Vendredi 1 er /07/2011 Cycle «Les rendez-vous du logement social durable» soutenu par le programme européen Life+ L INTEGRATION DES ECO-MATERIAUX ET DES SOLUTIONS ECOLOGIQUES DANS LE LOGEMENT SOCIAL Vincent Rigassi, architecte La performance énergétique L'approche écologique dans le logement social concerne en premier lieu la performance énergétique. En effet, la hausse des coûts d'énergie ne pourra que s'accroître dans les prochaines années et cela augmentera d'autant plus les charges des logements peu performants. La question est donc de considérer non pas seulement le loyer, mais bien l'ensemble loyer + charges, puisque c'est bien l'ensemble qui incombe au locataire. Le loyer plafonné, non pas sur la base de l'investissement, mais sur la base de la situation géographique, dépend néanmoins, au réel, du montant de l'investissement du coût d'opération, lequel est en grande partie tributaire des performances énergétiques visées. L'investissement, même s'il est plus élevé, reste sous maîtrise du bailleur, contrairement aux charges de par l'absence de maîtrise sur les prix de l'énergie. Sur ce raisonnement, on peut donc considérer que développer des solutions constructives performantes thermiquement permet de réduire la dépendance aux fluctuations des coûts d'énergie et donc au risque de précarisation des locataires faisant de plus en plus difficilement face aux charges de chauffage. En prenant l'exemple des six logements sociaux de "La Petite Chartreuse" en Isère et qui ont obtenu le label Minergie-P, équivalent à des performances passives, on arrive à des performances de près de 80% de chauffage en moins par rapport à la RT 2005. Pour les locataires, cela se traduit par une importante réduction de charges qui ira croissante avec l augmentation du coût de l énergie. Opération passive «La Petite Chartreuse» Architecte : Vincent Rigassi DR
Comparatif des loyers et charges Logement T3 RT 2005 Logement T3 Passif 2009 2019 2009 2019 Loyer mensuel (sur la base d une augmentation de 2%/an) 332 405 332 405 Charges mensuelles (sur la base d une augmentation de 8 %/an) 60 130 8 17 Total 382 535 340 422 Gain mensuel pour le locataire 52 113 Comparatif élaboré sur la base des loyers HLM plafonnés (zone II : 5,10 le m²), avec l hypothèse (moyenne) d une hausse des charges de 8 % par an et du loyer de 2% par an. On voit que les charges très basses d un logement passif sont très avantageuses pour le locataire par rapport à un logement aux normes actuelles. Cependant, pour que de telles opérations soient reproductibles et ne se limitent pas à quelques opérations pilotes, l idéal serait de répartir ces avantages entre locataires et bailleurs sociaux afin de permettre à ces derniers d amortir plus facilement l investissement d opérations performantes en augmentant un peu les loyers. Une piste, déjà engagée par certaines collectivités, est d'abonder par des subventions au prorata des performances énergétiques ; mais à terme, il serait pertinent de ne plus plafonner seulement les loyers mais l ensemble loyer + charges. Énergie grise La performance thermique suppose des enveloppes mieux isolées, des vitrages plus performants, des solutions constructives réduisant les ponts thermiques, des équipements énergétiques plus complexes, etc., ce qui a pour conséquence d'augmenter les coûts tout en restant dans des marges acceptables (de 5 à 15%) si l'on vise des performances BBC, puis ensuite avec une augmentation exponentielle pour des performances de type Passif ou BEPOS (bâtiment à énergie positive, produisant plus d énergie qu il n en consomme). En supposant donc une performance de type BBC et donc des surinvestissements acceptables, le choix des matériaux devient également déterminant, si l'on prend en compte l'énergie grise (énergie nécessaire à la mise à disposition des matériaux et à leur recyclage). En effet, plus le bâtiment est performant, plus son poids en énergie grise augmentera. Le schéma suivant montre de manière extrême que l'on peut même imaginer que le bilan énergie grise + énergie d'usage puisse devenir plus important que des constructions conventionnelles.
Le "capital énergétique" étant à préserver, il convient donc non seulement de privilégier la performance énergétique, mais ceci avec des matériaux à faible contenu en énergie grise, comme illustré ci-dessus. Pour cela, et sans trop entrer dans le détail, il apparaît clairement que les matériaux à base végétale, en particulier les isolants et les éléments de structure, ont des bilans environnementaux bien plus favorables que des solutions conventionnelles.
L'utilisation de ces matériaux ne pose plus de difficultés majeure, puisque leur fiabilité ne fait plus de doutes : la construction bois est connue et utilisée dans des opérations de plus en plus démonstratives. Nombre d'isolants à base végétale, comme la ouate de cellulose ou la fibre de bois, sont maintenant distribués par la grande majorité des négociants et des matériaux très faiblement transformés comme la paille dispose depuis peu de Règles Professionnelles. Performances sociales Enfin on peut également s'interroger sur l'incidence des choix constructifs sur les processus de production et leurs aspects sociaux, notamment de générer qualification, savoir-faire et des emplois. La comparaison entre différentes solutions, montre des avantages indiscutables pour les solutions "végétales faiblement transformées". En effet, le coût reste très compétitif par rapport au mur béton et ce, en conservant une part de main d'œuvre plus importante tout en ayant une part de mécanisation (assemblage et fabrication en atelier) qui permet de réduire considérablement les tâches potentiellement pénibles. On comprend mieux pourquoi la question de l'éco-construction ne peut se résumer à la seule réflexion énergétique ou climatique. Il faut également considérer la part de valeur culturelle ajoutée par une technique et ces comparatifs montrent que pour un coût quasi équivalent, non seulement la performance thermique et environnementale sont meilleures, mais aussi que la main d'œuvre prend la place des procédés industriels, le travail est réhabilité face au capital.
«Les marchandises doivent circuler le moins possible, les hommes et les idées peuvent circuler le plus librement possible, et les capitaux pas du tout» John Maynard Keynes A paraître : «Habitat passif et basse consommation : principes fondamentaux, études de cas, neuf et rénovation» de Vincent Rigassi et Philippe Lequenne (éd. Terre Vivante, octobre 2011)