COMMISSION DE PROTECTION DU TERRITOIRE AGRICOLE DU QUÉBEC IDENTIFICATION DU DOSSIER Numéro : 405590 Lot : 4 670 757-P Cadastre : Cadastre du Québec Superficie : 6,81 hectares Circonscription foncière : Huntingdon Municipalité : Saint-Anicet (P) MRC : Le Haut-Saint-Laurent Date : Le 12 décembre 2014 LE MEMBRE PRÉSENT Sylvie Desaulniers, commissaire DEMANDERESSE PERSONNE INTÉRESSÉE J.R. Caza & frère inc. Ferme Légermau 200 inc. DÉCISION LA DEMANDE [1] La demanderesse s'adresse à la Commission afin qu'elle autorise l'aliénation d'une superficie approximative de 6,81 hectares, correspondant à une partie du lot 4 670 757 du cadastre du Québec, circonscription foncière de Huntingdon. [2] Advenant une autorisation, la venderesse conserverait un droit d'aliénation sur le résidu du lot en question et plusieurs lots contigus. LES INFORMATIONS PERTINENTES [3] J.R. Caza & Frères inc., est une entreprise spécialisée dans la gestion des travaux de construction, la vente et la location d'équipements agricoles et de construction. Elle détient depuis 1991 un bail de location de 25 ans sur une portion du lot 4 670 757, propriété de Ferme Légermau inc., où elle exploite une sablière dont les travaux ont été amorcés bien avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection du territoire et des
Dossier 405590 page 2 activités agricoles 1 (la Loi) et que la Commission a, par la suite, agrandi à 4,7 hectares par une décision rendue au dossier 130654 2, décision qui ne comporte pas de date d'échéance. [4] Il est soumis que la demanderesse souhaite se prévaloir de l'option d'achat, qui avait été convenue avec l'ancien propriétaire lors de la signature du bail et selon laquelle le locataire pourrait se porter acquéreur de l'immeuble, sans déboursé supplémentaire s'il réussit à obtenir les autorisations nécessaires, d'où la présente demande. [5] Elle désire donc acquérir le site ayant fait l'objet de l'autorisation précitée, soit 4,74 hectares, et en plus une bande étroite d'une superficie de 2,07 hectares, laquelle longe le chemin Smith et la montée de Cazaville. En fait, la demanderesse souhaite agrandir son site d'exploitation et détacher la sablière de la ferme d'élevage en vue de poursuivre les travaux d'excavation et d'exploitation. [6] Advenant une autorisation, Ferme Légermau inc. conserverait un bloc contigu formé de deux lots localisés de par et d'autre du chemin Smith, totalisant une superficie de 132,49 hectares, dont environ 111 hectares sont consacrés aux grandes cultures, le reste étant boisé sans érables. Elle est également propriétaire d'une autre terre située à proximité d'une superficie totale de 89,78 hectares où elle exploite une ferme laitière composée de 210 têtes, dont 120, en lactation et cultive environ 73 hectares en céréales et fourragères. LA RECOMMANDATION DE LA MUNICIPALITÉ [7] La demande d autorisation a été soumise à la Municipalité de Saint-Anicet, laquelle l a appuyée par la résolution 290-2013, adoptée le 5 août 2013. Cette résolution tient compte des critères de l article 62 de la Loi, comme l exige l article 58.2 de cette même loi. LE RAPPEL DE L ORIENTATION PRÉLIMINAIRE [8] Le 2 décembre 2013, la Commission émettait son orientation préliminaire au présent dossier. Elle indiquait alors que cette demande devrait être refusée. RECOMMANDATION DE L'UPA [9] Le 8 janvier 2014, la Fédération de l'upa de la Montérégie indique qu'elle demande à la Commission de ne pas faire droit à la demande. 1 RLRQ, c. P-41.1 2 Robert Hurteau, n o 130654, 27 janvier 1988
Dossier 405590 page 3 LA RENCONTRE PUBLIQUE / LES OBSERVATIONS ADDITIONNELLES [10] À la réception de l orientation préliminaire précitée, le demandeur a requis la tenue d une rencontre publique. Cette rencontre a eu lieu à Longueuil le 17 avril 2014. [11] Les personnes suivantes ont assisté à cette rencontre : M. Maurice Léger, président de Ferme Légermeau (200) inc. et propriétaire du lot visé M. Alcide Hurteau, frère de M. Léger et ancien propriétaire M. William (alias Bill) Caza, demandeur et président de J.R. Caza et frère inc. M. Claude Lalongé, agronome chez Groupe Conseil UDA et mandataire de J.R. Caza et frère inc. [12] Les pièces déposées sont : D-1 Documents présentation de M. Léger D-2 Procuration D-3 Lettre de M. Léger [13] Les représentations faites lors de cette rencontre se résument comme suit. [14] Des modifications sont demandées afin de corriger certaines imprécisions au texte de l'orientation préliminaire. [15] M. Lalongé, mandataire de l'actuel locataire de la superficie en cause et demandeur au dossier, énonce que le propriétaire, Ferme Legermeau, souhaite se départir de cette partie de sa propriété agricole. [16] Il explique les tenants et les aboutissants de la présente de demande. Il spécifie en fait qu'il ne s'agit pas ici d'une demande d'agrandissement de la sablière. Il décrit amplement et de manière très exhaustive le document d'expertise déposé relativement à la superficie visée et aux lots avoisinants. Il présente plusieurs données relatives à la qualité des sols et au potentiel agricole. [17] Il expose de manière très détaillée les caractéristiques du site de la sablière, notamment quant au type de boisé le recouvrant et des sols le constituant. [18] M. Caza, locataire et exploitant de la sablière sise sur le lot visé, expose que plusieurs sablières sont en exploitation dans ce milieu et il explique les méthodes utilisées pour l'exploitation d'une sablière par sa compagnie.
Dossier 405590 page 4 [19] M. Léger présente à la Commission l'historique complet entourant l'acquisition de cette superficie et il décrit l'état des lieux en indiquant notamment l'abaissement de la superficie exploitée comme sablière. Il mentionne que depuis 2007, il souhaite que la Compagnie de M. Caza se porte acquéreur du site afin de ne pas être tenu de restaurer le site à titre de propriétaire. Il souligne qu'une superficie de 5 000 mètres carrés de cette superficie bénéficierait de droits acquis. L'ANALYSE DE LA DEMANDE [20] Pour rendre une décision sur cette demande, la Commission se base sur les dispositions des articles 12 et 62 de la Loi, en prenant en considération seulement les faits pertinents à ces dispositions. [21] Après examen des documents versés au dossier, avec sa connaissance du milieu en cause et selon les renseignements obtenus de ses services professionnels, la Commission constate ce qui suit. LE CONTEXTE Géographique [22] Le site visé se situe dans la municipalité de Saint-Anicet, laquelle fait partie de la MRC du Haut-Saint-Laurent. [23] De façon plus précise, le site se localise au croisement du chemin Smith et de la montée Cazaville, il est contigu à la zone non agricole de la municipalité de Saint-Anicet. Agricole [24] Le potentiel agricole du lot visé et des lots environnants est de classes 2 et 4, selon les données de l'inventaire des terres du Canada. Les sols sont de qualité variable, soit majoritairement de classes 2 et 4 pour les parties en culture et de classe 7 pour les portions boisées. Les sols sont majoritairement de classe 4 en ce qui a trait plus particulièrement au site visé. [25] Le site s'inscrit dans un milieu agricole homogène où l'agriculture se pratique de façon active et dynamique, axée principalement sur la production laitière, les cultures fourragères et céréalières, les cultures en serre ainsi que divers types d'élevages. On note aussi la présence de quelques îlots boisés comprenant par endroits des peuplements d'érables. [26] Plus spécifiquement, le site visé correspond à une sablière dont environ la moitié de la surface est recouverte de la végétation qui a repris ses droits et l'autre moitié est en exploitation. Selon l'information jointe au dossier, l'exploitation de cette sablière remonte à la fin des années 50. L'examen des photographies aériennes Q79-822-99, Q79-822-69, Q-79-82-67 et Q79-822-100, prises le 21 juin 1979, démontre que le site d'exploitation de la sablière était alors assez restreint, soit d'environ 5 000 mètres
Dossier 405590 page 5 carrés, comme précisé au rapport d'enquête du 1 er octobre 2008 3. Ce dossier d'enquête portait particulièrement sur une autre superficie de 5 000 mètres carrés, située au sud de celle autorisée au dossier précité (130654). [27] La municipalité de Saint-Anicet est assujettie au Règlement sur les exploitations agricoles selon la désignation à l'annexe 3 dudit règlement. De planification régionale et locale [28] Le schéma d'aménagement et de développement révisé (SADR) de la MRC du Haut-Saint-Laurent est en vigueur depuis le 1 er novembre 2000. [29] Ce document indique que la propriété visée se localise dans l'affectation agricole 1. LES AUTRES ÉLÉMENTS PERTINENTS [30] Dans le cadre de l'étude de la présente demande, la Commission a analysé les décisions qu'elle a rendues dans le secteur, qui portaient sur des demandes de morcellement 4. [31] Ainsi, aux dossiers 315406 et 318439, la Commission a refusé de morceler une superficie de 14,2 hectares d'une propriété foncière de 32,4 hectares, décision qui a été confirmée par le Tribunal administratif du Québec (TAQ) au premier dossier puis par la Cour du Québec au second dossier. [32] Au dossier 335751, la Commission a également refusé de morceler une superficie de 21 hectares, alors que le propriétaire souhaitait conserver 18 hectares. [33] Au dossier 365048, la Commission a permis de morceler une superficie de 36 hectares tout en permettant au vendeur de conserver un terrain de 2,8 hectares avec un complexe serricole. L'APPRÉCIATION DE LA DEMANDE [34] Lors de l'orientation préliminaire, la Commission indiquait ce qui suit : «Au cours de l'étude de la présente demande, il a été démontré que l'exploitation de la sablière a commencé avant l'entrée en vigueur de la Loi sur une superficie de 5 000 mètres carrés. Puis, en janvier 1988, une autorisation de la Commission a permis de porter la superficie de l'exploitation à 4,74 hectares. La seule condition touchant les méthodes d'exploitation de ce site, dont était assortie cette décision, n'a pas été 3 Ferme Legermau 2000 inc., n o 358209, 1 er octobre 2008 4 Gilles Robidoux, STE-Q-068155-0009 (C-315406), 22 février 2001 - Ferme Legermau 2000 inc., Cour du Québec, Chambre civile, 760-02-006626-027 (C-318439), 11 novembre 2003 - Fraisière Lamoureux, n o 335751, 19 juillet 2004 - Jean-Paul Quesnel, n o 365048, 4 mars 2010
Dossier 405590 page 6 respectée, comme en fait foi le dernier rapport du Service des enquêtes de la Commission, daté du 18 juillet 2013. Cette condition visait à conserver, en vue du réaménagement du site, le sol arable, ce qui ne semble pas avoir été fait. Cette situation avait déjà été constatée dans des rapports précédents. Par la suite, soit en 1991, un bail visant l'exploitation de la sablière a été signé entre la propriétaire de l'époque et l'exploitant. Ce bail est d'une durée de 25 ans, se terminant en 2016. Comme on l'a vu plus haut, le site se situe dans un milieu agricole homogène où les activités agricoles sont pratiquées avec dynamisme. L'autorisation recherchée ne permettrait pas de remembrer la superficie visée à une propriété foncière agricole contiguë. Au contraire, cela aurait comme conséquence la création d'une unité foncière de 6,81 hectares, qui ne constitue pas une superficie suffisante pour pratiquer l'agriculture, au sens du paragraphe 8 de l'article 62 de la Loi. La Commission estime également que la localisation du site contigu à la zone non agricole et sa superficie restreinte fragiliseraient la vocation agricole du site. Enfin, elle considère qu'il n'y a aucun avantage au plan agricole d'une autorisation à la demande et est d'avis qu'il y a plus de chances que le site retrouve sa vocation agricole, s'il reste rattaché à la propriété agricole de Ferme Légermau inc. En conséquence, si les observations énoncées précédemment reflètent bien la situation, la Commission, après pondération de l ensemble des critères, considère que cette demande devrait être refusée.» [35] La Commission a pris en considération tous les éléments pertinents des représentations faites lors de la rencontre publique. Elle tient cependant à souligner que la Commission, au présent dossier, doit se prononcer sur une demande d'autorisation pour l'aliénation d'une partie de la propriété de Ferme Legermeau inc. et non sur l'application d'une décision antérieure de la Commission émise sur cette même superficie pour l'exploitation d'une sablière. [36] La Commission rappelle qu'en vertu de la Loi, elle doit pour rendre une décision se baser sur les critères prévus à l'article 62 de la Loi, mais que, par ailleurs, elle ne doit pas prendre en considération, tel que le prévoit l'article 62.1 de la Loi, les conséquences que pourrait avoir la décision sur une infraction déjà commise, le cas échéant. [37] Cela étant dit, la Commission a tenu compte de l'ensemble des éléments pertinents au dossier incluant ceux obtenus lors de la rencontre publique et en se basant sur les critères de l'article 62 de la Loi, elle demeure convaincue que de détacher cette superficie de l'ensemble de la propriété de Ferme Legermeau inc. n'est pas favorable à la protection du territoire agricole. [38] En effet, la création de la petite superficie qui en résulterait ne constituerait pas au sens du paragraphe 8 du deuxième alinéa de l'article 62 de la Loi, une superficie jugée suffisante pour y pratiquer l'agriculture.
Dossier 405590 page 7 [39] La Commission estime toujours également que la localisation du site contigu à la zone non agricole et sa superficie restreinte fragiliseraient la vocation agricole du site. [40] Finalement, la Commission tient à souligner qu'elle a apporté les modifications au libellé de la présente concernant les imprécisions notées à l'orientation préliminaire et soulevées lors de la rencontre publique. PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION REFUSE de faire droit à la demande. Sylvie Desaulniers, commissaire