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LE TEST DE PREDISPOSITION GENETIQUE La prédisposition 1 Depuis une dizaine d'années, la recherche sur le génôme humain a permis de mettre en évidence des gènes de prédisposition au cancer du sein. Des tests de mise en évidence de ce risque sont maintenant disponibles dans 40 centres en France. En quoi consiste le test? Que met-il en évidence. Les docteurs Agnès Chompret (IGR) et Dominique Lyonnet (Institut Curie) ont bien voulu se prêter au jeu de l'interview pour Essentielles et répondre aux questions que chacune d'entre nous se pose. Une femme dont le résultat est négatif a souvent du mal à réaliser qu elle n a pas plus de risque que «madame tout le monde». Dans mon expérience, pendant au moins un à deux ans, ces femmes continuent le rythme de surveillance qu elles avaient adopté avant qu elles ne connaissent leur statut génétique et qui était dicté par leur probabilité de 50% d être «porteuse» d une altération génétique. Par ailleurs, il est primordial de bien leur expliquer qu elles doivent suivre les règles de dépistage de la population générale. Agnès Chompret (IGR) Aujourd'hui on ne peut pas conseiller à toutes les femmes de pratiquer ce test. Car les résultats peuvent être négatifs lorsqu'on fait une première recherche dans la famille et par conséquent on ne rassure pas. Le jour où le résultat négatif sera toujours significatif et qu'on pourra rassurer, et où l'on pourra vraiment prendre en charge de façon très ciblée les personnes à risque, à ce moment là on pourra élargir. Dominique Lyonnet (Institut Curie) 1

Questions à Agnès Chompret 2 Pouvez-vous vous présenter en personne, votre fonction et votre parcours médical? Dr Agnès CHOMPRET, médecin généticien, responsable de la consultation d oncogénétique généraliste (toute prédisposition au cancer mais à prédominance sénologie/gynécologie) à l Institut Gustave Roussy (IGR). Depuis les années 75, médecin dans une unité INSERM d épidémiologie génétique (discipline s attachant à faire la part de «l inné» et de «l acquis» à l origine des maladies mutifactorielles), je m intéresse au cancer dès les années 80, dans le département de Pédiatrie puis de Médecine de l IGR. Grâce à des études spécifiques (Certificats de génétique, d épidémiologie, d épidémiologie génétique, de statistique, diplôme universitaire de cancérologie clinique, de formation des Accompagnants des sujets atteints de maladie génétique et de leur famille) et à mon expérience en la matière, j ai pu obtenir la compétence en «génétique médicale». Pouvez-nous présenter en quelques mots le service génétique de l Institut Gustave Roussy? Les consultations d oncogénétique sont officiellement ouvertes à l IGR en 1991. Elles sont organisées autour des spécialités impliquées par la prédisposition héréditaire au cancer: sein/ovaire, gastroentérologie, dermatologie, cancers cutanés et cancers neuroendocrines. Elles ont pour but de déterminer si l hérédité a un rôle à jouer dans certaines familles. Si oui, il faut reconnaître les personnes de cette famille à haut risque de développer un cancer, afin de les prendre en charge tant sur le plan prévention que surveillance, prise en charge relayée par les spécialistes d organe. En aval des consultations, un laboratoire de biologie moléculaire assure la recherche d altérations des gènes impliqués dans un certain nombre de cancers : RET et le cancer médullaire de la thyroïde, BRCA1 et BRCA2 et les cancers du sein/ovaire, CDKN2A et CDK4 et le mélanome. Pour les autres gènes prédisposant au cancer, un réseau de laboratoires français permet une collaboration efficace. Une expérience originale à l IGR est la consultation spécifiquement dédiée à la surveillance des femmes à risque de développer un cancer du sein et/ou de l ovaire assurée une fois par semaine par un médecin oncologue (Dr Delaloge) qui permet le regroupement des examens cliniques, sanguins et d imagerie selon les cas. A noter que la structure de génétique de l IGR a été déclarée au Ministère de la Santé. 2

Quelle est la place de la génétique dans la recherche contre le cancer et particulièrement le cancer du sein? Le cancer est une maladie des gènes qui, s ils sont altérés, dérégulent le fonctionnement des cellules et permettent leur transformation en cellules malignes. Dans la plupart des cas, ceci ne survient que dans quelques cellules du corps, comme celles du sein par exemple et les altérations ne sont pas transmissibles à la génération suivante car elles ne surviennent pas dans les cellules sexuelles (spermatozoïde ou ovule). Aujourd hui, l intérêt de la recherche génétique contre le cancer est de pouvoir identifier les individus «à risque» de développer un cancer afin de le prévenir ou d intervenir très précocement dans le développement de ce cancer. Mais surtout, à partir de ces cas «génétiques» de comprendre les mécanismes premiers qui initient la cascade d événements qui mène au cancer, afin de l enrayer le plus tôt possible. Puis, caractériser les tumeurs par leur «carte d identité génétique», c est-à-dire, reconnaître les gènes qui sont altérés et qui peuvent différer d une tumeur du sein à l autre, permettra de cibler les traitements. En quoi consiste exactement un test génétique de dépistage? Qu est-ce que cela permet de déceler? Un test génétique est une analyse moléculaire des gènes dont l altération est transmissible de génération en génération et à l origine de cancer. Chaque famille a son anomalie «propre» (sauf dans certaines populations connues) et qui oblige à étudier l intégralité des gènes pour chaque famille. Quel est le degré de fiabilité de ce test? Quelle est la position de la communauté scientifique? Lors d un test de routine, pour la première recherche de l anomalie dans une famille plusieurs techniques sont utilisées par les différents laboratoires. Aucune d entre elles, prise individuellement, n est performante à 100%. Certaines ne sont utilisables que dans un cadre de recherche pour mettre en évidence des anomalies complexes du gène. Aujourd hui, on peut être sûr que l on «passe à côté» d un certain nombre d anomalies qui ne sont pas individualisables par les techniques usuelles. La recherche continue dans ce domaine. Si ce test se révèle positif pour moi, cela veut-il dire que je suis sûre d avoir un cancer du sein? Non, cela signifie que j ai un risque beaucoup plus élevé que celui de la population générale de développer un cancer mais ce risque n est pas de 100% (il est au maximum de 80% si j atteins l âge de 80 ans) Si ce test se révèle positif, quelles précautions dois-je prendre au niveau de la surveillance et de la prévention? Des recommandations ont été écrites par un groupe d experts en 1998 et publiées dans «Risques héréditaires des cancers du sein et de l ovaire. Quelle prise en charge» Editions INSERM. D une façon générale, il est conseillé une surveillance clinique des seins 2 à 3 fois par an dès l âge de 25 ans et une mammographie annuelle dès l âge de 30 ans. S il existe un risque de cancer de l ovaire, surveillance clinique gynécologique 2 fois par an et échographie endovaginale (couplé à un Doppler couleur) une fois par an. 3

Le dosage des marqueurs tumoraux n est pas recommandé en raison de leur manque de fiabilité. La chirurgie prohylactique des seins n est pas une pratique commune en France et l ovariectomie prophylactique est discutée au cas par cas. Combien de femmes effectuent ce test en France, par an? Il y a environ 1500 demandes de tests BRCA en France actuellement (première recherche dans une famille) et environ 500 apparentés demandent un test. Ces chiffres pourraient être en augmentation dans les années à venir. Quel est l état d esprit de ces femmes en général? On peut imaginer qu une certaine partie d entre elles fait le test mais au fond ne veulent pas savoir Comment gérez-vous le fait qu une fois le test pratiqué, et s il est positif, la patiente doive vivre avec cette épée de Damoclès? Inversement, n avez-vous pas peur que les femmes qui pratiquent ce test soient plus négligentes avec les gestes de prévention si le test se révèle négatif? On ne voit en consultation d oncogénétique que les femmes qui veulent faire le test. On peut avoir une idée des motivations de celles qui refusent par l intermédiaire de leurs apparentés qui demandent à être testés. Effectivement, certaines femmes ne savent pas trop quoi faire de la connaissance de leur statut génétique. C est à nous de les aider par une surveillance adéquate. Une femme dont le résultat est négatif a souvent du mal à réaliser qu elle n a pas plus de risque que «madame tout le monde». Dans mon expérience, pendant au moins un à deux ans, ces femmes continuent le rythme de surveillance qu elles avaient adopté avant qu elles ne connaissent leur statut génétique et qui était dicté par leur probabilité de 50% d être «porteuse» d une altération génétique. Par ailleurs, il est primordial de bien leur expliquer qu elles doivent suivre les règles de dépistage de la population générale. Questions pratiques : combien le test coûte-t-il? Comment se déroule le test? La consultation d oncogénétique est ouverte à toute personne qui désire savoir si elle est à risque de développer un cancer en raison de son histoire personnelle et/ou familiale. La première consultation consiste à dresser l arbre généalogique de la famille afin d estimer la probabilité de la transmission héréditaire d un risque de cancer. Si la probabilité est forte, il est possible de proposer un test génétique. Chaque famille ayant son altération propre, et pour avoir le maximum de chance de la caractériser, l analyse doit débuter chez une personne atteinte de cancer (à partir d une simple prise de sang). On appelle cette personne, le «cas index». Cette première recherche est longue, difficile et demande des délais de plusieurs mois, voire années, et n est pas toujours concluante. Un test «positif» signifie que l anomalie trouvée est responsable de la survenue du cancer. Un test «négatif» ne signifie pas qu il n existe pas de prédisposition au cancer. Le gène en cause peut ne pas être encore connu, il faut attendre des avancées scientifiques. Parfois, le résultat est dit «indéterminé» car on ne peut pas conclure que l anomalie trouvée a une conséquence néfaste sur la protéine codée par ce gène défectueux en apparence et qu elle est donc responsable de la survenue du cancer 4

Les résultats du test ne sont définitivement transmis à la personne concernée (et exclusivement à elle, en aucun cas à ses apparentés) qu après vérification sur un deuxième prélèvement sanguin et lors d une consultation médicale personnalisée. C est au «cas index» d informer ses apparentés de la caractérisation de l altération génétique et donc de la disponibilité d un test familial. Si le test est «positif» et l anomalie caractérisée dans la famille, il est alors possible de connaître les personnes à risque et celles qui ne le sont pas et ce, d une manière fiable. Ces apparentés doivent à leur tour, demander une consultation si elles désirent connaître leur statut génétique. Il faut compter au moins trois consultations. Lors des deux premières, on pourra faire pratiquer deux prélèvements sanguins nécessaires à la fiabilité de l analyse (afin d écarter tout risque d erreur d acheminement des tubes ou de manipulation au laboratoire), la troisième aura pour but la transmission des résultats. Bien que la recherche soit dans ce cas réduite à quelques semaines, il est demandé un délai de réflexion d au moins trois mois, ce délai étant modulable surtout en fonction de l âge, la période étant d autant plus allongée que la personne est jeune. Une consultation avec un psychologue est systématiquement proposé mais reste facultative, sauf dans les cas de personnes très jeunes. Chacune des consultations est demandée librement et volontairement par la personne, en aucun cas celle-ci ne peut être convoquée. Dès la première consultation, il lui est spécifié qu elle peut interrompre la démarche à tout moment. Le côut d une première recherche dans une famille est évalué à 5000F, celui d une recherche chez un apparenté lorsque l altération est connue est de 3000F. Ces tests ne figurent pas à la Nomenclature de la Sécurité Sociale et leur côut est supporté par le budget des Hôpitaux. Qui doit pratiquer le test? Les laboratoires qui peuvent pratiquer ces tests ainsi que les personnes aptes à «signer» les résultats d examen des caractéristiques génétiques d un individu ont reçu un agrément du Ministère de la Santé. Si l on écarte les considérations budgétaires (coût élevé) et pratiques (problèmes de place), conseilleriez-vous à toutes les femmes de pratiquer ce test? Sûrement pas toutes les femmes. Les tests génétiques n ont d intérêt que s ils sont interprétab les en terme d appréciation du risque. Aujourd hui, on est capable de le dire seulement dans les cas où l hérédité est évidente. L IGR a récemment rejoint l Institut Curie et d autres organismes pour déposer une opposition au brevet des laboratoires Myriad afin d empêcher les abus d un monopole sur cest tests qui constituerait une entrave à la qualité des tests, freinerait le développement de la recherche et serait contraire aux principes de santé publique dans ce pays. Comment se fait-il que les tests ne soient pas pratiqués sinon en France, du moins dans un pays européen? Quelle est la position du gouvernement à ce sujet? Quelle est selon vous le plus grand danger associé à ce monopole? 5

Le brevet obtenu auprès de l Office Européen des Brevets par le laboratoire américain Myriad Genetics couvre toute méthode utilisée pour comparer la séquence du gène BRCA1 chez une personne «à risque» de développer un cancer du sein et/ou de l ovaire à la séquence de référence déposée. Il est donc très large et empêche le développement d autres techniques de test. Les ministères français de la santé et de la recherche ainsi que le Parlement européen soutiennent la démarche d opposition à ce brevet engagée par l Institut Curie, l IGR et l Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Si l on peut penser que l accès au test pour tous pourrait trouver une solution, en revanche, le manque d ouverture contraire à tout esprit scientifique freinerait considérablement la recherche et au bout du compte serait dommageable aux patients. 6

Questions à Dominique Lyonnet 3 Pouvez-vous vous présenter en personne, votre fonction et votre parcours médical? Ancienne interne des Hôpitaux de Paris, j'ai fait en 1982 un internat très orienté vers l'oncologie. J'ai fait un certain nombre de stages en cancérologie et en 1984 j'ai voulu apprendre autre chose et travailler en laboratoire pour connaître le travail expérimental. Là, on m'a conseillé de travailler sur les gènes oncogènes qu'on venait de découvrir et qui sont des gènes qui sont en général activés au cours du processus tumoral. Pour travailler sur les oncogènes je me suis formée à la génétique moléculaire en travaillant sur une maladie qui n'avait rien à voir avec le cancer : l'angioedème héréditaire. J'ai complètement interrompu mon internat pour faire une thèse de sciences à l'institut Pasteur et en 1990, avec ma double formation en oncologie et en génétique, je me suis naturellement tournée vers la prédisposition génétique au cancer. D'autant que, durant les années précédentes, on avait commencé à identifier les premiers gènes de prédisposition 1 et ce domaine était en pleine évolution. Pouvez-nous présenter en quelques mots le service génétique de l Institut Curie? En 1991, l'institut Curie a ouvert sa première consultation de génétique dédiée aux formes familiales de cancer du sein. Le service a évolué ensuite avec la création d'un petit laboratoire et le tout est devenu l'unité de génétique constitutionnelle (la génétique de l'inné). En 1999 le service de génétique a été créé, réunissant à la fois l'unité de génétique somatique (l'étude des altérations acquises au cours du processus tumoral) et l'unité de cytogénétique (qui concerne l'étude des chromosomes). Le laboratoire effectue le test de dépistage des prédispositions. Peut-on dire que le cancer du sein a une cause exclusivement génétique? La place de la génétique est effectivement fondamentale et aujourd'hui un énorme effort est porté pour dénombrer et décrire les altérations génétiques des différents processus tumoraux. On se rend compte qu'elles interviennent dans les facteurs de croissance de la cellule, le contrôle du cycle cellulaire, le contrôle de la durée de vie de la cellule, la capacité de la cellule de se multiplier et la capacité de la cellule tumorale à tisser autour d'elle des vaisseaux (l'angiogénèse). La transformation de la cellule passe par les altérations de ces processus, qui sont d'origine génétique. 1 Le gène du rétinoplastome (tumeur de l'œil de l'enfant), le gène de la neurofibromatose de type A (NFA) le gène de certaines tumeurs rénales 7

On peut donc dire que les cancers en général sont des maladies génétiques de la cellule mais cela ne veut pas dire que tous les cancers sont héréditaires. On estime qu'environ 5% des cas de cancer du sein sont liés à une prédisposition génétique majeure dont environ deux tiers s'expliquent par une altération des gènes BRCA1 ou BRCA2. Les recherches sur les autres maladies génétiques bénéficient donc aussi à la recherche contre le cancer du sein puisque les apports technologiques sont communs et aussi parce qu'on découvre que certains gènes sont impliqués dans le cancer mais aussi dans plusieurs anomalies génétiques et particulièrement celles qui touchent au développement. Plusieurs maladies sont dues à des altérations différentes du même gène. En quoi consiste exactement un test génétique de dépistage? Qu est-ce que cela permet de déceler? Il faut faire attention aux termes employés. Le terme "dépistage" peut faire penser à un diagnostic précoce d'une tumeur. Ici il s'agit en fait du diagnostic d'une prédisposition, d'un haut risque. Dans cette démarche on prend en compte un élément primordial qui est l'histoire de la famille, mais aussi l'histoire de la personne qui fait cette démarche. Dans certains cas on peut demander des examens complémentaires (cliniques, biologiques ou d'imagerie) qui peuvent orienter vers certaines prédispositions. Le test en lui-même se déroule de la façon suivante : à partir de prélèvements sanguins (qui permettent d'accéder à l'adn) on examine le ou les gènes qu'on suspecte à travers différentes techniques dont une est extrêmement utilisée : la PCR (Polymerase Chain Reaction) qui est une façon d'amplifier le gène que l'on veut étudier un peu comme une loupe et ensuite on met en évidence la mutation (le changement dans la séquence du gène). Par quel(s) gènes et quels chromosomes sont portées ces altérations? On pense souvent que c'est sur le gène sexuel féminin, est-ce exact? Les gènes BRCA1 et BRCA2 font partie de notre patrimoine génétique de 30 000 gènes, dont nous possédons deux copies. Chez les personnes qui ont une prédisposition, l'un de ces gènes (BRCA1 ou BRCA2) sur une des deux copies est cassé. BRCA1 sur le chromosome 17 et BRCA2 sur le chromosome 13 (qui ne sont ni l'un ni l'autre le gène sexuel féminin). En général, un parent porteur d'une anomalie, que ce soit la mère ou le père, a un risque sur 2 de transmettre à chacun de ses enfants, qu'il soit garçon ou fille. Ensuite le risque tumoral associé à cette prédisposition est majeur chez les filles et très faible chez les hommes. Très souvent, et c'est important de le corriger pour les lecteurs d'essentielles, trop souvent, on entend dire que "si c'est du côté du père, ce n'est pas grave, ça protège", ce qui est faux. Il y a une confusion dans les esprits entre le mode de transmission qui est indépendant du sexe et l'expression du trait génétique (qui est dépendant du sexe). Quel est le degré de fiabilité de ce test? Il faut distinguer 2 types de test : le test qu'on fait pour la première fois dans la famille pour rechercher ce qu'on appelle le "cas index" qui permet d'identifier l'anomalie qui pourrait être transmise à la descendance et le test qui recherche cette anomalie dans la descendance. Le premier s'effectue sur la personne la plus susceptible d'avoir cette anomalie et en général on le pratique sur une personne qui a déjà développé un cancer. On se met 8

précisément dans cette situation car on sait qu'on ne trouve pas toujours l'anomalie. Pour se mettre dans la situation "optimale", on teste la personne la plus prédisposée. Pour cette première étude, il faut savoir qu'on ne trouve pas toujours du fait des limites techniques; on estime aujourd'hui qu'on met en évidence environ 70% des mutations attendues dans les gènes (il y a donc des mutations à côté desquelles on passe). En outre il ne faut pas oublier que BRCA1 et BRCA2 rendent compte seulement de 2 tiers des prédispositions; donc on ne trouve pas toujours. Ainsi, lorsqu'on fait une première étude dans la famille, si le résultat est négatif et que l'histoire familiale est très évocatrice d'une prédisposition, on n'est en aucune façon rassurant. La signification limitée d'un résultat négatif à la suite d'une première étude est un point très important à souligner. En revanche, si on a trouvé une altération, et qu'elle est claire, on peut alors proposer un test chez les apparentés et dans ce cas le test est fiable. Si l'altération génétique est absente, on peut rassurer la personne et lui dire qu'elle n'a pas hérité de cette anomalie. Il ne faut en revanche pas négliger d'interroger la personne qui fait cette démarche sur l'histoire de l'autre branche parentale, celle du parent non porteur pour ne pas méconnaître une autre origine de prédisposition. Enfin, il faut garder à l'esprit et rappeler la fréquence de plus en plus élevée des cancers du sein dans la population (1 femme sur 10 en France). Quelles évolutions peut-on attendre de ce test? Le gène a été identifié en 1994 pour BRCA1 et les premiers tests existent maintenant depuis 1995. BRCA2 a suivi un an après. On peut donc considérer qu'il y a déjà eu des avancées très sensibles mais on peut attendre des progrès supplémentaires tant grâce à l'augmentation de la connaissance des gènes que par les améliorations technologiques. Si ce test se révèle positif pour moi, cela veut-il dire que je suis sûre d avoir un cancer du sein? Cela veut dire que le risque de cancer du sein est très élevé. Il n'est pas de 100% mais estimé à 60% à 80% (risques cumulés à l'âge de 80 ans) avec un âge de diagnostic qui dans la moitié des cas est avant l'âge de 50 ans. Donc on est dans une situation de risque élevé mais 20 à 40 % des femmes porteuses de cette altération ne développeront pas de cancer du sein. Au niveau de la prévention, en cas de test positif, l'inserm et les FNCLCC ont publié des recommandations sur la prise en charge des femmes à haut risque : suivi clinique mammaire à partir de 20 ans (2 fois par an), surveillance mammographique et éventuellement échographique dès l'âge de 30 ans ou 5 ans avant l'âge du premier diagnostic familial (1 fois par an). Aujourd'hui il n'y a pas de moyen de prévention primaire, sauf la chirurgie mammaire prophylactique. Les résultats du test sont-ils pondérés par les autres facteurs de risque que l'on commence à identifier (exposition aux œstrogènes, alimentation, etc.)? Aujourd'hui on n'est pas en mesure de le faire parce qu'on manque de données et de recul mais c'est un point sur lequel beaucoup d'équipes travaillent et il existe des études collaboratives au niveau national qui suivent les femmes porteuses de prédisposition et qui visent à déterminer l'impact des facteurs gynécologiques et obstétriques et environnementaux. 9

Que penser des traitements préventifs à base de tamoxifène? Il y a effectivement plusieurs études qui ont montré que chez les femmes à risque (avec antécédents familiaux mais non "testées") le tamoxifène diminue en gros par 2 les risques de cancer du sein. Une autre étude a montré que chez les femmes BRCA1 et surtout BRCA2, la tamoxifène diminue le risque de cancer du sein controlatéral (sur l'autre sein) car les risques sont élevés de développer une première attaque mais ils sont aussi élevés de développer un cancer sur l'autre sein. Que pensez-vous de la prévention par auto-examen des seins? Est-ce un moyen valable aujourd'hui? Je crois que c'est un apport absolument non négligeable mais c'est difficile de le recommander car l'attitude des femmes vis à vis de ce geste est très variable et dépend beaucoup des caractères. Pour certaines, l'autopalpation est un geste facile mais d'autres vont paniquer à la moindre anomalie. D'autres femmes sont plus à l'écoute de leur corps. Je suis pour un système où l'on apprend ce geste à toutes les femmes sans pour autant l'imposer. Au delà de l'apprentissage, ce n'est pas un geste facile. Mais il ne faut pas négliger cette surveillance car les femmes qui viennent me voir en consultation ont bien souvent découvert une anomalie de cette façon. C'est une approche que des sites comme Essentielles peuvent promouvoir. Combien de femmes effectuent ce test en France, par an? Selon une enquête 2000, environ 1000 à 1500 études cas index (besoins 2000 à 2500 tous les besoins ne sont pas couverts). Chez les apparentés, entre 500 et 1000. Quel est l état d esprit de ces femmes en général? Comment gérer la dualité peur/besoin de savoir? C'est une question très importante. Parmi celles qui viennent me voir en consultation, et qui sont souvent des femmes très actives, des "battantes", je vois que la démarche n'est pas si simple. Il faut les aider à faire leur choix et surtout AVANT de faire le test, il faut les aider à anticiper en fonction du résultat du test. Nous proposons systématiquement une consultation avec un psycho-oncologue avant le recueil du consentement. Tout se passe donc en 2 étapes : une consultation d'information avec un généticien puis une période de réflexion le temps porte conseil et il est aussi important de pouvoir en parler à des proches et surtout à des gens qui ne sont pas médecin. Il est dommage de ne pas avoir plus de données sur l'état d'esprit de ces femmes après le test. Toutefois il existe une étude nationale (en cours) qui propose pour chaque test un questionnaire avant le test, quinze jours après le test, six mois après, puis 1 an, 5 ans et 10 ans après. Questions pratiques : combien le test coûte-t-il? Comment se déroule le test? Pour les femmes qui consultent, le coût est nul et supporté par le budget hospitalier. Mais le coût effectif varie selon les laboratoires et se situe entre 6 et 8000 francs pour la première recherche dans la famille (cas index). Il varie entre 1000 et 1500 francs pour les tests sur les apparentés. Comment reconnaître un organisme apte à pratiquer le test? Combien d'organismes peuvent pratiquer le test? 10

Les laboratoires qui font les tests doivent être agréés par le ministère de la santé. Il faut d'abord que la consultation ait été déclarée et que le laboratoire soit "autorisé" et les praticiens "agréés". On recense environ 40 consultations oncogénétiques en France (centre de lutte contre le cancer, centres hospitaliers, quelques grosses structures privées comme la clinique Sainte Catherine à Avignon.) Aujourd'hui, conseilleriez-vous à toutes les femmes de pratiquer ce test? Aujourd'hui non. Car les résultats peuvent être négatifs lorsqu'on fait une première recherche dans la famille et par conséquent on ne rassure pas. Le jour où le résultat négatif sera toujours significatif et qu'on pourra rassurer, et où l'on pourra vraiment prendre en charge de façon très ciblée les personnes à risque, à ce moment là on pourra élargir. Quelle est le profil de la patiente critique? Tout cela est assez arbitraire mais on a choisi de retenir une situation évocatrice d'une prédisposition et dont la probabilité moyenne de trouver un cas index est d'au moins 25%. En gros cela correspond à des situations où il y a au moins 3 ou 4 cancers du sein ou de l'ovaire qui sont liés qui appartiennent à la même branche parentale (signe d'une transmission dominante). L IGR a récemment rejoint l Institut Curie et d autres organismes pour déposer une opposition au brevet des laboratoires Myriad afin d empêcher les abus d un monopole sur ces tests qui constituerait une entrave à la qualité des tests, freinerait le développement de la recherché, serait contraire aux principes de santé publique dans ce pays. Comment se fait-il que les tests ne soient pas pratiqués sinon en France, du moins dans un pays européen? Quelle est la position du gouvernement à ce sujet? Quelle est selon vous le plus grand danger associé à ce monopole? Le brevet contre lequel nous nous opposons porte sur une technique de diagnostic de prédisposition, quelle que soit la stratégie utilisée au laboratoire, qui repose sur l'analyse du gène BRCA. Là où nous nous insurgeons vraiment, et ce qui a motivé notre démarche, c'est la revendication de monopole de Myriad. Myriad a exercé son droit de brevet en donnant ou en refusant des licences, ce qui impose un monopole inadmissible et ce à plusieurs niveaux: le coût est très élevé, leur technique n'est pas la meilleure, n'est pas fiable on l'a montré. En outre, il faut envoyer les prélèvements des patientes outre-atlantique où l'éthique n'est pas la même et on ne sait pas ce qu'ils vont réellement en faire ou s'ils ne vont pas constituer des banques biologiques qui peuvent être dangereuses. C'est pour cela aussi que nous sommes opposés, et aussi pour gagner du temps et pouvoir utiliser les licences d'office, qui sont une disposition française pour les médicaments (mais pas encore pour les tests) qui imposent au détenteur d'un brevet la capacité de donner des licences dans des conditions acceptables. En principe le gouvernement devait faire passer ces licences d'offices à l'occasion de la loi sur le droit du malade. Mais les choses traînent un peu, et ont été repoussées même si nous sommes très soutenus et par le Ministère de la Recherche, le Ministère de la santé et le Parlement Européen. 11