Gestion et indemnisation des travailleurs victimes de l amiante



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BDEI 381 La publication du barème du Fonds d indemnisation des victimes de l amiante (FIVA) le 21 janvier 2003 a ouvert, pour les travailleurs victimes de l amiante, une nouvelle voie d indemnisation. Quatre ans plus tard, la double question de la gestion des travailleurs de l amiante et des victimes de ces fibres a encore évolué notamment grâce à des apports réglementaires et des précisions jurisprudentielles. En outre, plusieurs rapports parlementaires récents contribuent à faire avancer la réflexion sur la façon de gérer et d indemniser les travailleurs victimes de l amiante en France. Gestion et indemnisation des travailleurs victimes de l amiante Par Armelle SANDRIN Avocat à la Cour Shearman & Sterling LLP Plusieurs rapports parlementaires récents ont eu pour objet d étudier les conséquences de l amiante dans notre société : celui de la Cour des comptes, présenté à la commission des affaires sociales du Sénat en mars 2005 (1), celui du Sénat au nom de la mission commune d information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l amiante du 20 octobre 2005, et le rapport sur le même thème, publié par l Assemblée nationale le 22 février 2006. Ces rapports, qui dénoncent de manière générale le drame de l amiante en France, ont permis de faire le point sur les premières années d existence du FIVA, sur les évolutions jurisprudentielles en matière d indemnisation et de responsabilité pour exposition à l amiante, et de proposer des améliorations réglementaires. En effet, le système actuel de gestion et d indemnisation des victimes de l amiante, et plus particulièrement des travailleurs exposés à cette fibre, leur paraît perfectible. C est ce système qui va être brièvement décrit dans la présente note. Le système d allocation de cessation anticipée d activité des travailleurs de l amiante (ACAATA) permet à des travailleurs qui ont été exposés à l amiante de bénéficier d une préretraite, même s ils n ont pas (ou pas encore) développé de maladie liée à cette exposition (I.). De son côté, le Fonds d indemnisation des victimes de l amiante offre aux personnes ayant développé une maladie liée à l amiante, ou à leur ayants droit, un mode non contentieux de réparation intégrale de leurs préjudices (II.). Enfin, les juridictions continuent d être sollicitées pour trancher les conflits liés à l indemnisation des victimes de l amiante et à la détermination des responsabilités (III.). I. LA GESTION DES TRAVAILLEURS DE L AMIANTE AU TRAVERS DE L ACAATA L article 41 de la loi n 98-1194 du 23 décembre 1998, qui a été récemment modifié par la loi n 2006-1640 du 21 décembre 2006, a institué une allocation de cessation anticipée d activité des travailleurs de l amiante (ACAATA). Les personnes exposées au cours de leur vie professionnelle à l inhalation de poussières d amiante peuvent ainsi, sous certaines conditions, cesser leur activité dès 50 ans. Une allocation leur est versée par le Fonds de cessation anticipée d activité des travailleurs de l amiante (FCAATA) jusqu à ce qu elles arrivent à l âge de la retraite prévu par leur régime respectif et touchent la pension instituée par celui-ci. A. L accès à l ACAATA Le droit au bénéfice de cette allocation peut être reconnu de façon collective (en raison de l activité exercée) ou individuelle (en cas de reconnaissance d une maladie professionnelle liée à l amiante). Le dispositif législatif a été précisé par trois décrets d application qui fixent les conditions d accès à l ACAATA, les modalités de détermination de l âge d accès du demandeur à l allocation et du montant de celle-ci. Par souci de clarté, les différents régimes sont présentés dans le tableau suivant : > (1) Rapport publié en annexe du rapport du Sénat sur la gestion du Fonds amiante, 15 avr. 2005. N 0 8 MARS 2007 BDEI 45

GESTION ET INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS VICTIMES DE L AMIANTE Textes de référence Construction et réparation navales Reconnaissance collective Fabrication, flocage, calorifugeage Ports et dockers Reconnaissance individuelle Maladie professionnelle l amiante L. n 98-1194, 23 déc. 1998, art. 41 mod. par L. n 2006-1640, 21 déc. 2006 travaillé dans un établissement figurant sur une liste (Arr. 7 juill. 2000, NOR : MESS0022234A, «construction navale») 2) Avoir un âge déterminé (au moins 50 ans) 3) Avoir exercé un métier figurant sur une liste (Arr. 7 juill. 2000, préc. «construction navale») travaillé dans un établissement figurant sur une liste régulièrement modifiée (Arr. 29 mars 1999, NOR : MESS9920991A, «établissements», mod.) travaillé dans un port pendant des périodes fixées par arrêté (Arr. 7 juill. 2000, NOR : MESS0022235A, «ports») 1) Etre une personne reconnue atteinte d une maladie professionnelle l amiante et figurant sur une liste (Arr. 29 mars 1999, NOR : MESS9920990A, «maladies professionnelles») (2) - au titre du régime général ou - au titre du régime d assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des salariés agricoles D. n 99-247, 29 mars 1999 (régime général) Pas de condition supplémentaire ; le décret précise les modalités de détermination de l âge d accès du demandeur au droit à l ACAATA et du montant de celle-ci D. n 2001-1269, 21 déc. 2001 mod. par D. n 2007-184, 9 févr. 2007 (ouvriers des établissements industriels de l Etat) travaillé dans un des établissements ou parties d établissement de construction et de réparation navales pendant des périodes fixées par arrêté (Arr. 21 avr. 2006, NOR : DEPP0600459A) 2) Avoir exercé une activité figurant sur une liste (Arr. 21 avr. 2006, préc.) 3) Avoir au moins 50 ans 1) Etre une personne reconnue atteinte d une maladie professionnelle l amiante et figurant sur une liste (Arr. 29 mars 1999, préc., «maladies professionnelles») D. n 2006-418, 7 avr. 2006 (fonctionnaires et agents non titulaires du ministère de la Défense) travaillé dans un des établissements ou parties d établissement de construction et de réparation navales du ministère de la défense pendant des périodes fixées par arrêté (Arr. 21 avr. 2006, préc.) 2) Avoir exercé une activité figurant sur une liste (Arr. 21 avr. 2006, préc.) 1) Etre une personne reconnue atteinte d une maladie professionnelle l amiante et figurant sur une liste (Arr. 29 mars 1999, préc., «maladies professionnelles») 3) Avoir au moins 50 ans (2) Affections A, C, D et E du tableau n 30 des maladies professionnelles, et affection figurant au tableau n 30 bis. 46 BDEI MARS 2007 N 0 8

Le décret n 2001-1269 du 21 décembre 2001 ne s appliquait initialement qu aux ouvriers de l Etat relevant du ministère de la Défense, mais son champ d application a récemment été étendu à l ensemble des ouvriers des établissements industriels de l Etat par le décret n 2007-184 du 9 février 2007. Dans ce système complexe, deux principales différences entre les régimes se dégagent. D une part, il s agit de la différence entre le traitement des travailleurs du secteur privé et ceux du secteur public. Ainsi, en ce qui concerne les travailleurs des chantiers de construction et de réparation navales, les salariés du secteur privé peuvent bénéficier de l ACAATA quelle que soit la période à laquelle ils ont travaillé dans l établissement concerné, alors que les travailleurs du secteur public ne peuvent y prétendre que s ils ont travaillé dans l établissement au cours des périodes fixées par arrêté. D autre part, le régime applicable aux personnes travaillant ou ayant travaillé dans un établissement fabricant des matériaux contenant de l amiante, flocages ou calorifugeages est applicable à l ensemble des employés, quelle que soit leur fonction au sein de l établissement. Au contraire, les autres régimes ne sont applicables qu aux personnes exerçant ou ayant exercé l un des métiers définis par arrêté. Par conséquent, on observe que les établissements ayant fabriqué de l amiante ont tendance à utiliser la cessation anticipée d activité «amiante» pour réduire leurs effectifs et gérer leur personnel en fin de carrière. Cette dérive est constatée par les deux rapports parlementaires au nom de la mission commune d information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l amiante (3). Une circulaire du 6 février 2004 de la direction des relations du travail (4) mentionne l utilisation de l ACAATA comme «instrument de gestion l emploi, contrairement à son objet». La Cour des comptes, dans son rapport du 25 mars 2005 souligne également qu on «ne peut ignorer la corrélation entre (l)es demandes (d inscription sur les listes «ACAATA») et les plans sociaux en cours ( ) le dispositif de CAA est en passe de devenir l un des rares dispositifs de pré-retraite aidés financièrement pour les entreprises». Afin de lutter contre ce phénomène, la mission de l Assemblée nationale propose de cesser dans un délai d un an l inscription de nouveaux établissements sur la liste «ACAATA», considérant que ceux pour lesquels l exposition massive de travailleurs a été constatée sont déjà intégrés dans la liste. Il convient enfin de souligner que tous les travailleurs relevant du régime général de la Sécurité sociale ou du régime agricole, peuvent bénéficier de l ACAATA, lorsqu ils sont reconnus atteints d une maladie professionnelle liée à l amiante. Cette disposition permet notamment aux salariés d une entreprise ne figurant pas sur des listes «ACAATA» de bénéficier d une retraite anticipée à titre personnel. Ce cas de figure se présente par exemple pour les personnels des entreprises du bâtiment, ou les charpentiers de grandes entreprises industrielles. Toutefois, cette possibilité n est pas offerte aux fonctionnaires, à l exception des agents de la DCN et du ministère de la Défense, visés par les décrets du 21 décembre 2001 et du 7 avril 2006 précités. De plus, d après le rapport du Sénat du 20 octobre 2005, une circulaire du ministère du Travail autoriserait à faire bénéficier de l ACAATA les conjoints (souvent des épouses) des salariés de l amiante, qui ont pu être exposés aux fibres dans la vie domestique (5). Le rapport du Sénat du 20 octobre 2005 et celui de l Assemblée nationale du 22 février 2006 proposent de créer un mode d accès individualisé à l ACAATA pour les personnes qui ont été exposées à l amiante à l occasion de leur activité professionnelle, dans des établissements non éligibles au système des listes, et qui sont les plus susceptibles de développer les pathologies liées à l amiante. Cette solution permettrait à certains salariés d entreprises ne figurant pas sur les listes «ACAATA» de bénéficier de la cessation anticipée d activité sans attendre d avoir développé une maladie pour pouvoir y prétendre comme c est le cas actuellement. B. Le financement de l ACAATA Pour financer l ACAATA, l article 41 de la loi n 98-1194 du 23 décembre 1998 a créé un Fonds de cessation anticipée d activité des travailleurs de l amiante (FCAATA). Le FCAATA est principalement financé par une contribution de la branche «AT- MP» (accidents du travail/maladies professionnelles) de la Sécurité sociale et par l Etat (recette affectée pour les droits de consommation du tabac). Devant la dégradation financière de la branche AT- MP, qui a financé à 95 % le FCAATA en 2004 (6), l article 47 de la loi n 2004-1370 du 20 décembre 2004, de financement de la Sécurité sociale pour 2005, a institué une contribution des entreprises, mise en œuvre par le décret n 2005-417 du 2 mai 2005. Aux termes de l article 47-I de la loi du 20 décembre 2004 précitée, lorsqu un salarié est atteint d une maladie professionnelle, l entreprise qui l emploie ou l a employé supporte la charge des dépenses occasionnées par cette maladie, au titre de ses cotisations AT-MP, y compris la contribution amiante. Si le salarié n est atteint par aucune maladie professionnelle, la contribution au FCAATA est due par la société qui exploite l établissement de fabrication de matériaux contenant de l amiante à la date d admission du salarié à l allocation. Cela est valable également dans l hypothèse où l établissement en cause a été exploité successivement par plusieurs entreprises. Si le salarié a travaillé pour plusieurs entreprises exploitant des établissements distincts, le montant est réparti entre celles-ci en fonction de la durée du tra- > (3) Rapp. Sénat 20 oct. 2005, p. 175 ; Rapp. AN 22 févr. 2006, p. 233. (4) Circ. DRT/CT2 n 2004/03, 6 févr. 2004, relative à la procédure applicable en matière de cessation anticipée d activité des travailleurs de l amiante. (5) On pense notamment aux épouses qui ont respiré des fibres d amiante en lavant les bleus de travail de leur conjoint, travailleur de l amiante, cf., par ex., CA Caen, 20 nov. 2001, SA Valéo, JCP 2003, p. 503. (6) Rapp. C. comptes, 2005, p. 42. N 0 8 MARS 2007 BDEI 47

GESTION ET INDEMNISATION DES TRAVAILLEEURS VICTIMES DE L AMIANTE vail effectué au sein de ces établissements pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l amiante ou les matériaux contenant de l amiante. Le montant de la contribution varie en fonction de l âge du bénéficiaire au moment de son admission au bénéfice de l allocation. La contribution est appelée, recouvrée et contrôlée par l URSSAF (7). La Cour de justice des Communautés européennes, dans une décision du 9 novembre 2006, s est exprimée sur le mode de calcul pour les salariés français travaillant dans un autre pays de l Union européenne. Afin de ne pas les désavantager, le calcul de leur indemnité au titre de l ACAATA doit être basé sur le gain moyen que chaque salarié aurait perçu s il était resté en France (CJCE, 9 nov. 2006, aff. C-205/5). Si l ACAATA permet de faire bénéficier les travailleurs de l amiante d une retraite anticipée, la Sécurité sociale et le Fonds d indemnisation des victimes de l amiante (FIVA) interviennent pour indemniser ceux qui ont développé une maladie liée à l amiante. II. L INDEMNISATION DES VICTIMES DE L AMIANTE PAR LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LE FIVA A. L indemnisation des maladies professionnelles liées à l amiante par la Sécurité sociale La reconnaissance du caractère professionnel d une maladie liée à l amiante (qui sont les affections A, C, D et E du tableau n 30 des maladies professionnelles, et l affection figurant au tableau n 30 bis, susvisé) entraîne, en cas d incapacité permanente, le versement d une rente (CSS, art. L. 431-1-1, 4 ), dont le montant est calculé à partir du taux d incapacité de la victime et de son salaire annuel, par la caisse primaire d assurance maladie («CPAM») à la victime. Le dossier de demande, qui comprend notamment un certificat médical, doit être déposé devant la CPAM compétente (CSS, art. L. 461-1 à L. 461-8). L employeur doit être informé du dépôt de ce dossier par la CPAM et peut ainsi formuler des observations ou des réserves. Le caractère contradictoire de cette procédure, imposé par l article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale, doit être respecté, sous peine pour la CPAM de supporter les majorations d indemnisation qui pourraient être mises à la charge de l employeur du fait de la reconnaissance de sa faute inexcusable, ainsi qu il sera exposé ci-après. La caisse dispose d un délai de trois mois pour se prononcer sur la demande de reconnaissance de maladie professionnelle (CSS, art. R. 411-10). Passé ce délai, son silence vaut reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. La décision de la CPAM peut être contestée devant le Tribunal des affaires de la sécurité sociale («TASS») en première instance, puis devant la cour d appel compétente et la Cour de cassation. L indemnisation versée par la Sécurité sociale ne concerne toutefois que les personnes reconnues atteintes d une maladie professionnelle, ou en cas de décès de celle-ci, ces ayants-droits. B. La «réparation intégrale» des préjudices des victimes de l amiante par le FIVA Le Fonds d indemnisation des victimes des l amiante a été crée par l article 53 de loi n 2000-1257 du 23 décembre 2000, afin de proposer une réparation intégrale aux victimes sans passer par le mode contentieux, et dans un délai plus rapide que ce dernier. Le FIVA assure la réparation intégrale des préjudices des personnes reconnues atteintes d une maladie professionnelle liée à l amiante, ainsi que des personnes ayant subi un préjudice directement lié à l exposition à l amiante sur le territoire français (y compris les étrangers) et des ayants-droits des deux premières catégories. Après la publication du premier barème indicatif du FIVA le 21 janvier 2003, les premières indemnisations sont intervenues en avril 2003. La demande d indemnisation est présentée au FIVA par la personne atteinte d une maladie liée à l amiante ou par ses ayants-droits si elle est décédée. En cas de maladie professionnelle, la demande est accompagnée de la décision de la CPAM reconnaissant l origine professionnelle de la maladie ou d un certificat médical attestant du lien possible entre l affection et l activité professionnelle. Dans cette dernière hypothèse, lorsqu il apparait que la maladie est susceptible d avoir une origine professionnelle, le FIVA transmet le dossier à la CPAM compétente pour statuer sur ce point. Lorsqu il a accusé réception du dossier complet, le FIVA dispose d un délai de six mois pour faire une offre d indemnisation au(x) demandeur(s). Le montant de cette offre est établi sur la base d un barème indicatif adopté le 21 janvier 2003 (8) qui repose sur l âge de la victime, son taux d incapacité au moment de la demande et son manque à gagner. Le demandeur peut refuser l offre et choisir d engager ou, le cas échéant, de poursuivre une action juridictionnelle en réparation du préjudice. La décision du FIVA, qu il s agisse d une offre, du constat établi que les conditions d indemnisation ne sont pas réunies ou encore d une décision implicite de rejet, peut être contestée devant la cour d appel dans un délai de deux mois à compter de sa notification. L acceptation de l offre de réparation intégrale du FIVA vaut désistement des actions juridictionnelles en cours, et rend en principe irrecevable toute action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Le FIVA est subrogé dans le droit des personnes qui ont accepté son offre (L. n 2000-1257, 23 déc. 2000, art. 53). Toutefois, la Cour de cassation a considéré, dans un avis du 13 novembre 2006, qu un salarié ayant une offre d indemnisation du FIVA était recevable à agir devant les juridictions ci- (7) Par décision en date du 27 décembre 2004, le directeur de l agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a désigné l URSSAF de Loire-Atlantique pour assurer, à compter du 1 er janvier 2005, le recouvrement de la contribution des entreprises au FCAATA (BO ministère de la Santé et des Solidarités n 2004-52). La première contribution n était exigible au plus tôt que le 1 er juin 2005. (8) Ce barème étant dénué de caractère impératif, il n est pas susceptible de faire l objet d un recours pour excès de pouvoir, CE, 3 mai 2004, n os 254961, 255376, 258342, Comité d amiante Jussieu. 48 BDEI MARS 2007 N 0 8

viles dans le seul but de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Dans un arrêt du 25 octobre 2006, la Haute juridiction avait adopté le même principe, interdisant toutefois qu en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l employeur, le salarié puisse bénéficier d une majoration de sa rente. Ce type de procédure n est pourtant pas dénué d intérêt, puisque la reconnaissance de la faute inexcusable peut permettre d obtenir, dans certaines conditions, une nouvelle offre d indemnisation de la part du FIVA (Cass. 2 e civ., 26 oct. 2006, n 05-11.101). Par ailleurs, accepter une offre du FIVA n interdit pas d agir devant les juridictions pénales, ainsi qu il a été décidé par le Conseil d état dans un arrêt du 26 février 2003 (CE, 26 févr. 2003, n 241385, M. Mekhantar). Les pouvoirs du FIVA ont été précisés par la jurisprudence. Ainsi, dans deux arrêts du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a jugé que le FIVA ne pouvait pas subordonner son offre d indemnisation à un avis de la Commission d examen des circonstances de l exposition à l amiante (CECEA) lorsque le caractère de maladie professionnelle avait été reconnu par la CPAM (Cass. 2 e civ., 21 déc. 2006, n 06-13.056 et n 06-13.545, D 2007, n 4, p. 226). Dans un tel cas, le FIVA ne peut pas exiger d autre justification du lien présumé entre la maladie et l exposition à l amiante et doit proposer une réparation intégrale du préjudice subi. Cependant, le principe de réparation intégrale n est pas illimité. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que le FIVA n était pas tenu d offrir une réparation pour le préjudice moral futur du petit-fils de la victime, né 8 ans après le décès de celle-ci (Cass. 2 e civ., 24 mai 2006, n 05-18.663, JCP 2006, n 28). Comme pour le FCAATA, les ressources du FIVA viennent essentiellement des contributions fixées chaque année pour la branche AT-MP (loi de financement de la sécurité sociale), et de l Etat (loi de finances). Les recours subrogatoires engagés par le FIVA, notamment contre les employeurs dans le cas de victimes de maladies professionnelles, devraient également constituer pour lui une source de revenus. Cependant, le rapport de l Assemblée nationale du 22 février 2006 constate que ces recours sont peu nombreux (9). Le rapport propose d augmenter le nombre des juristes du FIVA afin de lui permettre d intenter un plus grand nombre de recours subrogatoires. De son coté, le FIVA indique dans son rapport 2005-2006 un certain nombre de difficultés devant les juridictions, liées à l interprétation des dispositions de la loi du 23 décembre 2000 (10). Toutefois, dans un arrêt du 31 mai 2006, la Cour de cassation a apporté son soutien au FIVA en considérant qu il était recevable à demander la fixation de la majoration de rente dans le cadre d une action récursoire en faute inexcusable, même si le FIVA n avait pas préalablement présenté une offre complémentaire à la veuve de la victime (Cass. 2 e civ., 31 mai 2006, n 05-17.362, JCP 2006, n 36). Malgré la création du FIVA, les demandes d indemnisation devant les tribunaux sont toujours nombreuses. La voie contentieuse peut être choisie par une victime de l amiante plutôt que de demander une indemnisation au FIVA, procédure qui reste facultative, ou en contestation d une offre faite par le FIVA qui lui semble insuffisante. Afin de prévenir les doubles indemnisations, le FIVA doit être averti par les juridictions saisies de demande d indemnisation introduites devant elles. Le Fonds dispose alors d un mois pour indiquer à la juridiction s il est ou non parallèlement saisi et, le cas échéant, pour l informer de l état de la procédure. III. L INDEMNISATION DES VICTIMES DE L AMIANTE DEVANT LES TRIBUNAUX A. La recherche de la reconnaissance de la faute inexcusable de l employeur La chambre sociale de la Cour de cassation, dans une série d arrêts du 28 février 2002, a mis à la charge des employeurs une «obligation de sécurité de résultat», notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles du fait des produits fabriqués ou utilisés par l entreprise (Cass. soc., 28 févr. 2002, n 00-01.051 et s.). Cette solution jurisprudentielle, qui n a pas été démentie, s applique de façon quasi automatique aux maladies professionnelles reconnues par la CPAM comme liées à l amiante. La CPAM et la victime d une maladie professionnelle liée à l amiante ou ses ayants droit d une part, et l employeur d autre part, doivent dans un premier temps s efforcer de parvenir à un accord amiable concernant la reconnaissance de la faute inexcusable de l employeur (CSS, art. L. 452-4). En cas d échec de cette phase obligatoire de tentative de conciliation, la victime, ses ayants droit ou la CPAM peuvent saisir le Tribunal des affaires de la sécurité sociale, pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable. Cette reconnaissance permet à la victime d obtenir une majoration de sa rente de base (CSS, art. L. 452-1) et une indemnisation de ses préjudices extrapatrimoniaux (CSS, art. L. 452-3), tels que le pretium doloris, les préjudices esthétiques et d agrément et la perte d une chance. Lorsqu un tribunal reconnaît la faute inexcusable de l employeur, les indemnités sont versées par la CPAM, qui en récupère le montant auprès de l employeur. Toutefois, comme indiqué plus haut, il arrive fréquemment (11) que cette prise en charge lui soit inopposable, notamment lorsque le caractère contra- > (9) Rapp. AN 22 févr. 2006, p. 251. (10) Le FIVA cite notamment la question de la portée du désistement de la victime ou de ses ayants droit en cas d acceptation de son offre, sur laquelle les juridictions adoptent des décisions divergentes, ou encore la recevabilité du FIVA à solliciter le remboursement d un complément d indemnité qu il n a pas encore versé au bénéficiaire, 5e rapport d activité au gouvernement et au parlement, juin 2005/mai 2006, p. 69. (11) Voir par exemple une série d arrêts rendus par la Cour de cassation : Cass. 2 e civ., 11 juill. 2005, n os 04-30.318, 4-30.320, 04-30.321. N 0 8 MARS 2007 BDEI 49

GESTION ET INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS VICTIMES DE L AMIANTE dictoire n a pas été respecté par la CPAM lors de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Cette exigence doit être respectée durant toute la procédure devant la CPAM. La Cour de cassation a ainsi mis à la charge de la CPAM les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l employeur, du fait du défaut de communication à l employeur des conclusions d une seconde expertise concernant le caractère professionnel de la maladie (Cass. soc., 27 févr. 2003, n 00-17.878). Les tribunaux ont précisé la responsabilité des employeurs successifs. Lorsque le salarié a été exposé à l amiante chez plusieurs employeurs successifs, y compris le dernier, la maladie professionnelle est considérée comme ayant été contracté chez le dernier employeur (TASS Rouen, 13 févr. 2006, X c/ EDF, JCP 2006, n 28 ; Cf., également, Cass. 2 e civ., 8 mars 2005, n 02-30.998, pour une maladie professionnelle liée à l exposition au benzène). La faute inexcusable de celui-ci peut alors être reconnue. Toutefois, du fait de la multi-exposition, les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable sur la majoration de rente sont inscrites au compte spécial prévu par l article D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale et supporté par la branche AT-MP du régime général de la sécurité sociale. Ce compte spécial est également utilisé lorsque l établissement dans lequel le travailleur a été employé a disparu, même si la société qui exploitait cet établissement existe toujours. Dans ce cas, aucune cotisation complémentaire ne peut être imposée à la société, même si la faute inexcusable de l employeur est reconnue par les tribunaux (Cass. soc., 26 nov. 2002, n 00-22.877). On voit donc que la branche AT-MP est fortement sollicitée pour l indemnisation des victimes de l amiante. La fréquente impossibilité de recouvrir les sommes auprès des employeurs abouti à une mutualisation des risques liés à l amiante auprès de tous les établissements contribuant au financement du régime général de la Sécurité sociale. Les rapports parlementaires du 20 octobre 2005 et du 22 février 2006 constatent qu une telle situation n incite pas à la prévention des risques au sein des établissements. Le rapport de l Assemblée nationale propose ainsi de moduler les cotisations des employeurs en fonction de leurs efforts de prévention. Ce rapport préconise également la redéfinition de la «faute inexcusable» par une «faute d une particulière gravité» qui permettrait de poursuivre les employeurs vraiment fautifs, et de revenir à une indemnisation non contentieuse pour les autres cas. La fréquente impossibilité de recouvrir les sommes auprès des employeurs abouti à une mutualisation des risques liés à l amiante auprès de tous les établissements contribuant au financement du régime général de la Sécurité sociale. Aux termes de l article L. 451-4 du Code de la sécurité sociale, l employeur peut s assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu il s est substitué dans la direction de l entreprise ou de l établissement. Une décision du 14 juin 2006 de la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé dans quelles conditions cette assurance était possible (Cass. 2 e civ., 14 juin 2006, n 05-13.090, JCP 2006, n 47). Dans un pourvoi incident, la compagnie d assurance contestait la possibilité de s assurer contre ce qu elle estimait être un risque certain. La Cour de cassation a cependant jugé que le risque n était pas constitué par la maladie des salariés, qui était connue au moment de la conclusion de la police d assurance, mais par «la mise en œuvre la responsabilité de l entreprise», qui était aléatoire. En revanche, l assurance ne peut couvrir que les risques subis postérieurement à l entrée en vigueur de la loi n 87-39 du 27 janvier 1987. Avant cette date, la faute inexcusable de l employeur n était pas assurable. Par conséquent, l entreprise ne peut pas rechercher de garantie pour les salariés dont l exposition a pris fin avant l entrée en vigueur de la loi de 1987 ou pour lesquels la première constatation médicale de la maladie professionnelle a eu lieu avant cette date. B. Deux grandes avancées de la jurisprudence En dehors des questions de reconnaissance de la faute inexcusable de l employeur, deux avancées jurisprudentielles ont été observées récemment concernant les victimes de l amiante. La première est la reconnaissance par le Conseil d Etat de la responsabilité de l Etat pour carence fautive dans la prévention des risques liés à l exposition des travailleurs aux poussières d amiante. Dans quatre décisions du 3 mars 2004 abondamment commentées (CE, 3 mars 2004, n 241150 et s.) (12), la Haute juridiction administrative, réunie en assemblée, reproche aux autorités publiques d une part d avoir attendu 1977 pour entreprendre des recherche destinées à évaluer les risques et de prendre des mesures aptes à éliminer ou limiter les dangers de l exposition à l amiante, d autre part, d avoir pris, postérieurement à 1977 des mesures restrictives mais insuffisantes. Ces décisions ne tranchent cependant pas sur un éventuel partage des responsabilités entre l Etat et les employeurs, dont chacune d entre elle rappelle l obligation générale d assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité. Une autre décision, largement médiatisée quoique prise par une instance moins solennelle, est celle du Tribunal correctionnel de Lille du 4 septembre (12) CE, ass., 3 mars 2004, n 241153, Xueref, CE, 3 mars 2004, n 241152, Thomas, CE, 3 mars 2004, n 241151, Botella, CE, 3 mars 2004, n 241150, Bourdignon ; Cf., par ex., note Trébulle F.-G., JCP G, 2004, n 25 ; Amiante : la responsabilité de l Etat enfin reconnue, note Arbousset H., D, 2004 n 14, p. 973 ; note Benoit L., Environnement, avr. 2004, p. 25 ; Linotte D., Gaz. Pal., 12-13 janv. 2005, p. 67 ; Prétot X., Dr. social n 5, mai 2004, p. 569. 50 BDEI MARS 2007 N 0 8

2006, qui a retenu pour la première fois la responsabilité pénale d un employeur. En l occurrence, la société Alstom Power Boiler a été condamnée à une amende de 75 000 euros, ainsi qu au versement d une somme de 10 000 euros à chacune des parties civiles (150 salariés et plusieurs associations), du fait de l exposition à l amiante de ses employés entre 1998 et 2001. Le directeur du site a lui aussi été condamné par la même décision. L avenir montrera si cette solution est retenue, puisqu Alstom a fait appel du jugement du tribunal correctionnel. En matière pénale, les demandes des victimes ou des associations qui les représentent avaient jusque là toujours été rejetées par les tribunaux. De plus, l article 575 du Code de procédure pénale interdit aux parties civiles de se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre de l instruction. Faute d être soutenus par le parquet, les parties civiles ne peuvent pour l instant pas se pourvoir contre les décisions de la chambre de l instruction des cours d appel, ce qui interdit à la Cour de cassation de prononcer sur la validité de ces arrêts, comme cela a été le cas pour sa décision de rejet du 15 novembre 2005 (Cass. crim., 15 nov. 2005, n 04-85.441). Toutefois, dans un communiqué de presse relatif à cette décision, la Cour de cassation a indique qu «(i)l n est pas exclu que la chambre criminelle ait un jour à examiner un pourvoi formé contre une décision d une juridiction de jugement qui apprécierait la valeur de charges constitutives d une infraction pénale en matière d exposition à l amiante. Son contrôle serait alors d une autre nature et permettrait de définir les conditions de la responsabilité pénale dans ce domaine». De plus, les rapports parlementaires sur l amiante d octobre 2005 et février 2006 se sont déclarés favorables à l amélioration du rôle des parties civiles dans la procédure pénale (13). CONCLUSION Si les modes de prise en charge et d indemnisation des travailleurs victimes de l amiante décrits ci-dessus permettent de gérer les contaminations occasionnées dans le passé, il ne faut pas perdre de vue les actions de prévention qui sont toujours nécessaires. Le contrôle, et dans certains cas l enlèvement des matériaux amiantés dans les bâtiments étant obligatoire, la réglementation protégeant les travailleurs effectuant ces travaux s est récemment renforcée avec l adoption du décret du 30 juin 2006 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l inhalation de poussières d amiante. (13) Le rapport de l Assemblée nationale du 22 février 2006 propose ainsi de réviser l article 575 du Code de procédure pénale pour permettre aux parties civiles de se pourvoir en cassation contre les arrêts de la chambre d instruction. Reproductions effectuées par Shearman & Sterling LLP avec l autorisation de Lamy, Société du Groupe Wolters Kluwer. Le document reproduit est une oeuvre protégée et ne peut à nouveau être reproduit sans l autorisation préalable de Lamy. This article is reprinted by Shearman & Sterling LLP with permission of Lamy, a subsidiary of the Wolters Kluwer Group. Further duplication without permission is prohibited. N 0 8 MARS 2007 BDEI 51