Proposition de motion Qu'en est-il des droits humains dans les établissements médico-sociaux genevois?



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Transcription:

Secrétariat du Grand Conseil M 1272 Proposition présentée par les députés: M me et MM. Alberto Velasco, Erica Deuber-Pauli, Gilles Godinat et Pierre-Alain Champod Date de dépôt: 26 mars 1999 Messagerie Proposition de motion Qu'en est-il des droits humains dans les établissements médico-sociaux genevois? Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : les efforts importants que l'etat consent pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes ; les situations de maltraitance et de mauvaise gestion constatées dans certains établissements médico-sociaux ; les carences de la structure d encadrement, l absence de formation de base pour certaines catégories de personnel et de politique de formation continue cohérente dont devrait bénéficier l ensemble du personnel de ces établissements pour garantir la qualité des soins ; que les carences citées ci-dessus ont pour conséquence, dans certains établissements médico-sociaux, que l on traite de manière infantilisante les personnes âgées, alors que celles-ci doivent être reconnues comme personnes uniques et adultes, capables d opérer des choix sur des objets ayant trait à leur personnalité ; 4.99 SRO-Kündig 650 ex. M 1272

2 invite le Conseil d Etat à faire en sorte que les établissements médico-sociaux soient, comme la loi le demande, non pas des établissements hospitaliers ou des hôtels, mais des lieux de vie qui devraient assurer non seulement des soins adéquats, mais également un cadre respectant la personnalité des personnes âgées en lien avec la communauté ; à mettre en place, au même titre que pour les formations sociales, une véritable formation de directeur ou directrice qui intègre entre autres une éthique de l'accompagnement dans le cadre de la gestion de ces établissements ; à mettre en place des moyens permettant l accès, pour certaines catégories d employés, à une formation de base ; à favoriser l élaboration d une charte détaillée et concrète reconnue par l ensemble des partenaires qui, dans ces lieux, garantirait le respect de l individu et son appartenance à la société, assurerait les règles de déontologie du personnel, et valoriserait leur activité professionnelle ; à mettre en place une instance pluridisciplinaire de médiation (comprenant la société civile) qui serait chargée de veiller au respect et à la mise en œuvre de la charte, de promouvoir un projet d accompagnement des personnes âgées, et de garantir la qualité de vie dans ces établissements ; à exiger des établissements, en contrepartie de la subvention accordée, le respect de la charte et la mise en place : de structures favorisant la formation continue du personnel et de la direction, afin de disposer d un personnel qualifié et en nombre suffisant ; de conditions permettant le dialogue entre la direction, le personnel et les pensionnaires, par exemple sous la forme d un forum ; d une politique active de sensibilisation et de lutte contre la maltraitance.

3 EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames et Messieurs les députés, Ces dernières années, l Etat a consenti des efforts importants pour assurer à nos aînés des conditions de vie dignes de notre société, d une part en développant l aide à domicile, d autre part en subventionnant de manière plus adéquate les pensions pour personnes âgées. Mais est-ce suffisant? On peut citer Christian Lalive d'epinay: «Car voilà le défi : pour celles et ceux, aujourd'hui toujours plus nombreux, qui connaissent le grand âge et en vivent la fragilité, y a-t-il encore une place dans la communauté des vivants, dans cette cité qui, pour le vieillard, multiplie chaque jour davantage pièges, chausse-trappes et autres sources de danger et d'effroi? Le choix n'est-il qu'entre le repli progressif dans le refuge familier accueillant mais... vide le plus souvent du domicile ou le départ pour cette marge protégée qu'offre le foyer?» En fait, les établissements médico-sociaux, souvent très bien équipés sur le plan matériel, donnent à voir régulièrement un spectacle infantilisant et débilitant de personnes âgées confinées dans un rôle passif. Est-ce respecter les droits élémentaires de l être humain que d adapter l horaire de la maison à l organisation de l institution et non à celui du pensionnaire, de sa famille et de ses amis susceptibles de lui rendre visite? A titre d exemple : pensionnaires déshabillés à 17 h, et même à 15 h 30 un dimanche après midi, avant le repas du soir à 17 h 45 afin que tout le monde soit couché à 19 h. Est-ce respecter les droits de l homme que de se comporter avec une personne âgée, dans le discours ou dans les gestes, de manière infantilisante, paternaliste? Parler par-dessus la tête de la personne ou passer la main dans les cheveux sont des gestes et des attitudes habituelles qui peuvent même aller jusqu au tutoiement. Où est le respect dû à nos parents? Et que dire des activités quand elles existent qui ne tiennent compte ni des aspirations, ni des goûts et des envies de chacun, imposées de manière uniforme dans la majorité des pensions et qui se résument le plus souvent à des pseudo-lotos ou à des bricolages dignes d un jardin d enfants? Est-ce à une garderie du 3 e âge que, tous ici, nous aspirons pour nos propres vieux jours?

4 La liste, dans l état actuel des choses, pourrait être sans fin, mais nous terminerons par ces personnes habillées avec des vêtements non choisis, achetés sans tenir compte de leur goût et même sans leur consentement quand il ne s agit pas tout simplement d habits ayant appartenu à des pensionnaires décédés. Et que dire de l'attente d'un mois pour la réparation d'une prothèse dentaire ou de plusieurs semaines pour faire installer un téléphone? L Etat qui subventionne largement ces établissements a le devoir, en contrepartie, d exiger la mise en pratique d une éthique respectant la personne âgée comme une personne à part entière. Mais est-il possible, à l heure actuelle, d attendre réflexion et professionnalisme de la part de directeurs ou directrices lorsqu on sait que la formation pour cette fonction est faite de 41 jours de cours et 10 jours de stage alors que les professions sociales, à titre d exemple, demandent 3 ans d études après maturité. N est-ce pas le moment d exiger, non seulement une formation adéquate, mais également une définition ou une redéfinition des établissements médico-sociaux qui ne sont ni des hôtels, ni des hôpitaux mais des lieux de vie qui devraient assurer un cadre respectant la personnalité en relation et en accord avec la communauté? Dans cet esprit, il serait souhaitable que ces établissements se dotent d'une charte qui garantisse aux personnes âgées le droit à l'affirmation de leur dignité inconditionnelle, inaliénable et irréductible ainsi que le droit de vivre leur vieillesse comme une période de vie qui leur appartient. Cette charte pourrait s'inspirer de l'excellent travail de M me Dominique Ardellier, M. Dominique Froidevaux et l'équipe professionnelle du foyer de jour de Soubeyran renouvelée et dont les valeurs phares sont exposées ci-dessous. Il y a aussi, les «Principes des Nations Unies destinés à permettre aux personnes âgées de mieux vivre les années gagnées», adoptés par l'assemblée mondiale sur le vieillissement en date du 3 décembre 1982 sous forme de résolution 37/51.

5 Valeurs phares Contre valeurs Valeurs phares Principes fondamentaux de la charte éthique Dégradation sociale Dignité et droits de la Le foyer de jour doit défendre personne et promouvoir la dignité inconditionnelle de la personne et son droit de vivre sa vieillesse comme une période de vie qui lui appartient. Exclusion Infantilisation Expropriation Enfermement dans la dépendance Gardiennage Intégration Reconnaissance sociale Ré-appropriation Autonomie Maîtrise des dépendances Dynamique interprofessionnelle Chaque personne doit être respectée en tant qu'être adulte, être social, citoyen à part entière. Chaque personne doit être respectée dans sa dynamique psycho-affective propre et dans sa dimension historique personnelle, avec ses difficultés et fragilité tout autant qu'avec ses forces, ses compétences, son savoir et ses responsabilités. L'équipe du foyer de jour est attachée à la promotion de valeurs professionnelles : tolérance et ouverture, valorisation du rôle de médiation, réciprocité, créativité et remise en question permanente, action en faveur d'un renouvellement de la société.

6 Pour finir nous citerons cette phrase de Georges Haldas : «L'important pour les personnes âgées est moins d'être assistées que sollicitées pour apporter leur concours, faire et surtout donner quelque chose, ne serait-ce que par leur présence. Tant il est vrai que donner et se donner est ce qu'il y a de meilleur chez les êtres. De plus fertile. Pour eux-mêmes et pour les autres. Pour le cœur également et pour l'esprit.» Les nombreux échos qui nous sont parvenus et qui motivent cette motion montrent qu il y a urgence de s atteler à ce problème. L Etat ne peut pas éluder sa responsabilité. C est dans cet esprit que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion en Commission des affaires sociales.