellement très large dans la conception étendue. Quelques tentatives récentes de précision analytique dans l étude des SI sont à mentionner. Elles tournent autour de la définition des fonctions des SI. La considération des fonctions n implique pas nécessairement l adoption d une position strictement fonctionnaliste : Johnson [2001] insiste sur le fait que les systèmes n'ont pas été créés pour remplir les fonctions que les chercheurs lui assignent et que les 10 On peut citer Lundvall et le groupe de recherche IKE d Aalborg.

6 acteurs du système n'agissent pas en fonctions d'objectifs systémiques, mais d objectifs individuels. Toutefois, la perspective fonctionnaliste n est pas totalement absente : le système est défini par rapport à la cohérence interne des sous-parties, mais surtout l intervention publique est pensée du point de vue d un ingénieur-système : il est possible de modifier le système en tenant compte de son aptitude à remplir les différentes fonctions. L avantage de cette approche est de permettre une définition claire des limites du système, toutes les organisations, règles ou institutions qui affectent une fonction fait partie du SI, et de sortir des particularismes nationaux en donnant un cadre d analyse commun à tous les SI. La définition des fonctions d un SI n est cependant pas encore stabilisée, la liste varie d un auteur à l autre. Pour Rickne [2001], les fonctions d un SI sont les suivantes : - développer le capital humain - créer et diffuser les opportunités technologiques - créer et diffuser les produits (nouveaux) - incuber (les nouvelles techniques) - gérer (la technologie) - faciliter la réglementation (par l établissement de standards techniques) - légitimer la technologie et la firme - créer le marché et diffuser la connaissance du marché - diriger la technologie, le marché et la recherche de partenaires - faciliter l'établissement de réseaux - faciliter le financement (de l innovation) - créer le marché du travail Comme on le voit, la liste des fonctions n a pas été établie dans une démarche théorique systématique ; elle procède de la logique d extension progressive du SI à partir de la science et de la technologie. Les fonctions sont au nombre de 5 pour Johnson et Jacobson [2000] - créer des nouvelles connaissances - guider l orientation du processus de recherche - fournir les ressources (capital, ) - faciliter la création d externalités positives - faciliter la formation des marchés Le niveau de généralité est cette fois-ci plus élevé et on peut deviner une théorie du changement technique en filigrane. Les fonctions sont enfin pour Johnson [2001] : - inciter les firmes à innover - fournir les ressources - guider la recherche, donner la direction - reconnaître le potentiel de croissance - faciliter les échanges d'information et de connaissances - stimuler/créer les marchés - réduire l'incertitude sociale - agir contre les résistances au changement La théorie sous-jacente est proche de celle qui sous-tendait la liste de fonctions précédente. On notera aussi que la dernière fonction relève plus d une logique technocratique et peutêtre aussi d une certaine fascination à l égard de la technique : tout changement est nécessairement bénéfique (mais pour qui?) et il convient de contrer les facteurs de résistance. Les rapports entre les approches des SI et la théorie institutionnaliste ne sont donc pas clairement établis. Pourtant, la conception étendue des SI rejoint une littérature qui ne part pas spécifiquement de l'économie du changement technique mais s'intéresse aux différences de structures institutionnelles au sein des économies développées. Il existe de nom-

7 breux travaux portant sur les «variétés de capitalisme» 11 qui traitent des économies développées contemporaines dans une approche comparative. Ces recherches s'interrogent sur la façon dont des sociétés dotées d'arrangements institutionnels différents peuvent développer et reproduire cette diversité malgré l'intégration internationale croissante des économies. Un autre aspect de la diversité est que les structures institutionnelles nationales donnent naissance à des différences dans les capacités des économies à être compétitives dans telle ou telle production ou dans certains secteurs d activité. La diversité institutionnelle donne en quelque sorte naissance à des avantages comparatifs institutionnels 12. A l inverse, la spécialisation économique -et technologique voire scientifique- des sociétés développées révèle des structures d'institutions particulières, propres à chaque société. C est aussi une manière de réconcilier l approche des systèmes nationaux avec celle des systèmes sectoriels d innovation : les spécialisation sectorielles reflètent certaines configurations institutionnelles nationales, qu on peut alors analyser plus en détail en s intéressant à certains secteurs particuliers. Les thèmes abordés par cette littérature sont donc proches de ceux de l approche des SI. On pourrait même avancer que les travaux sur les variétés de capitalisme portent sur le même sujet que les travaux étudiant les SI, mais sans mettre au premier plan les préoccupations technologiques propres à ces derniers. Les relations entre les deux littératures pourraient alors être pensée de deux points de vue: - les SI au sens restreint sont un sous-ensemble de l'économie ; par conséquent, la littérature sur les SI est une application sectorielle de la recherche sur les variétés de capitalisme. - les SI au sens étendu sont une autre manière d appréhender les différences entre capitalismes, en donnant à l'innovation et aux déterminants de la compétitivité et de la croissance de long terme un rôle déterminant dans la définition des variétés de capitalisme. L approche des «systèmes sociaux d innovation et de production» (SSIP) 13 est une tentative de dépasser ces deux positions. Elle est, comme les travaux portant sur les variétés de capitalisme, une approche d ensemble de l économie et ne se restreint donc pas aux seules sphères de la science et la technologie dans sa prise en compte des institutions pertinentes. Elle ne pose pas non plus au centre de sa construction théorique les domaines scientifiques et technologiques comme le font les approches étendues des SI qui dans leur choix des domaines institutionnels pertinents procèdent par extension progressive des domaines institutionnels autour des SI restreints. Elle accorde cependant une place particulière à l innovation et à la technique, non pas pour des raisons ayant à voir avec la prise en compte d un déterminisme technologique de l ensemble des institutions d une économie, mais parce que la compétitivité technologique et plus généralement l insertion dans la division internationale du travail est un bon révélateur de l ensemble des influences réciproques entre les structures institutionnelles et les évolutions macroéconomiques. L innovation est, au moins pour la période contemporaine, une porte d entrée intéressante menant à l ensemble du système économique. D autre part, la prise en compte d institutions au-delà de la sphère restreinte à la science et la technologie signifie qu on souhaite prendre en compte et analyser des sources de l innovation en dehors de cette sphère restreinte. Amable et al. [1997] prenaient en compte six sous-systèmes : science, technologie, industrie, système éducatif, relation de travail et système financier pour analyser la diversité des économies modernes. Plutôt que de considérer des fonctions d un système, l approche des SSIP est d analyser les interrelations entre institutions, formes organisationnelles, règles, opérant à l intérieur de chaque sous-système. Le concept de référence est celui de complémentarité institutionnelle. La complémentarité exprime que chaque arrangement insti- 11 Voir par exemple Kitschelt et al. [1999], Whitley [2000], pour des contributions récentes, mais on peut bien sûr mentionner la théorie de la régulation (Boyer [1986], Boyer et Saillard [1995]). 12 Soskice [1999]. 13 Amable, Barré & Boyer [1997], Amable [2000], Amable et Petit [2001].

8 tutionnel dans un domaine est renforcé dans son existence ou son fonctionnement par d autres arrangements institutionnels dans d autres domaines. Sous certaines conditions, un marché du travail où les négociations permettent des compromis stables peut favoriser l acquisition d un haut niveau de formation pour la main d œuvre, alors que l investissement physique sera facilité par l existence de relations étroites entre les banques et les firmes. Dans ces conditions, l existence de relations durables et de proximité entre firmes et banques permet la mise en œuvre de projets d investissement de long terme et facilite en retour l établissement de compromis stables sur le marché du travail. A l inverse, un marché du travail flexible, facilitant la mobilité du personnel, serait complémentaire avec un système financier qui facilite la réversibilité des engagements et la liquidité des investissements. On pourrait étendre le champ des complémentarités possibles aux domaines de l innovation, du système de formation professionnelle, etc. La complémentarité institutionnelle peut donc expliquer la persistance de modèles différents d'économie capitaliste à partir des interactions entre institutions. Elle est aussi une explication complémentaire et parfois alternative aux coûts fixes ou aux rendements croissants pour expliquer l'inertie institutionnelle. En effet, une explication de la persistance d'institutions en apparence inefficientes (localement) fait un parallèle avec l'existence de rendements croissants à l'adoption et les conséquences de ces rendements croissants en termes d'enfermement dans des trajectoires technologiques particulières. 14 De même que les rendements croissants à l'adoption peuvent expliquer pourquoi certains évènements conduisent une économie dans un sentier technologique donné d'où il sera difficile voire impossible de sortir, l'histoire peut aussi expliquer pourquoi certaines institutions adoptées pour de bonnes raisons à un moment donné perdurent une fois que ces bonnes raisons ont disparues. Cette dépendance des institutions à l'histoire 15 se manifeste donc par une certaine inertie. Subsistent alors certaines institutions inefficaces (localement) malgré leur inefficacité. La notion de complémentarité institutionnelle s accompagne de celle de hiérarchie institutionnelle. Cette hiérarchie peut se comprendre de deux façons. La première concerne la conception même des arrangements institutionnels : l idée de hiérarchie s impose lorsqu une institution particulière prend en compte dans sa conception les contraintes et incitations associées à une autre institution. Mais cette définition peut se révéler difficile à utiliser si les interactions croisées entre différents arrangements institutionnels, rendent ambiguës la lecture des différentes contraintes que les institutions font peser les unes sur les autres. C est pourquoi une deuxième définition peut se révéler plus opératoire : la transformation d un arrangement institutionnel particulier (transformation des systèmes financiers, modification des formes de la concurrence ) peut piloter la transformation des autres arrangements en remettant en cause les complémentarités constitutives d une configuration institutionnelle donnée et en imposant ainsi des transformations à l ensemble des institutions. Et on dépasse ici l opposition entre le modèle unique et les variétés nationales : on peut repérer historiquement des tendances à l homogénéisation comme des tendances inverses, et cette opposition crée la dynamique des économies capitalistes. La diversité est viable si elle permet l obtention de taux de croissance comparables sinon égaux d un pays à l autre alors que la configuration du modèle unique ne serait guère stable, ne serait-ce que pour de simples raisons d avantage comparatif Il est parfois reproché aux approches institutionnalistes en général et aux approches en termes de SI en particulier de rester vague quant à leurs définitions des institutions. Ces reproches sont parfois justifiés 16, parfois non 17. Il est incontestable qu il est nécessaire d aller au delà de la simple constatation que «institutions matter» ; il faut à tout le moins distinguer institutions et organisations et qu il est même souhaitable d adopter une classification plus 14 Voir Arthur [1994] 15 David [1994]. 16 Le manque de précision est parfois revendiqué comme chez Lundvall et al. [2001]! 17 Voir Amable [2000] pour des précisions à ce sujet.

9 fine qui distinguerait l habitus de la règle ou de la convention, l institution de l organisation, etc. Mais il est sans doute aussi fondamental est de situer les différents courants des SI par rapport à leur conception des institutions et par rapport aux différentes théories institutionnalistes 18. On peut reprendre la distinction due à Hall et Taylor [1997] pour classer les institutionnalismes en trois grands courants : l institutionnalisme historique (IH), l institutionnalisme de la théorie des organisations, encore appelé institutionnalisme sociologique (IS), et l institutionnalisme du choix rationnel (ICR). La distinction entre ces courants s effectue à partir de deux questions : : comment la relation entre institutions et comportements individuels est-elle envisagée? De quelle manière les processus de formation et de changement des institutions sont-ils conçus? Le Tableau 1 résume les principales caractéristiques des trois courants. Tableau 1. Trois institutionnalismes IH ICR IS Principes fondamentaux Perspective calculatrice et asymétries de pou- Perspective calculatrice et asymétries d'informa- Perspective culturelle et apprentissage Comportement des agents Rôle des institutions Changement institutionnel Points faibles voir Comportement stratégique dans les limites données par les asymétries de pouvoir Fournir des visions du monde qui façonnent les préférence et influence la décision, réguler les conflits Rendu possible par la crise Vague dans l'influence des institutions sur le comportement. A priori compatible avec ICR ou IS. tion Comportement stratégique Réduire l'incertitude et faciliter la coordination Possible si les institutions deviennent inefficaces Vision simpliste du comportement humain (rationalité, individualisme, ). Comportement routinier Fournir des modèles moraux ou cognitifs pour l'interprétation et l'action Difficile en raison de la dimension "culturelle"; par apprentissage et sélection. Négligence des conflits de pouvoir, rôle passif des agents, explications «culturalistes» ad hoc. La majeure partie des analyses des SI se réfère à l IS, certainement en raison de l'influence déterminante qu exerce la théorie évolutionniste sur ce courant. Cette référence à un institutionnalisme particulier ne va pas nécessairement de soi ; il y en effet potentiellement un conflit entre les hypothèses de l IS et le déterminisme technologique qui caractérise l économie évolutionniste du changement technique, conflit habituellement résolu par le concept de co-évolution (des techniques et des institutions). Une perspective plus large sur la diversité des SI ou plus généralement la diversité des économies contemporaines permet de faire appel aux autres courants (Tableau 2). L approche des SI se trouve dans une situation particulière : son succès «technocratique», manifeste par la diffusion du concept dans les grands organismes internationaux et dans les centres de décision nationaux, ne doit pas cacher le fait que l approche elle-même souffre d un déficit en matière de fondements théoriques comme dans la définition de son champ d analyse. Deux voies s ouvrent aux SI : (i) s accepter comme une théorie institutionnaliste des économies modernes, abandonner le déterminisme technologique et rejoindre les approches «généralistes» en économie ; (ii) rechercher ses fondements du 18 Voir Théret [2001].

10 côté de la microéconomie évolutionniste, assumer le déterminisme technologique et renoncer à dialoguer avec les approches institutionnalistes généralistes. On peut souhaite que le courant des SI choisisse la première voie, il est à craindre qu il ne soit naturellement tenté de choisir la seconde. Références Amable B. [2000] Institutional complementarity and diversity of social systems of innovation and production. Review of International Political Economy, 7:4, 645-687. Amable B., Barré R. et Boyer R. [1997] Les systèmes d innovation à l ère de la globalisation. Economica, Paris. Amable B et P. Petit [2001] The Diversity of Social Systems of Innovation and Production during the 1990s. Papier présenté à la deuxième conférence du Centre Saint-Gobain pour la recherche en Economie, La Défense, juin. Arthur B. [1994] Increasing Returns and Path Dependence in the Economy. Ann Arbor: University of Michigan Press. Boyer R. [1986] La théorie de la régulation. Une analyse critique. La Découverte, Paris. Boyer R. et Y. Saillard (Eds) [1995] Théorie de la régulation. L Etat des Savoirs. La Découverte, Paris. Breschi S. Malerba F. [1997], Sectoral systems of innovation: technological regimes, Schumpeterian dynamics and spatial boundaries in Edquist C. (ed.), Systems of Innovation, F. Pinter, London David P. [1994] Why Are Institutions the Carriers of History? Notes on Path-Dependence and the Evolution of Conventions, Organisations and Institutions. Structural Change and Economic Dynamics. Vol.5, 205-220. Dosi G. [1988] Sources, procedures and microeconomic effects of innovation, Journal of Economic Literature, vol.26, 157-178. Edquist C. (ed.) [1997], Systems of innovation, Frances Pinter, London Freeman C. [1987] Technology Policy and Economic Performance. Lessons from Japan. London; Pinter Freeman C. [1995] The National System of Innovation in Historical Perspective. Cambridge Journal of economics. 19(1), 5-24. Hall P. et Taylor R. [1997] La science politique et les trois néo-institutionnalismes. Revue Française de Sciences Politiques, vol. 47 n 3-4, 469-496. Hollingsworth J.R. [2000] Doing institutional analysis: implications for the study of innovations. Review of International Political Economy, 7:4, 595-644. Johnson A. [2001] Functions in Innovation Systems Approaches. Papier présenté à la Conférence DRUID en homage à Nelson et Winter, Aalborg, juin.

11 Johnson A. et S. Jacobsson [2000] The emergence of a growth industry: a comparative analysis of the German, Dutch and Swedish wind turbine industry. Mimeo Chalmers. Kaldor N. [1981] The role of increasing returns, technical progress and cumulative causation in the theory of international trade and economic growth. Economie Appliquée 34(6) 633-648. Lundvall, B.-A. (ed.), 1992, National Systems of Innovation. Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning, London: Pinter. Malerba F. [1999] Sectoral Systems of Innovation and Production. Paper presented to the DRUID conference on National Systems of Innovation, Aalborg. Malerba F. [2001] Technological regimes and sectoral systems of innovation in Europe. Papier présenté à la deuxième conference du Centre Saint-Gobain pour la recherche en Economie, La Défense, juin. Nelson, R.R. (ed.), (1993), National Innovation Systems. A Comparative Analysis, Oxford : Oxford University Press. Saxenian A. [1994] Regional Advantages, Harvard University Press, Cambridge Smith K. [1998] Innovation as a systemic phenomenon : Rethinking the role of policy. Draft. Théret B. [2001] Institutions et institutionnalismes: vers une convergence des conceptions de l'institution. La Lettre de la Régulation n 35.

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13 Tableau 2. Les différentes conceptions des systèmes, centrés sur l'innovation ou non. Approche institutionnalisme Composantes du système Complémentarité institutionnelle SNI à la Freeman Ex.: Freeman [1987] SNI de "l'école scandinave" Ex.: Lundvall et al. [1992] SNI à la Nelson Ex.: Nelson et al. [1993] Systèmes Sociaux de Production Ex.: Hollingsworth [2000] Variétés de capitalisme Ex.: Soskice [2000] Systèmes Sociaux d'innovation et de production Ex.: Amable et al. [1997] Principalement IH Principalement IS Principalement IS Principalement IS, aussi IH ICR et IH IH et ICR Politiques éducatives et technologiques; organisation interne des firmes Interactions entre utilisateurs et producteurs autour de certaines techniques. Références à un contexte plus large, qui reste largement sous-théorisé. Principalement le système scientifique et technique Six composantes institutionnelles Mode de coordinations entre firmes, entre finance et industrie et modes de négociations salariales Six sous-systèmes: science, technologie, industrie, relation salariale, système de formation, système financier Capacité à définir des objectifs de croissance à long terme en combinant le mode de gestion des firmes, le système éducatif et la politique technologique Complémentarités techniques autour de technologies communes à certaines activités industrielles, références culturelles communes, politiques nationales. Pas très explicites. Spécifiques à chaque pays En référence aux normes sociales fondamentales; isomorphisme social Dans la manière de gérer la coordination entre agents et dans la définition d'engagements crédibles. Par ex. entre Banque Centrale et partenaires des négociations salariales. Par combinaison des incitations définies par les institutions opérant au sein de chaque soussystème. Hiérarchie des institutions Prépondérance de la dimension volontariste des politiques publiques Primat de la technologie (en fait la connaissance) et de l'apprentissage Déterminisme technologique Hiérarchie par la stabilité; du plus stable (valeurs, normes) au plus variable (output et performance) Dépend des compromis politicoéconomiques. Varie au cours du temps Dépend de la période historique considérée

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