LA PROTECTION SOCIALE, LES SERVICES PUBLICS ET LE ROLE DE L ETAT

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Transcription:

LA PROTECTION SOCIALE, LES SERVICES PUBLICS ET LE ROLE DE L ETAT Matthew Martin Directeur, Development Finance International Le Role de la Banque Mondiale et du FMI dans les pays arabes en transition Tunis, le 2 decembre 2014

L EVOLUTION DU ROLE DU FMI Historiquement, le rôle du FMI dans la définition du rôle de l état était plus large par ex. des recommandations sur la privatisation des entreprises/services Mais maintenant le mandat est plus focalisé - aux questions macro-économiques (budget, politique monétaire, secteur financier et externe) Donc premier rôle dans «privatisation» plutôt jouée par la Banque Mondiale (privatisation des pensions, PPPs etc) Influence du G20/grand pays qui dirigent le FMI: en 2008-2010 favorable a dépenses additionnelles pour lutter contre la crise; depuis 2010 (changement de plusieurs gouvernements) plutôt l austérité réduction des déficits budgétaires et dettes.

LE ROLE ACTUEL DU FMI - FISCAL Role du FMI est dans la politique fiscale sur les dépenses sociales. Image du FMI comme destructeur des services sociaux avec des énormes réductions de dépenses en réalité dépend de la situation du pays sa marge fiscale («fiscal space»), ses priorités politiques, et sa capacité de négocier avec le FMI Le FMI ne commence pas avec une détermination de réduire les dépenses sociales. Il commence avec sa vision de la situation macroéconomique avec une préférence pour un niveau d inflation <5%, un déficit budgétaire <3% du PIB (si finançable sans hausse rapide de dette), et une dette <60% du PIB et viable au long-terme Très souvent des pays qui demandent une assistance du FMI sont dans une crise fiscale avec déficits/dettes très élevées et la négociation tourne autour de la vitesse de leur réduction

EXPERIENCES AVEC LE FMI Réductions importantes des dépenses publiques dans beaucoup de pays, surtout récemment en Europe. Reflètent les déficits élevés après la crise, la volonté politique des gouvernements de couper les dépenses > augmenter les impôts, et la pression UE pour «critères de convergence» Pays a revenu intermédiaire - plusieurs avec réductions significatives a cause des crises budgétaires, mais dans beaucoup de pays (en général hors programme FMI), hausses rapides de leur dépenses surtout protection sociale Pays a faible revenu depuis 1990, augmentation marginale des dépenses sociales (avec allégement de dette), bien en dessous des besoins, réductions depuis 2011 mais plusieurs exemples de pays avec renforcement de protection sociale Tunisie? Dépenses totales de 31% a 34% du PIB depuis 2008, et 50% en termes réelles depuis 2006. Mais réduction rapide des dépenses est prévue a 31% du PIB en 2016.

COMMENT PROTEGER LES DEPENSES (1) Au gouvernement/pays de montrer qu il est capable de financer le niveau de déficit prévue: s il réussit, la réduction du déficit exigée par le FMI devrait être plus graduel avec plus de marge pour protéger les dépenses sociales. Sinon, le FMI cherchera des hausses de recettes et des réductions de dépenses pour combler le déficit. Donc l opposition aux réductions de dépenser doit insister sur les perspectives de: a) augmenter recettes budgétaires («équitablement»avec un combat contre l évasion fiscale, une élimination des exonérations, et une hausse des taxes sur la richesse); b) mobiliser des financements additionnels plus importants (y compris un allégement de la dette si nécessaire) et c) réduire les autres dépenses (défense, service de dette)

COMMENT PROTEGER LES DEPENSES (2) En considérant les dépenses, le FMI examine en premier le niveau des dépenses. Si dépenses sociales/totales ou dépenses sociales/pib plus élevées que pays comparables (en général pays du moyen orient et de l Afrique du nord), le FMI demandera des réductions plus importantes. Besoin de justifier maintien des niveaux de dépenses/pib, termes réelles, comparer avec pays voisins/pri. Pour la comparaison, utiliser plusieurs sources internationales: Government Spending Watch - première base de données globale sur les dépenses sociales créé par DFI et Oxfam 70 pays y compris Tunisie a partir de 2015; rapports analytiques + site avec meilleurs exemples de campagnes pour protéger les dépenses sociales (www.governmentspendingwatch.org) ONU - BIT sur protection sociale, UNESCO éducation etc

SEUILS DE DEPENSES SOCIALES Pratique récente du FMI (en partie réponse aux critiques du passé par la société civile) = social spending floors seuil minimum de dépenses sociales que le gouvernement s engage a dépenser. Définitions et niveaux très variables voir étude DFI pour Save the Children sur rôle du FMI dans les PFR disponible sur www.governmentspendingwatch.org Existe déjà dans programme Tunisie mais limitée aux dépenses de capital pas clair si seulement nouveaux investissements (construction d écoles et cliniques). Faut assurer que toutes les dépenses sociales (secteurs - éducation, santé, protection sociale, eau et assainissement, logement social) et les dépenses «courantes» (salaires etc) entrent dans la définition pour assurer qu elles sont protégées contre des réductions pendant l année

L EFFICACITE DES DEPENSES FMI analyse aussi l efficacité des dépenses (en principe la Banque Mondiale mais de plus en plus rôle joué par le FMI) par ex., position très forte contre subventions énergétiques et alimentaires surtout en Afrique du nord et au moyen orient ou ils absorbent beaucoup des budgets. Disent que (surtout pour l énergie) bénéficient plus a la classe moyenne mais donc leur réduction risque de provoquer des réactions politiques très négatives - séance dans séminaire hier a discutée longuement sur ces questions essentiel d analyser l impact de toutes les dépenses sociales (et des impôts) y compris les subventions, sur la pauvreté et l inégalité, pour les justifier au maximum assurer qu un % élevé de l épargne pour le budget est mis dans des programmes globales de protection sociale AVANT la réduction des subventions mobiliser des conseils des organisations telles que la BIT et des PRI qui ont protégé/élargi leur protection sociale

LES DEPENSES COURANTES FMI démontre une préférence pour les dépenses d investissement plutôt que dépenses courantes tendance a voir les salaires des employés publiques comme terrain important de réduction des dépenses, et (dans le passée) a recommander paiements pour médicaments etc Tendance a analyser le montant total des salaires comme % du PIB ou des dépenses totales et identifier ce qui peut être réduit surtout travailleurs fictifs, distorsions dans niveaux de salaires etc Très critique dans le passé pour impact négatif sur fuite des employés dans les secteurs d éducation et de santé, et sur la qualité des services publics donc plus réticent actuellement a imposer des réductions Besoin d analyser comparaison avec autres pays, et surtout impact sur la qualité des services et l accès des couches les plus pauvres aux services publics

ROLE DES SECTEURS PUBLIC ET PRIVE En principe, le FMI ne devrait pas avoir une position préalable sur qui fournit les services sociales, ni sur la privatisation des fonds de sécurité sociale ou des fonds de retraite. Devrait décider seulement sur la base de l impact sur le déficit budgétaire et le cout pour le budget (et le niveau et qualité des services). Pourtant, dans les années 1990 et 2000, avait une hypothèse que la privatisation pourrait réduire le cout pour le budget ou éliminer des gaps de financement dans les fonds publics Depuis, toutes les analyses indépendantes ont démontré que ces privatisations ont augmenté les couts et réduit la qualité des services ou financements reçus, parce que beaucoup de fonds ont été perdus dans les frais des gestionnaires provenant du secteur financier. Comme suite, presque toutes les privatisations ont été annulées - surtout en Asie et Amérique Latine (voir BAsD, CEPAL, BIT). Donc FMI plus réticent a prononcer sur secteur public ou prive (en contraste avec le SFI de la Banque Mondiale)

CONCLUSIONS Pas inévitable qu un programme FMI amène des réductions de dépenses sociales et des services publics, ni une réduction du rôle de l état La capacité du pays a protéger ces dépenses dépendra de la volonté du gouvernement, et de la capacité de la société civile pour lutter contre des réductions La présentation a mis l accent sur les aspects analytiques qui peut vous aider a protéger les dépenses mais il faut aussi insister sur les besoins pour atteindre les objectifs nationaux de développement (ainsi que les internationaux post-2015), ainsi que sur l impact négatif des réductions potentielles Mais l aspect politique est même plus important mobiliser des alliances de société civile et de gouvernements sympathiques au Printemps Arabe Veiller a ce que Mme Lagarde et le FMI tiennent aux discours (par ex. en Jordanie/Maroc en mai 2014) promettant de rendre les dépenses publiques plus équitables, renforcer l éducation, la santé et la protection sociale, et promouvoir la «croissance inclusive dans le monde arabe».