Item 141 TRAITEMENTS MÉDICAUX EN CANCÉROLOGIE



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Item 141 TRAITEMENTS MÉDICAUX EN CANCÉROLOGIE Item N 141 - Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie. La décision thérapeutique multidisciplinaire et l'information du malade. Décrire les grands principes des traitements en cancérologie et expliquer la nécessité d'une décision multidisciplinaire en tenant compte de l'avis du patient. Expliquer les effets secondaires les plus fréquents et les plus graves des traitements, leurs signes d'appel et leur prévention. Dr William Jacot, CRLC Val d Aurelle Contact enseignant : E-mail : william.jacot@montpellier.unicancer.fr

OBJECTIFS Ce document a pour objectif de faire la synthèse sur les sections chimiothérapie, hormonothérapie et thérapies ciblées de l item 141 de l ECN. Leurs principaux objectifs seront de : Décrire les grands principes des traitements en cancérologie Expliquer les effets secondaires les plus fréquents et les plus graves des traitements, leurs signes d appel et leur prévention Plus spécifiquement dans ce chapitre : - Connaître les principaux types de traitements médicaux utilisés en cancérologie - Connaître les principes des mécanismes d action des traitements médicaux utilisés en cancérologie - Savoir décrire les principes du gain thérapeutique en chimiothérapie cytotoxique - Connaître les principales indications des traitements médicaux dans la stratégie multidisciplinaire en cancérologie - Connaître les principaux effets secondaires liés à l activité cytotoxique des molécules de chimiothérapie - Connaître le mécanisme d action et les moyens de prise en charge des nausées et vomissements liés à la chimiothérapie - Connaître les moyens thérapeutiques susceptibles de limiter les effets secondaires liés à l activité cytotoxique des molécules de chimiothérapie.

I LA CHIMIOTHÉRAPIE CYTOTOXIQUE I.1 Ce qu il faut comprendre 1) Le terme de «chimiothérapie» désigne en théorie l ensemble des traitements utilisant une molécule chimique administrée à visée thérapeutique (chimiothérapie antibactérienne = antibiothérapie, chimiothérapie cytotoxique anticancéreuse, chimiothérapie antiproductive en psychiatrie, etc.). Par assimilation, dans le langage courant, le terme de chimiothérapie fait généralement référence à la chimiothérapie anticancéreuse. Il s agit de l utilisation de molécules chimiques utilisées dans le traitement du cancer en raison de leurs propriétés communes de pouvoir détruire des cellules eucaryotes. 2) En ce qui concerne la chimiothérapie (nous verrons plus loin que ceci n est pas forcément vrai dans le cas des thérapeutiques ciblées), les cellules eucaryotes engagées dans le cycle de division cellulaire sont la cible préférentielle des molécules cytotoxiques. Cette observation a deux conséquences importantes : - l efficacité thérapeutique attendue sera d autant plus importante que le nombre de cellules tumorales engagées dans le cycle de division cellulaire est élevé : les tumeurs de croissance lente seront donc a priori moins sensibles à l action de la chimiothérapie que les tumeurs à croissance rapide, et il faudrait envisager de longues durées d exposition à la molécule cytotoxique pour essayer de contourner ce problème, - l action des drogues cytotoxiques ne se limite pas aux cellules tumorales, mais concerne également les tissus normaux, d où certains effets secondaires observés. Les tissus normaux les plus concernés sont bien sûr ceux dont le renouvellement est le plus rapide : moelle osseuse hématopoïétique, phanères, gamètes, épithélium digestif. 3) Le processus tumoral s associant à de multiples altérations du génome de la cellule tumorale, celles-ci vont se révéler plus sensibles à l effet cytotoxique des molécules de chimiothérapie anticancéreuse, et généralement dans une plus grande proportion que les cellules saines. Il est donc possible de créer un effet différentiel entre ces deux populations cellulaires. L absence de spécificité des molécules de chimiothérapie impose une gestion optimale de ce différentiel entre cellules tumorales et tissus sains pour obtenir un gain thérapeutique.

- La figure ci-dessus illustre l évolution théorique recherchée lors de la délivrance de cycles de chimiothérapie administrés à intervalles réguliers. La séparation des courbes au cours du temps est obtenue grâce à deux phénomènes : un plus grand nombre de cellules tumorales engagées dans le cycle cellulaire à chaque administration de la chimiothérapie et une capacité de récupération/réparation plus importante dans les tissus sains par rapport aux tissus tumoraux. - Un allongement de l intervalle de temps entre les cycles peut permettre une meilleure récupération des tissus sains, mais aussi des tissus tumoraux, d où une perte d efficacité. D où l intérêt d essayer de maintenir les intervalles inter-cure planifiés, bien entendu en l absence de contreindications à une reprise de la chimiothérapie.

4) Même si les cibles des molécules de chimiothérapie sont nombreuses, l action à l échelon de la cellule des molécules de chimiothérapie s exerce au niveau de deux cibles principales, l ADN et le fuseau mitotique : - L inhibition de la réplication de l ADN peut être obtenue par : Une interaction physique, comme avec les agents alkylants (cyclophosphamide, ifosfamide) ou apparentés (sels de platine) responsables de la création d adduits inter- et/ou intra-bin au niveau de l ADN, ou des agents intercalants (anthracyclines, bléomycine), ou un mécanisme d interaction indirecte : introduction d analogues des bases nucléiques (5- FU, aracytine, gemcitabine), inhibiteurs enzymatiques des topo-isomérases (étoposide, irinotécan, topotécan, anthracyclines). - L inhibition de la dynamique fonctionnelle du fuseau mitotique est réalisée par les alcaloïdes de la pervenche (vinca-alcaloïdes, vincristine, vinblastine, vindesine, vinorelbine, vinflumine, inhibant la polymérisation de la tubuline) et les taxanes (docetaxel, paclitaxel, stabilisant la tubuline polymérisée). I.2 Les indications La chimiothérapie peut être utilisée à la phase métastatique ou à la phase localisée de la maladie cancéreuse. 1) En phase métastatique, l utilisation d un traitement médical pour traiter une maladie générale apparaît logique : - un objectif curatif (guérison des patients) ne peut être obtenu que dans environ 5% des cas : il concerne principalement certaines hémopathies et les tumeurs germinales, - la plupart des indications en phase métastatique ont donc un objectif palliatif d allongement de la survie (cancers du sein ou de l ovaire) et/ou de réduction des symptômes (cancers bronchiques, du pancreas ou de la prostate). 2) À la phase localisée de la maladie, la chimiothérapie peut être délivrée : - soit après le traitement local à visée curative (chirurgical et/ou radiothérapique) : il s agit d une chimiothérapie dite adjuvante dont le but est de détruire les micro-métastases présentes dès le diagnostic, et donc d augmenter la survie globale des patients (cancers du sein ou du colon) en

diminuant leur risque de récidive par destruction de la maladie micro-métastatique, - soit avant le traitement local à visée curative : il s agit d une chimiothérapie première ou néoadjuvante, dont le but est également de détruire les micro-métastases, mais aussi de faciliter le traitement local, en réduisant par exemple l importance de l acte chirurgical (cancers du sein). I.3 Les modalités d administration Les molécules de chimiothérapie sont administrées : - par voie le plus souvent intra-veineuse : la pose d une voie d abord centrale est impérative afin de limiter les risques d extravasation (avec un risque de nécrose plus ou moins important selon les molécules utilisées, les anthracyclines étant les molécules les plus toxiques dans cette situation) au niveau des veines périphériques des avantbras ; - d autres voies d administration peuvent être utilisées dans des circonstances particulières : orale (pour certaines molécules), intra-thécale (hémopathies), intraartérielle (métastases hépatiques des cancers colo-rectaux), - par cycles délivrés à intervalles réguliers - selon des posologies le plus souvent adaptées à la surface corporelle. I.4 Les effets secondaires La connaissance des effets secondaires de la chimiothérapie a pour principal intérêt de savoir mettre en œuvre les mesures de prévention qui permettent d en limiter l intensité. Trois groupes d effets secondaires peuvent être individualisés : - les nausées et vomissements, - les effets secondaires liés à l action cytotoxique sur les tissus sains, présents à des niveaux variables pour l ensemble des molécules de chimiothérapie - et les toxicités d organes spécifiques de certaines molécules de chimiothérapie (couples moléculeorgane).

1) Les nausées et vomissements (parfois regroupés sous le terme emesis) sont liés à un mécanisme d action central (récepteurs à la sérotonine, au niveau de l area postrema, en périphérie du quatrième ventricule), généré par des récepteurs périphériques, qui perçoivent les molécules de chimiothérapie comme des substances étrangères toxiques, et déclenchent le réflexe du vomissement dans l objectif de les rejeter. Leur prévention est assurée par l administration systématique de différentes familles de molécules anti-émétiques, associées selon le potentiel émétique de la molécule ou de l association de molécules de chimiothérapie utilisée(s). Il s agit des benzamides substitués, proches des neuroleptiques (métoclopramide, alizapride ), des sétrons (anti-récepteurs à la sérotonine), d un antagoniste sélectif des récepteurs de la substance P neurokinine 1 (NK1) (aprépitant) et des corticoïdes qui potentialisent l action des autres familles. On distingue classiquement les nausées et vomissements aigus (dans les 24 heures suivant l administration de la molécule de chimiothérapie), les nausées et vomissement retardées (de 24 heures à 5 jours post-chimiothérapie) et les nausées et vomissements anticipatoires, réagissant favorablement à un traitement anxiolytique. 2) Les effets secondaires liés à l action cytotoxique concernent : - La moelle osseuse hématopoïétique, avec la survenue d anémie, neutropénie et thrombopénie ; o Le risque de neutropénie est généralement maximal entre le huitième et le quinzième jour post administration. Le risque de complication (neutropénie fébrile) est proportionnel à la profondeur de la neutropénie et à sa durée. La survenue d une neutropénie de grade 4 (< 500 éléments/mm 3 ) compliquée de fièvre (un épisode 38,3 C, ou deux résultats 38,0 C à une heure d intervalle) ou de symptômes infectieux est une urgence médicale nécessitant une hospitalisation pour antibiothérapie parentérale. La prévention de la neutropénie peut être assurée par l administration de facteurs de croissance granulocytaires (G-CSF) en prévention primaire en cas de forte probabilité de neutropénie fébrile, ou en prévention secondaire après un premier épisode d aplasie. o L apparition d une anémie est généralement plus tardive, vu la durée de vie moyenne d un globule rouge. Sa prévention repose sur la correction d une carence martiale associée ou d un foyer inflammatoire sous-jacent. Son traitement curatif inclut l administration d érythropoïétine recombinante (action lente, 4-6 semaines) et la transfusion globulaire, d action rapide, généralement réservé à des anémies sévères ou décompensant des comorbidités. o Le risque de thrombopénie est généralement maximal entre le huitième et le quinzième jour post administration. Le risque de complications hémorragiques est proportionnel à la profondeur de la thrombopénie et à sa durée. Une thrombopénie sévère ou symptomatique peut nécessiter des transfusions plaquettaires.

- les épithéliums digestifs, avec la survenue de mucite et de diarrhée ; la prévention est limitée à des bains de bouche bicarbonatés. La recherche et le traitement d une surinfection mycotique (Candida albicans le plus souvent) ou virale (herpétique) d une mucite doit être systématiquement envisagé. - les phanères, et plus particulièrement les follicules pileux du cuir chevelu, dont la destruction entraîne une alopécie, réversible à l arrêt du traitement, de prévention difficile (casque réfrigérant réduisant la fréquence et la vitesse d apparition), - les gamètes, avec la survenue chez l homme d une azoospermie nécessitant une cryoconservation de sperme chez les patients jeunes. Chez les femmes, risque de ménopause chimio-induite. 2) Les principaux tissus sensibles à l action toxique de certaines molécules sont : - le rein : le cisplatine, en l absence d une hyperhydratation sodée, entraîne une insuffisance rénale aiguê irréversible ; le méthotrexate est pourvoyeur de néphropathies tubulaires, prévenues par une alcalinisation des urines ; - l urothélium : les alkylants (cyclophosphamide et ifosfamide) à dose cytotoxiques se révèlent toxiques pour l urothélium (cystite hémorragique), via un de leur métabolite, l acroléine. La prévention de cette toxicité repose sur une hydratation alcaline et l administration concomitante d uromitexan, qui va chélater l acroléine au niveau urinaire ; - le cœur : les anthracyclines ont une toxicité cumulative sur le myocarde qui nécessite une surveillance régulière, échographique ou scintigraphique, de la fonction ventriculaire ; un produit, le dexrazoxane, peut permettre de limiter cette toxicité ; le 5-Fluoro Uracile (5FU) peut déclencher des spasmes coronariens rappelant l angor de Pinzmétal. - le système nerveux périphérique : des doses cumulées de poisons du fuseau mitotique (vincaalcaloïdes et taxanes) et des sels de platine peuvent être à l origine d une neuropathie périphérique ; - le poumon, au niveau duquel peut se développer une fibrose interstitielle après des doses cumulées importantes de bléomycine.

II LES THÉRAPIES CIBLÉES Les progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes de la cancérogenèse ont permis d identifier, au moins en partie, les anomalies moléculaires spécifiques présentes dans les cellules cancéreuses et responsables de la maladie. Lorsqu une anomalie moléculaire est identifiée dans un pourcentage significatif d un type de tumeur donnée, qu elle se révèle différentiellement exprimée entre les tissus sains et le tissu tumoral et que son ciblage permet de modifier l histoire naturelle de ladite tumeur, il est possible de développer une molécule ciblant spécifiquement cette anomalie. On parle alors de thérapeutique ciblée. Le développement d anticorps monoclonaux et de petites molécules ciblant ces anomalies moléculaires et inhibant leur activité a permis d accroitre l arsenal des traitements médicaux utilisés en cancérologie. Ces thérapies ciblées, par définition plus spécifiques des cellules tumorales, sont, en pratique, souvent associées à la chimiothérapie cytotoxique. Elles ont permis d augmenter l efficacité des traitements sans en majorer la toxicité de façon trop importante (mais tout en possédant des toxicités propres, généralement distinctes des toxicités classiques de la chimiothérapie cytotoxique), mais sont généralement limitées à une sous population tumorale au sein d un type de cancer donné. Deux ciblages ont plus particulièrement donné des molécules reconnues comme efficaces en clinique et utilisés en pratique quotidienne, l utilisation d anticorps monoclonaux dirigés contre des cibles membranaires et les inhibiteurs de la fonction tyrosine kinase, petites molécules diffusant à l intérieur des cellules tumorales et inhibant la fonction de ces enzymes responsables de la transduction du signal, de prise orale. Voici quelques exemples de thérapies ciblées utilisées en pratique quotidienne : 1- Ciblage des récepteurs de la famille HER (Human EGF Receptor) i. le trastuzumab est un anticorps monoclonal dirigé contre la molécule HER-2, récepteur de facteur de croissance à activité tyrosine kinase, dont le niveau d expression est augmenté dans environ 15% des cancers du sein, par un mécanisme d amplification génique (cancers du sein dits HER-2 surexprimé ou amplifié) ; l association du trastuzumab à la chimiothérapie a permis d augmenter la survie des patientes ; il peut être utilisé en situation métastatique ou adjuvante. ii. le cetuximab est un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur transmembranaire du facteur de croissance appelé Epidermal Growth Factor (EGFR ou HER-1) et est indiqué dans

le traitement des cancers du colon métastatiques ainsi que dans les cancers ORL. iii. l erlotinib et le gefitinib sont deux molécules inhibitrices de l action enzymatique tyrosine kinase du récepteur de l EGF et sont utilisées dans le cancer bronchique localement avancé ou métastatique. iv. le lapatinib est une molécule inhibitrice de l action enzymatique tyrosine kinase du récepteur de l EGF et du récepteur HER-2. Il est utilisé dans le cancer du sein HER-2 surexprimé, au stade métastatique. 2- Certaines thérapies ciblées ont pour cible non pas la cellule tumorale proprement dite, mais son environnement. C est le cas des traitements visant à perturber les mécanismes de néo-angiogenèse que les cellules tumorales mettent en place au cours de leur développement pour assurer leur apport nutritionnel, ces thérapies sont dites anti-angiogèniques : i. le bévacizumab est un anticorps monoclonal dirigé contre l un des principaux facteurs de croissance impliqués dans les processus de néo-angiogenèse, le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) ; il utilisé dans le traitement des cancers du colon, du sein et bronchiques au stade métastatique. ii. le sorafénib et le sunitinib sont deux petites molécules inhibitrices la fonction tyrosine kinase du récepteur du VEGF (entre autre) ; ils sont indiqués dans le cancer du rein au stade métastatique. 3- l imatinib est une molécule inhibitrice de la fonction tyrosine kinase des protéines kinases c-abl et c-kit et est prescrite dans les leucémies myéloïdes chroniques (pathologie associée à une protéine de fusion abl-bcr, avec des résultats spectaculaires) et les tumeurs stromales digestives (GIST), présentant très fréquemment une surexpression de c-kit. 4- l anticorps monoclonal anti-cd20 (rituximab) est utilisé dans le traitement de certaines hémopathies malignes, notamment les lymphomes malins non hodgkiniens CD20+. Cette liste reste très évolutive, les thérapeutiques ciblées étant actuellement le champ de recherche et de développement le plus productif en oncologie.

III L HORMONOTHÉRAPIE Elle peut être considérée d une certaine façon comme la plus ancienne des thérapies ciblées dans la mesure où son principe repose sur l inhibition des récepteurs hormonaux (aux estrogènes ou aux androgènes) que certaines cellules tumorales ont la propriété de posséder et d utiliser pour leur développement et leur survie. Il existe une certaine confusion sur le terme, car il ne s agit pas au sens propre d une hormonothérapie mais d un traitement anti-hormonal, bloquant soit la sécrétion hormonale, soit l action de l hormone concernée au niveau de son récepteur cellulaire. Les trois principales localisations tumorales concernées sont le cancer du sein hormonodépendants (présentant une expression significative des récepteurs hormonaux au sein des cellules tumorales, environ 2/3 des cas), le cancer de la prostate et le cancer de l endomètre. L hormonothérapie peut être utilisée en situation adjuvante ou métastatique. Dans le cancer du sein, un pré requis reste la détermination de la présence de la cible (récepteur hormonal) au niveau des cellules tumorales. L action anti-hormonale peut être obtenue par : 1) une suppression de la fonction gonadique, chirurgicale (ovariectomie, pulpectomie) ou médicale (agoniste LHRH). Les agonistes LH-RH (triptoréline, leuproréline, goséréline) provoquent une désensibilisation des récepteurs de l hypophyse au LH-RH, de sorte que la sécrétion de LH n est plus effective. 2) des antagonistes des récepteurs aux estrogènes comme le tamoxifène ou le fulvestran, ou aux androgènes comme le bicalutamide. 3) des inhibiteurs de l aromatase (anastrozole, exemestane, létrozole) qui convertit les androgènes surrénaliens (testostérone et androstènedione) en estrogènes dans les tissus périphériques et les cellules tumorales. Ces médicaments sont donc indiqués en période post-ménopausique chez les patientes atteintes d un cancer du sein hormono-sensible. Avant la ménopause, la source œstrogénique liée à l aromatase reste minoritaire par rapport à la production ovarienne, et ces médicaments ne peuvent donc pas espérer induire un effondrement suffisant du taux d oestrogénes circulants.

CONCLUSION Les traitements médicaux du cancer font appel à un arsenal thérapeutique de plus en plus diversifié, à efficacité croissante, cependant la spécificité des effets secondaires associés à ces traitements, ainsi que la fenêtre thérapeutique restreinte de certains d entre eux (chimiothérapie) nécessitent une bonne connaissance de ces traitements et une prise en charge au sein de réseaux spécialisés et une concertation multidisciplinaire afin de garantir au patient une prise en charge optimale.