Actions exercées sur un solide par un fluide Une des grandes application de la mécanique des fluides est la prévision des effets de l écoulement externe d un fluide sur un solide : * Force permettant la portance d un avion ; * Force de freinage lors du mouvement du solide dans le fluide ; * Force exercée par une rivière sur une pile de pont, sur un barrage... Au delà de ces notions de forces, on peut aussi s intéresser à d autres critères ; par exemple quelle énergie le fluide en mouvement peut céder à un solide (turbine, éolienne...). Nous aborderons cet aspect de grande importance pratique dans un chapitre ultérieur. I. Ecoulement d un fluide autour d une sphère. Observation Considérons le cas d'une sphère de rayon R, autour duquel s'écoule un fluide de vitesse constante V à grande distance du cylindre. Le fluide est caractérisé par sa masse volumique ρ et son coefficient de viscosité η. Evaluons le nombre de Reynolds au niveau de la sphère : Re = 2 R V Sa valeur dépend de la vitesse de déplacement du fluide, tous les autres paramètres étant non modifiables. Si le fluide va lentement, on aura un nombre de Reynolds petit, et on peut s'attendre à un écoulement laminaire du fluide autour de la sphère ; à grande vitesse, Re sera grand et on peut prévoir un écoulement turbulent.
Re de l'ordre de 0 Ecoulement laminaire et stationnaire Re de l'ordre de 25. Il se forme deux tourbillons stables derrière le cylindre. L'écoulement est toujours laminaire et stationnaire Re de l ordre de 200. Il se forme périodiquement des tourbillons qui se détachent ; les lignes de courant sont bien identifiables. L écoulement est laminaire non stationnaire (allée tourbillonaire de Karman).
Re de l'ordre de 2 0 3. L'écoulement est turbulent. Il se forme un sillage turbulent et chaotique derrière le cylindre. Re = 0 4 Très turbulent Cette observation montre que l interaction entre un fluide et un solide dépend fortement de l ordre de grandeur du nombre de Reynolds. 2. Notion de couche limite a) Définition En regardant les figures précédentes, on constate que l écoulement du fluide reste laminaire (même à fort nombre de Reynolds) dès que l on est suffisamment loin du solide. La perturbation de l écoulement concerne les couches de fluide qui passent au voisinage immédiat du solide (cette perturbation peut rester importante loin en arrière du solide, mais son amorçage s est fait au voisinage immédiat). Intuitivement, on comprend que les couches de fluide qui passent loin du solide ne le voient pas et ne seront donc pas affectées. Par contre la condition d adhérence qui impose une vitesse nulle au contact du solide, y génère obligatoirement une forte modification des propriétés de son écoulement. Prenons le cas d un fluide s écoulant au voisinage d un solide plan, avec une vitesse initiale V loin en amont de ce solide :
y Zone où la vitesse reste V Couche limite Au voisinage de la surface du solide, la vitesse varie rapidement en fonction de la variable d'espace y. On peut donc définir deux zones : * une au voisinage du solide, où la condition d adhérence aura de fortes répercussions ; * une au delà, où l écoulement du fluide n en dépend plus, et vaut V uniforme (donc pas de turbulence). La première portion est appelée couche limite. b) Cas des écoulements à grand nombre de Reynolds Les grands nombres de Reynolds sont facilement obtenus pour les fluides peu visqueux, comme l air ou l eau. Dans ces fluides les différentes couches n interagissent que peu entre elles. Il est donc possible d y observer de rapides variations spatiales du champ de vitesse. A grand nombre de Reynolds, la couche limite est très fine ; elle est néanmoins d une très grande importance car c est dans cette couche que peuvent apparaitre les turbulences. Ainsi pour l air une épaisseur usuelle de couche limite est de l ordre du millimètre! Pourtant on constate expérimentalement son influence : l écoulement du fluide au voisinage immédiat d un solide est primordial, ce qui conduit à soigner l état de surface du solide (alvéoles sur une balle de golf, peluche sur une balle de tennis, choix des tissus pour une combinaison dans un sport de vitesse...). II. Forces subies par le solide. Sphère Nous aborderons ces forces sur deux exemples : la sphère, et une aile d avion. Considérons une sphère de rayon R en mouvement à la vitesse V constante dans un fluide au repos (problème équivalent à l'écoulement d'un fluide de vitesse V uniforme à grande distance de la sphère, autour d'une sphère immobile).
On constate que la sphère en mouvement subit une force de freinage, dite force de traînée, qui s'oppose à son mouvement, colinéaire et de sens opposé à sa vitesse. L'expérience montre que si l'on écrit cette force sous la forme F = C x 2 S V 2 où ρ est la masse volumique du fluide et S la surface projetée de la sphère orthogonalement à son mouvement, alors le coefficient C x ne dépend que du nombre de Reynolds (définition et propriété valable pour tout corps en mouvement, pas seulement une sphère). La courbe liant C x au nombre de Reynolds a l'allure suivante (en échelles log log ) : Cx 0 Zone 3 Zone 4 Zone 2 Zone Re 2 3 4 5 6 0 0 0 0 0 0 Dans la zone, Re <, log(c x ) est une droite en fonction de log(re) de pente -, ce qui signifie que C x est inversement proportionnel à Re. On a dans cette zone, C x = 24. Re Dans la zone 3, 0 3 < Re < 5 0 5, C x est sensiblement constant. Il en résulte que, pour la zone, F = Re 24 2 S V 2 = 24 2R V 2 R 2 V 2 F = 6 RV Formule de Stokes qui donne donc l'expression de la force de trainée lorsque Re est petit, soit pour des déplacements à faible vitesse ou dans un fluide de viscosité élevée. La force de trainée est alors proportionnelle à la vitesse. Dans la zone 3, F = k 2 S V 2 avec k voisin de. A vitesse élevée, la force de traînée est proportionnelle au carré de la vitesse. Rmq : On constate une forte chute du coefficient Cx pour Re = 3,5 0 5 pour une sphère lisse. Cette chute est obtenue pour un nombre de Reynolds un peu plus bas (2 0 5 ) si la sphère a une surface rugueuse. Cette propriété est exploitée dans les sports de balle ; la taille de la balle, et sa rugosité de surface, sont choisies de manière à se situer à ce nombre de Reynolds. On constate ainsi que le produit vitesse - diamètre est le même pour une balle de golf, de tennis, de cricket, de foot... (pour des très bons joueurs capables de leur donner des vitesses suffisantes!).
2. Aile d avion Une aile d avion est un système en mouvement dans un fluide, donc qui subit par interaction avec ce fluide une force. L objectif est de concevoir l aile pour que cette force soit inclinée par rapport à la direction du vol de l avion ; on peut alors la décomposer en une composante suivant cette direction et une orthogonale. P T est une force de freinage (elle s oppose à l avancement de l avion) ; c est une force de trainée. T P est une force, qui si elle est vers le haut, s oppose au poids de l avion et lui permet de se maintenir en vol ; elle est appelée force de portance. Les mesures montrent que ces forces dépendent, pour une aile donnée et dans des conditions de fluide données (donc à nombre de Reynolds fixé), de son inclinaison α par rapport à l horizontale. Par analogie avec ce qui a été fait pour la sphère, on va définir des coefficients Cx et Cz pour ces forces. Mais la surface frontale étant variable selon l inclinaison de l aile, on choisit de les mesurer à partir d une surface de référence S définie comme le produit de L.L env avec L (corde) distance entre le point le plus en avant de l aile et le point le plus en arrière, et L env l envergure de l aile. Cette surface a l avantage de ne pas dépendre des conditions d utilisation de l aile. La force de trainée s exprime comme pour la sphère précédente par la relation T = C x 2 S V 2 ; Par analogie, on peut définir le coefficient Cz par P = C z 2 S V 2. L aile doit être conçue de manière à avoir P élevée et T faible, donc à optimiser le rapport P appelé coefficient de finesse. T = C z C x,5 Cx Cz Ainsi pour un nombre de Reynolds de l ordre de 0 6 (correspondant à des conditions usuelles de vol), les courbes de Cx et Cz en fonction de α sont les suivantes : On constate que la portance est maximale pour un angle d inclinaison de l aile voisin de 5 degrés, mais l optimum en finesse est obtenu pour un angle légèrement plus faible. 5 0 5 20 25 α Au delà de 5 degrés, la portance diminue rapidement et la trainée augmente fortement ; l avion décroche, provoquant une chute rapide. Il est donc préférable de ne pas trop s approcher de l optimum de la portance...