F Th-Eurocents A05 Bruxelles, le 18.11.2004 MH/SL/JP A V I S concernant LA PROBLEMATIQUE DES PIECES DE 1 ET 2 EUROCENTS (entériné par le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME le 18 novembre 2004) ***
2 Par sa lettre du 23 septembre 2004, Monsieur M. Verwilghen, Ministre de l Economie, de l Energie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique, a demandé l avis du Conseil Supérieur des Indépendants et des PME concernant l arrêt de la production des plus petites pièces d eurocents par la Belgique et ses conséquences micro-économiques tant pour les fournisseurs que pour les consommateurs. Dans ce cadre, le Ministre envisage comme option possible la suppression volontaire effectuée par le biais de l arrondi du montant total à la caisse en cas de paiements en espèces. Par sa lettre du 24 septembre 2004, Madame S. Laruelle, Ministre des Classes Moyennes et de l Agriculture, a également demandé l avis du Conseil Supérieur dans ce contexte. Elle appelle le Conseil Supérieur à se prononcer sur l opportunité d une suppression des pièces de un et deux eurocents en circulation sur le marché belge, en ce compris sur les règles d arrondi qui accompagneraient une telle mesure. Après avoir consulté la Commission «Réglementations», le Conseil Supérieur a émis, à l unanimité lors de sa séance plénière du 18 novembre 2004, l avis suivant. CONTEXTE GENERAL Le Conseil Supérieur est appelé à se prononcer sur l opportunité de la suppression de l usage des pièces de 1 et 2 eurocents. Il ne peut être question d une suppression pure et simple de ces pièces, cette décision relevant exclusivement de la Banque Centrale Européenne. Les consommateurs trouvent que la variété de pièces libellées en euros est trop élevée. Ils critiquent particulièrement les pièces de 1 et 2 eurocents car elles ne représentent qu une valeur négligeable, sont difficiles à différencier et confrontent les consommateurs à une grande quantité de monnaie. Quoiqu une enquête de Test- Achats montre que moins de 5% de ses membres se prononce en faveur d une suppression, il ressort d une enquête menée par la Commission européenne qu une large majorité des belges, respectivement 81 et 72 %, se prononcent en faveur d une suppression des pièces de 1 et 2 eurocents 1. Les commerçants, quant à eux, allèguent à l encontre de ces pièces plusieurs griefs. Leur utilisation suscite de longs temps d attente à la caisse puisque les clients doivent chercher leur monnaie assez longtemps vu la difficulté qu ils éprouvent à les distinguer. Compte tenu de leur grand nombre et de leur valeur limitée, les pièces de 1 et 2 eurocents entraînent en outre des coûts de traitement assez importants pour le commerçant quant à leur comptabilisation, triage, achat ou dépôt à la banque. Dans ce contexte, le Ministre des Finances, a annoncé sa volonté d interrompre l émission des pièces de 1 et 2 eurocents, invoquant le coût très élevé de leur production pour le Trésor, qui est supérieur à leur valeur nominale. POINT DE VUE Le Conseil Supérieur ne voit pas d opposition à une éventuelle interruption de la production des pièces de 1 et 2 eurocents étant lui-même partisan d une limitation de l utilisation de ces pièces. 1 Commission européenne, Flash Eurobarometer : The euro, two years later, décembre 2003.
3 En cas de diminution de la circulation des pièces précitées, il deviendra difficile d effectuer des paiements au cent près. Un système d accompagnement devra donc être mis en place. C'est pourquoi, le Conseil Supérieur propose l adoption de la règle de l arrondi. L arrondi sur le prix individuel de chaque produit est contraire à l article 2 du Règlement 974/98/CE du Conseil du 3 mai 1998 concernant l introduction de l euro qui stipule «L unité monétaire est un euro. Un euro est divisé en cent cents». Ainsi, l'arrondi devra être opéré sur le total du ticket de caisse. Concrètement, le montant total du ticket de caisse sera arrondi au multiple le plus proche de 5 eurocents. Ainsi, les sommes se terminant par 1,2,8 et 9 seront arrondies à 0 et celles se terminant par 3,4, 6 et 7 à 5. Par conséquent, la règle de l arrondi opérera tant vers le haut que vers le bas entraînant de ce fait une opération économiquement neutre pour le consommateur. L adoption de la règle de l arrondi ne permettra pas aux commerçants de refuser les paiements effectués au moyen des pièces de 1 et 2 eurocents qui, conformément à l article 11 du même Règlement, continueront d avoir cours légal. Réglementation légale Le Conseil Supérieur plaide pour l introduction de la règle de l arrondi par voie légale. La mise en œuvre légale d un tel système est absolument recommandée car elle assure la sécurité juridique nécessaire. Les abus, la confusion et les conflits sont évités car tant les consommateurs que les commerçants appréhenderont clairement les règles appliquées. Un règlement contraignant et uniforme évitera également l utilisation de l arrondi comme instrument commercial; en d'autres termes, il assurera la neutralité commerciale et diminuera l'impression d inflation auprès des consommateurs. Ce choix peut également être motivé en se référant aux exemples finlandais et néerlandais. Dès l introduction de l euro, la Finlande a opté pour la réglementation de cette pratique par voie légale. L examen du fonctionnement de son marché permet de conclure à un bilan positif. En effet, les dispositions instaurées sont totalement respectées ce qui induit une uniformité d application et une information optimale du consommateur. Par contre, aux Pays-Bas où un code de bonne conduite a été mis en place sur base purement volontariste, l absence de caractère contraignant amène à déplorer que les différents acteurs ne se conforment pas toujours aux règles convenues. Paiements en espèces et électroniques Le Conseil Supérieur estime qu il est essentiel que la règle de l arrondi soit appliquée tant pour les paiements effectués en espèce qu électroniquement. Il ne peut être question d introduire une discrimination entre les différents moyens de paiement. Pour le consommateur, le choix du mode de paiement doit être entièrement neutre. La volonté du Conseil Supérieur est que les «transactions au comptoir», notion qui tend à viser les paiements effectués de manière directe entre les acteurs, continuent d être traitées sur le même pied d égalité.
4 Une différenciation peut engendrer des effets néfastes tels qu une diminution du nombre d opérations commerciales effectuées auprès des petits commerçants ne disposant pas d un terminal de paiements électroniques ou un choix dans le chef des consommateurs d opter, lors de chaque achat, en faveur du mode de paiement le plus favorable sur le plan pécuniaire. Arrondir tant les paiements en espèce que les paiements électroniques rendra également la mise en conformité technique des caisses à la règle de l arrondi plus aisée. Afin de faciliter la mise en œuvre du régime de l arrondi, on peut notamment envisager la possibilité d une adaptation des caisses leur permettant de calculer immédiatement le montant arrondi. Il est souhaitable d avertir le plus rapidement possible les fournisseurs de caisses d une décision concernant l arrondi afin qu ils puissent préparer ces adaptations. En outre, il est indispensable de prévoir une période d adaptation afin de laisser le temps aux commerçants d opérer les changements requis, tant en ce qui concerne les caisses que les balances. Mesures juridiques L introduction en droit belge de la règle de l arrondi nécessite certaines modifications législatives. Tout d abord, cette règle peut causer des difficultés concernant l'application de l article 3 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l information et la protection du consommateur. Le principe énoncé dans cet article est que le prix indiqué doit être le prix global à payer par le consommateur. Des discordances par rapport à certaines dispositions fiscales doivent également être supprimées. Il s agit tout d abord de l article 26 du Code TVA qui prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue sur le prix du produit et non sur le prix total des achats. De plus, le taux de TVA peut varier selon le type de produit visé. Lors de l achat de produits pour lesquels le taux n est pas uniforme, la question se posera quant à la détermination du taux auquel l arrondi sera soumis. En matière de contributions directes, il faut également prévenir des problèmes sur le plan de l administration de la preuve pour les commerçants ne disposant pas encore de caisse adaptée. Enfin, il est à recommander de soumettre la conformité des dispositions légales introduites à un contrôle préalable des instances européennes afin d assurer un déroulement sans faille de la mise en œuvre du système. Mesures d accompagnement Le Conseil Supérieur souhaite que l introduction de la règle de l arrondi s accompagne d une campagne d information tant au niveau des commerçants que des consommateurs. L instauration d un projet pilote semble superflue dans le contexte actuel. Un tel essai entraîne des coûts très importants. En outre, un exemple suffisamment probant du bon fonctionnement du régime de l arrondi nous est fourni par la Finlande.
5 CONCLUSION Le Conseil Supérieur est partisan de décourager l usage des pièces de 1 et 2 eurocents. Il estime que la règle de l arrondi doit être introduite par voie légale et pratiquée aussi bien sur les paiements en espèce qu électroniques. Pour garantir une application pratique conforme au contexte juridique, il importe de procéder à certaines modifications législatives. Le Conseil Supérieur insiste également sur la nécessité d informer les acteurs concernés et demande de prévoir un délai d adaptation raisonnable.