Surveillance de la grippe en France : données des 3 saisons de 2001 à 2004



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Surveillance de la grippe en France : données des 3 saisons de 2001 à 2004 Sources : données des CNR, du réseau RENAL, du réseau Grog, du réseau SMOG et du réseau européen EISS Synthèse réalisée par Bruno Lina (CNR des virus influenza, région Sud), en collaboration avec Martine Valette (CNR des virus influenza, région Sud), Sylvie Van, der Werf (CNR des virus influenza, Région Nord), Anne Mosnier et Jean-Marie Cohen (Coordination nationale des Grog). Courriel : lina@univ-lyon1.fr Mots-clés: influenza virus, alerte, surveillance épidémiologique Les points essentiels - Les virus influenza sont responsables d épidémies imprévisibles chaque hiver. - Ces virus présentent chaque année des variations antigéniques qui peuvent conduire à l émergence de virus échappant à la réponse immunitaire induite par la vaccination. - L impact de la grippe durant ces trois années a oscillé entre environ 2 et 4 millions de cas en France. - Les tranches d âge les plus touchées sont les enfants de moins de 4 ans, sauf durant l hiver 2002-2003 ou ce sont les enfants de 5 à 14 ans chez qui le taux d attaque a été le plus élevé. - Les CNR ont une mission d alerte et de surveillance épidémiologique à l échelle communautaire comme au niveau hospitalier. Introduction Chaque hiver, la grippe est responsable d une épidémie dont l impact varie en intensité et en durée [6]. Cette infection est due aux virus influenza. Il s agit de virus à ARN qui se répartissent en trois genres (A, B et C). Les virus responsables des épidémies (type A et B) présentent une grande plasticité, ce qui leur permet de modifier en permanence leurs caractéristiques antigéniques [7,9]. Ces variations sont le plus souvent mineures (glissement antigénique) permettent l émergence de nouveaux variants. Les deux CNR des virus influenza réalisent non seulement la surveillance de la circulation des virus influenza, mais ils participent aussi activement à l alerte précoce, avertissant les pouvoirs publics de l apparition de l épidémie alors qu elle n en est qu aux prémices. Cette surveillance épidémiologique et cette mission d alerte est réalisée en association avec les médecins vigies des réseaux Grog, ce qui permet une surveillance communautaire ciblée région par région [5], mais aussi en recueillant les informations fournies par les laboratoires hospitaliers (réseau Renal). Au cours de cette surveillance, les CNR réalisent la caractérisation des virus isolés dans les prélèvements communautaires et hospitaliers. Ces informations sont ensuite renvoyées sous 1

forme agrégée à l ensemble des médecins et laboratoires participant aux différents réseaux [5]. Enfin, en étroite collaboration avec les autres systèmes de surveillance européens, les CNR transfèrent leurs informations cliniques et biologiques au réseau EISS à l échelle de l Europe, et les virus d intérêt sont envoyés au centre mondial de référence de la Grippe à Londres [2]. A toutes les étapes de la rétro-information, une information grand public est rendue disponible tant à l échelle de la France (www.grog.org) que de l Europe (www.eiss.org). Méthodes Surveillance clinique Le réseau des médecins vigies des Grog (Groupement régionaux d observation de la grippe) surveille les infections respiratoires aigues d apparition brutale [5]. Ces médecins sont répartis dans tout l hexagone, et rapportent leur activité clinique durant la période de surveillance de la grippe. Cette surveillance commence la première semaine d octobre et se termine mi-avril de l année suivante. Durant cette période de surveillance, les médecins rapportent leur activité hebdomadaire. En parallèle, ils effectuent des prélèvements respiratoires qui sont adressés aux CNR ou aux laboratoires affiliés. Cette information clinique est utilisée pour définir avec précision le début et la durée de l épidémie, En effet, lorsque les activités des médecins vigies augmentent de plus de 20 % par rapport au niveau d activité normalisé à 100, ceci sur deux semaines consécutives, il est considéré que cette augmentation est significative et qu elle est le reflet du franchissement du seuil épidémique [3]. Cette information clinique doit être confirmée par l information virologique : dans les prélèvements réalisés par les médecins vigie l isolement du virus influenza doit être fréquent (plus de 10 %). Le recueil de cette information clinique et virologique permet de déclencher l alerte pour signifier le début de l épidémie et de faire la surveillance étroite de la circulation des virus influenza en France durant toute la période hivernal [3]. Durant la période 2001-2004, le réseau a été constitué en moyenne de 560 médecins généralistes ou pédiatres répartis dans toutes les régions de France sauf la Corse. Les informations cliniques ou virologiques recueillies ont été complétées par celles générées grâce au réseau Smog (militaires). Données virologiques Durant la surveillance, les CNR analysent directement entre 5 000 et 6 000 prélèvements. De plus, chaque semaine, ils recueillent le nombre d isolements et/ou de détections de virus influenza réalisés par les laboratoires hospitaliers du réseau Renal et par les laboratoires militaires (réseau Smog). Outre les données concernant influenza, les CNR reçoivent aussi 2

les informations sur les autres pathogènes respiratoires détectés. Pour les Dom-Tom, des informations sont collectées à partir du CNR de la Guyane, et des souches sont adressées à partir des Antilles vers le CNR région Nord et depuis la Réunion vers le CNR région Sud. Les CNR assurent pour l ensemble de ces laboratoires la caractérisation complète des virus qui leur sont envoyés. Cette caractérisation phénotypique consiste à réaliser le sous-typage et l identification des variants à l aide d un panel de sérums de furets. Fréquemment, cette caractérisation est couplée à l analyse phylogénétique des gènes de l hémagglutinine (Ha) et de la neuraminidase (Na) des virus. Depuis l automne 2000, l émergence d un nouveau sous-type de virus influenza issu d un réassortiment génétique entre virus A H1N1 et A H3N2 a été reportés [4]. Ce réassortiment a conduit à l apparition d un sous-type A H1N2 qui a circulé en France dès l hiver 2000-2001. Une étude phylogénétique de l hémagglutinine (Ha) des virus isolés en France a été réalisée afin de déterminer si l Ha des virus du sous-type A H1N2 pouvait avoir une évolution antigénique l éloignant de l Ha des virus du sous-type A H1N1 ; évolution divergente risquant à terme d induire la circulation de virus potentiellement non-neutralisés par les anticorps d origine vaccinale [1]. Après l hiver 2004-2005, ce virus n a plus été détecté. Enfin, depuis la commercialisation des antiviraux ayant une activité anti-neuraminidase, une grande partie des virus influenza détectés dans le cadre de la surveillance par les CNR sont systématiquement testés pour déterminer leurs sensibilités à ces produits. Résultats Données de la surveillance L analyse chronologique des IRA a montré des hivers avec des profils différents (figure 1). En parallèle, comme le montre la stabilité de la composition vaccinale au cours de ces trois années (tableau I), l évolution des souches circulantes a été plutôt lente au cours de ces hivers. Durant l hiver 2001-2002, l épidémie a duré 9 semaines, de la semaine 51 à la semaine 7 (tableau II et figure 2). Cette épidémie a été essentiellement due à la circulation de virus A H3N2 proches du variant A / Panama / 2007/99 qui était dans la composition vaccinale. Il n y avait cette année-là pas de différence antigénique entre la souche vaccinale et la souche circulante. La tranche d âge la plus touchée a été les jeunes enfants (0-4 ans). Il est à noter que l épidémie de virus A H3N2 a été suivie d une circulation de virus B, ces virus ayant été détectés jusqu'à la fin de la surveillance (figure 2). Les souches A H1N2 isolées pendant cette surveillance ont présenté une antigénicité homogène. L ensemble de ces souches avaient une Ha antigéniquement proche de celle de New Caledonia/20/99, et une Na antigéniquement proche de celle de A / Panama / 2007/99. Ce résultat était cohérent avec les données recueillies par le Centre de référence de Londres [7] 3

Durant l hiver 2002-2003, l impact de la grippe a été nettement plus faible que l année précédente (figure 1). La souche circulante majoritaire a été le virus B de sous-type B/Hong Kong/330/2001 Il s agissait d un lignage B différent de celui de la souche B /Sichuan/379/99 qui était dans la composition vaccinale de l année précédente (tableau I) [7]. L épidémie a débuté semaine 52 et a duré jusqu'à la semaine 9 (figure 3). La tranche d âge la plus touchée a été les 5-15 ans. Pour les virus influenza A minoritaires durant cette année, les 2/3 des virus étaient du sous-type A H1N1, proches de la souche vaccinale New Caledonia/20/99. Durant le troisième hiver (2003-2004), l impact de la grippe a été nettement plus important qu au cours des deux hivers précédents (figure 1). De nouveau, la tranche d âge la plus touchée a été celle des moins de 4 ans, avec un taux d attaque de près de 32 % (tableau II). Le sous-type majoritaire a été le virus A/H3N2 proche du variant Fujian/411/2002 qui avait fait son apparition dans l hémisphère sud lors de la fin du printemps 2003. Antigéniquement, la souche présentait des variations significatives d avec la souche vaccinale A/H3N2/Moscow/10/99 qui avait été choisie comme souche vaccinale (tableau I). L épidémie observée a débuté précocement, semaine 47, et a eu un pic rapidement atteint dès la semaine 50. Cette épidémie étant considérée comme terminée en semaine 1. Les virus des sous-types A H1N1 ou B n ont pratiquement pas été isolés durant cet hiver (figure 4). Durant cet hiver, aucun virus de sous-type A H1N2 n a été isolé en France. Toutefois, un faible nombre de virus A H1N2 a été isolé dans d autres pays d Europe. Caractérisation des virus A H1N2 L étude phylogénétique des virus A H1N2 a montré que l antigénicité Ha de ces virus était indistinguable de celle des Ha des virus influenza A H1N1. Toutefois, une évolution divergente des Ha des sous-types A H1N1 et A H1N2 a été observée au niveau nucléotidique et protéique [1]. A terme, cette divergence aurait pu devenir significative, éloignant suffisamment les deux molécules pour rendre ces virus différents en caractérisation antigénique (figure 5). Sensibilité aux antiviraux La sensibilité des virus influenza A & B détectés dans le cadre des activités de CNR a été mesurée vis-à-vis du Zanamivir et de l Oseltamivir. A ce jour, aucun virus résistant aux inhibiteurs de la neuraminidase n a été détecté en France. Discussion La surveillance de la grippe au cours de ces trois hivers successifs démontre encore la variabilité de la grippe, tant pour ce qui est des manifestations cliniques de la maladie, de la date de début de l épidémie, de son impact, que de l antigénicité des virus isolés. 4

Cliniquement, les épidémies ont eu un impact variant du simple au double entre l hiver 2002-2003 et l hiver 2003-2004 (tableau II). Concernant les tranches d âges, il n a pas été observé de grande disparité. En effet, la surveillance menée durant ces trois hivers a démontré encore une fois que la grippe touche essentiellement les enfants, avec un taux d attaque cumulé des deux tranches d âge 0-4 et 5-14 ans allant de 20 à près de 50 %. Globalement, pour ces 3 hivers, il y a eu une adéquation juste correcte de la composition vaccinale par rapport aux souches circulantes détectées. Durant l hiver 2002-2003, des virus B apparentés au sous-type B/Hong Kong/330/2001 appartenant au lignage Victoria ont circulé alors que la souche vaccinale B était la souche B /Sichuan/379/99 qui appartenait au lignage Yamagata. De fait la protection vaccinale n était pas bonne. De même, durant l hiver 2003-2004, l émergence imprévue du variant A H3N2/Fujian/411/2002 a conduit a une inadéquation du vaccin qui comportait la souche A /H3N2/Moscow/10/99. Comme ces deux souches étaient antigéniquement distinctes, l inadéquation a entraîné une protection incomplète vis-à-vis de A H3N2 durant l hiver 2003-2004. Le réseau Grog couplé aux CNR des virus influenza permet d avoir un panorama complet de la circulation de la grippe en France. L association du Grog au réseau EISS permet d avoir une idée des éventuelles différences qui peuvent être observées sur l épidémiologie et/ou l impact de la grippe dans les différents pays d Europe [2]. Durant les 3 saisons observées, l épidémiologie de la grippe a été très similaire en Europe, avec un décalage progressif de la vague épidémique de l Ouest vers l Est (voir www.eiss.org, données historiques). La grippe n est pas le seul virus surveillé par les CNR des virus influenza. En effet, depuis plusieurs années, les CNR des virus influenza élargissent leur palette d outils diagnostics afin de conduire la surveillance d autres agents viraux responsables d infections respiratoires hautes et basses (virus respiratoire syncytial, Parainfluenzavirus 1 à 4, Adénovirus, Rhinovirus et Coronavirus) [8]. Durant cette période de surveillance, il est à noter que le tissu des médecins généralistes et pédiatres du Grog impliqués dans la surveillance de la grippe ont aussi fait face à la situation exceptionnelle qu a été la crise du Sras. C est durant la période de mi-mars à fin mai 2003 que les médecins du Grog ont été sollicités pour dépister certains cas. Déjà à l époque, nous avions fait l expérience de l utilité de ce réseau pour la surveillance et le dépistage des cas possible d introduction d un pathogène respiratoire émergent, comme peut l être la grippe aviaire (ex A H5N1). Enfin, lors de ces trois années de surveillance, les CNR ont activement participé au développement des plans de prise en charge biologique des prélèvements dans le cadre de la crise du Sras, et pour la rédaction du plan pandémique. Les CNR assurent aussi le développement et la diffusion des techniques de référence pour la détection et l isolement des virus influenza pour les laboratoires correspondants. 5

Remerciements Nous tenons à remercier tous les médecins du Grog, les laboratoires du réseau Renal, le service de santé des armées. Références : 1 - Al Faress S, Cartet G., Ferraris O, Norder H, Valette M, Lina B.. Divergent genetic evolution of hemagglutinin in influenza A H1N1 and A H1N2 subtypes isolated in the south-france since the winter of 2001-2002. J Clin Virol., 2005 ;. 2 - Aymard M, Valette M, Lina B, Thouvenot D, the members of the Groupe Régional d'observation de la Grippe and European Influenza Surveillance Scheme. Surveillance and impact of influenza in Europe. Vaccine, 1999; 17: S30-S41. 3 Dab W, Quenel P, Cohen JM, Hannoun C. A new influenza surveillance system in France: the Ilede-France GROG. Validity of indicators (1984-1989). Eur J Epidemiol 1991; 7: 579-587. 5 - Gregory V, B. M., Orkhan VH, AlHajjar S, Varsano N, Lin YP. Emergence of influenza A H1N2 reassortant viruses in the human population during 2001. Virology 300:1-7. 6 - Hannoun C, Dab W, Cohen JM. A new influenza surveillance system in France: the Ile-de-France GROG. Principles and Methodology. Eur J Epidemiol 1989; 5: 285-293. 7 - Hannoun C, Leophonte P, Peyramond D. La grippe: conceptions actuelles. John Libbey Eurotext, Paris 2003. 8 - Lin YP, Gregory V, Bennet M, Hay A. Recent changes among human influenza viruses. Virus Res. 2004; 103: 47-52. 9 - Lina B, Valette M, Foray S, Luciani J, Stagnara J, See DM, Aymard M. Surveillance of communityacquired viral infections due to respiratory viruses in Rhône-Alpes (France) during winter 1994 to 1995. J Clin Microbiol 1996, 34: 3007. 10 - Smith DJ, Lapedes AS, DeJong JC et al. Mapping the antigenic and genetic evolution of influenza virus. Science, 2004; 305: 371-376. 6