Commentaires de l AQPP au président de l Office des professions du Québec

Documents pareils
Loi 41. GUIDE D EXERCICE Les activités réservées aux pharmaciens

DIRECTION DES SERVICES PROFESSIONNELS GESTION DES STUPÉFIANTS ET DES DROGUES CONTRÔLÉES EN PHARMACIE COMMUNAUTAIRE

Ordonnance collective

assurance collective Assurance médicaments Des solutions intégrées pour une gestion efficace

Le bilan comparatif des médicaments (BCM): où en sommes-nous?

Projet de Loi no 98 Loi modifiant la Loi sur l assurance médicament et d autres dispositions législatives

2. Accords généraux concernant la prescription

Information sur les programmes d autorisation préalable, de pharmacie désignée et de gestion des dossiers médicaux. Autorisation préalable

Un poste à votre mesure!

Bienvenue chez votre pharmacien

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Le guide du bon usage des médicaments

Activité des programmes de médicaments

Délivrance de l information à la personne sur son état de santé

REFLEXIONS POUR LE DEVELOPPEMENT D UNE PRATIQUE DE CONCERTATION PROFESSIONNELLE ENTRE MEDECINS ET PHARMACIENS DANS L INTERET DES MALADES

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Assurances collectives

Utilisation du DSQ. 2. Principales fonctions associées au DSQ

DOSSIER-TYPE DE DEMANDE D AUTORISATION DE CREATION D UN SITE INTERNET DE COMMERCE ELECTRONIQUE DE MEDICAMENTS HUMAINS

Protocole. [anonyme et gratuit] Avec la Région, on en parle, on agit.

ASSURANCES MÉDICAMENTS COMPARAISON DES OPTIONS À PARTIR DE 65 ANS MISE À JOUR ANNÉE 2011

SECTION II RELATIVE AU PRÉLEVEUR

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

LES ORDONNANCES FAITES PAR UN MÉDECIN. Guide d exercice. du Collège des médecins du Québec

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

Ce n est pas le bon remède pour le réseau de santé public, les infirmières doivent prescrire

Référentiel Officine

Énoncé de position sur les pénuries de médicaments d ordonnance au Canada

RENSEIGNEMENTS IMPORTANTS AU SUJET DE VOTRE FORMULAIRE DE DEMANDE D INDEMNITÉ

Simulateur de coûts de médicaments Foire aux questions

Médicaments en vente libre : considérations pour la pratique de la physiothérapie

RAPPORT D'ENQUÊTE SPÉCIALE DU PROTECTEUR DU CITOYEN: Gestion de la crise de listériose associée aux fromages québécois SOMMAIRE

Certification des ressources d hébergement en toxicomanie ou en jeu pathologique

Politique de déplacement des bénéficiaires La présente politique inclut entre autres les deux documents suivants :

Projet de loi n o 30 (2003, chapitre 25)

DEVENIR TUTEUR DANS LE MEILLEUR INTÉRÊT DE L ENFANT

Droits et obligations des travailleurs et des employeurs

Régime québécois d assurance parentale

AVERTISSEMENT CONCERNANT LA NORME 20 EN MATIÈRE D ÉVALUATION MUNICIPALE

Comparaison des différentes versions des cadres du PAAS ACTION

SONDAGE NATIONAL DES MÉDECINS 2014

C est votre santé Impliquez-vous

Les médicaments génériques

Nouveaux rôles infirmiers : une nécessité pour la santé publique et la sécurité des soins, un avenir pour la profession

ÉLUS MUNICIPAUX RETRAITÉS Groupe 71H64

Publication des liens

ORDONNANCE COLLECTIVE

Projet de lancement d un programme de mise en pension de titres du gouvernement canadien détenus par la Banque du Canada. Document de travail

GUIDE GUIDE D APPLICATION

RÈGLEMENT NUMÉRO 10 SUR LES CONDITIONS D ADMISSION AUX PROGRAMMES ET D INSCRIPTION AUX COURS

Vente en ligne de médicaments : où en eston

Dictionnaire de données de la Base de données du Système national d information sur l utilisation des médicaments prescrits, octobre 2013

RÈGLEMENT RELATIF À LA DÉLIVRANCE ET AU RENOUVELLEMENT DU CERTIFICAT DE REPRÉSENTANT (n o 1)

De meilleurs soins :

Le champ d exercice et les activités réservées des infirmières

Efficacité et risques des médicaments : le rôle du pharmacien

Le genre féminin utilisé dans ce document désigne aussi bien les femmes que les hommes.

Politique des stages. Direction des études

Le Dossier Pharmaceutique Partagé

Circulaire du 7 juillet 2009

Formation sur la sécurisation du circuit du médicament

Guide sur les mutuelles de formation. Règlement sur les mutuelles de formation

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

Conseils pratiques pour le stage d initiation dans une pharmacie d officine

La prise en charge de votre affection de longue durée

EVALUATION DES TECHNOLOGIES DE SANTÉ ANALYSE MÉDICO-ÉCONOMIQUE. Efficacité et efficience des hypolipémiants Une analyse centrée sur les statines

Avant-projet de loi. Loi modifiant le Code civil et d autres dispositions législatives en matière d adoption et d autorité parentale

Régime d assurance collective

Un Pass santé contraception. pour les jeunes francilien-ne-s

Changements au régime d'assurance collective au 1 er janvier 2015 qui s appliquent aux retraités du Mouvement Desjardins. Questions et réponses

D une étape à l autre Parcours assurance santé MD prend le relais

Plan thérapeutique infirmier et stratégies pédagogiques

Réflexe Prévention Santé. Réflexe Prévention Santé

Les prérogatives du mineur sur sa santé

Le rôle du courtier principal

Projet de loi n o 20

Collaboration MRS (MRPA) - Pharmacie

Assurance invalidité de courte durée. Guide du salarié

PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES ET D'OCTROI POUR LES ACHATS D'ÉLECTRICITÉ

La prise en charge. de votre affection de longue durée

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES FINANCES PUBLIQUES

Annexe 2 Les expressions du HCAAM sur la coordination des interventions des professionnels autour du patient

modifiant la loi sur la santé (révision partielle)

Assistance-voyage mondiale et service de conseils-santé

Délivrer le médicament le moins cher :

Projet de révision du rôle des assistants techniques en pharmacie (ATP) standards de pratique DU personnel technique et de soutien.

RÉGIME d assurance collective CSQ. À la disposition des membres des syndicats affiliés à la Centrale des syndicats du Québec

INSPECTION PROFESSIONNELLE

DROITS A L ASSURANCE MATERNITE

RAPPORT EXÉCUTIF DE LA FIRME DE CONSULTANTS GARTNER

Utilisation des médicaments au niveau des soins primaires dans les pays en développement et en transition

GUIDE DU MAÎTRE DE STAGE

4.12 Normes et modalités des services de garde

Algorithme d utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Formulaire d ouverture

MÉMOIRE RELATIF À L ÉVALUATION DU RÉGIME GÉNÉRAL D ASSURANCE MÉDICAMENTS PRÉSENTÉ PAR LA FÉDÉRATION DES MÉDECINS SPÉCIALISTES DU QUÉBEC

Guide d accompagnement à l intention des entreprises désirant obtenir ou renouveler une autorisation pour contracter/souscontracter avec un organisme

2.2 Objet du contrôle Il y a lieu de vérifier les points suivants de manière individuelle ou combinée.

Transcription:

Commentaires de l AQPP au président de l Office des professions du Québec quant au projet de Règlement sur certaines activités professionnelles qui peuvent être exercées par un pharmacien (chapitre M-9, a.19, 1 er al., par. b); au projet de Règlement déterminant les cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament de même que les conditions et modalités suivant lesquelles cette activité est exercée (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. i); au projet de Règlement sur les conditions et modalités suivant lesquelles un pharmacien peut administrer un médicament (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. h); au projet de Règlement sur les conditions et modalités suivant lesquelles un pharmacien peut prolonger ou ajuster une ordonnance d un médecin ou substituer au médicament prescrit un autre médicament (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. h). 8 mars 2013

TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE EXÉCUTIF... 3 1. INTRODUCTION... 5 2. L OFFICINE D UNE PHARMACIE COMMUNAUTAIRE EST UNE PME... 5 2.1 Survol de l officine de la pharmacie communautaire au Québec... 5 2.2 Le modèle d affaires d une pharmacie : la recherche constante de l efficacité... 6 2.2.1 Des processus à flux tendus... 7 2.2.2 La pharmacie : une profession pionnière en organisation du travail (délégation) et en recours aux TI... 10 3. L INTRODUCTION DES NOUVEAUX SERVICES PROFESSIONNELS : UN IMPACT SIGNIFICATIF SUR L UTILISATION DES RESSOURCES ET SUR L ORGANISATION DU TRAVAIL... 11 3.1 Un choc dans le modèle d affaires... 12 4. NOUVEAUX SERVICES : DESCRIPTION DES SERVICES ET IMPACTS... 12 4.1 Prescription d un médicament pour une condition mineure lorsqu aucun diagnostic n est requis... 13 4.2 Prescription d un médicament pour une condition mineure dont le diagnostic est connu... 16 4.3 Prescription et interprétation d examens de laboratoire... 20 4.4 Administration d un médicament aux fins de démonstration... 22 4.5 Substitution thérapeutique d un médicament... 25 4.6 Prolongation d ordonnance... 28 4.7 Ajustement... 31 5. CONCLUSION... 34 Liste des diagrammes - Processus de travail 1: Concentration du travail du pharmacien à l étape de vérification... 8 - Processus de travail 2 : Intervention du pharmacien aux étapes de saisie des données et de vérification... 10 - Processus du service de prescription d un médicament lorsqu aucun diagnostic n est requis... 15 - Processus du service de prescription d un médicament pour une condition mineure lorsque le diagnostic est connu... 19 - Processus du service de prescription d analyses de laboratoire... 22 - Processus du service d administration d un médicament... 24 - Processus du service de substitution thérapeutique d un médicament... 27 - Processus du service de prolongation d une ordonnance... 30 - Processus du service d ajustement d une ordonnance... 33 Liste des tableaux - Cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament pour une condition mineure lorsqu aucun diagnostic n est requis... 14 - Cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament pour une condition mineure pour un diagnostic connu... 17 2

Sommaire exécutif L Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) appuie sans réserve les projets de règlements ayant pour effet d autoriser les pharmaciens du Québec à poser de nouveaux actes professionnels. L AQPP est d avis qu en posant ces nouveaux actes, les pharmaciens communautaires : - faciliteront l accès des patients à certains soins de première ligne, grâce à leur pouvoir de prescrire en certaines circonstances prévues par les projets de règlements; - favoriseront l optimisation de la thérapie médicamenteuse en ajustant les ordonnances conformément au projet de règlement à cet effet; - promouvront l usage optimal du médicament, en l administrant aux patients aux fins d en démontrer l usage approprié; - assureront la continuité du traitement des patients atteints de conditions chroniques, en prolongeant les ordonnances arrivées à échéance ou en cas de pénurie, en substituant au médicament prescrit un autre médicament; - favoriseront un usage plus productif du temps et du savoir-faire des médecins, en se substituant à eux pour la plupart des actes nouvellement autorisés pour les pharmaciens. Toutefois, l AQPP tient à souligner que, contrairement à l énoncé qu on trouve dans le texte liminaire de chacun des projets de règlements, ceux-ci auront des répercussions sur certaines entreprises, en particulier les PME. En effet, tout en étant le lieu d exercice d une profession de la santé, à savoir la pharmacie, les officines sont également des PME à tous égards : elles nécessitent d importants investissements, utilisent des ressources humaines et matérielles et, surtout, utilisent un modèle d organisation rigoureux et rationnel qui est à la base de la qualité de leur service, de leur efficacité, voire de leur survie économique. Ce modèle d organisation est essentiellement un processus à flux tendus, qui repose sur la standardisation des activités, sur la délégation d un maximum de tâches au personnel technique et sur le recours massif aux technologies d information. En outre, les ordonnances peuvent être exécutées hors de la présence du patient, ce qui permet d en faire en heures creuses, d où une meilleure productivité des ressources. Grâce à l implantation et au perfectionnement de ce modèle d organisation, les officines ont vu leur productivité s accroître substantiellement au fil des ans, ce qui leur a permis de comprimer leurs marges d opération. Or, les nouveaux actes autorisés dans les projets de règlements s intègrent mal dans ce processus à flux tendus. En particulier, ils se prêtent peu à la standardisation et, moins encore, à la délégation. En outre, ils doivent être exécutés en présence du patient, ce qui introduit une rigidité supplémentaire dans la gestion des ressources. 3

L intégration des nouveaux services ne constitue pas un simple ajustement dans le fonctionnement des pharmacies, mais bien une véritable rupture. Celle-ci aura des conséquences non seulement en imposant un nouveau modèle tarifaire qui s appliquera aux nouveaux services eux-mêmes, mais qui pourrait même avoir des répercussions en retour sur le coût d exécution, donc sur la tarification, des services actuels. Par conséquent, les projets de règlements auront des répercussions sur l économie des officines, donc des PME. 4

1. INTRODUCTION L Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) a le plaisir de soumettre ses commentaires au président de l Office des professions sur les projets de règlements suivants, dont les textes ont été publiés dans la Gazette officielle du Québec du 23 janvier 2013 (145è année, no 4) : Règlement sur certaines activités professionnelles qui peuvent être exercées par un pharmacien (chapitre M-9, a.19, 1 er al., par. b); Règlement déterminant les cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament de même que les conditions et modalités suivant lesquelles cette activité est exercée (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. i); Règlement sur les conditions et modalités suivant lesquelles un pharmacien peut administrer un médicament (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. h); Règlement sur les conditions et modalités suivant lesquelles un pharmacien peut prolonger ou ajuster une ordonnance d un médecin ou substituer au médicament prescrit un autre médicament (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. h). L AQPP est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels (L.R.Q. c. S-40). L'AQPP est née en janvier 1970, suite à une entente entre l'association des pharmaciens détaillants du Québec (APDQ), premier regroupement de pharmaciens, et l'association professionnelle des pharmaciens du Québec (APPQ). À la date de ce Mémoire, l'aqpp représente 1 924 pharmaciens propriétaires de 1 791 pharmacies du Québec, et ce, qu'ils soient affiliés ou non à une chaîne ou à une bannière commerciale. 2. L OFFICINE D UNE PHARMACIE COMMUNAUTAIRE EST UNE PME 2.1 Survol de l officine de la pharmacie communautaire au Québec 1 En 2010, le secteur de la pharmacie communautaire au Québec était composé de 1 750 pharmacies privées réparties sur l ensemble du territoire de la province. L ensemble des pharmacies communautaires génère près de 41 700 emplois dont 45 % sont attribuables à l officine. Environ 6 744 emplois de pharmacien(ne)s et 11 942 emplois d assistants(tes)-techniques (ATP) dépendent de l activité des officines des pharmacies communautaires du Québec, soit respectivement 3,8 et 6,8 par officine. De plus, le recours aux services de pharmaciens dépanneurs, qui n a cessé de croître depuis 2002, représente l équivalent de 272 emplois à temps plein 1. Contrairement à une idée fort répandue, la distribution de médicaments constitue la part la plus importante des revenus d une pharmacie. Selon le type de pharmacie, la vente de médicaments représente quelque 75 % des ventes totales d une pharmacie, 1 Ce profil est basé sur des données internes de l AQPP. 5

et les médicaments d ordonnance représentent l écrasante majorité des ventes de médicaments. Sans égard à la partie commerciale, l officine constitue donc une authentique PME. L officine moyenne, à l exclusion de la partie «commerciale» de la pharmacie, génère un chiffre d affaires de 4,5 millions de dollars. Depuis plusieurs années, le secteur connaît une croissance, tel qu observé partout ailleurs au Canada et dans d autres pays. En effet, au cours de la période 2005 à 2010, le volume de services pharmaceutiques a augmenté en moyenne de 5,54 % par année. Cependant, le chiffre d affaires de l officine a progressé moins rapidement que le nombre de services, à savoir à un rythme moyen de 3,7 %. Pendant la même période, les coûts de maind œuvre de l officine ont augmenté à un rythme annuel moyen d environ 10 %. Ainsi, les pharmacies communautaires ont opéré dans un contexte où les coûts d opération, notamment celui de la main-d œuvre, augmentent plus vite que le chiffre d affaires. En réponse aux pressions générées par la croissance, les pharmaciens propriétaires ont continuellement investi dans la technologie et la formation du personnel des officines afin de rendre plus efficace l organisation du travail et de libérer un temps précieux pour répondre à la clientèle. En 2010, la valeur comptable nette de l investissement d une officine dans une pharmacie communautaire du Québec est estimée à 673 000 $ 2. Bref, si l exercice de la pharmacie est une véritable profession de la santé, peu importe le milieu de pratique (institutionnel ou communautaire), l officine d une pharmacie communautaire est une authentique PME, dont l opération requiert : une main-d œuvre qualifiée et bien formée; une technologie performante, constamment mise à niveau; un capital relativement important; un savoir-faire en gestion qui assure un usage optimal des ressources. 2.2 Le modèle d affaires d une pharmacie : la recherche constante de l efficacité L économie de la pharmacie québécoise a beaucoup évolué au cours des dernières décennies. Parmi toutes les professions libérales (tous domaines confondus), elle compte sans doute parmi celles dont la productivité a le plus augmenté. Par exemple, de 1998 à 2010, le nombre d ordonnances par pharmacie a progressé de 6,7 % par année. Pendant la même période, le nombre de pharmaciens par officine s est accru d environ 2 % par année, résultant ainsi en une augmentation de la productivité 3 de quelque 4,6 % par année. Cette amélioration de la productivité tient à l innovation qui a caractérisé, et qui caractérise encore, le modèle de fonctionnement de la pharmacie. Cette innovation a 2 Correspondant à des immobilisations en stocks de médicaments, en équipements donc ceux en technologie de l information et des immeubles. Exclut l achalandage éventuel et les comptes à recevoir. 3 Mesurée par le nombre d ordonnances par pharmacien. 6

été permise notamment par le fait que l exécution d une ordonnance comporte une importante partie technique qui se prête à la standardisation, à la délégation et à l utilisation judicieuse des technologies de l information. Cette efficacité croissante et cette relative standardisation des tâches sont parmi les principaux facteurs qui expliquent qu on soit normalement servi en officine sans rendez-vous et sans file d attente importante. Autre facteur significatif, le fait que dans un nombre croissant de cas 4, il est possible d exécuter l ordonnance en l absence du patient. Les pharmaciens sont depuis toujours les professionnels de la santé les plus accessibles, autant sur le plan géographique que sur celui des heures d ouverture. 2.2.1 Des processus à flux tendus L exécution d ordonnances suit un processus à flux tendus 5, grâce auquel les ordonnances peuvent être exécutées sur-le-champ, rapidement, en toute sécurité pour le patient, en maximisant l efficacité de l utilisation des ressources, tout en permettant au patient un accès aux conseils personnalisés du pharmacien sur le bon usage de ses médicaments. L observation du processus de travail en officine permet de dégager deux grands modèles de fonctionnement : Le premier modèle (Processus 1) concentre l intervention du pharmacien à l étape de vérification des ordonnances préparées par les (ATP). Dans ce modèle, l ATP est affecté aux autres tâches, soit l accueil, la saisie des données au dossier du patient, la préparation de l ordonnance et, dans certains cas, la remise de l ordonnance au patient. Les nouvelles ordonnances sont habituellement remises par le pharmacien aux patients et une consultation est effectuée au moment de la transmission des informations pertinentes à la prise de médicaments. Le graphique 2.1 illustre sommairement les différentes étapes de la chaîne de travail en officine en indiquant le type de ressource affectée aux différentes tâches. 4 Par exemple, lorsque le patient a demandé son renouvellement en ligne, et qu il passe le prendre à la pharmacie à un moment de son choix ; ou pour les renouvellements récurrents, notamment pour les médicaments conditionnés en piluliers pour diverses catégories de patients présentant des enjeux de fidélité au traitement. 5 Le processus à flux tendus est une méthode d organisation et de gestion de production qui consiste à minimiser les temps de passage à travers les différentes étapes d un processus de travail jusqu à la livraison du produit fini ou du service. 7

Diagramme 2.2.1 Processus de travail 1 : Concentration du travail du pharmacien à l étape de vérification Accueil Saisie des données Préparation de la prescription Vérification Caisse et Conseil au patient (si opportun) ATP Pharmacien(ne) ATP Pharmacien lorsque le Conseil est opportun Les différentes étapes du processus de travail sont décrites davantage cidessous : À l accueil, l ATP s informe auprès du patient de l existence d un dossier dans la pharmacie et vérifie le contenu du service (renouvellement, nouvelle ordonnance, pilulier, magistrale). Si c est un nouveau patient, on lui demandera sa date de naissance, son numéro d assurance maladie, son poids (dans le cas d un enfant), l existence d allergies et le type d assurance détenue (RAMQ, privé) ainsi que diverses informations, à savoir, si la patiente est enceinte ou allaite, ou si le patient consomme des produits en vente libre ou autres. Ces informations doivent être régulièrement mises à jour. Pour une ordonnance magistrale ou mise en pilulier, parce que leur préparation exige plus de temps, l ATP offrira au client de revenir chercher son ordonnance plus tard ou encore de la lui livrer. L ATP effectue ensuite la saisie des données, qui consiste à entrer dans les champs appropriés du logiciel les informations requises pour l exécution de l ordonnance. En cas de difficulté avec le nom ou le numéro de licence du prescripteur, l ATP confirme ces informations avec le patient. Le cas échéant, l ATP transmet l ordonnance au pharmacien qui fait les appels téléphoniques nécessaires auprès de la clinique ou de l hôpital pour obtenir l information exacte relative à l identification du prescripteur. Une fois les informations saisies au dossier client, les étiquettes, les feuillets d informations ainsi que le reçu client sont imprimés et déposés dans un panier. Le panier est alors transféré au comptoir de préparation des ordonnances. La préparation se fait à un comptoir isolé dans la plupart des laboratoires: les ordonnances sont alors préparées, mises en contenant et étiquetées par l ATP pour être transmises au pharmacien qui en fera la vérification. 8

À l étape de vérification, le pharmacien révise les ordonnances préparées par l ATP tout en consultant le dossier du patient. Pour une nouvelle ordonnance, le pharmacien s assure que le patient n a pas d allergies, d intolérances ou une condition qui nécessiteraient un ajustement particulier du dosage. Dans le cas d un antibiotique pour un enfant, il révise le dosage selon le poids de l enfant et complète l information si le poids n a pas été noté. Il contrôle aussi la correspondance des informations indiquées sur l ordonnance avec celles saisies dans le dossier du patient (nom du médicament, dose, quantité, posologie, le nombre de renouvellements, etc.) ou sur l étiquette. Pour tout problème lié à la médication, le pharmacien communique avec le prescripteur. Une fois le tout vérifié par le pharmacien, les ordonnances s acheminent vers la caisse pour être remises au patient par l ATP (si le patient ne se trouve pas à la caisse, les ordonnances sont soit livrées si cela a été demandé, soit mises de côté jusqu à réception par le patient.) Toutefois, les nouvelles ordonnances sont généralement remises par le pharmacien au patient afin de lui transmettre les informations pertinentes à la prise des médicaments: c est le conseil. Celui-ci se fait généralement dans une aire de confidentialité ou dans un bureau fermé. Le second modèle (Processus 2) concentre l intervention du pharmacien aux étapes de saisie des données dans le dossier patient et de vérification : l ATP est alors affecté aux tâches d accueil, de préparation de l ordonnance et de remise de l ordonnance au patient. Dans ce modèle, la tâche de vérification effectuée par le pharmacien se fait implicitement à chaque étape de travail et démarre dès le début de son intervention. Il est donc plus difficile de mesurer de manière distincte la durée de la vérification. Le graphique 2.2 illustre sommairement ce second modèle de processus de travail. 9

Diagramme 2.2.2 Processus de travail 2 : Intervention du pharmacien aux étapes de saisie des données et de vérification Accueil Saisie des données Préparation de la prescription Vérification Caisse et Conseil au patient (si opportun) ATP Pharmacien(ne) ATP Pharmacien(ne) ATP Pharmacien(ne) Pharmacien (ne) lorsque le conseil est opportun Les piluliers Dans certaines pharmacies, une chaîne de travail est exclusivement dédiée à la mise en pilulier. La plupart du temps, le patient qui se présente au comptoir ne fait que déposer ses ordonnances et son pilulier sera prêt plus tard. L ATP remet alors l ordonnance au pharmacien attitré à la chaîne de travail dédiée à la mise en pilulier. Dans d autres pharmacies, la mise en pilulier est réalisée sur la chaîne de travail habituelle. C est particulièrement le cas des pharmacies où le volume d ordonnances mises en piluliers est relativement bas. Les mises en attente («passera») Les ordonnances «passera», c est-à-dire celles pour lesquelles le patient indique au personnel de laboratoire qu il viendra plus tard récupérer ses ordonnances, sont regroupées et déposées dans un panier exclusif à ces services. La saisie des données, la préparation des ordonnances et la vérification sont généralement faites dans les périodes plus calmes, c està-dire lorsqu il n y a pas de client attendant à l officine. La chaîne de travail est la même que celle des autres ordonnances. Une fois complétées et vérifiées, les ordonnances «passera» sont emballées et rangées près de la caisse par ordre alphabétique de nom du patient. 2.2.2 La pharmacie : une profession pionnière en organisation du travail (délégation) et en recours aux TI Ces deux modèles de base de l organisation du travail en officine, de même que leurs sous-systèmes (mises en pilulier et mises en attente), sont présentés ici pour illustrer les trois principales lignes de force de l organisation du travail en officine. Première ligne de force : une standardisation, une division et une spécialisation des tâches composant l exécution d une ordonnance. Cette approche permet la mise en place d un rigoureux processus d exécution en 10

chaîne qui entraîne non seulement une meilleure utilisation des ressources, mais aussi une assurance de qualité optimale. Deuxième ligne de force : un recours systématique à la délégation. Sauf dans de rares pharmacies de taille très modeste, les pharmacies québécoises fonctionnent selon l un des deux modèles de base présentés cidessus ou selon une variante de ceux-ci. Ces modèles délèguent toute la portion technique de l exécution de l ordonnance à des ATP et selon une procédure bien définie en pharmacie, le volet dit «vérification contenantcontenu» qui assure la conformité du contenu de l ordonnance aux renseignements apparaissant sur l étiquette. Ce modèle fait un usage optimal des compétences du pharmacien, en concentrant son intervention sur le contrôle de la qualité et le conseil au patient. Toutefois, tout en se concentrant sur l application de ses compétences particulières, l intervention du pharmacien est totalement intégrée au processus à flux tendus d exécution des ordonnances. Troisième ligne de force : un recours systématique aux technologies de l information. Au cours des 30 dernières années, les pharmaciens ont continuellement incorporé les technologies de pointe dans leurs méthodes d exercice professionnel et de gestion d officine, ce qui les a placés d emblée et les place toujours à l avant-garde des professionnels de la santé du Québec. Ces trois lignes de force sont l assise de la productivité des pharmacies d officine, et sont les facteurs qui ont permis aux officines de réduire leurs marges brutes de quelque 50 %, au cours des années 70, à un niveau oscillant entre 25 et 30 % aujourd hui, tout en offrant aujourd hui un service plus professionnel, et de meilleure qualité qu au cours des années 70. 3. L INTRODUCTION DES NOUVEAUX SERVICES PROFESSIONNELS : UN IMPACT SIGNIFICATIF SUR L UTILISATION DES RESSOURCES ET SUR L ORGANISATION DU TRAVAIL Depuis les années 70, les pharmaciens posent des services dits «cognitifs», en ce qu ils n accompagnent pas systématiquement la délivrance d une ordonnance. Ces services sont les suivants : le refus d exécuter une ordonnance; ce refus est bien sûr un service professionnel que dans la mesure où il est posé pour des motifs thérapeutiques; la rédaction d une opinion pharmaceutique. Ces deux actes professionnels ont en commun qu ils sont peu perturbateurs du flux de tâches de l exécution d ordonnances. Ainsi le refus d exécution est par définition l interruption motivée de la chaîne d exécution d une ordonnance; il s y intègre donc entièrement. Quant à l opinion, même si elle est généralement déclenchée par une observation faite au moment de l exécution de l ordonnance, elle s adresse au prescripteur : 11

le pharmacien est donc en mesure de la rédiger et de la transmettre durant les périodes calmes, lorsqu aucun patient n attend à l officine, voire en dehors des heures d accueil. Par conséquent, la quasi-totalité des activités actuelles de l officine sont bien intégrées à un modèle à flux tendus, efficace et efficient. 3.1 Un choc dans le modèle d affaires L AQPP appuie sans réserve le texte de tous les projets de règlements qui sont l objet du présent mémoire. Toutefois, comme l illustre la section 4 ci-dessous, plusieurs des nouveaux services pharmaceutiques qui seront autorisés par ces règlements introduiront une perturbation majeure dans l organisation du travail de l officine et, par voie de conséquence, sur son économie de fonctionnement. D une part, contrairement aux services actuellement exécutés en officine, les nouveaux services sont peu susceptibles de délégation. Ils mobilisent essentiellement du temps pharmacien, qui est naturellement la ressource la plus coûteuse de toutes en pharmacie et souvent le point d étranglement de la chaîne de travail en pharmacie, par la complexité des activités professionnelles qui y sont exercées. D autre part, dans la majorité des cas, ces nouveaux services mobiliseront le temps du pharmacien pour une période assez longue pour perturber les flux de travail de toute la chaîne d exécution d ordonnances. À moins de pouvoir être exécutés dans des périodes calmes, lorsque peu de patients attendent leur ordonnance, ces services engendreront non seulement un coût direct de la ressource la plus coûteuse en pharmacie, mais également un impact négatif sur la productivité des autres maillons de la chaîne d exécution d ordonnances. Or, encore une fois contrairement à la quasitotalité des services actuellement rendus dans les officines, les nouveaux services ne pourront généralement être exécutés hors de la présence du patient, puisqu ils requièrent une interaction avec lui. 4. NOUVEAUX SERVICES : DESCRIPTION DES SERVICES ET IMPACTS L intégration des nouveaux services en termes d activités et de tâches de travail exigera des ajustements majeurs aux divers modèles de processus de travail en place dans les officines. En toute vraisemblance, la demande pour ces nouveaux services aura une fréquence irrégulière et intermittente et le flux de travail de l officine devra s adapter au fur et à mesure de la survenance de ces nouveaux services. Pour offrir ces services, les pharmacies communautaires devront mobiliser des ressources humaines et matérielles et définir des processus de travail propres à chaque service. Sur le plan des ressources humaines, les nouveaux services requerront du temps de travail additionnel du personnel de l officine. Même en déléguant au maximum les tâches administratives ou techniques à des ATP, la nature de ces services fera reposer l essentiel des tâches sur les épaules du pharmacien. Dans certains cas, certains modèles 12

d organisation du travail pourront recourir à une ressource dédiée, dans la mesure où est atteint un seuil critique du niveau de la demande. Des manuels de politiques et de procédures écrits devront être développés et disponibles dans chaque pharmacie. Des formations ponctuelles et de l encadrement devront être fournis afin d assurer l efficacité dans les nouvelles tâches de travail et l ensemble du processus de travail en officine. Sur le plan des ressources matérielles, les nouveaux services requerront minimalement des équipements spécifiques et l adaptation ou l ajout de logiciels. Dans certains cas, des aménagements physiques des lieux de travail devront être faits afin d être conformes aux normes de sécurité et d efficacité déjà établies ou à venir. Ce chapitre se penche spécifiquement sur le processus de travail requis par la mise en place de chacun des nouveaux actes et selon les exigences des règlements. Bien que les modalités organisationnelles soient appelées à varier d une pharmacie à l autre selon le modèle et les infrastructures déjà en place, chacune des sections présente un modèle de processus de travail 6 qui serait vraisemblablement suivi en pharmacie communautaire. Ce processus est d abord découpé en trois grandes étapes de travail, communes à chaque service : la prise de décision de rendre un nouveau service ou non; l exécution du nouveau service; le suivi post service soit le suivi professionnel qui doit être fait une fois que le service a été rendu et que le patient a quitté l officine. Par la suite, pour chacune de ces étapes de travail et pour chaque acte, les principales tâches à accomplir sont énumérées. 4.1 Prescription d un médicament pour une condition mineure lorsqu aucun diagnostic n est requis Ce nouvel acte découle du Règlement déterminant les cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament de même que les conditions et modalités suivant lesquelles cette activité est exercée, (chapitre P-10, a. 10, 1 er al., par. i). Cette nouvelle activité vise des problèmes de santé mineurs déterminés, répondant à des besoins ciblés de la population ne nécessitant aucun diagnostic d un professionnel de la santé. La liste des problèmes de santé mineurs est présentée au tableau 4.1.1. Elle élargit le rôle du pharmacien dans le traitement des problèmes de santé mineurs, notamment en étendant la responsabilité reliée à la prescription d un médicament à un plus grand nombre de conditions mineures (actuellement, cette responsabilité du pharmacien est limitée à la contraception orale d urgence) et, de ce fait, en ayant accès à une gamme de médicaments plus appropriés. 6 L articulation des divers processus présentés émane des analyses et constats d un groupe de travail mené par l AQPP et d une consultation menée par l AQPP auprès de pharmaciens propriétaires concernant le processus de production et l organisation du travail pour les nouveaux actes dans les pharmacies communautaires. 13

Tableau 4.1.1 Cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament pour une condition mineure lorsqu aucun diagnostic n est requis Condition mineure 1 Diarrhée du voyageur (traitement en cas de manifestation) Santé voyage Santé de la femme 2 Prophylaxie du paludisme 3 Prophylaxie du mal aigu des montagnes (excluant la prescription de la prednisone ou du sildénafil) 4 Supplémentation vitaminique et en acide folique en périnatalité 5 Nausée et vomissements reliés à la grossesse 6 Contraception orale d urgence 7 Contraception hormonale suite à une consultation pour une contraception orale d urgence Santé publique Divers 8 Cessation tabagique (excluant la prescription de la varenicline et du bupropion) 9 Pédiculose 10 Prophylaxie antibiotique chez les porteurs de valve 11 Prophylaxie cytoprotectrice chez les patients à risque Description du service Selon les trois grandes étapes de travail illustrées au diagramme 4.1.1, le processus comprend les tâches suivantes : la prise de décision de rédiger une ordonnance: dès la première prise de contact avec le patient en officine, le pharmacien doit mener une entrevue de départ afin d évaluer le besoin du patient. Suite à la collecte d informations, il doit analyser le dossier du patient, notamment au regard des observations en lien avec le cas, ses traitements antérieurs et la compatibilité avec sa médication active. À la fin de cette étape, si le pharmacien estime qu il n est pas opportun de prescrire un médicament, le patient sera référé à une ressource médicale ou professionnelle appropriée et le service professionnel du pharmacien se termine à cette étape (ou un autre traitement, par exemple en vente libre, pourra être suggéré par le pharmacien); la rédaction de la prescription : à cette étape, une consultation du service de prescription est rédigée, le but étant d inscrire au dossier toutes les informations justifiant la décision de prescrire et le choix du médicament. Toutes ces informations sont portées au dossier du patient. L ordonnance est ensuite rédigée par le pharmacien et consignée au dossier patient; 14

le suivi post service : une fois que le patient a reçu son ordonnance prescrite par le pharmacien, afin de s assurer que le traitement prescrit produit les effets escomptés, le pharmacien fera un suivi auprès du patient, quelques jours après la délivrance de l ordonnance. Une communication avec le médecin traitant pourra être initiée par le pharmacien, si celui-ci le juge approprié. Bien qu une organisation efficace du travail en officine puisse reléguer des tâches ou partie de tâches de nature plus administrative ou technique aux assistants techniques en pharmacie (ATP), il reste que l essentiel de la charge de travail sera réalisée directement par le pharmacien. Diagramme 4.1.1 PROCESSUS DU SERVICE DE PRESCRIPTION D UN MÉDICAMENT LORSQU AUCUN DIAGNOSTIC N EST REQUIS Étapes du processus de travail Tâches de travail Prise de décision de prescrire un médicament Évaluation du besoin du patient: collecte d'informations auprès du patient, examen du dossier Analyse du dossier, notes au dossier des observations en lien avec le cas, ses traitements antérieurs et la compatibilité avec la médication active Exécution du service de prescrire un médicament Rédaction de la consultation du service de prescription et inscription au dossier du patient des informations justifiant la décision ou non de prescrire ainsi que celle du choix du médicament (ex: démarche pour la COU) Rédaction de l ordonnance Post service en officine Suivi après un certain nombre de jours Communication avec le médecin traitant 15

4.2 Prescription d un médicament pour une condition mineure dont le diagnostic est connu Ce nouvel acte découle du Règlement sur certaines activités professionnelles qui peuvent être exercées par un pharmacien, (chapitre M-9, a.19, 1 er al., par. b). Cette nouvelle activité vise des conditions mineures ayant déjà fait l objet d un diagnostic par un médecin, ou d une évaluation par une infirmière praticienne spécialisée, et d une ordonnance rédigée par l un ou l autre de ces derniers. Cette nouvelle activité élargit le rôle du pharmacien dans le traitement des problèmes de santé mineurs, en étendant sa responsabilité de prescription d un médicament à un certain nombre de conditions mineures (tableau 4.2.1), dans certaines circonstances et sous réserve de certaines contraintes. Ainsi, le pharmacien ne peut prescrire un médicament si : le patient fait partie d un sous-groupe de population dont la situation dépasse les compétences du pharmacien; la condition mineure est accompagnée de signaux d alarme spécifiques 7 ; un délai maximal de 4 ans s est écoulé depuis le dernier traitement prescrit par le médecin (sauf en cas d infection urinaire pour lequel le délai maximal est de 12 mois et en cas de dysménorrhée primaire et d hémorroïdes pour lesquels le délai maximal est de 2 ans). De plus, le pharmacien ne peut fournir que le médicament faisant partie d une classe de puissance égale ou inférieure à celui prescrit par le médecin ou l infirmière praticienne spécialisée. 7 Soit un signe ou un symptôme récurrent après le premier médicament prescrit par le pharmacien, soit un signe ou un symptôme suggérant la présence d une maladie chronique ou systémique non diagnostiquée, ou soit un signe ou un symptôme laissant croire à un déclin ou l altération du fonctionnement d un organe ou d un système. 16

Tableau 4.2.1 Cas pour lesquels un pharmacien peut prescrire un médicament pour une condition mineure pour un diagnostic connu Condition mineure 1 Herpès labial Santé buccale Santé de la femme 2 Aphtes buccaux 3 Muguet consécutif à l utilisation d inhalateur de corticostéroïdes 4 Infection urinaire (délai maximal de 12 mois depuis le dernier traitement prescrit par le médecin ou 3 traitements dans les 12 derniers mois) 5 Dysménorrhée primaire (Délai maximal de 2 années depuis le dernier traitement prescrit par le médecin) 6 Vaginite à levures 7 Hémorroïdes (Délai maximal de 2 années depuis le dernier traitement prescrit par le médecin) Dermatologie 8 Acné mineure (sans nodule ni pustule) 9 Érythème fessier 10 Dermatite atopique (eczéma) ne dépassant pas le stade II de l échelle de Miller-Monroe Allergie 11 Conjonctivite allergique 12 Rhinite allergique Description du service Selon les trois grandes étapes de travail illustrées au diagramme 4.2.1, le processus comprend les tâches suivantes : la prise de décision de rédiger une ordonnance qui repose sur une évaluation du besoin du patient par : la collecte d informations directement auprès du patient au cours d une entrevue; l examen de son dossier en pharmacie et lorsque nécessaire, une recherche auprès d une autre pharmacie sur le traitement connu et la date de la dernière ordonnance. À la fin de cette étape, si le pharmacien estime qu il ne peut prescrire, il référera le patient vers son médecin traitant (ou un médecin) et inscrira les motifs justifiant sa décision sur un formulaire qui sera remis au patient; 17

la rédaction de la prescription : à cette étape, l évaluation du besoin est rédigée par le pharmacien, des notes sont consignées au dossier du patient et concernent toutes les observations en lien avec la condition mineure, ses traitements antérieurs et la compatibilité avec la médication active. L ordonnance est ensuite rédigée et consignée au dossier du patient de même que les informations justifiant la décision de prescrire et le choix du médicament. La dernière tâche du service de prescription consiste à communiquer les informations principales au médecin traitant; le suivi post service : afin de s assurer que le traitement prescrit produit les effets escomptés, le pharmacien fait un suivi auprès du patient, quelques jours après la délivrance de l ordonnance. Les constats découlant de ce suivi sont documentés au dossier du patient. Ceci peut donner lieu à des échanges additionnels avec le patient et le médecin, qui seront aussi consignés au dossier du patient. Comme dans l acte de prescrire un médicament pour une condition mineure lorsqu aucun diagnostic n est requis (voir la section 4.1 ci-dessus), l essentiel de la charge de travail sera réalisée directement par le pharmacien. 18

Diagramme 4.2.1 PROCESSUS DU SERVICE DE PRESCRIPTION D UN MÉDICAMENT POUR UNE CONDITION MINEURE LORSQUE LE DIAGNOSTIC EST CONNU Étapes du processus de travail Tâches de travail Prise de décision de prescrire un médicament Évaluation du besoin du patient et collecte d'informations auprès du patient (présentation du diagnostic connu, évaluation des signes et symptômes, efficacité du traitement antérieur, effets secondaires, compatibilité avec la médication active), élimination des patients ayant des signaux d'alarme, recherche du traitement connu et de la date de la prescription dans le dossier de la pharmacie ou celui d'une autre pharmacie) En cas de refus de prescrire, direction du patient vers un médecin ou une infirmière spécialisée et inscription au dossier des motifs justifiant cette décision ainsi que sur un formulaire remis au patient Exécution du service de prescrire un médicament Rédaction de l'évaluation du besoin et notes au dossier des observations en lien avec la condition mineure, ses traitements antérieurs et la compatibilité avec la médication active Rédaction de l'ordonnance (le même médicament ou dans une classe égale ou inférieure) et inscription au dossier du patient des informations justifiant la décision de prescrire et du choix du médicament Communication avec le médecin traitant (transmission par télécopieur) Suivi de la thérapie auprès du patient Post service en officine Documentation du suivi de la thérapie Échanges additionnels avec le patient et le médecin Documentation des échanges avec le patient et le médecin 19

4.3 Prescription et interprétation d examens de laboratoire Ce nouvel acte découle du même règlement que la prescription d un médicament en vertu de l article 19b de la Loi médicale. Cette nouvelle activité vise à prescrire des analyses de laboratoire prévues à l annexe II 8 du règlement et ce, aux fins de la surveillance de la thérapie médicamenteuse dans le cadre des trois objectifs suivants : valider la présence d effets indésirables connus reliés à la prise d un médicament ; assurer le suivi des effets indésirables connus et des interactions médicamenteuses; assurer le suivi de l efficacité de la thérapie médicamenteuse. Les résultats d examens de laboratoire peuvent être importants dans l évaluation de la pertinence d amorcer une nouvelle thérapie, de la réponse du patient à sa thérapie, ou dans la détermination d une démarche d intervention optimale pour un patient. Ce nouvel acte permet au pharmacien, de demander au moment opportun les analyses requises à la surveillance d une thérapie médicamenteuse, dans le cadre d un suivi, de l adaptation d un traitement ou encore, dans la prévention d une toxicité reliée à la thérapie ou une interaction. La rapidité d intervention directe du pharmacien dans certaines de ces situations cliniques, plutôt que d attendre la prise en charge de cette situation par une autre ressource professionnelle, peut faire une différence dans plusieurs situations cliniques. La décision doit être justifiée par le fait que le résultat potentiel des analyses contribuera à une meilleure décision relativement à la surveillance de la thérapie médicamenteuse (par exemple, quant à la détermination des doses, à l évaluation de l efficacité d un médicament en cas d interaction médicamenteuse, à l évaluation des effets indésirables, etc.). Ainsi, la prescription et l interprétation d examens de laboratoire ne visent pas le diagnostic, le pronostic, le suivi médical ou la recherche exploratoire d une maladie. Actuellement, il existe un seul contexte dans lequel le pharmacien peut recourir aux résultats des analyses de laboratoire, sans toutefois que ces analyses soient prescrites par le pharmacien : ces lorsqu une ordonnance permet d initier ou d ajuster un médicament. En pharmacie, le pharmacien peut procéder à la lecture des valeurs pertinentes, telles la glycémie ou la coagulation et à l ajustement de dosage si l ordonnance le prévoit. Ce type d ordonnance représente une partie infime du volume total d ordonnances exécutées au Québec. Conséquemment ce type de service pharmaceutique relié à la prescription et l interprétation d examens de laboratoire est pour l instant très marginal. 8 L annexe II du règlement prévoit les analyses de laboratoire suivantes : les formules sanguines complètes (FSC), le temps de prothrombine (PT RNI) - INR, la créatinine, les électrolytes, l alanine transaminase (ALT), la créatinine-kinase (Ck), les dosages sériques des médicaments, la glycémie, l hémoglobine glyquée HbA1c, le bilan lipidique, l hormone thyréotrope (TSH). 20

Description du service Selon les trois grandes étapes de travail illustrées au diagramme 4.3.1 le processus comprend les tâches suivantes : la prise de décision de prescrire des analyses de laboratoires comprend deux tâches principales : la première consiste à revoir et à analyser toutes les informations existantes pour la prise de décision. En plus des informations transmises directement par le patient et de celles disponibles dans son dossier, du temps devra être alloué à obtenir les résultats récents des analyses qui auront été effectuées afin de déterminer entre autres la pertinence d une nouvelle demande d analyse de laboratoire. Le pharmacien doit donc s assurer qu aucune autre analyse de laboratoire au même effet n est disponible; la seconde tâche principale consiste à mener une discussion avec le patient afin de lui expliquer les raisons motivant la décision de prescrire des analyses de laboratoire. l exécution du service de prescription d analyses de laboratoire : à cette étape, les tâches principales sont de rédiger l ordonnance et de la consigner au dossier du patient ainsi que toutes les informations pertinentes (informations reliées à l ordonnance elle-même, justification clinique de la décision, démarches faites pour obtenir les résultats récents d analyses effectuées) et à transmettre au laboratoire approprié, le cas échéant, l ordonnance; le suivi post service : ce suivi débute dès la réception des résultats des analyses demandées par le pharmacien. Du temps de travail doit être accordé à l interprétation de ces résultats en fonction du dossier du patient. Cette tâche conduit à une décision clinique concernant le traitement du patient. Les résultats des analyses ainsi que la conclusion en termes de décision clinique et de conseils doivent ensuite être communiqués au patient par le pharmacien. Dans la mesure où certains problèmes sont détectés et ne peuvent être réglés par le pharmacien, celui-ci réfère le patient à la ressource professionnelle appropriée avec le résultat des analyses. Finalement, la dernière tâche consiste à communiquer les résultats des analyses au médecin traitant, et les informations découlant de cet échange sont consignées au dossier du patient. L acte de prescription et d interprétation d examens de laboratoires génère donc une série de tâches nouvelles, dont le temps de travail requis sera absorbé essentiellement par la ressource «pharmacien». Ce nouvel acte aura donc un impact additif sur la charge de travail du pharmacien en officine. 21

Diagramme 4.3.1 PROCESSUS DU SERVICE DE PRESCRIPTION D ANALYSES DE LABORATOIRE Étapes du processus de travail Tâches de travail Prise de décision de prescrire des analyses de laboratoire Collecte d'informations auprès du patient, examen du dossier, recherche de résultats récents d'analyses effectuées Discussion avec le patient afin de l'aviser de la décision de prescrire une analyse de laboratoire Exécution du service de prescription d analyses de laboratoire Rédaction de l'ordonnance d'analyse de laboratoire et inscription au dossier du patient des informations justifiant l'ordonnance d'analyse de laboratoire, les démarches faites pour obtenir des résultats récents d'analyse effectuée. Réception des résultats de l'analyse de laboratoire et interprétation Post service en officine Décision clinique suite aux résultats de l'analyse Communication avec le patient des résultats de l'analyse et référence, le cas échéant, vers une ressource appropriée avec le résultat de l'analyse Communication avec le médecin traitant des résultats de l'analyse (transmission par télécopieur) 4.4 Administration d un médicament aux fins de démonstration Ce nouvel acte découle du Règlement sur les conditions et modalités suivant lesquelles un pharmacien peut administrer un médicament, (chapitre P-10, 1 er al., par h). Cette activité poursuit un objectif d amélioration de l enseignement des modes et techniques d administration contribuant ainsi à un usage optimal de la thérapie par les patients. Il consiste à ce que le pharmacien puisse administrer un médicament par voie orale, topique, sous-cutanée, intradermique ou intramusculaire ou par inhalation afin d en démontrer l usage approprié. Actuellement, au Québec, l administration d un médicament est une activité réservée à plusieurs groupes de professionnels de la santé 9 pour qui l activité est balisée par un règlement de l ordre professionnel concerné. Cet acte est aussi, par règlement, 9 Dont les infirmières, les médecins, les dentistes, les podiatres, les optométristes, les sages-femmes, les inhalothérapeutes, les technologistes médicaux, les technologues en imagerie médicale et en oncologie. 22

délégué à d autres professionnels 10. Finalement, d autres groupes sont aussi autorisés à administrer des médicaments sous l autorisation du Code des professions 11 dans certaines circonstances ou d un ordre professionnel qui choisit de déléguer et d encadrer par règlement une activité qui lui est réservée 12. Les pharmaciens ne sont pas autorisés à administrer un médicament. Il s agira donc d un acte nouveau dans la profession. Description du service Selon les trois grandes étapes de travail illustrées au diagramme 4.4.1, le processus comprend les tâches suivantes : la prise de décision d administrer un médicament : la première tâche à accomplir consiste à évaluer et valider le besoin du patient selon les informations qu il aura transmises au cours d un entretien et selon l examen de son dossier. Une fois le besoin validé, une discussion doit être menée avec le patient afin d obtenir son consentement. S il y lieu, la décision d administrer un médicament est prise et les informations relatives à celle-ci sont notées au dossier. l exécution du service d administration d un médicament : à cette étape, il y a une rédaction du service d administration d un médicament (suivant un formulaire) et toutes les informations documentant la pertinence d'administrer le médicament, la dose administrée, la voie d'administration, le moment de l'administration, le consentement du patient, l'enseignement donné et les effets secondaires immédiats sont consignés au dossier. La dose est ensuite préparée et administrée au patient. Simultanément à l administration du médicament, l enseignement au patient est fourni. Les connaissances du patient quant au mode et à la technique d administration du médicament prescrit sont ainsi validées. Il s en suit une période de surveillance du patient suite à l administration du médicament jusqu à son départ. le suivi post service : selon le médicament administré, un suivi est fait par le pharmacien auprès du patient. Le travail relié à l acte d administration d un médicament aux fins de démonstration consiste en tâches qui seront principalement effectuées par la ressource «pharmacien». Ce nouvel acte aura donc un impact additif sur la charge de travail du pharmacien en officine. 10 Dont les infirmières auxiliaires, les perfusionnistes cliniques, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes. 11 Le personnel des écoles et des garderies. 12 Les premiers répondants et les techniciens ambulanciers qui sont autorisés par les médecins. 23

Diagramme 4.4.1 PROCESSUS DU SERVICE D ADMINISTRATION D UN MÉDICAMENT Étapes du processus de travail Tâches de travail Prise de décision de l administration d un médicament Évaluation du besoin du patient: collecte d'informations auprès du patient, examen du dossier Discussion avec le patient afin d'obtenir son consentement Décision d'administrer un médicament et notification au dossier Exécution du service d administration d un médicament Rédaction du service d'administration et inscription au dossier du patient des informations documentant la pertinence d'administrer un médicament, la dose administrée, la voie d'administration, le moment de l'administration, le consentement du patient, l'enseignement donné et les effets secondaires immédiats Préparation de la dose Enseignement au patient et administration du médicament Surveillance du patient suite à l'administration du médicament Post service en officine Suivi selon le médicament 24