A l attention de. Messieurs Jean-Philippe FLOUZAT et Jean-François PIERRE. Direction générale de la cohésion sociale

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Espace Ethique de l Assistance Publique - Hôpitaux de Paris Emmanuel HIRSCH Directeur de l'espace éthique / AP-HP Responsable de l EREMA 01 44 84 17 53 emmanuel.hirsch@sls.aphp.fr Paris, le 26 avril 2011 A l attention de Messieurs Jean-Philippe FLOUZAT et Jean-François PIERRE Direction générale de la cohésion sociale Objet : Saisine Plan Alzheimer - mesure n 39 Annexe : 1 Il a été demandé en novembre 2010 à l EREMA, par saisine de la DGCS, de reprendre les travaux d élaboration (initiés par l EREMA de Reims) concernant la mesure n 39 du Plan Alzheimer. Cette mesure consiste à organiser une réflexion portant sur le statut juridique de la personne atteinte de la maladie d Alzheimer en établissement. Elle vise notamment à mettre fin aux incertitudes juridiques liées à la difficulté d appréhender le consentement de la personne atteinte de la maladie d Alzheimer et de clarifier le rôle des différentes personnes intervenant auprès du malade : personne de confiance, tuteur, aidant, etc. Conformément au Plan Alzheimer 2008-2012, l EREMA a ainsi consacré une journée complète de réflexion à l accueil de la personne atteinte par la maladie d Alzheimer en établissement. Ce workshop, organisé le 8 décembre 2010 à Paris, a permis de réunir représentants d associations de patients, professionnels du soin, directeurs d établissements, juges, avocats et représentants de l administration notamment afin de dresser un bilan des dispositifs juridiques applicables dans ce contexte et de suggérer les évolutions qui s avèreraient nécessaires. A l issue de ce workshop, une synthèse a été réalisée afin de faire apparaître les principaux points d amélioration proposés par les participants : ils visent pour l essentiel à une meilleure promotion du cadre juridique existant. 1

Quelques préconisations générales 1 - Informer le grand public et encourager la promotion, aussi bien par les professionnels du domaine de la santé que par ceux du droit, des directives anticipées et du mandat de protection future Lorsqu'un placement en institution doit avoir lieu, c'est à la personne elle-même qu'incombe le choix de la résidence future et ceci même sous protection judiciaire. Dans le cadre de la maladie d'alzheimer, la responsabilité de ces décisions est souvent déléguée à l'entourage ou, en cas de conflits, au juge. Il en va souvent de même pour les questions relatives aux biens mobiliers. 2 - Promouvoir une meilleure collaboration entre médecins experts et juges des tutelles en proposant une formation adaptée à leurs besoins Les médecins experts auprès du procureur de la République ne suivent aucune formation spécifique à la rédaction des certificats médicaux circonstanciés. Il en résulte une certaine méconnaissance des informations nécessaires au juge pour arbitrer sa décision. De même, les juges des tutelles méconnaissent les compétences requises pour établir un certificat médical circonstancié du patient atteint de la maladie d'alzheimer, ce qui justifierait une sensibilisation des acteurs dans la chaine judiciaire. 3 - Rechercher de manière continue l'assentiment du patient Être favorable à une pédagogie du consentement c'est éviter l'arbitraire dans la décision. La faculté de consentir n'est pas statique, elle est dynamique. Dans la maladie d'alzheimer le "choix " est fréquemment limité du fait d un contexte contraignant. Toutefois, l'évolutivité de la maladie n'est pas équivalente à l'absence de temps propice à une certaine faculté de discernement, même si elle s avère transitoire. La notion de consentement implique celle du contrat, alors que le recueil de l'assentiment renvoie à l'idée de s'assurer que la personne malade n'exprime aucune opposition manifeste sur la durée. 4 - Garantir un cadre juridique subsidiaire et modulable afin de replacer les singularités dans un contexte de vulnérabilité Près des deux tiers des malades d'alzheimer en établissement ne sont pas assujettis à une mesure de protection juridique. Ces personnes ne sont ni en situation de compétence réelle, ni en situation d incompétence. La distinction entre capacité juridique et compétence effective semble primordiale, d'autant plus lorsque la personne est isolée sur le plan social. 5 - S'affranchir le plus souvent possible de la pression de l'urgence La procédure d'admission constitue toujours un temps important qui se prépare. Or les conséquences sociales et médicales induites par l'évolution de la maladie d'alzheimer provoquent souvent des placements en urgence. Ils sont significatifs d'un manque d anticipation, et d une carence dans la prise en charge en amont. Des conditions d'entrée en établissement dépendent pour beaucoup la qualité du séjour et plus encore la relation de confiance pourtant indispensable. Signer le contrat de séjour revient à donner son consentement, or l'expérience des acteurs de terrain révèle que le recueil d'un tel consentement dans de telles circonstances est illusoire. 2

6 - Favoriser la collégialité autour de la personne vulnérable Il est proposé à tout patient entrant à l'hôpital de désigner une personne de confiance. Cette mesure n'est pas effective en EHPAD. Il ne s'agit pas en soi d'une obligation mais une telle proposition s avère opportune. Dans l'hypothèse où le patient est placé sous tutelle, la personne de confiance peut contacter le tuteur afin de lui signaler à la demande du malade toute forme de difficulté, ou sur sa propre initiative si elle l estime nécessaire. 7 - Promouvoir les réseaux et favoriser leur coordination Un individu atteint de la maladie d'alzheimer entre en institution non pas exclusivement sur des critères médicaux mais en tenant compte de l évaluation d'un contexte général, notamment d un point de vue socio-économique. Il convient d assurer la prise en charge de la personne dans sa dimension globale. Ceci n'est envisageable que dans une culture de réseau bénéficiant des compétences d une coordination efficace. Conclusion Le workshop organisé par l EREMA a représenté un temps fort au cours duquel ont été approfondies les questions d ordre juridique auxquelles sont confrontés les acteurs de terrain. Cette analyse nécessaire a permis d identifier certaines propositions visant à pallier les insuffisances du dispositif juridique notamment en tenant compte des évolutions de la faculté d autonomie de la personne si caractéristiques de la maladie d Alzheimer. Une telle contribution s intègre à d autres approches qui permettent de tirer une première conclusion. Si les repères juridiques s avèrent adaptés aux principaux défis propres aux réalités humaines et sociales de la maladie d Alzheimer, encore est-il nécessaire que les professionnels puissent se les approprier et être en capacité de les mettre en œuvre dans des contextes toujours spécifiques. Une telle visée justifierait tant un effort de formation, qu une adaptation de la gouvernance des établissements au respect dans la pratique de principes qui concernent les droits de la personne malade en général. 3

Annexe Tableau de synthèse du workshop «Statut juridique de la personne atteinte de la maladie d'alzheimer vivant en établissement" 4

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