Dispositifs d adaptation pour pallier à des difficultés en lecture Les dispositifs de synthèse vocale tendent à se généraliser à l heure actuelle pour permettre à des élèves ayant des difficultés en lecture de prendre connaissance d un texte affiché à l écran. Généralement, ces dispositifs reposent sur la possibilité d avoir une rétroaction vocale sur le texte affiché à l écran, à partir d un logiciel de traitement de texte : le texte peut être lu par des voix de synthèse selon plusieurs modalités : on peut choisir d écouter tout ou partie du texte, d interrompre la lecture, de reprendre, de ne lire qu une partie du texte préalablement sélectionnée. Ces outils peuvent être utilisés de façon totalement modulable suivant les possibilités de chaque élève. Un apprenti-lecteur en difficulté pourra choisir d essayer de lire une partie du texte et disposera à tout moment de la rétroaction vocale pour prendre le relais. Il s agit en fait dans chaque situation, de mettre l élève devant des difficultés qu il est en mesure de surmonter, afin de le maintenir dans une dynamique de progrès. Un non lecteur pourra utiliser intégralement les fonctionnalités liées à la synthèse vocale. Différents outils commerciaux ou non commerciaux sont disponibles. Sur le plan technique, il est nécessaire que la vitesse, le timbre et l intonation de la voix puissent faire l objet de réglages. De même, il est important que la voix de synthèse soit de bonne qualité, pour ne pas entraîner de problèmes au niveau de la réception (écoute) du texte par l élève. On trouve des voix de synthèse gratuites ou libres qui peuvent parfaitement convenir, mais on peut également s orienter si nécessaire vers des produits commerciaux de très bonne qualité - comme celles produites par le groupe Acapela Adresse du site : http://www.acapela-group.fr/. Compétence attendues pour tirer partie de ce dispositif Malheureusement, l expérience montre que beaucoup d élèves sont en difficulté lorsqu il s agit d utiliser ce dispositif, en dépit de tous les réglages techniques mis en œuvre. Malgré une écoute attentive du texte, l élève bien souvent se révèle incapable de restituer le sens du texte qu il vient d écouter. Il faut tenir d abord compte des difficultés liées à la réception d un texte lu par synthèse vocale : intonation, prosodie, qualité de la voix, segmentation de l oral. Le problème peut être lié au texte lui-même : difficultés lexicales, sémantiques, syntaxiques et culturel trop importantes. Ces difficultés peuvent être évaluées et prises en compte en amont par un travail préparatoire différencié sur le texte à aborder : discussion et réflexion autour des difficultés syntaxiques ou lexicales, Page 1
activation ou réactivation des référents culturels ou des connaissances préalables nécessaires pour le texte visé. Si les difficultés observées ou attendues sont liées à la longueur du texte, on peut aider l élève à gérer sa lecture en procédant par écoute d unités sémantiques adaptées (phrases ou paragraphes). Il existe cependant des difficultés liées à la compréhension elle-même, à la manière dont l élève s approprie ou pas les différents niveaux de signification du texte, à la façon dont l élève gère et contrôle la compréhension du texte au fur et à mesure de son écoute. Origine possible des difficultés liées à la compréhension et pistes d activités Si l on considère que comprendre un discours ou un texte c'est construire une représentation mentale intégrée et cohérente de la situation décrite par ce discours ou ce texte, on devine d autres difficultés liées à l acte de comprendre. Il faut que l élève soit en mesure de construire une représentation mentale, de façon progressive et contrôlée, c est à dire intégrer des informations nouvelles à une première construction mentale ou modifier cette construction si les informations nouvelles ne «collent» pas avec la représentation qu il a construite. Or cette «posture» est souvent peu utilisée ou sollicitée par les activités «classiques» de lecture. Trop souvent, l activité de lecture proprement dite se déroule à partir d une fiche dans laquelle le texte à lire est suivi d un questionnaire destiné à contrôler la compréhension. Une des stratégies les plus utilisées par les élèves consiste à lire d abord les questions, puis à aller «à la pêche aux réponses» dans le texte, sans en faire une lecture linéaire Cette stratégie, qui est utilisable par des déchiffreurs, n est plus du tout opérationnelle pour un non lecteur à qui l on propose une écoute du texte : les difficultés liées au repérage des informations par une lecture en diagonale deviennent insurmontables lorsqu il s agit d un texte entendu : comment «survoler» un texte entendu et prélever l information utile pour répondre à la question? Le premier enjeu, c est donc de repérer et d évaluer quelles sont les compétences et attitudes nécessaires à la construction de la compréhension et l origine des difficultés. Des difficultés liées aux traitements cognitifs généraux : Les difficultés peuvent être liées à des dysfonctionnements cognitifs généraux (mémoire, attention, raisonnement, etc.). Dans ce cas, on peut agir sur le texte luimême (longueur, difficulté) et proposer à l élève des séances destinées à améliorer ces processus. Des difficultés liées à la construction d une représentation mentale du texte entendu : Evaluation : On peut évaluer ces difficultés en proposant à l élève d effectuer un rappel de texte : on demande à l élève de «redire» le texte entendu avec ses propres mots, c est à dire de reformuler. On peut également demander d effectuer la représentation par un Page 2
dessin ou plusieurs dessins. Pour les textes de type narratif, on peut prendre pour indicateurs de réussite le repérage et la description des personnages, l enchaînement des différentes péripéties suivant l ordre du récit, l établissement explicite des liens de causalité. Pour aider les élèves à acquérir une maîtrise suffisante du rappel de récit, on peut 1 : diriger l attention des élèves sur les personnages : o ce qui leur arrive et ce qu ils font ; o ce qu ils pensent : quels sont leurs buts (pour l avenir) et leurs raisons d agir (qui appartiennent au passé), quels sont leurs sentiments et leurs émotions, quels sont leurs connaissances et leurs raisonnements. Le repérage des personnages peut parfois être problématique : les personnages sont référencés par des substituts (pronoms de rappel, etc ) et il est nécessaire de connaître et construire ces références au fur et à mesure de la lecture ou de l écoute du texte. On peut entraîner de façon systématique l aptitude à suivre les différentes références à un même personnage, à partir d une écoute/lecture progressive du texte où chaque arrêt est motivé par cette recherche (Qui est «je»? Qui est «celui-ci»?) Des difficultés pour gérer et contrôler la compréhension : Bien souvent, l élève ne détecte pas le moment où il «décroche», c est à dire le moment où la représentation mentale qu il est entrain de construire devient incohérente. Parfois, il se rend compte de son «décrochage», mais il n est pas capable de gérer ce décrochage, c est à dire de reconstruire ou modifier sa représentation mentale pour la rendre cohérente avec les dernières informations entendues. Pour aider les élèves à contrôler leur compréhension, on peut entraîner à relire de façon stratégique pour répondre à un questionnaire 2 : Entraîner les élèves à identifier les informations «sûres», les informations à vérifier, leur localisation o Expliquer aux élèves qu ils doivent lire ou écouter le texte en entier, le retourner (pour ceux qui ont lu), puis effectuer un rappel du texte en mentionnant : s ils sont sûrs et certains de leur réponse ; s ils ne sont pas totalement sûrs de leur réponse. o Lorsque les élèves ont terminé, ils peuvent relire/réécouter le texte pour chercher à valider eux-mêmes les informations (relecture stratégique), en essayant de préciser ce qu ils doivent vérifier et la localisation de l information dans le texte (début, milieu, fin, ). Une activité similaire : l atelier de questionnement de texte Des difficultés à «lire/comprendre entre les lignes» Les textes sont de nature elliptique, beaucoup d informations sont à déduire ou inférer. 1 D après «Colloque FNAME 2008 - Roland Goigoux» 2 D après «Colloque FNAME 2008 - Roland Goigoux» Page 3
Par exemple, dans le texte suivant 3 : «Plage Sainte-Anne (Finistère), deux baigneurs se noyaient. Un touriste s élança. De sorte que M. Étienne dut sauver trois personnes.» La représentation (mentale ou par un dessin) de la situation peut mettre en évidence un problème de compréhension liée à l aptitude à inférer, c est à dire produire des informations nouvelles compatibles avec les informations «littérales», en clair dans le texte. Exprimer combien il y a de personnes présentes ou qui est le sauveteur nécessite d effectuer une inférence. On peut entraîner les élèves à produire des inférences à partir de petits textes, mais également mener un travail spécifique sur la nature des informations utilisées dans les représentations : les informations données explicitement par le texte les informations que l on doit inférer les informations que l on peut inférer Ce travail peut être mené également à partir d images-puzzles à dévoilement progressif (utilisation d un logiciel spécifique : «Devine» du groupe Abuledu). Ainsi, l utilisation d un dispositif de synthèse vocale requiert un nombre conséquent de compétences attendues, qu il est nécessaire d évaluer et de développer au préalable ou en parallèle, de manière à rendre le dispositif efficient. Autres spécificités des séances expérimentées, prolongements et perspectives : Accroitre la motivation Les séances expérimentées sont construites comme des situations problèmes où la recherche et la confrontation sont nécessaires, ceci pour permettre de développer les facteurs de motivation intrinsèque (en particulier ceux basés sur l auto-détermination, les facteurs hédoniques et les ressorts motivationnels liés à la coopération, au plaisir d établir des relations socio-affectives, à la valorisation de la parole). Recentrer les objectifs pédagogiques sur la compréhension Un enjeu essentiel est autant pour l enseignant que pour les élèves de changer ou faire évoluer ses propres conceptions face à la lecture et plus généralement la maîtrise de la langue. Importance trop grande du passage par l écrit : le langage oral et le langage écrit oralisé doivent prendre davantage de place. Reconsidérer la lecture : ce n est pas une finalité, c est un moyen (et pas le seul) pour comprendre. La lecture doit être service de la compréhension mais également de la littérature. On peut très bien faire de la grammaire (grammaire de texte, mais pas seulement) ou de l orthographe (étude des variations morpho-syntaxiques par 3 D après «Colloque FNAME 2008 - Roland Goigoux» Page 4
transformation de phrases observables à l oral) sans passer par la lecture ou l écriture. Cette évolution des représentations devrait permette également à l élève de porter un regard distancié sur ses propres difficultés D Lucardi Circonscription de Tarbes Ouest Page 5