Offre et demande de travail infirmier et soignant en Communauté française et en Communauté germanophone de Belgique : projections jusqu'en 2000 et scénarios jusqu'en 2010 Leclercq A.(*) - Leroy X.(**) L'étude dont il est question avait pour objectif de mettre en lumière les perspectives d'avenir des professions infirmières et de soignants qualifiés. Cette étude commanditée par le Fonds social pour les hôpitaux privés et cofinancée par le fonds social européen est un travail de planification du personnel de santé à partir d'une analyse de l'offre (les professionnels diplômés désireux díexercer leur profession) et de la demande provenant des institutions de soins et de la population. Il a été réalisé d'une part pour la Communauté flamande par le Hiva(1) et d'autre part pour les communautés française et germanophone de Belgique (CFGB) par le Sesa (2). L'objectif est une aide à la décision dans le domaine de la politique de santé, de la formation et de líemploi. Dans la présentation que nous ferons ici nous nous limiterons à l'exposé des données et prévisions pour la CFGB même si des documents de synthèse existent pour la Belgique(3). Les deux groupes étudiés sont :. les PAI (praticiens de l'art infirmier) comprenant les infirmiers gradués, les brevetés et les ASH;. les soignants qualifiés beaucoup moins bien connus et plus difficiles à cerner : la définition et le profil varient selon les secteurs d'activités. Les formations retenues dans cette étude sont celles d'aspirant en nursing, puéricultrice, aidesenior, auxiliaire familiale et sanitaire. Nous excluons celles d'éducateurs et de moniteurs. Ces formations se donnent dans le secondaire technique et professionnelýainsi qu'en promotion sociale et dans des centres agréés.
Évolution des diplômés Les diplômés soignants sont en croissance rapide au cours des dernières années. Le taux de diplômés par rapport aux jeunes filles de 18 ans est passé de 7.22 % en 1992 à 13.72 en 1996 pour un total de 3600 diplômés. L'évolution des diplômés infirmiers est en nette reprise depuis le début des années 1990 : 1600 diplômés en CFGB. L'attrait de la formation infirmière est en effet très important : 9 % des jeunes de 18 ans résidents en Belgique ou 13.5 % des jeunes femmes choisissent la formation infirmière en 1996. Cette reprise fait suite aux revalorisations salariales de 1989-1993, à la hausse des normes díencadrement et à l'augmentation du chômage. Les diplômés infirmiers résidents en Belgique, en vie et díâge inférieur à líâge légal de la retraite sont au nombre de 115 000 diplômés au 31/12/1995, dont 103 000 ont un visa díune Commission médiale provinciale et sont donc susceptibles de dispenser des soins : 33 000 ont un diplôme francophone et 227 ont un diplôme germanophone (soit une répartition 1/3 pour la CFGB versus 2/3 pour la communauté flamande). Comment les diplômés infirmiers et soignants síinsèrent-ils sur le marché du travailý? À partir des données du recensement de 1991, on observe qu'un maximum d'infirmiers, tant les femmes que les hommes, sont au travail après l'obtention du diplôme. Le taux d'activité diminue peu avec l'âge et reste élevé même à 50 ans. Le temps partiel est comparable à la moyenne nationale pour les infirmiers et les infirmières de Wallonie, plus élevé en moyenne pour les soignants que la moyenne nationale(4), faible pour les moins de 25 ans, il culmine entre 30 et 40 ans tant pour les infirmiers que pour les soignants. Quelles perspectives du point de vue de líoffre? L'évolution de l'offre de travail infirmier et soignant c'est-à-dire le désir d'exercer ces professions dépend du contexte socio-économique, de líattrait pour les études supérieures en général et pour ces professions soignantes en
particulier, de la reconnaissance sociale de la profession, des conditions de travail, de la motivation à exercer ces professions. Les paramètres: taux díactivité, part du temps partiel ainsi que durée du temps partiel sont utilisés pour estimer líoffre de travail infirmier et soignant. Les hypothèses retenues sont basées sur l'observation du passé récent; elles conduisent à de futures promotions importantes pour les deux types de formation : de 1300 à 2000 infirmiers diplômés annuellement et de 2400 à 3700 soignants; soit en 15 ans de 20400 à 28300 infirmiers et de 33500 à 51100 soignants. Du côté des sorties du marché du travail, les départs à la retraite n'augmenteront fortement qu'à partir de 2012. Nous utilisons les taux d'emploi comme infirmiers observés dans le recensement de 1991 comme une approximation du souhait d'exercer l'art infirmier, de dispenser des soins. Pour les soignants, nous supposons que seuls 50 % des futurs diplômés souhaitent exercer. Ce taux pourrait ne pas se vérifier à l'avenir si les possibilités de travail se développent et si la proportion de femmes ayant une activité professionnelle continue à augmenter : d'autres scénarios, non développés ici, ont donc été construits. L'évolution de l'activité au fil de l'âge et l'importance de l'activité à temps partiel sont calquées sur les observations du recensement 1991. La croissance en CFGB serait de 42 à 66 % pour les infirmiers et de 5 à 29 % pour les soignants entre 1996 et 2010. En ETP désireux d'exercer leur profession. Tableau 1 - Évolution de l'offre dans le secteur socio-sanitaire Communautés française et germanophone 1995-96 2010 scénario bas 2010 scénario haut INFIRMIERS Total des diplômés 32.900 (100) 51.100 (155) 58.100 (177) Offre des effectifs 27.600 (100) 39.300 (142) 45.700 (166) Offre des ETP 24.200 (100) 34.900 (144) 40.000 (169) SOIGNANTS Offre en effectifs 35.500 (100) 37.100 (105) 45.700 (129)
Ore en ETP 29.300 (100) 31.300 (107) 38.500 (131) Emplois qualifiés selon le secteur de soinsýen 1995 On estime le nombre díemplois qualifiés en Belgique dans les différents secteurs de soins à 64 ou 67.000 soignants qualifiés et à 86.000 PAI. Ils représentent de 47 à 50.000 ETP soignants qualifiés et 68.500 ETP PAI. Le secteur díactivité le plus important est l'hôpital pour les infirmiers et les maisons de repos pour les soignants. Contrairement au travail infirmier, qui se situe à 60 % à líhôpital, les soignants níont pas un secteur díactivité «privilégiéý» mais se trouvent répartis dans plusieurs types díinstitutions de soin ou de travail social. Perspectives de demande 2010 La demande a été envisagée en fonction soit du nombre de postes de travail, soit du volume effectif de travail. Des différents scénarios envisagés, nous n'en présentons ici que deux qui présentent des évolutions intermédiaires. La croissance attendue la plus remarquable en matière díemploi se situe dans le secteur des maisons de repos et celui de líaide aux familles et aux personnes âgées. Le vieillissement de la population aura un impact important car le nombre de personnes âgées de 70 ans et plus augmentera de 28 % en Wallonie. Ce sont précisément dans les institutions pour personnes âgées quíun grand nombre de soignants sont au travail. Il a de plus été tenu compte de líimpact des récentes augmentations des normes de personnel qui ont été réalisées à la suite des négociations qui ont eu lieu lors de la dernière vague de «colère blanche». Tableau 2 - Évolution de la demande par secteur díactivité en CFGB : 1995-2010
Soignants Praticiens de l'art infirmier Hôpitaux -6 À + 31 % - 5 À + 11 % MRS-MRPA + 13 à + 29 % + 20 à + 37 % Soins à domicile + 44 à + 97 % + 26 à + 32 % Soins aux enfants 0 à + 38 % Handicapés 0 à + 16 % Marge d'erreur 0 à +10 % 0 à +10 % TOTAL + 9 À + 35 % + 13 À + 41 % Assez, trop ou trop peu? Líévolution de líemploi paraît favorable pour les soignants. Cependant, il existe déjà, en 1996, un nombre important de chômeurs parmi les soignants qualifiés. Par ailleurs, on prévoit une augmentation modérée de líoffre dans líhypothèse calculée en CFGB où 50 % des diplômés síinsèrent sur le marché du travail. Nous supposons en outre que le partage du travail entre soignants qualifiés et infirmiers ne changera pas. Pour les infirmiers, un excédent d'offre se manifestera alors quíen 1995, il existait encore un équilibre. En díautres termes, bon nombre díinfirmiers ne pourront plus travailler en tant que tels (et devront donc se diriger vers díautres professions) ou se retrouveront au chômage. Ceci en supposant que les infirmiers qui travaillent à temps plein conservent un horaire de 38Ýheures/semaine. Nous avons élaboré un scénario faisant líhypothèse que le temps de travail hebdomadaire est réduit à 32 heures en 2010. Dans ce cas, le volume de chômage se verrait considérablement réduit. Tableau 3 - Confrontation de l'offre et de la demande en ETP Communauté française et
germanophone de Belgique 1995 Offre Demande Infirmiers 27.000 25.000 Soignants 28.000 21.000 Total 55.000 46.000 2010 Scénario bas Infirmiers 40.000 26.000 Soignants 31.000 23.000 Total 71.000 49.000 2010 Scénario haut Infirmiers 47.000 33.000 Soignants 38.000 29.000 Total 85.000 62.000 On pourrait reprocher à nos extrapolations et simulations díêtre restées trop mécaniques et statistiques. On a cependant cherché à se placer dans une perspective dynamique, en particulier lorsquíil fallait évaluer la vraisemblance díun scénario par rapport à un autre. Mais il nous était difficile díanticiper les décisions politiques ou des évolutions hypothétiques. Début 1998, se produit déjà un événement important, à savoir les négociations entre employeurs, employés et responsables politiques pour un meilleur encadrement de personnel dans les institutions. Ce changement de líencadrement ne pouvait être pris en compte tel quel dans nos scénarios. Par contre, on a fait líhypothèse díune évolution du personnel hospitalier en fonction du nombre díadmissions, lequel augmente malgré la diminution du nombre de lits hospitaliers. Une telle relation a été constatée dans le passé et conduit à une demande plus élevée de personnel infirmier. Maintenant quíon peut affirmer quíil níy a plus de pénurie díinfirmières (bien
que líon continue de prétendre le contraire) mais que líoffre est suffisante, et que les soignants qualifiés connaissent déjà un chômage élevé (et une importante réserve de personnes formées qui níexercent pas la profession), un énorme défi est adressé à líensemble du secteurýquant à la politique quíil convient de mener à líavenir... Les documents en français peuvent être commandés auprès du SESA (UCL), Clos Chapelle-aux-Champs, 3041 à 1200 Bruxelles Tél. : 02/764.30.97 Dernières modifications le 29/03/99 - Personne contact : http://www.ulb.ac.be/project/tef/mailto%20:%20asiot@ulb.ac.be