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Table des matières Sommaire exécutif 4 Recommandations 9 Introduction 11 Des objectifs globalement partagés 12 Une politique qui doit appuyer le secteur manufacturier 14 Une entreprise qui évolue dans un marché mondial en évolution 22 Rentabilité mise à mal 22 L aluminium : un choix stratégique pour le Québec 24 L apport des usagers grande puissance à l économie du Québec 24 Achats d électricité auprès d Hydro-Québec 28 Le tarif L, structure et coût réel 30 Ramener le tarif L au premier quartile 35 Les bénéfices 37 L approvisionnement post-2041 41 Efficacité énergétique 41 La fiabilité du réseau 42 L approvisionnement en gaz naturel 44 Conclusion 46 Annexe 1 Rio Tinto et Rio Tinto Alcan : leader de l aluminium dans un grand groupe minier 47 Annexe 2 Un géant au cœur québécois 48 Rio Tinto Alcan, le plus grand producteur privé d hydroélectricité au Québec 49 AP60 : le futur de l aluminium se conjugue au Québec 50 Annexe 3 - Des retombées dans toutes les régions 52 Annexe 4 - Bureau de développement économique régional 54 Annexe 5 Centre de recherche et développement Arvida (CRDA) 56 Annexe 6 L aluminium et la réduction des émissions dans le secteur du transport 57 Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 3 de 57

Sommaire exécutif Rio Tinto Alcan (RTA) remercie la Commission d entendre son point de vue sur le renouvellement de la politique énergétique du Québec. Cette discussion est pertinente dans un contexte où : Le gouvernement veut réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec d ici 2020 - un objectif accepté et sur lequel nous insistons, l aluminium étant une solution durable pour l atteinte de cet objectif. L environnement énergétique nord-américain a été transformé par l arrivée massive de gaz et de pétrole de schiste alors que le Québec est en situation de surplus énergétique. La concurrence internationale et une économie mondiale en difficulté présentent des opportunités, mais commandent aussi la prudence afin de préserver nos entreprises et ne pas ajouter à leur fardeau tarifaire, réglementaire et fiscal. Cette discussion est de première importance pour RTA qui est notamment : le plus important producteur privé d électricité au Québec; le plus important transporteur privé d électricité à haute tension; un important client «grande puissance» d Hydro-Québec; le plus important consommateur de gaz naturel au Québec; un important employeur privé au Québec, qui y assure une présence industrielle en région depuis plus de 100 ans; une entreprise manufacturière québécoise de taille mondiale ayant investi largement au Québec et qui a des options de croissance; un leader de la R&D dans le secteur de la production d aluminium par sa technologie AP60; et un leader en matière de développement durable et de réduction des gaz à effet de serre. *** Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 4 de 57

Dans le cadre de ces consultations, Rio Tinto Alcan vise à ce que la nouvelle politique énergétique du Québec lui assure un approvisionnement stable en énergie, à coût prévisible et concurrentiel, lui permettant de poursuivre un développement de ses activités au bénéfice de ses employés, des communautés où elle est présente et du Québec tout entier. Par ce mémoire, Rio Tinto Alcan : Fera valoir l apport structurant de ses activités sur l économie du Québec et l envergure de ses projets : 100 ans d histoire, des dizaines de milliards de dollars investis et à investir; 7 000 employés, majoritairement en région; Démontrera que le prix de l électricité vendue aux alumineries québécoises n est plus concurrentiel à l échelle internationale : le prix offert aux alumineries, de 4,25 /kwh, place les coûts de l énergie payés par l industrie de l aluminium dans le 4 e et dernier quartile, une position insoutenable; Fera la démonstration de la possibilité économique et de la pertinence stratégique pour le Québec de réduire significativement ce prix et de le repositionner au 1 er quartile pour ainsi attirer de nouveaux investissements et donner un nouvel élan à l industrie de l aluminium et à l économie québécoise. Les objectifs du gouvernement Rio Tinto Alcan s étonne que le premier objectif énoncé dans le document de consultation publique soit la réduction des gaz à effet de serre. En effet, il apparaît à l entreprise que la future politique énergétique du Québec doit rechercher en priorité à contribuer à la prospérité des Québécois par des choix judicieux et stratégiques en matière d énergie afin de soutenir et stimuler un développement économique durable et créateur de richesse. Rio Tinto Alcan partage et participe à plusieurs des objectifs avancés par le document de consultation sur les enjeux énergétiques du Québec. Ces objectifs font d ailleurs partie des priorités de l entreprise. Soulignons entre autres qu au niveau de la réduction des gaz à effet de serre, Rio Tinto Alcan atteint les objectifs du Protocole de Kyoto. En matière d efficacité énergétique, les efforts de Rio Tinto Alcan lui ont valu le statut de membre Élite du réseau Écolectrique d Hydro-Québec. Et en matière d électrification des transports, l utilisation de l aluminium est un incontournable et est partie prenante de la solution, tout particulièrement dans le secteur de l automobile. Soutien au secteur manufacturier Rio Tinto Alcan déplore le manque d intérêt du gouvernement envers le secteur manufacturier dans son document de consultation. Alors que la part des industries de fabrication dans le PIB du Québec est passée de 22,9 % en 2000 à 14,1 % en 2012, l emploi dans le secteur manufacturier suivait une courbe presque semblable. Ce secteur fournissait 18,5 % des emplois de la main-d œuvre québécoise en 2000, contre 12,5 % en 2012. Les économies les plus performantes du monde comptent sur un secteur manufacturier en santé puisqu il maximise la croissance de l emploi, procure des salaires élevés, augmente positivement la balance commerciale d une économie et dépense plus en recherche et développement que quiconque. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 5 de 57

L aluminium, valeur ajoutée à l énergie : un matériau d avenir Dans la foulée d une électrification des transports et d une réduction des GES, l aluminium, par ses propriétés physiques : légèreté, recyclable à l infini, la chaîne de valeur de l expertise québécoise et de son électricité propre et renouvelable et l aluminium est un avantage concurrentiel manifeste pour le Québec. Le succès du Québec dans le domaine de l aluminium démontre d ailleurs l impact du levier énergétique comme facteur de création de richesse pour tous les Québécois. En 2010, les expéditions québécoises d aluminium sur les marchés étrangers ont représenté une valeur de 6,2 milliards de dollars, ce qui en fait le premier domaine d exportation du Québec. Un contexte économique difficile mais optimiste La conjoncture actuelle de l aluminium est difficile. Les inventaires à l échelle mondiale s accumulent et les prix sont bas. L aluminium qui se vendait 3 300 dollars la tonne avant l éclatement de la crise financière de 2008 ne valait que 1 300 dollars la tonne en 2009 et oscille aujourd hui autour de 1 750 dollars la tonne. L impact de cette dépréciation de l aluminium est énorme. La conjoncture actuelle ne change toutefois pas les perspectives à long terme. La demande mondiale hors Chine pour l aluminium devrait croître à un rythme de 4 à 5 % par année. Les grands consommateurs d électricité enrichissent le Québec Les usagers du tarif grande puissance d Hydro-Québec que sont les alumineries, les entreprises du secteur des pâtes et papiers, le secteur de la sidérurgie, de la pétrochimie et les mines, contribuent à hauteur d environ 14 milliards au PIB du Québec, environ 4 % du total. Leurs activités génèrent pour le gouvernement des revenus fiscaux annuels de quelque 4 milliards de dollars, soit 6 % de l ensemble des recettes fiscales de l État québécois. L industrie de l aluminium : plus sensible au coût de l énergie Parmi les grands consommateurs d énergie, l industrie de l aluminium est celle qui dépend le plus d un accès à de l électricité à coût compétitif : d abord à cause de l importance des coûts d énergie dans leurs coûts de fonctionnement - de 25 à 30 %, et parce que ce sont des entreprises qui exportent environ 70 % de leur production et qui évoluent, de ce fait, dans un marché mondial. Le tarif L n est plus concurrentiel Le tarif L est actuellement de 4,25 cents / kwh pour les grands consommateurs livrés à haute tension. Ce tarif de 4,25 cents / kwh place les coûts d électricité du Québec dans le quatrième quartile de l industrie mondiale de l aluminium. Cela signifie que pour près des trois-quarts des installations de production d aluminium dans le monde, le tarif de l électricité est plus faible que celui maintenant demandé au Québec. Soulignons que depuis l adoption de l actuelle politique énergétique du Québec, en 2006, aucun projet d investissement au tarif L n a été réalisé au Québec. Ce tarif n est donc plus un argument de vente pour le Québec. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 6 de 57

Le tarif L est trop élevé en regard du coût de production réel d Hydro- Québec La Régie de l énergie établit le tarif L à partir d un coût pour son bloc patrimonial de 2,79 cents / kwh. Pour établir ce coût de production, la Régie de l énergie se base sur le prix fixé par la loi en 2000. Une étude indépendante réalisée pour le compte de Rio Tinto Alcan selon la méthode utilisée par la Régie de l énergie du Québec, établit aujourd hui le coût réel de production de cette électricité à 2,27 cents / kwh pour l ensemble du parc d Hydro-Québec, et à 1,79 cents pour le parc historique. La différence est imposante et il en résulte un prix insoutenable pour notre industrie. L écart s explique notamment par l amortissement des grands barrages d Hydro-Québec payés par les usagers québécois et par la baisse du coût du capital d Hydro-Québec. Ainsi, le rendement requis pour permettre à Hydro-Québec de rembourser ses emprunts et l investissement de son actionnaire, le gouvernement du Québec, est passé de 9,8 % en 2001 à 6,7 % aujourd hui. Ramener le prix de l électricité au rang des meilleurs Rio Tinto Alcan propose au gouvernement de diminuer le prix de l électricité offerte aux alumineries et de le positionner dans le premier quartile des coûts de l industrie. Cette hypothèse longuement murie et étudiée est basée sur les coûts réels de production et de transport d Hydro- Québec. Elle permettra au gouvernement d atteindre ses cibles budgétaires et de participer de manière constructive au développement économique de la province. L occasion stratégique de procéder à un ajustement à la baisse est d autant plus grande, que même avec un prix réduit, les revenus du gouvernement demeureraient supérieurs aux revenus tirés de l exportation d énergie au cours des dernières années ainsi que du revenu espéré dans les années à venir. De plus, cet objectif proposé au gouvernement n est pas différent de la discipline que Rio Tinto Alcan s impose à ellemême, ayant retiré plus de 600 000 tonnes de capacité de production dans le monde, avec notamment l arrêt de production anticipée de l Usine Shawinigan, le tout dans le but d assurer sa compétitivité à long terme. Rio Tinto Alcan propose au gouvernement de l accompagner dans cette transition. Une occasion stratégique Rio Tinto Alcan estime que la nouvelle politique énergétique du Québec doit affirmer la volonté de l État québécois d utiliser à des fins stratégiques de développement économique le levier que représente son énergie renouvelable de source hydroélectrique. Un tel positionnement est d autant plus possible que le Québec se retrouve actuellement en situation de surplus d énergie, que la valeur des exportations d électricité vers les États-Unis est en baisse, et que l entrée en service prochaine des aménagements hydroélectriques de la Romaine ajoutera au portefeuille d Hydro-Québec. Les bénéfices À travers le monde, les pays qui ont vu leur industrie de l aluminium connaître la plus forte croissance ont en commun des tarifs d électricité plus bas que ceux demandés au Québec. Cela vaut pour le Moyen- Orient, mais aussi pour des pays comme l Islande, la Norvège ou l Australie qui peuvent être comparés au Québec sur le plan des charges sociales et du fardeau fiscal. En abaissant le prix de l électricité pour le ramener dans le premier quartile, le Québec pourrait éviter de perdre son 4 e rang de producteur à l échelle mondiale et se hisser parmi les sociétés occidentales où l industrie de l aluminium est promise à une croissance des plus dynamiques. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 7 de 57

Efficacité énergétique Depuis quelques années, les grandes entreprises électro-intensives sont privées des programmes d efficacité énergétique d Hydro-Québec. Étant donné les cibles élevées du gouvernement à cet égard et le potentiel que recèle notre secteur industriel, il est grand temps que le ministère des Ressources naturelles prenne les devants et remédie à cette lacune. Fiabilité des réseaux de transport d électricité L adoption de normes de fiabilité obligatoires donnant lieu à des sanctions élevées augmente inutilement le risque d affaires des entreprises, sans pour autant augmenter la fiabilité des réseaux de transport d électricité qui existaient déjà. Pire, elle cherche à placer Rio Tinto Alcan en situation conflictuelle envers Hydro-Québec, en mettant un frein au climat de collaboration qui leur a si bien réussi par le passé. Il est temps de prendre nos distances du régime policier américain et de revoir le système québécois. Protéger l approvisionnement en gaz naturel Environ 17 % des besoins en énergie de Rio Tinto Alcan sont comblés par le gaz naturel pour sa raffinerie d alumine Vaudreuil, au Complexe Jonquière, pour ses centres de coulée, pour des fours à cuisson d anode et pour le chauffage de certaines de ses installations. Or, l accès à la partie ontarienne du pipeline de TransCanada Pipelines est entravé, de telle sorte que durant l hiver 2012-2013 les usines situées au Complexe Jonquière, à Saguenay ont subi 38 interruptions de service. Cette situation est inacceptable et ne va que s aggraver avec le projet Énergie Est de TransCanada qui prévoit la conversion au transport du pétrole de l Ouest une section du pipeline principal de transport de gaz naturel. Rio Tinto Alcan presse le gouvernement du Québec d intervenir auprès des autorités concernées afin de protéger les conditions nécessaires à l approvisionnement en gaz naturel du Québec à prix concurrentiel. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 8 de 57

Recommandations Afin d appuyer le développement de l industrie québécoise de l aluminium, qui représente un des plus grands succès industriels au Québec et dont les impacts structurants bénéficient à toute la collectivité, Rio Tinto Alcan recommande au gouvernement de : Réaffirmer le lien historique entre la politique énergétique et le développement économique régional, notamment pour le retour d un secteur manufacturier florissant. Utiliser stratégiquement le levier de l énergie du Québec en fonction de l importance des coûts d énergie pour les entreprises et leur exposition aux marchés mondiaux. Offrir aux grandes entreprises électro-intensives comme les alumineries un bloc d énergie à un prix permettant d attirer au Québec des investissements structurants et d assurer l avenir et la croissance dans les régions du Québec. Réaffirmer sa volonté d offrir une énergie compétitive dédiée à la croissance du secteur de l aluminium, moteur économique du Québec, qui le place dans le premier quartile de l industrie. Offrir dans les meilleurs délais, par le biais du ministère des Ressources naturelles, des programmes en efficacité énergétique ciblés permettant de puiser les gains recherchés dans le potentiel de la grande industrie électro-intensive. Modifier le régime actuel de sanctions des normes de fiabilité des réseaux pour supprimer un risque inéquitable causé aux entreprises et renforcer le partenariat avec Hydro-Québec. Agir immédiatement auprès des autorités et des entreprises concernées afin de protéger l approvisionnement en gaz naturel compromis par le projet Énergie Est de TransCanada Pipelines. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 9 de 57

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Introduction Le gouvernement du Québec a entrepris une discussion publique afin de mettre à jour la politique énergétique du Québec, qui date de 2006. Des changements importants, survenus dans les dernières années, justifient cette réflexion collective sur les implications économiques, environnementales et sociales de nos choix en matière d énergie. Cette discussion sera teintée par plusieurs facteurs internes et externes qui viendront influencer les choix du Québec. Trois éléments doivent ainsi être considérés comme toile de fond de ces consultations : L objectif du gouvernement du Québec de réduire de 20 % (et non 25 % 1) les émissions québécoises de gaz à effet de serre d ici 2020, soit la cible la plus ambitieuse en Amérique du Nord. La transformation de l environnement énergétique nord-américain, principalement provoquée par le boum de la production de gaz et de pétrole de schiste aux États-Unis, ainsi que l émergence de surplus d électricité due à une diminution de la consommation industrielle au Québec et à une baisse de valeur des exportations vers les États-Unis liée à ce boum gazier. Une concurrence internationale très vive dans une économie mondiale en difficulté. Un tel contexte présente des opportunités pour le Québec, mais commande aussi la prudence afin de préserver le caractère concurrentiel de nos entreprises et ne pas ajouter à leur fardeau tarifaire, réglementaire et fiscal. Cette discussion revêt un intérêt capital pour Rio Tinto Alcan puisqu il est tout à la fois : le plus important producteur privé d électricité au Québec; le plus important transporteur privé d électricité à haute tension; un important client «grande puissance» d Hydro-Québec; le plus important consommateur de gaz naturel au Québec; l un des plus importants employeurs privés au Québec, qui y assure une présence industrielle en région depuis plus de 100 ans; l une des rares entreprises manufacturières québécoises de taille mondiale ayant des options de croissance représentant plusieurs milliards de dollars; un leader de la R&D dans le secteur de la production d aluminium par sa technologie AP; et un leader québécois en matière de développement durable et de réduction des gaz à effet de serre (GES). Rio Tinto Alcan remercie le gouvernement de prendre en considération son point de vue dans ce dossier complexe. 1 La cible acceptée est présentement de 20 %. L énoncé d une nouvelle cible de 25 % dans un document de consultation sur l énergie peut surprendre et inquiéter. Il n est pas opportun de changer un tel objectif, déjà ambitieux, pour le porter plus haut sans une évaluation des impacts importants qui en résulteront pour le Québec, ses entreprises et ses emplois. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 11 de 57

Des objectifs globalement partagés Rio Tinto Alcan partage et participe à plusieurs des objectifs avancés par le document de consultation sur les enjeux énergétiques du Québec. Ces objectifs font d ailleurs partie des priorités de l entreprise. Que ce soit au niveau de la réduction des gaz à effet de serre, l électrification des transports et l efficacité énergétique, Rio Tinto Alcan est prêt à s engager à poursuivre ses efforts et atteindre des résultats tangibles. Depuis 1990, les émissions totales de GES de Rio Tinto Alcan au Québec ont diminué de 50 % pendant que la production d aluminium augmentait de 50 %. Rio Tinto Alcan a endossé et atteint les objectifs du Protocole de Kyoto. La nouvelle cible de 25 % n a fait l objet ni d un débat ni d un consensus et risque d amener le gouvernement à se tourner vers l industrie si le secteur du transport n atteint pas les réductions espérées. Ceci placerait les objectifs environnementaux seuls, avant le développement économique, en porte-àfaux avec ses objectifs de développement durable. Les mesures d efficacité énergétique de Rio Tinto Alcan ont permis une économie d énergie de 267 GWh, soit l équivalent de la consommation annuelle de 15 700 ménages. Rio Tinto Alcan est reconnu comme un leader en efficacité énergétique. Il est membre Élite du réseau Écolectrique d Hydro-Québec. Il a reçu le prix Énergia de l AQME et le prix Innovation de l ADRIQ. Il est partenaire de chaires de recherche de l Université de Sherbrooke, de l École des Hautes études commerciales (HEC- Montréal) et d entreprises solidement engagées en efficacité énergétique. Rio Tinto Alcan appuie le projet structurant que représente l électrification des transports pour le Québec. Rio Tinto Alcan croit d autre part qu un surplus d énergie propre représente une occasion unique pour le Québec de se donner un avantage concurrentiel afin d attirer de nouveaux projets industriels et de faciliter l essor des entreprises manufacturières existantes. L utilisation de l aluminium est en forte croissance dans le secteur du transport, tout particulièrement dans le secteur de l automobile. En Amérique du Nord, les véhicules actuels contiennent en moyenne 155 kg d aluminium par véhicule et devraient en contenir 250 kg en 2025 2. Cette augmentation s explique en partie par le fait que les constructeurs utilisent de plus en plus l aluminium pour réduire le poids des véhicules dans le but de rencontrer les standards de consommation de carburants qui devront passer de 11,56 km au litre en 2011 à 23,15 km au litre en 2025 3. 2 Ducker Worldwide 2011, http://www.drivealuminum.org/research-resources/atg_galm_22aug.pdf, p.4. 3 www.drivealuminum.org/research-resources/pdf/speeches%20and%20presentations/2013/alaw-aluminum-growth-and-trends, p.5. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 12 de 57

Cette croissance bénéficiera au Québec d un point de vue économique, puisqu une part importante de notre production d aluminium est destinée au marché de l industrie de l automobile nord-américain. Cela aura également un impact important sur les émissions de GES du secteur du transport car l aluminium vient de plus en plus remplacer l acier, un métal trois fois plus lourd. Et on le sait bien, un véhicule plus léger consomme moins de carburant puisqu il nécessite moins d énergie pour accélérer. De plus, plusieurs composantes, telles que le moteur et les freins, peuvent être réduites, ce qui réduira encore davantage les émissions. Une récente étude conduite pour l Aluminium Association Transportation Group a démontré que le poids d une Toyota Venza pouvait être réduit de 28 % grâce à un changement de design maximisant l aluminium. Les émissions totales de GES sur la vie de chaque véhicule pourraient ainsi être réduites de 15 tonnes de CO 2 e 4. À l échelle du Québec, cela représente un potentiel de réduction de 75 millions de tonnes de CO 2 e 5. L automobile n est pas le seul moyen de transport où l aluminium réduit les émissions. La même logique de substitution s applique pour les autobus urbains et les véhicules lourds. En effet, dans le cas du transport de marchandises lourdes, chaque tonne d aluminium remplaçant une tonne d acier permet une économie moyenne de 20 tonnes de CO 2 e 6 sur la durée de vie du véhicule puisqu il pourra transporter une cargaison plus importante, tout en respectant les limites de poids sur les routes. Dans le cas d un autobus urbain, l économie est encore plus grande puisque le véhicule est constamment en mode arrêtdépart (40 à 45 tonnes de CO 2 e économisées par tonnes d aluminium) 7. De plus, si on utilise de l aluminium québécois, on réduit encore plus les émissions (potentiellement jusqu à 10 tonnes de CO 2 e de réductions additionnelles par tonne d aluminium utilisée) en raison de la faible empreinte de notre aluminium en comparaison avec la moyenne de l industrie. Dans le cas des avions et des trains à grande vitesse, le potentiel de réductions des émissions liées à l utilisation accrue de l aluminium ne passe pas par la substitution de certains métaux, puisque ces véhicules ont déjà un fort contenu en aluminium 8. Dans ce secteur, la contribution future de notre industrie passera plutôt par le développement d alliages plus légers et plus performants, tel que l aluminium-lithium, qui aidera notamment à réduire les émissions de GES des avions de la série C de Bombardier. Notons que Rio Tinto Alcan, avec son Centre de recherche et de développement Arvida, participe activement au développement de ces nouveaux alliages pour le marché de l aéronautique et de l aviation. Finalement, l utilisation croissante de l aluminium facilitera l adoption des voitures et des autobus électriques puisque la réduction du poids du véhicule permet également une réduction des dimensions de la batterie, ce qui a pour effet de réduire le coût de fabrication du véhicule 9. Malgré tout ceci, Rio Tinto Alcan s étonne que le premier objectif de la future politique énergétique du gouvernement soit la réduction des gaz à effet de serre. Ne serait-ce pas là le premier objectif d une politique environnementale? 4 www.drivealuminum.org/research-resources/atg_galm_22aug.pdf, p.9 et 14, pour une durée de vie de 200 000 km. 5 www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/quebec_stat/eco_tra/eco_tra_3.htm, 5 000 000 de véhicules. 6 www.alueurope.eu/wp-content/uploads/2011/09/moving-up-to-aluminium_fr1.pdf, p.6. 7 www.alueurope.eu/wp-content/uploads/2011/09/moving-up-to-aluminium_fr1.pdf, p.6. 8 www.alueurope.eu/aeronautics-transport/, http://www.alueurope.eu/railways-transport/. 9 www.alueurope.eu/wp-content/uploads/2013/04/eaa-aluminium-in-cars-unlocking-the-light-weighting-potential_2013.pdf, p.15. Voir aussi annexe 6 au présent mémoire. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 13 de 57

Si Rio Tinto Alcan souscrit à cet objectif et assume un leadership en matière de réduction des GES, il lui apparaît que la future politique énergétique du Québec doit chercher en priorité à contribuer à la prospérité des Québécois par des choix judicieux et stratégiques en matière d énergie afin de soutenir et stimuler un développement économique durable et créateur de richesse. Cet axe traditionnel, qui a forgé le Québec moderne, celui de l énergie comme levier de prospérité, est relégué au second plan. Agissant en rupture avec des décennies d histoire, le gouvernement semble voir l énergie comme un mal nécessaire plutôt que comme une ressource pouvait porter le progrès de notre société. Une politique qui doit appuyer le secteur manufacturier Rio Tinto Alcan recommande : De réaffirmer le lien historique entre la politique énergétique et le développement économique régional, notamment pour le retour d un secteur manufacturier florissant. Cette future politique énergétique devra notamment traduire un souci du gouvernement à l égard du secteur manufacturier. Un secteur manufacturier fort contribue plus que tout autre au développement économique. Il s agit du segment économique qui possède l effet multiplicateur le plus important. Ainsi, pour chaque emploi dans le secteur manufacturier, trois emplois non-manufacturiers sont créés. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 14 de 57

Dans les pays où ce secteur constitue 20 % du PIB, il représente de 60 à 90 % à des exportations dans les pays de l OCDE. Enfin, c est le secteur qui investit le plus en R&D. Encore pour les pays de l OCDE où le secteur atteint 20 % du PIB, le secteur génère plus de 80 % des dépenses en R&D. Dans une société qui se veut de plus en plus innovante, c est un atout clef. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 15 de 57

Or, la part des industries de fabrication dans le PIB du Québec est passée de 22,9 % en 2000 à 14,1 % en 2012 10. Et les emplois dans le secteur manufacturier ont suivi une courbe presque semblable. Alors que ce secteur fournissait 18,5 % des emplois de la main-d œuvre québécoise en 2000, il n en fournit plus que 12,5 % en 2012 11. Dans cette chute alarmante, des secteurs entiers ont été presque décimés. 10 Source : Institut de la statistique du Québec http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/sect_manuf/pdf/portrait_manufacturier13.pdf. 11 Ibid. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 16 de 57

Ce déclin du secteur manufacturier fragilise l économie québécoise toute entière. Les économies les plus performantes du monde comptent sur un secteur manufacturier en santé dont le seuil ne devrait pas baisser sous la barre des 20 %. Les entreprises de fabrication représentent un segment stratégique de l économie, parce qu elles fournissent de bons emplois, parce qu elles mettent en œuvre la capacité d innovation d une société et parce qu elles sont un trait d union entre les secteurs des ressources et des services. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 17 de 57

Or, dans le secteur manufacturier plus que tout autre, le prix et la disponibilité de l énergie peuvent faire la différence entre grandir et périr. Le document de consultation du gouvernement est à toutes fins pratiques silencieux sur cet enjeu stratégique d importance, se limitant au vague souhait «d attirer et développer des entreprises manufacturières à valeur ajoutée», figurant en page 68. Rio Tinto Alcan s inquiète vivement du manque d intérêt pour le secteur manufacturier dans le document de consultation. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 18 de 57

Le cas de nos voisins du sud Les États-Unis, sensibles à cette même problématique, relancent leur secteur manufacturier basé sur deux constats : l écart des coûts de main-d œuvre avec la Chine diminue et le prix de l énergie peut servir de moteur de relance. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 19 de 57

Un impact économique structurant sur l économie du Québec Aluminerie Arvida, Centre technologique AP60 : le futur de l aluminium se conjugue au Québec Rio Tinto Alcan réalise au Québec des investissements qui sont parmi les plus importants de l industrie. En tête de liste soulignons celui de l Aluminerie Arvida, Centre technologique AP60, l appellation officielle de cette usine pilote située au Complexe Jonquière. Cette installation est présentement en démarrage, le premier lingot d aluminium y ayant été produit le 7 septembre dernier. Cette plateforme expérimentale à l échelle industrielle est une vision du futur de l industrie. Elle repose sur une technologie exclusive à Rio Tinto Alcan développée au Québec et en France. Dans son appellation, le chiffre 60 évoque sa puissance sans précédent de 600 000 ampères. Cette puissance, toute en énergie propre, fait de cette usine la plus moderne, parmi les plus efficaces et écologiques au monde. Chaque cuve produira 40 % plus d aluminium que les cuves de générations précédentes. Cette usine, qu on viendra visiter de partout dans le monde, a été construite au cours des cinq dernières années grâce à un investissement de 1,2 milliard $, dont 50 % ont été dépensés au Saguenay Lac-Saint-Jean et 75 % au Québec. Même si le chantier AP60 a été un très gros chantier comportant plusieurs risques, ses performances en santé-sécurité figurent parmi les meilleures de l industrie de la construction au Québec. Un exemple concret est l atteinte d un jalon remarquable de 1 000 000 d heures sans accident consignable. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 20 de 57

Le Bureau de développement économique régional : l engagement, selon Rio Tinto Alcan Afin de maximiser l impact régional de ses activités dans les communautés où elle est présente, Rio Tinto Alcan a mis sur pied il y a dix ans son tout premier Bureau de développement économique régional 1. Nous sommes la seule entreprise au Québec dotée d un tel outil ayant pour mission de renforcer l économie locale en favorisant la diversification économique, le développement des liens d affaires entre des partenaires (réseautage) et le développement durable. Ce bureau est un partenaire des communautés offrant à des entreprises locales des services techniques et financiers aidant à leur démarrage ou à leur croissance. Ce ne sont pas ici que de vaines paroles. Rio Tinto Alcan a démontré ses convictions lors de ses deux plus importants investissements au Québec : les dépenses au Québec lors de la construction de la première phase de l Aluminerie Arvida, Centre technologique AP60, atteignent 912 millions de dollars sur un total de 1,2 milliard de dollars. De la même manière, la construction de la 13 e turbine à la centrale hydroélectrique de Shipshaw, un investissement de plus de 282 millions de dollars dont 60 % ont été dépensés au Saguenay Lac-Saint-Jean et 92 % ont été dépensés ici, au Québec, des résultats dont peu de grands chantiers peuvent se targuer. Le CRDA : l un des plus importants centres de R&D privés au Canada Rio Tinto Alcan est reconnu à travers le monde pour son leadership technologique et sa capacité d innovation, qui se révèlent dans la mise au point de la technologie AP60, mais qui s expriment aussi dans toutes les facettes de l entreprise. Parmi ses réalisations, le CRDA est directement responsable de la mise au point de technologies antipollution et de procédés d efficacité énergétique qui ont permis à Rio Tinto Alcan (et aux autres alumineries opérant la technologie AP) d augmenter sa production de 50 % depuis 1990 tout en diminuant d autant les émissions de gaz à effet de serre liées à ses opérations. 1 www.riotintoalcan.com/documents/regionaleconomicdevelopment_brochure_fr.pdf Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 21 de 57

Une entreprise qui évolue dans un marché mondial en mutation Rio Tinto Alcan recommande : D utiliser stratégiquement le levier de l énergie du Québec en fonction de l importance des coûts d énergie pour les entreprises et leur exposition aux marchés mondiaux. Les retombées des activités de Rio Tinto Alcan sont majeures, nombreuses et structurantes pour le Québec. Elles s appuient sur des relations étroites avec la communauté. Rio Tinto Alcan est une entreprise internationale qui valorise son enracinement local. Mais la réalité de Rio Tinto Alcan est également celle d une entreprise qui évolue dans un marché mondial tributaire de la situation économique internationale. Les alumineries sont des partenaires de confiance pour les Québécois. Elles sont présentes depuis plus de 100 ans. Elles investissent à long terme. Elles sont ici pour rester. Mais si l environnement dans lequel elles évoluent n est plus concurrentiel à l échelle mondiale, ce sont d autres pays qui s accapareront la croissance de la demande et bénéficieront des retombées qui y sont associées. Cette perte de vitesse du Québec dans le monde de l aluminium est déjà débutée, notamment lorsque les pays concurrents possèdent des avantages concurrentiels au niveau des coûts d investissement ou de la main-d œuvre. Dans cette industrie où le mot clé est «énergie», la relation est directe : plus l énergie est concurrentielle, plus la croissance est forte. Rentabilité mise à mal Dans les mois suivant l éclatement de la crise économique et financière en 2008, le prix de l aluminium a plongé de 60 %. Après un regain d optimisme en 2010 puis, en 2011, de nouvelles inquiétudes ont surgi, principalement en provenance d Europe avec l éclatement de problèmes liés à l endettement des États. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 22 de 57

Variation du prix de l aluminium (US$/tonne) 12 La crise européenne et la faiblesse de la reprise américaine ont participé à un ralentissement de la croissance des pays émergents, notamment en raison de la diminution des achats de biens manufacturés en Asie. L économie mondiale tourne aujourd hui au ralenti et son plein rétablissement prendra du temps. Dans cette mouvance, les inventaires d aluminium s accumulent et les prix sont bas. La tonne d aluminium qui se vendait 3 300 dollars avant l éclatement de la crise financière de 2008 ne valait que 1 300 dollars en 2009 et oscille toujours autour de 1 770 dollars la tonne au moment d écrire ces lignes, en septembre 2013. L impact de cette dépréciation de l aluminium est énorme. Depuis le début de l année 2013, l aluminium a perdu 350 dollars la tonne. Pour Rio Tinto Alcan, cela correspond à une perte annuelle de revenus de plus de 525 millions de dollars, et cela en quelques mois seulement. 12 London Metal Exchange (www.lme.com/en-gb/metals/non-ferrous/aluminium/#tab2 ). Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 23 de 57

L aluminium : un choix stratégique pour le Québec L industrie de l aluminium est confrontée à une conjoncture défavorable. Toutefois, la force de ces vents contraires ne change en rien les perspectives à long terme de l industrie. Selon Rio Tinto Alcan, la demande mondiale hors Chine pour l aluminium devrait croître à un rythme moyen de 4 à 5 % par année. Plusieurs facteurs soutiennent cette prévision. Rio Tinto Alcan et l industrie envisagent l avenir avec confiance. Mais pour traverser les turbulences actuelles et pour profiter du retour à la croissance, Rio Tinto Alcan doit évoluer avec une structure de coûts et dans un environnement fiscal et réglementaire qui lui permettent de faire face à une concurrence internationale extrêmement vive. Dans cet esprit, la question du coût de l énergie, premier intrant dans la fabrication de l aluminium, est éminemment stratégique. L apport des usagers grande puissance à l économie du Québec Les grands consommateurs d électricité, dont fait partie Rio Tinto Alcan, sont malgré tout mal perçus par le public en général. Ils sont pourtant parmi les plus grands contributeurs à la prospérité du Québec. Grâce à l énergie et au savoir-faire de notre main-d œuvre, le Québec s est hissé parmi les leaders d une industrie mondiale pleine d avenir. Et cette industrie est payante pour le Québec. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 24 de 57

En 2010, les expéditions québécoises d aluminium sur les marchés étrangers ont représenté une valeur de 6,2 milliards de dollars, ce qui en fait le premier domaine d exportation du Québec 13, partageant ce premier rang, en alternance, avec l industrie aéronautique, loin devant tous les autres secteurs 14. Les alumineries, les entreprises du secteur des pâtes et papiers, le secteur de la sidérurgie, de la pétrochimie et les mines, contribuent à hauteur d environ 14 milliards de dollars au PIB du Québec, environ 4 % du total. Leurs activités génèrent pour le gouvernement des revenus fiscaux annuels directs de quelque quatre milliards de dollars, soit 6,3 % de l ensemble des recettes fiscales de l État québécois. Parmi les grands consommateurs d énergie, l industrie de l aluminium est celle qui dépend le plus d un accès à de l électricité à coût compétitif : d abord à cause de l importance de l énergie dans ses coûts d opération, soit d environ 25 à 30 %, et ensuite, parce que ce sont des entreprises qui exportent environ 70 % de leur production et qui évoluent, de ce fait, dans un marché mondial. 13 Institut de la statistique du Québec, Principaux produits d exportation, Québec, 2010, www.stat.gouv.qc.ca/publications/referenc/quebec_stat/eco_tou/eco_tou_1.htm. 14 Valeur des exportations de marchandises, selon les secteurs du SCIAN1, Québec, 2003-2007, www.stat.gouv.qc.ca/donstat/econm_finnc/comrc_exter/export_mondiale/valeur_export_2001-2005.htm. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 25 de 57

L aluminium est particulièrement exposée aux conditions de marché, tant pour la vente de son produit que sa structure de coûts. De fait, en devise associée à ses revenus, le coût effectif du tarif L a augmenté de 85 % en 10 ans. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 26 de 57

L aluminium est, comme on le constate à l étude, sensible à ces facteurs comme nulle autre industrie présente au Québec. Dis autrement, l aluminium est l industrie qui souffre le plus du prix élevé de l électricité. Elle est aussi celle qui répond positivement le mieux à un prix compétitif. Dans la lignée de ce qui a été largement documenté dans le cadre du régime carbone, le Québec a tout intérêt à cibler l utilisation stratégique de son levier énergétique en relation avec ce qu on a appelé, en anglais, les «energy intensive, trade exposed enterprises», en raison du degré d exposition des entreprises envers le coût de l électricité et du marché extérieur. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 27 de 57

Achats d électricité auprès d Hydro-Québec Rio Tinto Alcan recommande : D offrir aux grandes entreprises électro-intensives comme les alumineries un bloc d énergie à un prix permettant d attirer au Québec des investissements structurants et d assurer l avenir et la croissance dans les régions du Québec. Rio Tinto Alcan est un important producteur d électricité mais, pour combler ses besoins, est aussi un important client d Hydro-Québec. Pour ses propres usines, Rio Tinto Alcan achète environ 10 % de son électricité auprès d Hydro-Québec. À cela s ajoutent les contrats des alumineries Alouette à Sept-Îles et ABI à Bécancour, dont Rio Tinto Alcan est respectivement partenaire à 40 % et 25 %. Enfin, pour croître, Rio Tinto Alcan estime qu elle aura besoin de consommer 225 MW additionnels, sinon un autre 400 MW pour ses projets potentiels à Arvida et Alma. Mises ensemble, les alumineries du Québec achètent présentement pour quelque 750 millions de dollars d électricité auprès d Hydro-Québec à chaque année, ce qui participe de façon substantielle au dividende qu Hydro-Québec verse au gouvernement du Québec pour le bénéfice de l ensemble des Québécois 15. Ces ventes d électricité aux alumineries sont faites en fonction de contrats basés sur le tarif grande puissance d Hydro-Québec, le tarif L, ajusté pour certains utilisateurs selon des considérations particulières telles le cours de l aluminium ou des devises ou encore en fonction de l inflation. Le tarif L est actuellement fixé à 4,25 cents le kilowattheure pour les grands consommateurs livrés à haute tension. Ce tarif de 4,25 cents positionne le Québec dans le quatrième et dernier quartile des coûts de l énergie de l industrie de l aluminium. Cela signifie que pour trois-quarts des installations de production d aluminium, le prix de l électricité est plus faible que celui demandé au Québec. 15 Voir le mémoire de l Association de l aluminium du Canada à la Commission sur les enjeux énergétiques pour le détail de ces achats et de leur impact positif pour le Québec. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 28 de 57

Sources : CRU, Hydro-Québec, Régie de l énergie La comparaison des coûts d énergie explique notamment pourquoi des pays du Moyen-Orient se sont fait une place rapidement dans le monde de l aluminium. Sources : CRU, Hydro-Québec Il faut briser le mythe tenace selon lequel le Québec offre des tarifs d électricité extraordinaires. Ce n est plus vrai. À ce prix, le Québec est aujourd hui en arrière du peloton. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 29 de 57

Le tarif L, structure et coût réel Le tarif L est trop élevé. Il n est plus concurrentiel. Il est aussi trop élevé par rapport au coût réel de production de cette énergie par Hydro-Québec. La marge de manœuvre du gouvernement pour abaisser ce tarif est réelle, et c est tout le Québec qui y gagnera au change. Le tarif L d Hydro-Québec est présentement de 4,25 cents / kwh. Il comprend le prix pour la production d Hydro-Québec, tel que fixé par la loi, les achats des producteurs privés (éolien, biomasse, etc.), et le coût de son transport sur les lignes à haute tension ainsi que certains frais de distribution et de service à la clientèle 16. Qu est-ce que le bloc patrimonial «Ce dernier [est] constitué de l énergie produite à partir du parc d équipements en service au moment de l adoption de la loi [an 2000], soit 165 TWh Ce qui comprend tous les barrages et toutes les centrales construits depuis plus de 60 ans dont plusieurs étaient pleinement amortis et d autres à la veille de l être.» Blog de Jacques Brassard, ancien ministre des Ressources naturelles La Régie de l énergie établit les tarifs d électricité d Hydro-Québec à partir d un coût d énergie pour le bloc patrimonial (voir l encadré) de 2,79 cents / kwh, tel que l exige sa loi constitutive depuis 2000. Une étude indépendante réalisée pour le compte de Rio Tinto Alcan selon la méthode utilisée par la Régie de l énergie du Québec, établit aujourd hui le coût réel de production de cette électricité à 1,79 cents / kwh pour le parc historique d Hydro- Québec et à 2,27 cents / kwh pour l ensemble du parc d Hydro-Québec 1718. La différence est imposante et il en résulte un prix insoutenable pour notre industrie. 16 Pour les clients industriels, le coût pour les servir est moindre pour Hydro-Québec que pour alimenter un domicile. Pour un client domestique, il faut alors ajouter le coût du réseau de distribution pour descendre la tension de centaines de milliers de volts à aussi peu que 110 volts pour la consommation de nos appareils domestiques. 17 Ajusté au facteur de charge élevé des usagers grande puissance, le prix imputé pour le bloc patrimonial de 2,79 cents / kwh devient 2,47 cents / kwh pour le tarif L. Le raisonnement reste le même puisque le coût réel de 1,79 passe alors à 1,59 /kwh. De même, le coût pour le parc complet actuel d Hydro-Québec pour la grande puissance de 2,27 devient 2,01. C est ce montant qui nous utiliserons par la suite dans ce mémoire. 18 Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 30 de 57

Coût de production vs prix payé Tarif L L écart s explique par un profit excessif sur la production provenant des grands barrages d Hydro-Québec payés par les usagers québécois, par leur amortissement depuis plus de 10 ans, et par la baisse du coût de la dette d Hydro-Québec. Comme il en est pour une maison, plus les ans passent plus la portion de capital à rembourser diminue sur l actif que constituent les centrales hydroélectriques. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 31 de 57

Janvier 2000 Juin Novembre Avril Septembre Février Juillet Décembre Mai Octobre Mars Août Janvier 2005 Juin Novembre Avril Septembre Février Juillet Décembre Mai Octobre Mars Août Janvier 2010 Juin Novembre Avril Septembre Février Juillet Décembre De même, plus le taux d intérêt baisse, plus le rendement requis pour rembourser les emprunts et l investissement du gouvernement du Québec baisse, passant de 9,8 % en 2001 à 6,7 % en 2013. On constate aisément cette tendance à la baisse par la diminution de plus de 4 % du taux d intérêt sur les bons du trésor de 2000 à maintenant 19. 7 6 5 4 3 2 1 0 Bank of Canada Interest Rates (2000-2012) 19 www.banqueducanada.ca/taux/taux-dinteret/donnees-historiques-sur-les-taux-dinteret/. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 32 de 57

L interfinancement, cet autre mythe persistant L interfinancement mérite aussi examen. Bien que l on persiste à croire au Québec que l industrie paie son électricité moins cher que les clients résidentiels et qu il en découle que ceux-ci subventionnent l industrie, rien n est plus faux. Au Québec c est l industrie qui subventionne les Québécois. Au prix du tarif L à 4,25 cens / kwh, les grands consommateurs contribuent aux revenus d Hydro-Québec à un niveau plus élevé que ce qu il en coûte de les servir. Ce montant excédentaire permet de réduire le prix de l électricité aux Québécois, au tarif domestique. Les données d Hydro-Québec elles-mêmes démontrent que le prix exigé des usagers du tarif L est supérieur aux coûts, alors que pour la clientèle domestique, le tarif de distribution est inférieur aux coûts. L interfinancement met donc à contribution les grands utilisateurs pour compenser la distribution domestique qui serait, autrement, déficitaire. On pense, de manière simpliste, que si je paie 7,5 à la maison et que l industrie paie 4,7, que je la subventionne. Or s il en coûte 8,9 pour m alimenter, Hydro-Québec perd de l argent alors que s il en coûte 4,1 pour alimenter l industrie, elle y gagne! Il est grand temps que la politique énergétique du Québec fasse état de cette réalité. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 33 de 57

Au coût véritable de production de 1,79 /kwh pour le parc historique, ou même de 2,27 /kwh pour l ensemble du parc de production d Hydro-Québec, s ajoutent les frais et les pertes de transport à haute tension ainsi que les coûts de distribution et de service à la clientèle. Au total, le prix livré au client de l électricité d Hydro-Québec est de 2,85 /kwh pour l ensemble du parc de production d Hydro-Québec, incluant le rendement sur l investissement du gouvernement auprès d Hydro-Québec. Il serait de 3,34 /kwh pour livrer de l électricité à une industrie qui ne fournirait pas les équipements de transformation à partir du réseau d Hydro-Québec. Si on prend en considération le coût réel de l énergie produite par Hydro-Québec en 2013, on voit apparaître une marge de manœuvre d au moins 1,4 /kwh permettant au Québec de faire le choix stratégique de réduire le tarif offert aux industries électro-intensives pour appuyer le développement économique. Le gouvernement du Québec doit oser s inscrire dans la tradition née avec la nationalisation de l électricité, de faire de notre énergie un levier de développement et de prospérité. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 34 de 57

Ramener le tarif L au premier quartile Rio Tinto Alcan recommande : De réaffirmer sa volonté d offrir une énergie compétitive dédiée à la croissance du secteur de l aluminium, moteur économique du Québec, qui le place dans le premier quartile de l industrie. Rio Tinto Alcan estime que la nouvelle politique énergétique du Québec doit affirmer la volonté de l État québécois d utiliser à des fins stratégiques de développement économique le levier que représente son hydroélectricité. Un tel positionnement est d autant plus envisageable que le Québec se retrouve actuellement en situation de surplus énergétique, que la valeur des exportations d électricité vers les États-Unis est en baisse à cause de la concurrence ravivée sur le marché américain des centrales thermiques au gaz naturel et que l entrée en service prochaine des aménagements hydroélectriques de la Romaine ajoutera au portefeuille d Hydro-Québec. Pour ces raisons, Rio Tinto Alcan recommande au gouvernement du Québec de se donner pour cible de ramener le prix de l électricité offert aux grandes entreprises électro-intensives aussi près que possible du 1 er quartile sur le plan international, soit parmi les pays du monde qui offrent l électricité au meilleur coût aux grandes entreprises créatrices de richesse. Cet objectif de se positionner parmi les meilleurs n est pas différent de celui que s impose Rio Tinto Alcan dans l ensemble de ses opérations à l égard de l ensemble de sa structure de coûts. Ce ne sont pas que des vœux pieux. Pour assurer sa viabilité, l entreprise aura retiré, avec notamment l arrêt de production anticipée de l Usine Shawinigan, plus de 600 000 tonnes de capacité de production d aluminium à travers le monde, toujours lors de période difficile : en 2009 : fermeture complète de Beauharnois et Anglesey (U.K.) et fermeture partielle de Søral (Norvège) et St-Jean-de-Maurienne (France); en 2012 : fermeture complète de Lynemouth (U.K.) et Lannemazan (France); et en 2013 : arrêt des opérations de Shawinigan. Pour prospérer et grandir dans cette économie tumultueuse, Rio Tinto Alcan propose au gouvernement d offrir par contrat spécial des blocs d énergie qui le place dans le premier quartile de la structure de coût de l industrie. Nous savons que le gouvernement dispose, au sein d Hydro- Québec, une marge de manœuvre lui permettant d offrir dès maintenant cette électricité à 2,85 cents / kwh. L écart restant pour atteindre le premier quartile appartient alors au gouvernement par le biais des autres leviers qu il possède ou peut développer. Cette proposition longuement murie et étudiée est basée sur les coûts réels de production et de transport d Hydro- Québec. Elle permettrait au gouvernement d atteindre ses cibles budgétaires et de participer de manière constructive au développement économique du Québec. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 35 de 57

En vendant à un prix compétitif, le gouvernement et le Québec gagnent sur deux plans. Ils reçoivent un juste prix pour l électricité, y compris un profit raisonnable sur l investissement. Le gouvernement augmente ensuite la richesse des Québécois qui se trouvent alors à payer plus d impôts sur les profits de leurs entreprises et sur leurs salaires. Selon le modèle de l Institut de la Statistique du Québec, le revenu total pour le gouvernement excèdera toujours le bénéfice escompté de l exportation de notre électricité et éviter de créer ces emplois ailleurs. L occasion stratégique de procéder à un ajustement à la baisse est d autant plus grande, que même avec un prix concurrentiel, les revenus du gouvernement demeureront supérieurs aux revenus tirés de l exportation d énergie au cours des dernières années, ainsi que du prix espéré dans les années à venir en fonction des phénomènes de marché présents à l échelle continentale. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 36 de 57

Les bénéfices Le jeu en vaut la chandelle. À travers le monde, les pays qui ont vu leur industrie de l aluminium connaître la plus forte croissance ont en commun des coûts d électricité plus bas que ceux du Québec. Cela vaut pour des pays comme l Islande, la Norvège ou l Australie qui peuvent être comparés au Québec sur le plan des charges sociales et du fardeau fiscal 20. 20 De nombreux pays ont été ciblés en fonction de leur contexte économique et social, de leur industrie et des sources de production d énergie. Six principaux ont été retenus pour une étude approfondie pour en tirer des enseignements transposables au Québec. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 37 de 57

L exemple de l Islande est particulièrement intéressant. Petit producteur d aluminium jusqu au début des années 2000, ce pays a misé sur un prix d électricité dans le deuxième quartile pour se hisser en quelques années parmi les joueurs d importance sur la scène internationale. En abaissant le coût d approvisionnement en électricité pour la grande industrie pour le ramener le plus près possible du 1 er quartile, le Québec pourrait éviter de glisser et perdre son 4 e rang de producteur à l échelle mondiale. Il pourrait au contraire se hisser parmi les sociétés occidentales (ce qui fait exception de la Chine) où l industrie de l aluminium est promise à la croissance la plus dynamique. Cette croissance est tout à fait envisageable. Et à eux seuls, les projets dans les cartons de Rio Tinto Alcan seraient rentables pour le gouvernement. L Aluminerie Arvida, Centre technologique AP60, actuellement en démarrage 21, a une capacité de production annuelle de 60 000 tonnes; les phases 2 et 3 y ajouteraient 440 000 tonnes; Le projet de croissance de l aluminerie d Alma prévoit l ajout de 200 000 tonnes de production. De surcroît, le Québec se donnerait un argument de poids pour accélérer les autres projets de développement de l industrie pour s accaparer une part grandissante d un marché croissant. Mais nous n y sommes pas encore. 21 Le 7 septembre 2013, Rio Tinto Alcan a souligné la première coulée de métal à l aluminerie Arvida, Centre technologique AP60 : http://www.radio-canada.ca/regions/saguenay-lac/2013/09/07/003-rta-premiere-coulee.shtml. Mémoire présenté à la Commission sur les enjeux énergétiques - octobre 2013 Page 38 de 57