L ACCESSIBILITÉ AUX ÉTUDES : UNE QUESTION D ÉQUITÉ ET DE JUSTICE SOCIALE



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8059, boul. Saint-Michel Montréal (Québec) H1Z 3C9 Téléphone : (514) 729-6666 Télécopieur : (514)729-6746 Courriel : fafmrq@cam.org Site : www.cam.org/fafmrq L ACCESSIBILITÉ AUX ÉTUDES : UNE QUESTION D ÉQUITÉ ET DE JUSTICE SOCIALE Mémoire présenté par : La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec Dans le cadre de : La Consultation sur le Projet de loi C-5 : Loi sur l aide financière à l épargne destinée aux études postsecondaires du gouvernement fédéral Novembre 2004

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) Notre Fédération existe depuis 30 ans déjà. Si à l origine elle fut mise sur pied pour regrouper les familles monoparentales, depuis 1995, elle intègre dans ses rangs les familles recomposées. Plus récemment, des groupes de pères se sont également ajoutés à son membership. Aujourd hui, la FAFMRQ regroupe près de 60 associations provenant de toutes les régions du Québec. Au fil des ans, la Fédération a mené des actions importantes visant le mieux-être des familles monoparentales et recomposées. Au milieu des années 1990, la FAFMRQ s est impliquée activement dans les luttes qui ont mené à l adoption, au Québec, de la Loi 60 Loi facilitant la perception des pensions alimentaires. À la même époque, la Fédération déposait un recours collectif inscrit au fédéral et au provincial (la cause Susan Thibodeau) demandant que la pension alimentaire versée pour les besoins exclusifs des enfants ne soit plus imposable. Cette démarche a d ailleurs mené à l adoption du Bill C-41, en 1997, et à la défiscalisation de ces montants. De plus, en 1998, la Fédération présentait des recommandations devant le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants dans le cadre du projet de loi C-22 visant à modifier la Loi du divorce. L année suivante, en 1999, la FAFMRQ participait, avec dix autres organismes œuvrant auprès des femmes et des familles, à la Consultation sur la fiscalité canadienne. La Fédération a également inscrit son action politique dans le cadre d un mouvement plus large de solidarité en participant à des événements comme la Marche du Pain et des roses de 1995 et la Marche mondiale des femmes en 2000. Plus récemment, en plus de participer activement aux travaux et d adhérer aux revendications du Collectif pour un Québec sans pauvreté qui ont mené à l adoption de la Loi 112 Loi visant à contrer la pauvreté et l exclusion sociale en décembre 2002, la Fédération a également participé, au printemps 2004, aux travaux de la Commission sur la qualité, l accessibilité et le financement des universités du Québec. Introduction La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec lutte, depuis plus de 30 ans, pour l amélioration des conditions de vie des familles qu elle représente. Les préoccupations soulevées dans le présent mémoire s inscrivent donc en continuité des actions qu elle a posées jusqu à maintenant. D ailleurs, le dossier de l aide financière aux études est, depuis plusieurs années, au cœur des préoccupations de la FAFMRQ. En effet, la mise en place de mesures concrètes et adaptées aux besoins particuliers des responsables de famille monoparentale, leur permettant un meilleur accès aux études et ce, quelle que soit leur situation socio-économique, figure parmi les revendications portées de longue date par la FAFMRQ. La Fédération est d avis que l une des meilleures façons d accéder à des emplois de qualité et d échapper à la pauvreté est de parfaire son éducation. Malheureusement, dans les faits, l accès à l éducation est trop souvent limité pour les responsables de famille monoparentale et leurs enfants. D une part, la double tâche d éduquer des enfants et de poursuivre des études à temps plein est souvent trop lourde et a pour effet d en décourager plusieurs. D autre part, les programmes d aide financière aux études étant surtout conçus pour les étudiants en formation initiale, ils sont peu adaptés aux besoins particuliers des parents-étudiants. C est donc avec intérêt que la FAFMRQ a pris connaissance du Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études. Cependant, bien que les intentions du projet de loi soient louables en voulant permettre à davantage de familles à plus faible revenu de bénéficier de la Mémoire de la FAFMRQ 1 Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études

Subvention canadienne pour l épargne-études (SCEE), il nous apparaît peu probable que cette mesure aura des impacts véritables sur les familles québécoises, et encore moins sur les familles monoparentales. Même avec les améliorations proposées, nous croyons que l accès aux mesures demeurera extrêmement limité, voire même impossible, pour les familles à faible revenu. De plus, la situation particulière au Québec en matière d éducation postsecondaire (notamment le fait que le Québec ait opté pour la gratuité en matière d études collégiales), rendent la SCEE beaucoup moins intéressante que dans d autres provinces. Dans le cadre du présent mémoire, nous ferons d abord part de notre critique du Projet de loi C-5. Nous exposerons également les préoccupations de la FAFMRQ à l égard du déséquilibre fiscal dans un contexte québécois. Finalement, nous proposerons des alternatives qui permettraient davantage, selon nous, d améliorer l accès aux études postsecondaires, tant pour les Québécoises et les Québécois que pour les résidentes et résidents des autres provinces canadiennes. Nous dresserons ensuite un portrait du phénomène de la monoparentalité au Québec. Nous aborderons notamment les défis particuliers auxquels sont confrontées les familles à faible revenu, dont les familles monoparentales, dans un contexte d accès à l éducation. Notre critique du Projet de loi C-5 Déjà au moment de sa création, en 1998, la FAFMRQ était peu favorable à la Subvention canadienne pour l épargne-études (SCEE), jugeant que cette mesure était inéquitable et ne profitait qu aux mieux nantis. Or, non seulement les familles aisées ont déjà accès à de nombreux avantages fiscaux du fédéral, mais elles disposent de revenus leur permettant largement de financer les études postsecondaires de leurs enfants. Bien que les intentions du Projet de loi C-5 soient louables, en voulant majorer la SCEE afin de favoriser les familles à plus faible revenu, nous croyons qu elle demeurera inaccessible pour un trop grand nombre de familles canadiennes et québécoises. Ainsi, même si les familles dont le revenu ne dépasse pas 35 000 $ pourraient bénéficier d une subvention de 40 % (au lieu de 20 % pour les familles plus riches), peu d entre elles réussissent dans le faits à épargner en vue des futures études de leurs enfants, les surplus étant rares ou rapidement absorbés par des besoins plus immédiats. D ailleurs, parmi les familles dont le revenu est inférieur à 25 000 $, seulement 8 % se prévalent d un régime enregistré d épargne-études (REEE). Lorsque l on parle de familles monoparentales, cette proportion devient pratiquement nulle puisqu elles sont parmi les plus pauvres au pays. L accès à une éducation de qualité étant l un des plus sûrs moyens de lutter contre la pauvreté, il devrait figurer parmi les priorités du gouvernement fédéral, bien avant l octroi d avantages fiscaux pour les mieux nantis. Le second reproche pouvant être adressé à la formule du Bon d études est sa limitation due à l âge. En effet, dès que le bénéficiaire a atteint 21 ans, le gouvernement fédéral reprend les sommes qu il a versées et ne laisse dans le régime enregistré d épargne-études que les intérêts et les économies de la famille. Or, comme l éducation collégiale est gratuite au Québec, il n y a que ceux qui iront à l université qui pourraient bénéficier du Bon d études, ce qui ne laisse qu un an ou deux pour utiliser l argent versé par le fédéral. Troisièmement, un autre problème inhérent au Projet de loi C-5 est son incapacité à fournir des solutions adéquates au déséquilibre fiscal qui sévit au Canada. Ni le Bon d études, ni la majoration de la Subvention canadienne pour l épargne-études n aident le Québec à maintenir la qualité de son système d éducation puisque ces mesures ne lui permettent pas le de faire. Ces mesures permettent tout au plus à certains individus (parmi les mieux nantis) d assumer une part Mémoire de la FAFMRQ 2 Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études

des coûts de leurs études postsecondaires, mais n améliorent en rien la qualité de l enseignement qu ils reçoivent. Suite aux recommandations de la Commission Romanow, le gouvernement fédéral a récemment divisé le transfert social en deux : un transfert en matière de santé et un transfert en matière de programmes sociaux et d éducation postsecondaire. Or, cette année, la santé a hérité de 66 % des fonds, soit 15,7 milliards de dollars, et les autres programmes, de seulement 34 %, soit 8,3 milliards. Pourtant, il y a dix ans, le gouvernement fédéral versait 9,7 milliards pour l éducation et le RAPC. Il faudrait donc que le Projet de loi C-5 soit accompagné d une majoration du Transfert canadien en santé et programmes sociaux (TCSPS) puisque c est dès maintenant que les étudiantes et les étudiants ont besoin d être soutenus financièrement et d une éducation de qualité, pas uniquement dans 18 ans. Le solutionnement du déséquilibre fiscal et la restitution équitable du transfert aux provinces permettraient notamment au gouvernement du Québec, qui est le plus à même de comprendre la réalité québécoise, de supporter adéquatement ses étudiantes et ses étudiants, notamment en bonifiant son régime de prêts et bourses. Finalement, la FAFMRQ s inquiète des coûts d administration qu entraînera la mise en place des mesures prévues au Projet de loi C-5. On parle d un budget de 40 millions de dollars pour l administration du programme lors de trois premières années, mais s agit-il d une sousestimation des coûts comme celle qu avait connu le programme d enregistrement des armes à feu? De plus, il est préoccupant que le gouvernement fédéral ignore quels seront les coûts annuels de gestion des mesures annoncées, prétextant que ces coûts seront établis seulement après une analyse du fonctionnement des trois premières années. Nous nous étonnons par ailleurs que le gouvernement fédéral préfère dépenser 13 millions de dollars annuellement pour distribuer 80 millions aux contribuables les mieux nantis alors que le gouvernement du Québec pourrait distribuer cet argent, sans coût supplémentaire, directement aux étudiantes et aux étudiants qui en ont le plus besoin si le Transfert canadien en santé et services sociaux était augmenté. Rappelons que le Programme de prêts et bourses du Québec a récemment subi des coupures de 63 millions de dollars, faisant en sorte de hausser le plafond des prêts et de réduire les montants de bourse. Les étudiants québécois les plus démunis, dont les responsables de famille monoparentale et leurs enfants, verront donc leur dette d études augmenter d environ 1 000 $ par année. Le déséquilibre fiscal : un obstacle à l accessibilité Depuis les années 1960, le Québec a entrepris un important virage pour l accessibilité aux études qui s appuie sur trois éléments : un financement public de l éducation plus important que dans le reste du Canada, des frais de scolarité plus bas et un régime d aide financière plus généreux. En plus d offrir la gratuité scolaire aux niveaux primaire et secondaire, notre province s est dotée d un réseau gratuit de collèges d enseignement général et professionnel (cégep). De plus, le Québec privilégie, depuis plusieurs années, le gel des droits de scolarité dans les universités, lesquels se situent actuellement à moins de la moitié de la moyenne canadienne. Ces diverses mesures ont notamment permis au Québec de parvenir à des résultats spectaculaires en terme de scolarisation : en 1960, à peine 13 % des francophones terminaient la 11 e année et seulement 3 % fréquentaient l université, alors qu aujourd hui, 81 % de la population adulte détiennent un diplôme d études secondaire et 27 % détiennent un diplôme universitaire de premier cycle. Or, à maints égards, le Québec se trouve pénalisé par la politique fiscale canadienne, notamment en ce qui a trait aux crédits fiscaux relatifs aux études pour les étudiants, les ex-étudiants et leurs parents. Ces crédits d impôt sont le «transfert des crédits pour études et frais de scolarité», le «crédit pour frais de scolarité» et le «crédit pour études». Suite aux hausses de frais de scolarité Mémoire de la FAFMRQ 3 Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études

dans le reste du Canada, les crédits d impôt du gouvernement fédéral ont augmenté d environ 60 % entre 1998 et 2003, passant de 800 millions de dollars à près de 1,3 milliard de dollars. Devant l épargne que fait Ottawa au Québec en raison du plus faible coût des études postsecondaires, et dans le but d assurer une plus grande équité, le gouvernement fédéral devrait créer un éventuel transfert aux provinces dédié spécifiquement à l éducation postsecondaire. Ajoutons à cela les importantes réductions qui ont eu lieu dans les transferts fédéraux au cours des années 1990 et qui ont également désavantagé l ensemble des provinces canadiennes. Entre 1993 et 2002, la quote-part des contributions que le gouvernement fédéral a versée aux provinces pour les aider à soutenir le financement de base des universités et des collèges a diminué de 14 %. En 1996, les transferts fédéraux en matière d enseignement postsecondaire, de santé et de programmes sociaux ont diminué de 7 milliards de dollars avec l arrivée du Transfert canadien (TCSPS). Suite à ces réductions, les universités canadiennes ont été forcées d augmenter leur part de financement privé et de hausser leurs frais de scolarité. La monoparentalité au Québec Au cours des dernières décennies, la société québécoise, à l instar des autres sociétés industrialisées, a connu de profonds bouleversements, tant au plan économique que social. Ces changements ont généré l émergence de nouvelles formes de familles, parmi lesquelles figurent les familles monoparentales et les familles recomposées. Lors du dernier recensement de 2001, il y avait 1 267 815 familles au Québec. De ce nombre, 335 595 (27 %) étaient des familles monoparentales dont la très forte majorité était dirigée par une femme. Cela constitue une augmentation de 3 % du nombre de familles monoparentales depuis le recensement de 1996. Les statistiques des dernières années le démontrent clairement : les familles monoparentales, particulièrement celles dirigées par une femme, sont parmi les plus pauvres au pays. Ainsi, selon les données publiées en 2002 par le Conseil national du bien-être social, malgré une légère amélioration, le taux de pauvreté pour les familles monoparentales constituées de la mère et de ses enfants demeure encore entre cinq à six fois plus élevé, en moyenne, que le taux de pauvreté des couples avec ou sans enfants. Selon Statistique Canada, la proportion de familles monoparentales dirigées par une femme et vivant sous le seuil de faible revenu avant impôt était de 47,6 % en 2000, comparativement à 11,4 % pour les familles biparentales. Selon l Institut de la statistique du Québec, en 1996, le taux d assistance sociale des familles monoparentales québécoises était de 51,5 % alors que celui des familles biparentales était de 6,5 %. En juillet 2004, 52 142 familles monoparentales québécoises incluant 84 218 enfants, devaient compter sur une aide de dernier recours pour vivre. Les responsables de familles monoparentales représentaient 13,3 % de l ensemble des adultes prestataires. L accès aux études : un moyen d échapper à la pauvreté Selon des données de 1999 du Conseil national du bien-être social, le risque d être pauvre décroît avec la hausse du niveau de scolarité et varie selon la situation familiale. Les mères seules n ayant de pas de diplôme d études secondaires avaient le plus haut taux de pauvreté, soit 82,3 %, alors que les familles où le principal soutien économique avait au moins un diplôme universitaire avaient un taux de pauvreté de 6 %. Au cours des dernières années, la FAFMRQ a été saisie d importantes difficultés rencontrées par des responsables de famille monoparentale qui tentaient d obtenir une aide financière aux études adéquate. Or, le fait d assumer la double tâche d être parent et de poursuivre des études est déjà un défi en soi et demande beaucoup de détermination. Si, en plus de cela, les personnes doivent le faire dans des conditions économiques extrêmement Mémoire de la FAFMRQ 4 Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études

difficiles, leurs chances de réussir se voient gravement compromises. D ailleurs, les difficultés rencontrées ont pour résultat d en décourager plusieurs : si en 1997-1998, 7 432 bénéficiaires d une aide financière aux études au Québec déclaraient être à la tête d une famille monoparentale, en 2001-2002, ils n étaient plus que 5 500 à faire partie de cette catégorie. Pour la FAFMRQ, les enjeux entourant l accès aux études reposent sur les deux principes suivants : le maintien des frais de scolarité au niveau le plus bas possible et une aide financière aux études qui permette une couverture adéquate des frais de subsistance ainsi qu un endettement minimal. À ce titre, la position défendue par la Fédération et de nombreux autres organisations est que toute personne pouvant répondre aux conditions d admissibilité à des études postsecondaires ne devrait en aucun cas être exclue sous prétexte d incapacité financière. Or, selon des données de 2003 de Statistique Canada, environ 26 % des jeunes qui n avaient jamais entrepris d études postsecondaires évoquaient des raisons financières comme obstacle principal à la poursuite de leurs études, et 29 % de tous ceux qui avaient abandonné leurs études expliquaient que des considérations financières étaient à l origine de leur décision. Dans le cas des responsables de famille monoparentale, l accessibilité financière aux études est d autant plus cruciale que ce type de familles, particulièrement celles dirigées par une femme, sont parmi les plus durement touchées par la pauvreté. Ainsi, en choisissant comme société d accorder dès maintenant (et non dans 18 ans, comme le propose le Projet de loi C-5) un soutien financier adéquat à celles qui ont le désir de parfaire leur éducation, on contribue véritablement à lutter contre la pauvreté. Dans la perspective où l accès à l éducation peut être un gage d amélioration du tissu social, tous les efforts devraient être consentis afin de permettre au plus grand nombre possible d acquérir une formation qualifiante, surtout si l on considère que la majorité des emplois nouvellement créés exigent des études postsecondaires. Conclusion Comme nous venons de le démontrer, il serait faux de prétendre que le Projet de loi C-5 favorisera réellement les familles à plus faible revenu. De manière générale, les sommes retournées par les mesures fiscales, en particulier par les crédits d impôt non remboursables, profitent aux mieux nantis. Par ailleurs, il est urgent d investir, dès maintenant, dans des mesures permettant d améliorer l accessibilité aux études postsecondaires et non pas uniquement pour les étudiants qui fréquenteront les universités dans 18 ans. D autre part, les mesures proposées par le Projet de loi C-5 ne feraient qu ajouter aux pénalités déjà ressenties par le Québec en matière de fiscalité canadienne. Plutôt que de recourir à des transferts aux individus, le gouvernement fédéral devrait mieux soutenir financièrement les provinces en matière d enseignement supérieur en bonifiant le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) et régler, une bonne fois pour toutes, la question du déséquilibre fiscal. Mémoire de la FAFMRQ 5 Projet de loi C-5 Loi canadienne sur l épargne-études