Annexe. Aperçu statistique sur l état de la précarité et de la pauvreté à Liège



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Transcription:

Annexe Aperçu statistique sur l état de la précarité et de la pauvreté à Liège Observatoire communal de la Pauvreté et de la Santé Échevinat des Services sociaux, de la Famille et de la Santé - Ville de Liège 55

À l occasion de «2010, Année européenne de lutte contre la pauvreté et l exclusion sociale» et en prévision du colloque «Pauvreté : mieux la comprendre pour mieux agir» du 9 mars 2010, nous avons rassemblé différentes données statistiques dans le document qui suit afin de donner un aperçu de l état de la précarité et de la pauvreté tant en Belgique, en Wallonie qu à Liège. Lorsque des données plus récentes existent, elles ont été actualisées (janvier 2011). 1- La pauvreté en Belgique 1.1. Le revenu Selon les résultats de l enquête UE-SILC (1) de 2009 (revenus 2008), 14,6 % de la population belge, soit environ 1 personne sur 7, vivent sous le seuil de risque de pauvreté, c est-à-dire plus de 1.530.000 personnes vivant avec moins de 966 euros net/mois pour un isolé et pour une famille de 2 adultes avec 2 enfants, avec 2.029 euros net/mois. On note toutefois d importantes disparités régionales statistiquement significatives : - en Flandre, 10,1 % de la population vivent sous le seuil de risque de pauvreté (un des taux les moins élevés d Europe avec les Pays-Bas et l Autriche) ; - en Wallonie par contre, c est 18,4 % de la population qui court un risque accru de pauvreté (taux plus ou moins similaire à celui du Portugal). Au-delà des disparités régionales, le risque de pauvreté général marque d importantes lignes de fracture entre différents groupes socio-démographiques et socio-économiques en Belgique. Ainsi, les personnes et groupes de personnes exposés au plus grand risque de pauvreté en Belgique sont : - les retraités/pensionnés (17,8 %) et les plus de 65 ans (21,6 %) ; - les femmes (15,7 %) courent un risque plus élevé que les hommes (13,4 %) ; - les chômeurs (très nettement avec 33,4 %) ; - les locataires (28,6 %) dont le risque de pauvreté est trois fois supérieur à celui des propriétaires (9,7 %) ; - les personnes isolées (21,9 %) et en particulier les familles monoparentales (36,9 %) constituent un groupe particulièrement vulnérable. (1) Informations techniques EU-SILC (European Union Statistics on Income and Living Conditions) est une enquête européenne sur les revenus et les conditions de vie et constitue un outil important permettant d établir, tant au niveau belge qu européen, une cartographie de la pauvreté et de l exclusion sociale. En ce qui concerne la Belgique, l enquête EU-SILC est organisée par la Direction générale Statistique et Information économique (anciennement I.N.S.) - du SPF Économie, P.M.E, Classes moyennes et Énergie. C est un panel que l on interroge chaque année sur les revenus et les conditions de vie et qui se compose à la fois de personnes déjà interrogées précédemment et de nouveaux répondants. 56

Ces disparités sont beaucoup plus flagrantes lorsqu on éclate le taux national pour l observer sous l angle des régions. Ainsi par exemple, comme le montre le tableau ci-dessous, le taux de risque de pauvreté pour un chômeur wallon est 40 % plus élevé que pour un chômeur flamand (19 %) ; les jeunes 16-24 ans de Wallonie ont un taux de risque de pauvreté de 21,1 % contrairement à leurs congénères du nord qui ne présentent qu un risque de pauvreté de «seulement» 8,1 %. TABLEAU 1 Pourcentage de risque de pauvreté Enquête EU-SILC 2009 Caractéristiques Région flamande Région wallonne Belgique Hommes 9,2 16,2 13,4 Femmes 11,1 20,5 15,7 0-15 ans 9,8 21,7 16,4 16-24 ans 8,1 21,1 16,2 25-49 ans 6,5 14,5 10,8 50-64 ans 9,3 16,4 12,9 65 ans et + 20,2 23,2 21,6 Travailleurs 3,2 6,3 4,6 Chômeurs 19 40 33,4 Retraités/Pensionnés 17 18,6 17,8 Population inactive - autre 18,2 29,5 25,5 Propriétaires 7,7 12,2 9,7 Locataires 19,1 36,7 28,6 Le communiqué de presse de la Direction générale statistique et information économique (2) posait la question suivante : «Les résultats que nous venons d énoncer sont-ils en contradiction avec l actualité qui fait souvent état d une augmentation de la pauvreté?» et d y répondre : «La réponse est (provisoirement) non!» En effet, comme nous l avons déjà dit, les résultats présentés ici sont calculés sur base des revenus de 2008. L impact de la crise financière ne s y trouve pas encore ou, tout au moins, pas entièrement. Par exemple, on n y retrouve pas encore l augmentation importante du nombre de personnes recevant le revenu minimum d intégration. Ces résultats permettent cependant d exclure une augmentation généralisée de la pauvreté dans une large population jusqu en 2008 y compris. Cependant, pour bien se rendre compte de l effet de la crise, nous avons repris les résultats de la même enquête en retenant l item de la «pauvreté subjective». Contrairement à la «pauvreté monétaire» qui est basée sur les revenus de la totalité de l année calendrier précédant l enquête, c est-à-dire les revenus de l année 2008 pour EU-SILC 2009, la «pauvreté subjective», elle, est basée sur l estimation que font les répondants de leur difficulté (2) Communiqué de presse du 6 décembre 2010 du SPF Economie, PME, Classes Moyennes, Direction générale statistique et information économique du SPF économie (anciennement INS). 57

à «joindre les deux bouts» au moment de l interview. Ces résultats, au contraire de ceux de «pauvreté monétaire», se réfèrent donc à l année de crise 2009 et plus spécialement au printemps de cette année puisque la majorité des interviews ont eu lieu d avril à juin. Ainsi, en 2009, 21,1 % des Belges indiquaient avoir des difficultés ou de grandes difficultés à «s en sortir» ; ce qui représente plus de 2.000.000 de personnes vivant dans une «pauvreté subjective». Ce pourcentage est similaire à celui enregistré en 2008 mais il confirme également la cassure entre 2008 et les années précédentes. En résumé, nous pouvons dire qu à partir de 2008, un plus grand nombre de personnes indiquent avoir des difficultés à s en sortir. 1.2. Le logement 1.2.1. Les pauvres démunis de confort D après cette étude, globalement, les logements des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont systématiquement moins confortables que ceux des gens ne vivant pas dans la pauvreté. Ainsi, on constate par exemple que : - 21,6 % des personnes en risque de pauvreté considèrent qu elles sont confrontées à un manque de place dans leur logement, contre 10 % de la population totale ; - plus d un quart des pauvres (25,5 %) ne disposent pas du chauffage central dans leur logement contre 12 % parmi les personnes vivant au-dessus du seuil de pauvreté. 1.2.2. Les locataires sont en général défavorisés en matière de logement La comparaison entre locataires et propriétaires montre également des disparités très fortes en matière de logement ; les locataires étant systématiquement moins bien logés que les propriétaires. Ainsi : - 20 % des locataires se déclarent insatisfaits ou très insatisfaits de leur logement, contre moins de 9 % des propriétaires ; - 23,3 % des locataires se plaignent aussi du manque de place dans leur logement contre 5,6 % des propriétaires ; - ils sont également 15 % à ne pas pouvoir obtenir une chaleur suffisante en hiver par leur moyen de chauffage ou l isolation de leur maison, contre 3 % seulement des propriétaires. 1.3. La santé En matière de santé, le constat n est pas neuf : les inégalités en matière de santé s accentuent au sein des pays occidentaux, et c est invariablement aux dépens des populations socialement défavorisées. La Mutualité Chrétienne (MC) a objectivé le constat en 2008 sur base des données de ses 4,5 millions de membres. Le rapport montrait entre autres que : - le groupe des moins favorisés a un risque de décès dans l année de 45 % supérieur par rapport au groupe des mieux nantis ; - la fréquence de maladies pulmonaires comme la Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive (B.P.C.O.) ou les troubles cardiaques est d environ 15 % supérieure parmi les populations pauvres, et ce par rapport aux plus riches ; - la classe la plus défavorisée présente un risque de tomber en invalidité, au cours de l année, qui est de 66 % supérieur à celui de la classe la plus favorisée ; - la catégorie des revenus les plus faibles a un taux de consommation d antidépresseurs supérieur de 14 % à celui de la catégorie des revenus les plus élevés ; - les dépistages du cancer du sein et du cancer du col de l utérus touchent moins bien les classes défavorisées, où le taux de participation est de 15 à 20 % inférieur à celui des classes supérieures. Pour ce qui est du recours aux soins dentaires préventifs, l écart est même de 36 %. 58

1.4. Enfance et inégalité sociales Les inégalités sociales se marquent également dès l enfance. Dans son rapport annuel publié en 2009, l Office de la Naissance et de l Enfance (O.N.E.) montre comment les inégalités sociales de santé s accentuent et frappent les enfants dès leur plus jeune âge. Ainsi, selon ce rapport, l enfant issu de familles socialement et économiquement défavorisées part avec 3 handicaps : excès pondéral, santé bucco-dentaire et langage sont les trois aspects problématiques chez les enfants de 9 mois à 2 ans et demi. - 6 % des enfants de 30 mois en surpoids parmi les familles défavorisées ; - la santé bucco-dentaire : on constate aujourd hui un net progrès dans ce domaine mais on trouve cependant deux à trois fois plus de caries parmi les populations fragilisées selon l O.N.E. ; - en analysant l acquisition du langage chez les enfants de 30 mois, l O.N.E. a pu constater un plus grand nombre d enfants présentant un retard de langage dans les familles où le niveau d études des parents est plus faible mais aussi où le revenu est moindre. La proportion peut aller du simple au double entre les familles. Or, il est prouvé qu un retard de langage présent en début de scolarisation interfère sur le parcours scolaire ultérieur et la réussite à l école ; - à propos de réussite scolaire, une épreuve externe identique pour toute la Communauté française pour dresser un état des lieux des apprentissages, révèle que le nombre d élèves qui connaissent des difficultés augmente de la 2 e à la 5 e primaire ainsi que de la 5 e primaire à la 2 e secondaire. Selon la Directrice du service de pilotage du système éducatif en Communauté française, «non seulement l école ne réussit pas à aider les élèves en difficulté, mais en plus leur nombre augmente» (3). 2- La pauvreté en Wallonie En matière de pauvreté en Wallonie, quelques chiffres interpellent : 2.1. le Chômage Selon le Forem, décembre 2010 voit le nombre de demandeurs d emploi diminuer de 4,2 % par rapport à décembre 2009. Fin décembre 2010, la Région wallonne dénombre un total de 217.873 personnes demandeurs d emploi. Parmi ces personnes : - 51 % sont des hommes ; - 23 % sont âgées de moins de 25 ans ; - 52 % n ont pas dépassé le niveau de l enseignement secondaire du second degré ; - 43 % ont une durée d inoccupation de plus de deux ans. Ainsi, les jeunes et les seniors restent les plus touchés : + 9,3 % parmi les moins de 25 ans ; + 9,9 % auprès des 25 à 30 ans ; + 9,6 % parmi les demandeurs d emploi âgés de 50 ans et plus. Bonne nouvelle, selon les chiffres diffusés par le Forem début janvier 2011 (www.forem.be), la Wallonie termine l année 2010 avec un taux de chômage de 14,1 % contre 14,7 % en décembre 2009. La Flandre, selon les chiffres de la VDAB (4), affiche un taux de chômage encore plus bas (7,7 %) ; c est-à-dire un rapport de 1 à 2 avec la Wallonie. Comme on le voit, même si le taux de chômage a diminué en Wallonie, il reste néanmoins un des plus élevés du pays, voire d Europe. (3) Journal «La Libre Belgique», jeudi 4 mars 2010. (4) Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding, l Office flamand de l emploi et de la formation professionnelle ; l équivalent du Forem en Wallonie. 59

2.2. Handicap rime avec pauvreté 36 % des personnes handicapées vivent en dessous du seuil de pauvreté en Wallonie tout en supportant de lourdes dépenses liées au handicap. 2.3. Le Revenu d Intégration Sociale (R.I.S.) Le nombre de bénéficiaires du Revenu d Intégration Sociale (R.I.S.) est en augmentation régulière : 34.034 en 2005 et 39.075 au 1 er juillet 2009 avec une progression plus marquée ces derniers mois (chiffre provisoire 2010 : 42.138). 3. La pauvreté à Liège La situation que vivent les personnes très pauvres aujourd hui semble se dégrader au fil des mois et des années. Plusieurs indicateurs de pauvreté sont dans le rouge à Liège. C est le cas notamment des chiffres du chômage, des personnes bénéficiaires du R.I.S., du surendettement, de l accès aux soins de santé Toutes ces données sont reprises dans cette partie du document. 3.1. Le chômage et l impact de la crise sur le marché du travail Selon le Forem, les premiers effets de la crise financière et économique sont apparus à Liège dès la fin de l année 2008 et se sont traduits par : - le fléchissement de l activité intérimaire ; - le recours massif au chômage temporaire des ouvriers (plus marqué dans certaines secteurs : construction, fabrication de machines et d équipements, services aux entreprises, fabrication métallique, transport et communications) ; - le ralentissement des embauches et la diminution du volume d offres d emploi ; - l augmentation du nombre de faillites (touchant surtout le commerce, l HORECA, la construction et les services aux entreprises) et de licenciements collectifs ; - l augmentation du nombre de demandeurs d emploi. Par conséquent, la Ville de Liège a enregistré un taux de 27,56 % de Demandeurs d Emploi Inoccupés (D.E.I.) au mois de janvier 2010 (soit plus de 53.000 personnes) contre 26,31 % à la même période en 2009. 3.2. L action du CPAS de Liège Parallèlement à l augmentation du nombre de demandeurs d emploi, le nombre de personnes «aidées» par le CPAS de Liège ne cesse d augmenter, comme le confirme le tableau suivant : Évolution du nombre de personnes aidées par le CPAS de Liège de 2005-2010 Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010* R.I.S. 6.427 6.759 6.834 6.763 7.114 7.519 Aide-Soc. 1.983 1.926 2.015 1.895 1.889 3.071 Total 8.410 8.685 8.849 8.658 9.003 10.590 * Moyenne des 10 premiers mois de l année. Les données des 2 derniers mois n étant pas entièrement disponibles à l heure actuelle. En 2009, 9.003 personnes, en moyenne, ont été aidées par le CPAS contre 8.658 en 2008, soit une variation de près de 4 %. Parmi ces personnes, 79 % d entre elles ont bénéficié d un Revenu d Intégration Sociale (R.I.S.), ce qui représente, en 2009, 7.114 personnes, contre 6.769 en 2008. Au niveau du R.I.S., les femmes occupent une place prépondérante. Elles représentent 52 % des bénéficiaires contre 48 % pour des hommes. 60

L année 2010 est marquée par une nette augmentation du nombre de personnes ayant eu recours à l aide du CPAS de Liège. Ainsi, de 9.003 personnes en 2009, les 10 premiers mois de 2010 montrent une augmentation de plus de 17,62 % du nombre de bénéficiaire du R.I.S. et de l aide sociale ; soit 10.590 personnes en moyenne. Ces chiffres démontrent à souhait l analyse faite précédemment quant aux effets de la crise économique et financière sur les ménages en général et sur la population liégeoise en particulier. Parmi ces personnes aidées par le CPAS de Liège : - 52,24 % sont des hommes (soit 5.533 personnes) ; - 47,75 % des femmes (soit 5.057 personnes). 3.3. L accès aux soins de santé à Liège Bien qu il soit difficile, voire impossible, de chiffrer à l unité près le nombre de personnes à Liège n ayant pas accès aux soins de santé, les chiffres du «Relais Santé du CPAS de Liège» indiquent qu en 2009, 3.412 personnes différentes en difficulté d accès aux soins ont été reçues contre 2.268, 5 ans auparavant. Le graphique ci-dessous détaille les catégories de personnes fréquentant le service et révèle l augmentation quasi exponentielle du nombre de demandeurs d asile qui est passé en 2 ans de 313 à 682 personnes ; soit une variation de 54,10 %. 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 demandeurs d asile illégaux autochtones 400 200 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2004 2005 2006 2007 2008 2009 dem. d asile 87 134 221 480 313 682 illégaux 891 1.247 1.368 1.385 1.653 1.564 autochtones 871 887 749 884 1.176 1.166 Total 1.849 2.268 2.338 2.749 3.142 3.412 3.4. Logement Les inégalités se marquent également dans l accès au logement public à Liège. Par exemple au Logis social de Liège : 2.303 demandes accordées pour 3.714 candidats-locataires refusés, soit un pourcentage de refus de 62 % en 2009. Ce pourcentage de refus était de l ordre de 48 % il y a 5 ans. Un autre paramètre pris en considération dans cette analyse est le nombre de personnes qui fréquentent l abri de nuit de Liège. Là aussi, on constate une augmentation significative d année en année. Ainsi, alors qu en 2008, 870 personnes ont eu 7.323 nuitées, ce chiffre est passé à 1.004 personnes en 2009 pour 7.169 nuitées. Autrement dit, il y a eu plus de personnes que de «nuitées disponibles». Certes, les Belges restent majoritaires 61

dans le taux de nuitées mais la population étrangère hors Union européenne et les inconnus (c est-à-dire les candidats réfugiés et les illégaux) a fortement augmenté en 2009 passant de 36,90 % à 43,53 %. Cette tendance à la hausse se confirmerait dans les chiffres de 2009 en cours de traitement selon les dires de la responsable du service. 3.5. Le revenu des liégeois Même si le revenu moyen par habitant à Liège a augmenté sur les exercices 2007-2008 passant de 12.120 euros pour l exercice 2007 à 12.439 euros en 2008, il reste néanmoins largement en dessous de la moyenne belge qui est de 14.691 euros. Par ailleurs, sur la même période, l indice de richesse (5) de Liège, déjà en-deçà de la moyenne belge a baissé de 1 %. Ce qui le fait passer de 86 à 85 % (moyenne belge 100). Cela signifie que Liège est 15 % moins riche que la moyenne nationale. À titre de comparaison, l indice de richesse de la Ville de Gand est de 106. Ce qui veut dire qu un Gantois est en moyenne 6 % plus riche qu un Belge et 21 % plus riche qu un Liégeois. 3.6. Le surendettement C est sûrement l effet d une certaine paupérisation de la population liégeoise qui provoque une augmentation vertigineuse des situations de surendettement. En 2009, le Tribunal du Travail a enregistré 1.487 nouveaux dossiers de règlement collectifs de dettes, soit 120 nouveaux cas par mois. À cela, il faut ajouter 334 nouveaux dossiers en médiation de dettes introduits par le CPAS de Liège, chiffre qui ne cesse d augmenter, passant de 261 en 2007 à 280 en 2008. Parmi ces dossiers de surendettement : - 23 % des dossiers concernent des familles ; - 65 % des personnes suivies en médiation de dettes sont sans emploi contre 26,5 % de salarié et 7,9 % de retraités. Selon la Présidente de ce même Tribunal, «il ne s agit pas de dettes liées à des dépenses de luxe, de vacances ou du superflu. Au contraire : de plus en plus de familles n arrivent plus à payer leurs factures courantes pour l électricité, l eau, le chauffage, le loyer, ou même à faire leurs courses sans avoir recours au crédit» (6). 3.7. D autres indicateurs On pourrait ajouter à ces chiffres, ceux : - des colis alimentaires qui, selon la Banque alimentaire de la Province de Liège, a enregistré une augmentation de +/- 10 % ; - des Personnes Sans Domicile fixe (S.D.F.) aidées par le CPAS : 936 (739 hommes-197 femmes) en 2009 ; - des «indigents» ou personnes non réclamées enterrées par la Ville de Liège (117 en 2009) ; - des tickets «Article 27» distribués dans l agglomération liégeoise pour favoriser l accès à la culture des personnes défavorisées (plus de 27.000 coupons à environ 9.500 personnes différentes) ; - le taux de fréquentation des services sociaux, de l abri du jour Tous ces indicateurs, à quelques rares exceptions, connaissent la même courbe ascendante depuis 5 ans à Liège. (5) L indice de richesse est la comparaison entre le revenu moyen par habitant d une commune, arrondissement, province ou région avec le revenu moyen national par habitant pour une année donnée. L indice de richesse du Royaume est égal à 100. Par exemple, un indice de richesse de 110 signifie que le revenu moyen par habitant est de 10% plus élevé pour l année examinée. (6) Journal «La Meuse», 8 janvier 2010. 62

Conclusion Toutes ces données prouvent, si besoin en est, que les situations de précarité et de pauvreté ne cessent d augmenter dans notre pays et plus particulièrement à Liège. D où la volonté du pouvoir politique, en cette année européenne de lutte contre la pauvreté et l exclusion sociale, d élaborer un plan ambitieux pour lutter concrètement contre le phénomène de pauvreté sur le territoire communal. Enfin, nous avons tenté dans ce rapport de dresser un certain état de la situation sociale en Belgique, en Wallonie et à Liège par le biais de quelques données statistiques. Comme le disaient les auteurs du portrait social de la Wallonie (7), il est clair que derrière la froideur des nombres, l impersonnalité d une moyenne, on escamote la souffrance et la révolte des uns, l indifférence et l égoïsme des autres. Il demeure que pour critiquer la traduction en chiffre de la pauvreté, il faut disposer d un minimum d informations statistiques. C est ce que nous avons tenté de faire dans ce document. Sources - Quotidien «La Meuse» : «Crise, tendance inquiétante. Liège, encore plus de surendettés», 8 janvier 2010 - CPAS de Liège pour les données statiques du RIS, aide sociale équivalente au RIS - Le «Relais santé» pour les statistiques relatives à l accès aux soins de santé - L «Urgence sociale» pour les statistiques sur l Abri de nuit - Le Cabinet du CPAS pour le nombre d indigents, les tickets «article 27» - Périodique Cpas+ de la Fédération des CPAS de Wallonie ; janvier 2010 n 1 - L Observatoire communal de la Pauvreté, rapport d enquête «Regards sur la Pauvreté à Liège», janvier 2003 - L IWEPS (Institut Wallon de l Étude, de la Prospective et de la Statistique) : http://statistiques.wallonie.be/default. shtml - Le Forem : http://www.leforem.be/ - La fédération des banques alimentaires de Belgique : http://www.voedselbanken.be/bkafr/bka6001f.htm - Le SPF Économie, P.M.E., Classes moyennes et Énergie (anciennement INS) : http://statbel.fgov.be/ - SPP Intégration sociale lutte contre la pauvreté et économie sociale : http://www.mi-is.be/be_fr/02/doebtest/index. html (7) CREPP, «Portrait social de la Wallonie», Université de Liège, 1995 63