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Transcription:

Paris, le 20 mai 2016 Décision du Défenseur des droits MLD-2016-108 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu le code du travail ; Après consultation du collège compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l égalité. Saisi par l Association X et le syndicat Y d une réclamation relative au caractère discriminatoire de dispositions conventionnelles à raison de la situation de famille des salariés, Décide de présenter des observations devant toute juridiction civile compétente saisie du litige. Jacques TOUBON

Observations devant le Conseil de prud hommes présentées dans le cadre de l article 33 de la loi n 2011-333 du 29 mars 2011 1. Le Défenseur des droits a été saisi d une réclamation de l Association X et du syndicat Y relative à une différence de traitement instituée par la Convention collective nationale de l organisme dans l octroi de congés familiaux et d une prime entre les salariés pacsés et mariés. FAITS : 2. L Association X et le syndicat Y dénoncent les dispositions de l article 20 de la Convention collective nationale de l organisme prévoyant, au seul bénéfice des couples mariés, l octroi de deux jours ouvrés en cas de décès «des ascendants et descendants au premier degré du conjoint de l agent», ainsi que les dispositions de l article 34 de cette même convention attribuant une prime et des congés spéciaux pour le mariage d un salarié de la société. 3. Ils estiment que ces dispositions sont discriminatoires en raison de la situation de famille des salariés. 4. Le syndicat Y interpelle depuis plusieurs années la Direction de l organisme de l organisme. 5. Ainsi, par courrier du 9 septembre 2014, dont une copie a été adressée à l Inspection du travail, le syndicat Y a mis en demeure l organisme d ouvrir les mêmes droits aux salariés qui concluent un pacte civil de solidarité ou se marient. 6. Par courriers en dates des 29 septembre 2014 et 16 février 2015, l Inspection du travail est intervenue auprès de l organisme. L inspection du travail a considéré que les dispositions de la Convention collective nationale de l organisme étaient constitutives d une discrimination en raison de la situation de famille et a demandé l extension du bénéfice des avantages visés aux salariés pacsés. 7. L organisme n a pas donné suite à ces courriers. ENQUETE : 8. Par courrier en date du 3 décembre 2015, une note récapitulant les faits de l espèce ainsi que l analyse qui en était faite par le Défenseur des droits a été adressée à l organisme, ainsi qu à la société anonyme Z, afin de leur permettre de faire valoir leurs arguments et de produire les éléments de fait, pièces et observations qu ils estimeraient utiles de porter à la connaissance du Défenseur des droits avant qu une décision ne soit prise sur ce dossier. 9. Par courrier en date du 30 décembre 2015, l organisme a tenu à apporter un certain nombre de précisions au Défenseur des droits qui ont été pris en compte. 1

CADRE JURIDIQUE : 10. L article 20 de la Convention Collective Nationale de l organisme prévoit que : «Des congés, avec salaire entier, sont accordés dans les circonstances suivantes : 1 ( ) Décès : des ascendants et descendants au premier degré du conjoint de l agent : 2 jours ouvrés» ( ) Mariage : de l agent : 10 jours ouvrés». 11. Il résulte de l article 34 de la même convention que : «Tout salarié titulaire recevra au moment de son mariage une prime égale, par mois de présence, à 1/36 e du salaire mensuel (voir article 26 II a et b) du mois précédant le mariage. A partir de trois ans de présence, cette prime sera au plus égale au salaire du mois précédant le mariage. En cas de remariage, cette prime ne sera pas due au salarié en ayant déjà bénéficié.» 12. Cependant, la Convention Collective n ouvre aucun de ces droits au salarié uni à son partenaire par un PACS. Il convient toutefois de relever que, depuis l entrée en vigueur de la loi n 2014-873 du 4 août 2014, l organisme permettrait aux salariés concluant un PACS de bénéficier de quatre jours d absence rémunérés en application du code du travail. Cette mesure, qui s impose à la société mise en cause, demeure toutefois nettement défavorable par rapport à ce qui est prévu par la Convention collective nationale de l organisme pour les salariés qui se marient. 13. Concernant les dispositions légales, l article L.3142-1 du code du travail modifié par la loi du 4 août 2014 dispose dorénavant que : «Tout salarié bénéficie, sur justification et à l'occasion de certains événements familiaux, d'une autorisation exceptionnelle d'absence de : 1 Quatre jours pour son mariage ; 1 bis Quatre jours pour la conclusion d'un pacte civil de solidarité ; ( ) 6 Un jour pour le décès du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d'un frère ou d'une sœur.» 14. Jusqu en 2014, la loi ne prévoyait aucune autorisation exceptionnelle d absence pour la conclusion d un PACS. Cependant, le Gouvernement avait présenté un amendement n 185 au projet de loi pour l égalité entre les femmes et les hommes afin d ouvrir aux salariés qui concluent un PACS le congé de quatre jours dont bénéficiaient déjà les salariés qui se marient. 15. Cet amendement, s inscrivant dans le cadre d une mesure d égalité entre salariés pacsés et mariés, a été adopté et ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur dans le cadre de la loi n 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. 16. Les droits des salariés du secteur privé sont ainsi alignés sur ceux des agents publics qui, en vertu de la circulaire du 7 mai 2001, bénéficient de la même autorisation exceptionnelle d absence à l occasion de la conclusion d un PACS ou d un mariage. 17. Cette modification du code du travail correspond aux recommandations de la HALDE et du Défenseur des droits qui ont estimé, dans plusieurs décisions, que les anciennes dispositions de l article L.3142-1 du code du travail instauraient une différence de traitement en raison de la situation de famille des salariés ainsi que de l orientation sexuelle puisque, jusqu à l entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, les couples de même sexe ne pouvaient se marier (HALDE, délibération n 2007-366 du 11 février 2008 ; HALDE, délibération n 2009-336 du 28 septembre 2009, JO 14 mars 2010 ; Défenseur des droits, délibération n 2011-14 du 31 janvier 2011 ; Défenseur des droits, décision MLD n 2012-110 du 22 mai 2012). 2

18. En outre, l article L.1132-1 du Code du travail dispose qu aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, en raison de sa situation de famille. 19. Selon les dispositions de l article L.3221-3 du code du travail : «Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier.» 20. La notion de situation de famille expressément mentionnée dans l article L.1132-1 précité n est pas définie par le code du travail. La jurisprudence entend cette notion largement. Ainsi, entrent dans cette catégorie, les distinctions opérées à raison d un lien de filiation (Cass. Soc., 1 er juin 1999, n 96-43617), ou encore de la situation matrimoniale (Cass. Soc., 10 février 1999, n 96-42998). Une différence de traitement est donc sanctionnée lorsqu'elle est fondée, de manière abstraite, sur l'existence, l'absence ou la nature d un tel lien familial. 21. S agissant du PACS, la loi du 23 juin 2006 l a nettement rapproché du mariage, notamment en prévoyant sa mention à l état civil, ce qui cesse d en faire un simple contrat patrimonial. De fait, tout comme le mariage, le PACS est devenu une forme de conjugalité, un mode d organisation de la famille. Or, c est en tant que notion de fait que la famille a été saisie par le droit du travail. Ainsi, au sens du droit du travail, la situation de famille inclut la situation conjugale. 22. En ce sens, la Cour d appel de Paris a récemment jugé que le refus opposé par l employeur à une salariée pacsée de lui octroyer la prime de mariage prévue par le statut national du personnel des industries électriques et gazières caractérisait une discrimination en raison de la situation familiale. La Cour a en effet considéré que l employeur ne justifiait d'aucun objectif légitime pour distinguer deux situations familiales de deux personnes, qu'elles soient ou non de même sexe, ayant officialisé leur vie commune (CA Paris, 13 octobre 2015, n 13/03775 et 13/04004). 23. S agissant du principe de non-discrimination, il convient de rappeler qu il interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente. En effet, selon la Cour de justice de l Union Européenne, l existence d une discrimination présuppose que les situations mises en balance soient «identiques» ou «comparables». L examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée et de sa finalité. 24. Ainsi, le 12 décembre 2013, saisie par la Cour de cassation d une question préjudicielle portant sur les mêmes dispositions des articles 20 et 34 de la même Convention Collective Nationale de l organisme 1, la Cour de justice de l Union Européenne a jugé qu un travailleur salarié qui conclut un pacte civil de solidarité se trouve dans une situation comparable à celle d un travailleur qui se marie, au regard de l objet et des conditions d octroi des avantages en cause. La Cour de justice en a donc déduit que, s agissant d un salarié uni à une personne de même sexe, une telle disposition était constitutive d une discrimination au sens de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000 dans la mesure où la législation française ne permettait pas, à l époque des faits, de se marier (CJUE 12 décembre 2013, C-267/12). 1 La question de l autorisation d absence pour décès d un ascendant ou descendant d un conjoint n était pas posée 3

25. Prenant acte de cette décision, la Cour de cassation a jugé que les dispositions de la Convention Collective Nationale de l organisme instauraient une discrimination directement fondée sur l orientation sexuelle, ce dont il résultait que leur application devait être écartée (Cass. Soc. 9 juillet 2014, n 12-20.864). Ce faisant, la Cour de cassation a cassé l arrêt des juges du fond qui avaient considéré que la différence de traitement entre conjoints mariés et partenaires unis par un PACS était légitime dans la mesure où elle résultait d une différence de statut résultant de leur état civil et des formalités requises pour le mariage. 26. Il est donc manifeste que tant la Cour de cassation que la Cour de justice de l Union Européenne considèrent qu un salarié pacsé et un salarié marié se trouvent dans une situation comparable au regard de l octroi des avantages susvisés puisqu ils ont pour objet de prendre en compte leur qualité de «couple» et non leur statut légal, et sont destinés à leur permettre de s assister et de faire face, dans de meilleures conditions, aux évènements les plus importants de leur vie personnelle. 27. Il convient de rappeler que les directives européennes n interdisent pas les discriminations liées à la situation de famille, contrairement au droit français, raison pour laquelle la Cour de justice ne s est pas prononcée sur cette discrimination. En outre, à l époque des faits de l espèce, une différence subsistait dans le code du travail s agissant des autorisations exceptionnelles d absence liées au PACS et au mariage. 28. Enfin, s agissant plus particulièrement de l autorisation d absence liée au décès des «ascendants ou descendants au 1 er degré du conjoint de l agent», le l organisme se prévaut d un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 27 septembre 2006 selon lequel, pour bénéficier du congé en raison du décès d un beau parent, le salarié doit être marié. Ce congé ne peut être attribué pour le décès d un parent d un concubin, ou d un partenaire lié par un PACS (Cass. Soc. 27 septembre 2006, n 04-46.708). 29. Il convient toutefois de relever que cet arrêt porte sur des faits antérieurs à plusieurs lois qui ont significativement rapproché le PACS du mariage, au premier rang desquelles figure la loi du 23 juin 2006 mentionnée précédemment. En outre, si à l époque des faits le code du travail n accordait aucune autorisation d absence liée au PACS, ça n est désormais plus le cas puisque tout salarié, qu il se marie ou conclut un PACS, peut désormais bénéficier à cette occasion du même nombre de jours d autorisation exceptionnelle d absence (quatre jours). Il en va de même pour le décès d un partenaire. 30. Il y a donc tout lieu de considérer que saisie de faits similaires, la Cour de cassation adopterait une décision différente. En effet, le statut de «beau-père» ou «bellemère», selon les termes employés à l article L.3142-1 du code du travail, n est pas défini par la législation française et peut donc faire l objet d une interprétation évolutive. ANALYSE : 31. Selon les dispositions précitées de la Convention collective nationale de l organisme, seul le salarié marié peut bénéficier de la prime salariale ainsi que des congés spéciaux octroyés suite à une union ou au décès d un beau parent. 32. Or, il a été démontré que la loi prévoit désormais, concernant l octroi des avantages précités, une égalité de traitement entre les salariés mariés et pacsés. 33. Cette égalité de traitement avait d ailleurs été consacrée par la Fédération Nationale de l organisme par le biais d un avenant temporaire à la Convention collective nationale de 4

l organisme en date du 10 juillet 2008 prévoyant l extension du bénéfice des avantages rémunérés pour évènements familiaux aux salariés unis par un PACS. Il apparaît que cet avenant n a jamais été étendu et a cessé d être en vigueur le 31 mars 2010. 34. Or, les avantages octroyés par les dispositions de la Convention collective nationale de l organisme sont des éléments constitutifs de la rémunération. Ils ont pour finalité de permettre aux salariés mariés, en tant que «couple», de faire face aux évènements importants de leur vie de famille. Au regard de la finalité de ces avantages et des dispositions, les salariés pacsés ou mariés doivent donc être considérés comme étant dans une situation comparable. Il convient en outre de rappeler qu une telle égalité de traitement résulte directement, s agissant des autorisations d absence pour évènements familiaux, de la nouvelle rédaction de l article L.3142-1 du code du travail. 35. Dès lors, refuser les avantages prévus aux articles 20 et 34 de la Convention collective nationale de l organisme aux salariés unis par un PACS constitue une différence de traitement à leur égard en raison de leur situation de famille. Celle-ci n étant pas justifiée par des éléments objectifs, elle doit être considérée comme contraire aux dispositions combinées des articles L.1132-1 et L.3142-1 du code du travail. En conséquence et au vu de ce qui précède, le Défenseur des droits, après consultation du collège compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l égalité : - constate que les articles 20 et 34 de la Convention collective nationale de l organisme sont constitutifs d une discrimination en raison de la situation de famille en violation de l article L.1132-1 du code du travail ; - se réserve le droit de présenter des observations devant toute juridiction civile compétente saisie du présent litige, en vertu de l article 33 de la loi n 2011-333 du 29 mars 2011. 5