AVIS de l Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail



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Transcription:

Le directeur général Maisons-Alfort, le 27 novembre 2014 AVIS de l Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail relatif à une demande de modification de l annexe I de la directive 2008/38/CE de la Commission du 5 mars 2008 concernant l objectif nutritionnel particulier «réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments» chez les chiens et chats L Anses met en œuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste. L Anses contribue principalement à assurer la sécurité sanitaire dans les domaines de l environnement, du travail et de l alimentation et à évaluer les risques sanitaires qu ils peuvent comporter. Elle contribue également à assurer d une part la protection de la santé et du bien-être des animaux et de la santé des végétaux et d autre part l évaluation des propriétés nutritionnelles des aliments. Elle fournit aux autorités compétentes toutes les informations sur ces risques ainsi que l expertise et l appui scientifique technique nécessaires à l élaboration des dispositions législatives et réglementaires et à la mise en œuvre des mesures de gestion du risque (article L.1313-1 du code de la santé publique). Ses avis sont rendus publics. L Anses a été saisie le 12 juin 2014 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d une demande de modification de l annexe I de la directive 2008/38/CE de la Commission du 5 mars 2008 concernant l objectif nutritionnel particulier «réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments» chez les chiens et chats. 1. CONTEXTE ET OBJET DE LA SAISINE La directive 2008/38/CE de la Commission du 5 mars 2008 établissant une liste des destinations des aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers a été prise en application de la directive 93/74/CEE qui prévoit l établissement d une liste positive des destinations des aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers. Cette liste doit mentionner la destination précise, à savoir l objectif nutritionnel particulier, les caractéristiques nutritionnelles essentielles, les déclarations d étiquetage et, le cas échéant, les indications particulières d étiquetage. Ce dossier vise à modifier les caractéristiques nutritionnelles et les conditions d étiquetage d un objectif nutritionnel particulier, déjà autorisé à ce jour par la directive 2008/38/CE : «réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments» chez les chiens et les chats. La DGCCRF précise que, conformément aux dispositions du règlement (CE) n 767/2009, la saisine ne porte pas sur une évaluation des caractéristiques nutritionnelles optimales pour répondre à l objectif nutritionnel particulier, mais sur une appréciation des éléments fournis par le demandeur. Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail, 27-31 av. du Général Leclerc, 94701 Maisons-Alfort Cedex Téléphone : + 33 (0)1 49 77 13 50 - Télécopie : + 33 (0)1 49 77 26 26 - www.anses.fr ANSES/PR1/9/01-06 [version b]

Plus précisément, au cas d espèce, l avis de l Anses est demandé uniquement sur les questions suivantes : 1 - le dossier démontre-t-il de manière satisfaisante que les protéines hydrolysées permettent de réduire les intolérances aux ingrédients et aux nutriments pour les chiens et les chats? 2 - le dossier démontre-t-il de manière satisfaisante que les nouvelles sources de protéines telles que définies par le demandeur dans le document «FEDIAF Position on novel proteins» (sources de protéines que l animal n a pas consommées régulièrement) permettent de réduire les intolérances aux ingrédients et aux nutriments pour les chiens et les chats? Par ailleurs, si l Agence l estime nécessaire, elle pourra également épettre toute recommandation qu elle juge souhaitable sur les caractéristiques des aliments pour animaux destinées à répondre à cet objectif nutritionnel, en particulier sur la définition de «sources de protéines sélectionnées». 2. ORGANISATION DE L EXPERTISE L expertise a été réalisée dans le respect de la norme NF X 50-110 «Qualité en expertise Prescriptions générales de compétence pour une expertise (Mai 2003)». L Anses analyse les liens d intérêts déclarés par les experts avant leur nomination et tout au long des travaux, afin d éviter les risques de conflits d intérêts au regard des points traités dans le cadre de l expertise. Les déclarations d intérêts des experts sont rendues publiques via le site internet de l Anses (www.anses.fr). L expertise collective a été réalisée par le Comité d experts spécialisé «Alimentation animale» (ALAN) réuni les 7 octobre et 18 novembre 2014. Elle s est appuyée sur le rapport commun de deux rapporteurs, rapport réalisé sur la base des documents mentionnés dans le contexte, ainsi que d autres données bibliographiques pertinentes. L analyse et les conclusions du CES ont été validées le 18 novembre 2014. 3. ANALYSE ET CONCLUSIONS DU CES ALIMENTATION ANIMALE 3.1. Contexte scientifique 3.1.1. Espèces cibles Les espèces ciblées dans cette demande sont les chiens et les chats. 3.1.2. Les réactions alimentaires secondaires Les réactions alimentaires secondaires sont un ensemble de réactions indésirables faisant suite à la consommation d un aliment et dont l origine est multiple. Une telle réaction est souvent assimilée à une allergie alimentaire même si, dans la plupart des cas, il s agit d un autre phénomène, notamment une intoxication alimentaire, une aversion pour un aliment ou une intolérance à l un des composants de l aliment. Bien que souvent confondues par le grand public, et même regroupées par certains professionnels de santé, ces réactions alimentaires secondaires ont des origines et impliquent des processus physiologiques bien différents. Les deux types majeurs de réactions alimentaires secondaires sont les allergies alimentaires, impliquant le système immunitaire, et les intolérances alimentaires liées à des défauts de digestibilité (figure 1). Page 2 / 8

Figure 1 : Les principales réactions secondaires aux aliments. 3.1.2.1. Les allergies alimentaires vraies Implication du système immunitaire Réaction immunitaire Les réactions allergiques les mieux décrites chez les mammifères sont les réactions médiées par les IgE (immunoglobulines E). De nombreux allergènes peuvent être impliqués, notamment les allergènes alimentaires. Ces réactions impliquent une réponse anormale du système immunitaire face à un ou plusieurs aliments ou composants des aliments. Elles sont associées à une apparition rapide de symptômes, à des réactions se développant en quelques heures, voire quelques minutes, après contact avec l allergène. Dans ce type d allergie, l'exposition à l'allergène (alimentaire) stimule, chez des organismes sensibles, la production d'anticorps IgE spécifiques de l'allergène par les cellules plasmatiques. Une fois synthétisée, l IgE spécifique de l'allergène va se lier à la surface des mastocytes sur des récepteurs spécifiques : il s agit du processus connu sous le nom de sensibilisation [1]. Au cours de cette première phase, aucun symptôme n apparaît mais, une fois cette phase achevée, l'individu est prêt à réagir à l'allergène en question s il le rencontre à nouveau. Lorsqu'une nouvelle exposition à l'allergène (alimentaire) se produit, l allergène forme des liaisons avec les molécules d'ige présentes à la surface des mastocytes, ce qui provoque la libération de divers médiateurs de la réaction allergique dans le sang et les tissus. Plusieurs dizaines de médiateurs ont été identifiés. Parmi ceux-ci, l histamine est l un des plus importants. L'histamine, à elle seule, peut provoquer une réaction inflammatoire, la contraction des muscles lisses dans les vaisseaux sanguins, le tractus gastro-intestinal et les voies respiratoires. D'autres médiateurs importants, comme les leucotriènes et les prostaglandines, peuvent également intervenir dans ces réactions. Ces médiateurs interagissent avec les récepteurs dans divers tissus et cette liaison génère un grand nombre de réponses physiologiques. En termes d allergie, une protéine est nouvelle lorsqu elle n a été en contact qu une seule fois avec l organisme. Dès le deuxième contact, une protéine (alimentaire) peut entraîner une réponse immunitaire. Les réponses immunitaires à un allergène alimentaire peuvent être rapides, i.e. se dérouler dans les minutes suivant le contact avec l allergène. Chez le chien et le chat, la plupart des réponses immunitaires semblent être de nature intermédiaire, c est-à-dire qu elles se déroulent plusieurs heures après le contact avec l aliment incriminé. Il existe aussi un type d allergie alimentaire où, Page 3 / 8

entre le contact avec l allergène et la réponse, il se produit plusieurs jours. Même si les délais sont différents, la nature des événements reste globalement la même. Allergènes alimentaires Par définition, toutes les protéines alimentaires sont antigéniques car étrangères à l organisme les consommant. Cependant, seule une très faible proportion des protéines alimentaires est allergénique. Chez l homme, la majorité des allergènes est constituée de glycoprotéines de masse moléculaire comprise entre 10 et 70 kda [2]. Chez le chien et le chat, les données sont beaucoup moins précises [3]. Un bilan de l origine de l allergie chez le chien et le chat a été publié [3], sur près de 300 animaux étudiés (chiens et chats confondus) : la viande de bœuf et les produits laitiers arrivent parmi les premières sources, mais les poissons, les volailles, les œufs et certaines céréales sont également sources d allergènes et d allergies. Une autre étude, un peu plus récente, effectuée sur 330 chiens, rapporte des résultats similaires, même si cette dernière étude englobe allergies et intolérance [4]. Pour limiter le pouvoir allergène des protéines alimentaires, des hydrolysats protéiques ont été développés et utilisés chez des personnes et des animaux hypersensibles. Ces données sont reprises dans le document fourni par le pétitionnaire. Après analyse des données originelles, ii ressort que l utilisation de protéines hydrolysées permet de limiter les réactions chez des animaux hypersensibles. Il convient néanmoins de noter que les résultats obtenus montrent une diminution des réactions allergiques dans une proportion non négligeable des populations étudiées mais en aucun cas un arrêt complet de ces réactions chez tous les animaux. On peut aussi noter que, chez l homme, les hydrolysats donnent assez souvent des résultats mitigés [5]. Symptômes Les symptômes les plus fréquents au cours de la réponse allergique sont des réponses dermatologiques, notamment le prurit chez le chien, même si d autres affections cutanées peuvent émerger. Chez le chat, le prurit et les dermatites sont fréquents, mais ne sont pas pathognomoniques. La sphère gastro-intestinale peut être également affectée par la réponse immunitaire, avec des symptômes peu spécifiques comme des diarrhées et des vomissements. 3.1.2.2. L intolérance alimentaire vraie L intolérance alimentaire ne relève pas d un mécanisme associé au système immunitaire, ce n est pas une forme d allergie. Elle met en jeu des réactions digestives et/ou métaboliques lorsque l organisme n est pas capable de digérer correctement un aliment ou des composants de l aliment. L exemple type d une intolérance alimentaire est celle au lactose. Dans ce cas, les individus sont déficients en lactase, une enzyme digestive qui dégrade le lactose ; ils ne peuvent digérer ce sucre du lait [6]. Ceci conduit à des symptômes similaires à ceux observés lors d allergie (nausée, diarrhée, crampes d estomac), mais en aucun cas elle n implique le système immunitaire. Des individus intolérants peuvent supporter des doses faibles du composant responsable. L intolérance alimentaire n a pas grande relation avec l allergie alimentaire, ni en termes d origine, ni en termes de conséquences, mais ces deux mécanismes sont souvent confondus derrière le terme de réaction secondaire à un aliment car elles sont toutes deux consécutives à la consommation d un aliment. 3.1.3. Le traitement des réactions alimentaires secondaires Bien que les intolérances et les allergies soient deux notions distinctes, elles sont traitées de la même façon, à savoir par l élimination du composant suspecté dans le régime. Idéalement, le diagnostic précis d une allergie alimentaire requiert ensuite 1) un test de provocation qui consiste à nourrir l animal avec le régime ayant posé problème, 2) l identification précise du composant responsable pour l exclure à vie du régime. L utilisation des aliments commerciaux à objectifs nutritionnels particuliers simplifie le traitement et induit une amélioration chez un pourcentage Page 4 / 8

élevé de patients, mais ne permet pas de poser un diagnostic précis, en identifiant les composants responsables, d où le nombre relativement faible de cas pour lesquels des allergènes précis ont été identifiés [4]. Les aliments destinés à traiter les allergies et intolérances alimentaires sont enrichis en acides gras essentiels, notamment en oméga 3 et présentent pour certains, une concentration énergétique plus élevée que des aliments standards en raison de leur contenu élevé en lipides. Ce fait est de nature à exercer un effet anti-inflammatoire [7,8] mais nécessite un suivi strict du poids corporel des animaux. Il est également indiqué d éviter le lactose et les céréales contenant du gluten. La bibliographie fournie par le pétitionnaire montre également que dans les cas précis où un régime de type ménager a été testé, les résultats obtenus sont supérieurs à ceux des régimes commerciaux [8], probablement en raison du nombre plus restreint de matières premières utilisées et l absence de facteurs de palatabilité, sources potentielles d allergènes. 3.2. Réponses aux questions posées 3.2.1. Constat initial Le dossier transmis par le pétitionnaire en support de la demande de modification de la partie B de l annexe I de la directive 2008/38/CE concernant l objectif nutritionnel particulier pour chiens et chats «réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments» est constitué d un rapport de 13 pages rédigé à partir de 26 publications scientifiques. Dans sa demande, le pétitionnaire propose un régime alimentaire moins riche en protéines classiques (donc en allergènes potentiels) que les régimes standards en les remplaçant soit par des protéines «nouvelles», soit par des protéines hydrolysées. 3.2.2. Réponses aux questions 3.2.2.1. Question 1 : «le dossier démontre-t-il de manière satisfaisante que les protéines hydrolysées permettent de réduire les intolérances aux ingrédients et aux nutriments pour les chiens et les chats?» La bibliographie présentée est de bonne qualité ; les tests cliniques montrent une diminution des symptômes cutanés et/ou gastro-intestinaux dans plus de 60% des cas, que le problème de santé soit lié à une allergie ou à une intolérance. En pratique, les aliments contenant des protéines hydrolysées sont une alternative utile au régime ménager traditionnel et sont de plus en plus souvent utilisés. Néanmoins, ces aliments présentent parfois des problèmes de palatabilité. De plus, les additifs alimentaires destinés à augmenter la palatabilité sont constitués de protéines qu il conviendrait également d identifier sur l étiquette. En conclusion, le dossier démontre que l apport de certaines protéines hydrolysées, en fonction de leur degré d hydrolyse, peut permettre de réduire les intolérances alimentaires et les allergies pour les chiens et les chats. 3.2.2.2. Question 2 : «le dossier démontre-t-il de manière satisfaisante que les nouvelles sources de protéines telles que définies par le demandeur dans le document FEDIAF position on novel proteins permettent de réduire les intolérances aux ingrédients et aux nutriments pour les chiens et les chats?» La question porte tout autant sur la définition des nouvelles protéines que sur leur intérêt, les deux points étant liés. La définition «novel proteins» proposée par la FEDIAF n est pas satisfaisante. En effet, ce concept n est pas récent et intègre des paramètres temporels, géographiques et une grande subjectivité. Page 5 / 8

Rappelons que le marché européen du petfood est en réalité très dépendant du marché mondial pour l approvisionnement tant en matières premières qu en produits finis. Rappelons également que l étiquetage du petfood, hors produits visés par la législation sur les aliments à objectifs nutritionnels particuliers, est peu contraignant. En effet, les ingrédients sont la plupart du temps listés par catégories («viandes et sous-produits animaux») et la lecture de la liste des matières premières ne permet donc pas de déterminer les sources protéiques auxquelles l animal a été confronté. En d autres termes, un animal adulte qui a reçu plusieurs produits alimentaires commerciaux (aliments complets ou complémentaires, tels que des friandises, voire des suppléments nutritionnels) a ingéré des dizaines de protéines animales et végétales de sources non définies. Par conséquent, il est impossible, dans la majorité des cas, de lister les sources de protéines animales et végétales ingérées, régulièrement ou non. Dès lors, la définition proposée «sources de protéines que l animal n a pas consommées régulièrement»- est en réalité invérifiable par le propriétaire ou le vétérinaire. En outre, elle déresponsabilise le fabricant puisque l évaluation du caractère innovant doit être réalisée par le vétérinaire, qui de plus, n est pas nécessairement prescripteur, les aliments visés étant disponibles sans prescription. La notion de «régulièrement» est également trop vague et donc subjective. Enfin, il est aisé de montrer que la notion de «nouvelle protéine» est variable dans le temps et selon le pays où l on se place. Ainsi, le meilleur exemple pour illustrer ce propos est l utilisation de la viande d agneau qui fut présentée comme «nouvelle protéine» au début des années 90 [9,10]. Le régime agneau/riz est devenu tellement populaire qu après quelques années, l utilisation des farines d agneau s est généralisée dans un grand nombre de produits, soit comme source unique de protéine, soit en mélange dans le but de fabriquer des aliments «pour animaux sensibles», aliments commerciaux standards vendus dans divers circuits de distribution. L agneau est dès lors devenu un allergène potentiel [4]. Par ailleurs, si l on prend comme point de repère des pays où la consommation humaine de viande d agneau est significative, par exemple, le Royaume Uni, l intérêt de la protéine d agneau comme matière première originale paraît assez limité. Il en va de même pour les farines de volaille ou de poisson dont l usage s est généralisé après la crise de l encéphalite spongiforme bovine ; ces produits apparaissent respectivement en 3 ème position dans la liste des ingrédients responsables d allergie alimentaire chez le chien et le chat. Il est évident que l utilisation d un produit nouveau et son utilisation massive augmentent le risque qu il provoque des intolérances/allergies alimentaires. Donc, l intérêt d une «nouvelle protéine» est limité dans le temps et géographiquement, en plus de son caractère subjectif. Le document présente des exemples de «novel proteins» dont la plupart sont utilisées depuis plus de 15 ans («venison, duck») ; on peut donc douter de leur caractère innovant. En conclusion, le dossier ne démontre pas de manière satisfaisante que les nouvelles sources de protéines telles que définies par le demandeur dans le document «FEDIAF position on novel proteins» permettent de réduire les intolérances et allergies alimentaires pour les chiens et les chats. D une part, ni la définition, ni l utilisation du terme «novel proteins» ne doit être acceptée en raison de son caractère subjectif et confus. D autre part, la notion de protéine nouvelle ne permet pas de prédire si celle-ci sera ou non capable de déclencher une intolérance ou une allergie alimentaire. 3.3. Remarques complémentaires du CES ALAN Le pétitionnaire propose de supprimer la teneur en acides gras indispensables ajoutés. Si cette information n est pas essentielle, elle est néanmoins utile pour renseigner l utilisateur sur la qualité du produit, d autant plus qu il existe une recommandation d apport pour les aliments standards [11]. En ce qui concerne la durée d utilisation, le terme «indéfiniment» n est pas souhaitable. Les besoins des chiens et chats évoluent au cours de la vie et notamment, lors du vieillissement. Il est Page 6 / 8

souhaitable d adapter les apports nutritionnels aux besoins afin d éviter/retarder certaines maladies chroniques comme l obésité ou l insuffisance rénale. Un suivi régulier de l animal est recommandé. 3.4. Conclusion du CES ALAN L utilisation de protéines hydrolysées et l étiquetage proposé sont recevables. En revanche, la mention du terme «novel proteins» doit être évitée. Les recommandations suivantes peuvent être formulées : il est préférable d utiliser un nombre très restreint de protéines et de les identifier précisément sur l étiquette ; pour les protéines hydrolysées, la mention de leur source constitue une information utile pour le traitement, notamment en cas d échec ; l utilisation à long terme peut être préconisée mais en aucun cas, «indéfiniment». Un suivi régulier de l animal est recommandé ; la fabrication des aliments doit éviter toute contamination par des sources de protéines non désirées ; les mentions d étiquetage doivent préciser le degré d hydrolyse des protéines (masse moléculaire maximale des peptides). 4. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE L AGENCE L Agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail endosse les conclusions du CES Alimentation animale relatives à une demande d'avis sur une modification des annexes de la directive 2008/38/CE de la Commission du 5 mars 2008 concernant l objectif nutritionnel particulier «réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments» chez les chiens et chats. Marc Mortureux MOTS-CLES Directive 2008/38/CE, objectif nutritionnel particulier, Chien, Chat, intolérance alimentaire, allergie alimentaire BIBLIOGRAPHIE [1] S.T. Holgate, R. Polosa, Treatment strategies for allergy and asthma, Nat Rev Immunol 8 (2008) 218-230. [2] S.L. Taylor, R.F. Lemanske, Jr., R.K. Bush, W.W. Busse, Food allergens: structure and immunologic properties, Ann Allergy 59 (1987) 93-99. [3] A. Verlinden, M. Hesta, S. Millet, G.P. Janssens, Food allergy in dogs and cats: a review, Crit Rev Food Sci Nutr 46 (2006) 259-273. [4] P. Roudebush, Ingredients and foods associated with adverse reactions in dogs and cats, Vet Dermatol 24 (2013) 293-294. Page 7 / 8

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