Bastien Masson Avocat associé Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle DISTRIBUTION - CONCURRENCE N 50 Décembre 2010 Janvier 2011 Cabinet FIDAL 1, rue Claude Bloch - BP 15093 14078 Caen Cedex 05 Tél : 02 31 46 31 24 Fax : 02 31 46 31 32 DOSSIER Avis n 10-A-26 de l Autorité de la concurrence relatif aux contrats d affiliation de magasins indépendants L Autorité de la concurrence a rendu un avis le 7 décembre 2010 relatif «aux contrats d affiliation de magasins indépendants et les modalités d acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire». + Aux termes d une analyse riche (62 pages) et éclairante pour les praticiens, l Autorité stigmatise une série de clauses qui «freinent», selon elle, la «mobilité» des affiliés entre les réseaux de distribution concurrents : - le droit d entrée à paiement différé dû par l affilié au promoteur du réseau et correspondant à un pourcentage du chiffre d affaires prévisionnel, dont le paiement est différé au jour de l échéance de son contrat ; - le droit de préférence imposant à l affilié de proposer en priorité au promoteur du réseau la vente ou la location gérance de son fonds de commerce ; - le droit de préemption permettant au promoteur de réseau de s aligner sur l offre d achat formulée par un concurrent et de conclure ainsi lui-même la vente à son avantage ; - la clause de non-concurrence post-contractuelle interdisant à l affilié au terme de son contrat, dans un territoire et pour une durée déterminée, d exercer une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu il quitte ; - la clause de non-réaffiliation interdisant à l affilié, au terme de son contrat, dans un territoire et pour une durée déterminée, de s affilier à un réseau exerçant une activité similaire ou analogue à celle du réseau qu il quitte. L Autorité relève les effets anticoncurrentiels que produisent ces clauses tant sur le marché amont de l approvisionnement (en limitant l entrée de nouveaux fournisseurs) que sur le marché aval de la vente au détail (en limitant l entrée de réseaux de distribution sur les zones de chalandise où ils ne sont pas encore présents), et leurs conséquences dommageables pour le consommateur. + Mais l Autorité constate que les outils que lui offre aujourd hui le droit de la concurrence pour sanctionner ces pratiques sont insuffisants : - D abord, le droit des concentrations : «s il n est pas exclu que la conclusion d un contrat de distribution puisse conférer à une tête de réseau une influence déterminante sur l activité d un magasin [au sens de l article L. 430-1 du Code de commerce], c est essentiellement au travers des prises de participation minoritaires que le droit des concentrations a vocation à contrôler l organisation des réseaux de distribution». - Ensuite, le droit des ententes verticales : «aucun des groupes de distribution, considérés comme des fournisseurs de produits via leur centrale d achat ne détient une part de marché supérieure à 30%. De même aucun des magasins ne représente plus de 30 % des ventes réalisées sur ce marché. Les seuils en dessous desquels une exemption par catégorie pourrait être accordée, sous réserve de l absence de restrictions caractérisées, ne paraissent donc pas être franchis».
Management catégoriel Autorité de la concurrence, Avis n 10-A-25 du 7 décembre 2010 relatif aux contrats de «management catégoriel» entre les opérateurs de la grande distribution à dominante alimentaire et certains de leurs fournisseurs L Autorité de la concurrence publie un avis relatif aux contrats de management catégoriel, qu elle définit comme des accords consistant à «organiser et gérer la distribution de produits comme une unité d analyse stratégique», et dont elle relève les différents domaines d application et les risques concurrentiels de mise en œuvre. Durée de la procédure en matière d enquête de concurrence Cour de cassation, chambre commerciale, 23 novembre 2010, pourvoi n 09-72.031 La Cour de cassation censure une cour d appel qui avait prononcé l annulation d une procédure de concurrence en raison de sa durée excessive sans justifier en quoi «la durée de la première phase non contradictoire de la procédure du Conseil n était pas raisonnable et ne pouvait être justifiée par la complexité de l affaire et les diligences menées» ni «en quoi le délai écoulé durant la phase d instruction devant le Conseil avait causé à chacune des entreprises formulant un grief à cet égard une atteinte personnelle, effective et irrémédiable à son droit de se défendre». - Enfin, le droit des abus de dépendance économique : «la démonstration d une telle pratique anticoncurrentielle semble, à l évidence, d autant moins aisée qu elle nécessiterait d appréhender chaque cas de façon particulière». Par conséquent, l Autorité croit utile de recommander aux opérateurs d éviter les clauses entravant le départ d un affilié vers un concurrent et d inviter le législateur à adopter de nouveaux dispositifs. A la fin, on comprend donc que rien n a été arrêté pourtant a été annoncé par une enseigne de la grande distribution le recours en nullité pour excès de pouvoir et détournement de procédure de cet avis devant le Conseil d État. ACTUALITES Distinction entre les contrats d agence commerciale et d apporteur d affaires Cour de cassation, chambre commerciale, 12 octobre 2010, pourvoi n 09-69.771 Après la résiliation de son contrat, un apporteur d affaires avait sollicité le bénéfice du statut d agent commercial afin d obtenir des indemnités de préavis et de cessation de contrat. Une cour d appel avait accueilli sa demande au motif notamment qu aux termes du contrat, l apporteur d affaires exerçait son activité en qualité de mandataire puisqu il disposait du pouvoir de réserver des terrains pour le compte de son cocontractant dans l attente d une confirmation ou d une renonciation de la part de ce dernier. La Cour de cassation censure la décision au motif que le contrat stipulait «seulement ( ) l'obligation de proposer en priorité et en exclusivité à [son cocontractant] la promotion des terrains qu'il pourrait prospecter, sans l'autoriser à engager [ce dernier] à l'égard des tiers, ni à négocier en son nom». Distinction entre le contrat de franchise et la concession de licence de marque Cour d appel de Bordeaux, 14 septembre 2010, RG n 09/00546 Une société titulaire d une licence d exploitation d une marque avait conclu un contrat de concession de licence de marque. Le concessionnaire, qui avait été assigné par le concédant en résiliation pour inexécution, avait contesté la qualification du contrat en soutenant que celui-ci devait s analyser comme un contrat de franchise, dès lors qu un document d information précontractuelle et un savoirfaire spécifique lui avaient été communiqués et qu une zone d exclusivité et une assistance permanente lui avaient été attribuées. Rejetant sa demande, la Cour d appel de Bordeaux confirme la solution des premiers juges et rappelle que «le franchisage implique le bénéfice d un savoir-faire tout au long de l exécution du contrat [alors que] la concession de licence de la marque porte essentiellement sur le droit d exploiter cette marque.» Impossibilité de compensation entre la créance du propriétaire du fonds de commerce et les sommes perçues par le gérant de la société succursaliste exploitant ce fonds Cour de cassation, chambre sociale 17 novembre 2010, pourvoi n 09-65.081 Une société pétrolière avait confié l exploitation d un fonds de commerce de station service à une société. A la fin des relations contractuelles les gérants de la société exploitante avaient saisi la juridiction prud homale pour bénéficier des dispositions du Code du travail relatives aux gérants de succursales (L. 7321-1 et s. C. Trav.). La Cour de cassation approuve la cour d appel d avoir d une part estimé que ces dispositions étaient applicables, d autre part refusé de prononcer la compensation sollicitée par le propriétaire du fonds entre les rémunérations versées aux gérants par la société succursaliste exploitante et les sommes que ces derniers lui réclamaient en application du droit du travail, au motif que : «la compensation
Crédit à la consommation Décret n 2010-1461 du 30 novembre 2010 Décret n 2010-1462 du 30 novembre 2010 Arrêté du 30 novembre 2010 Deux décrets et un arrêté précisent les seuils et les pièces justificatives nécessaires à l application la loi du 1 er juillet 2010 relative à la réforme du crédit à la consommation. Immatriculation de l agent commercial Décret 2010-1310 du 2 novembre 2010 Un décret du 2 novembre 2010 dispense de l obligation d immatriculation les agents commerciaux domiciliés à l étranger qui ne disposent d aucun établissement en France et qui n y exercent leur activité que de façon temporaire et occasionnelle, et supprime l obligation pour l agent commercial de demander le renouvellement de son immatriculation initiale. implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties ; que les rémunérations perçues ( ) en tant que gérants de la société [succursaliste] leur ayant été versées par cette société et non par [la société propriétaire du fonds] laquelle n'est ainsi aucunement créancière des [gérants] à ce titre, la cour d'appel a exactement décidé qu'aucune compensation ne pouvait être opérée entre la créance des [gérants] sur la société [propriétaire du fonds] et les sommes perçues par eux de la société [succursaliste] ;». Transmission de la clause compromissoire dans les contrats translatifs de propriété Cour de cassation, première chambre civile, 17 novembre 2010, pourvoi n 09-12.442 Des appareils dont les pièces étaient fabriquées (fabricant initial) puis assemblées (fabricant intermédiaire) par deux sociétés italiennes avaient été revendus par un fournisseur français à un acheteur final français lequel, constatant des désordres dans leur fonctionnement, avait demandé réparation aux deux fabricants et à son fournisseur. Le contrat conclu entre les fabricants italiens stipulait une clause attributive de compétence à la juridiction italienne, tandis que le contrat conclu entre le fabricant intermédiaire italien et le fournisseur français stipulait une clause compromissoire. S agissant de la clause compromissoire, dont l application était demandée par le fabricant intermédiaire, la Cour de cassation approuve la cour d appel pour avoir accueilli la demande au motif que «dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon automatique en tant qu accessoire du droit d action lui-même accessoire du droit substantiel transmis, sans incidence du caractère homogène ou hétérogène de cette chaîne». S agissant de la clause attributive de compétence dont l application était demandée par le fabricant initial la Cour de cassation pose une question préjudicielle à la CJUE sur le point de savoir si et dans quelle conditions une telle clause convenue dans une chaîne communautaire de contrats produit ses effets à l égard du sousacquéreur. Compétence exclusive de la juridiction spécialisée lorsque sont invoqués expressément les articles L. 420-1 à L. 420-5 du C. com. Cour de cassation, chambre commerciale, 9 novembre 2010, pourvoi n 10-10937 Un hypermarché qui avait refusé que les préposés d un hypermarché concurrent relèvent les prix de ses produits offerts à la vente était assigné sur le fondement de l article 1382 du Code civil afin que lui soit ordonné sous astreinte de laisser pratiquer ces relevés. L assignation invoquait expressément l article L. 420-2 du Code de commerce et, dans leurs conclusions en réponse, les défendeurs s étaient fondés sur l article L. 420-1 du Code de commerce invoquant l existence d une entente sur les prix. Une cour d appel avait déclaré son incompétence et renvoyé l affaire devant le Tribunal de commerce de Rennes exclusivement compétent pour traiter des contentieux en matière de pratiques anticoncurrentielles. La Cour de cassation approuve la cour d appel au motif notamment que «si [la demanderesse] ne tend pas à faire juger que [la défenderesse] est l'auteur d'un abus de position dominante, mais seulement à obtenir que [celle-ci] lui permette de réaliser des relevés de prix dans [son] établissement commercial, il n'en demeure pas moins que l'assignation introductive d'instance invoque expressément l'article L. 420-2 du code de commerce ; ( ) que [le défendeur] soulevait une question relative à l article L. 420-1 du Code de commerce».
Indemnisation des ayants droits de l agent commercial Cour de cassation, 23 novembre 2010, pourvoi n 09-17167 La Cour de cassation décide que le suicide de l agent commercial n exclut pas le droit à indemnisation de ses ayants droits, dès lors que la loi prévoyant l indemnisation de l agent en cas de décès ne distingue pas selon sa cause. L interdiction de principe de la vente avec primes et des ventes liées n est pas conforme au droit européen des pratiques commerciales déloyales Cour de justice de l Union européenne, 9 novembre 2010, affaire C-540/08 Cour de cassation, première chambre civile, 15 novembre 2010, pourvoi n 09-11.161 La Cour de justice de l Union européenne sanctionne une législation autrichienne qui posait le principe d interdiction de toute vente avec prime. La Cour de cassation censure, quant à elle, une cour d appel qui avait condamné une pratique d offres conjointes en application de l article L. 122-1 du Code de la consommation sans «rechercher si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les prévisions des dispositions de la directive» n 2005/29/CE «qui doit être interprétée en ce sens qu elle s oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d espèce, interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur.» Le retard de paiement ne constitue pas une violation des règles en matière de délai de paiement Cour d appel de Nîmes, 28 octobre 2010, RG n 09/01394 Une société de transport sollicitait des dommages-intérêts pour non paiement de ses factures dans les trente jours conformément à l article L. 441-6 du Code de commerce. La Cour d appel de Nîmes rejette sa demande au motif que «le défaut de paiement dans ce délai constitue non pas une violation des dispositions de l article L. 441-6 du Code de commerce mais un retard de paiement sanctionné par l allocation d intérêts de retard au taux conventionnel ( ) ou des intérêts de retard au taux légal». Le refus d approvisionner le concessionnaire exclusif pendant le préavis de rupture n est pas fautif s il dispose d un stock suffisant jusqu au terme du contrat Cour de cassation, chambre commerciale, 9 novembre 2010, pourvoi n 09-15.889 Un concédant avait résilié moyennant un délai de préavis de trois mois le contrat qui le liait à un concessionnaire exclusif. Le concessionnaire l avait assigné en réparation, en soutenant qu en l empêchant de passer de nouvelles commandes pendant le délai de préavis, le concédant l avait privé de fait du bénéfice de ce préavis. La Cour de cassation censure, au visa des articles 1147 et 1184 du Code civil, les juges du fond pour avoir fait droit à cette demande sans rechercher si le concessionnaire «n avait pas pu, compte tenu des stocks dont [il] disposait, continuer à assurer la distribution exclusive des produits [du concédant] jusqu à la fin du mois de décembre 2001». État des QPC Conseil constitutionnel, 18 octobre 2010, n 2010-55 QPC Conseil constitutionnel, 3 décembre 2010, n 2010-74 QPC Cour de cassation, QPC, 15 octobre 2010, n 10-14.881 En matière de jeux de hasard, le Conseil constitutionnel prononce le 18 octobre 2010 la conformité à la Constitution de la loi du 12 juillet 1983 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mai 2010) qui maintient le principe de leur interdiction avec possibilité de dérogation. En matière de pratiques restrictives de concurrence, le Conseil constitutionnel prononce le 3 décembre 2010 la conformité à la Constitution des dispositions pénales relatives à la revente à perte issues de la loi Dutreil de 2005.
En matière de pratiques anticoncurrentielles, la Cour de cassation refuse de transmettre le 15 octobre 2010 une QPC relative à la constitutionnalité de la règle «de minimis» «conférant à l'autorité de la concurrence le pouvoir discrétionnaire de condamner les auteurs d'une entente, ou au contraire de les exonérer de toute responsabilité, bien que les infractions relevées soient d'une importance mineure, au regard des critères légaux édictés par la loi» au motif que la question ne présentait pas «de caractère sérieux». Retrouvez la lettre d information Distribution - Concurrence sur notre site www.fidal.fr F I D A L société d avocats Société d exercice libéral à forme anonyme à directoire et conseil de surveillance FIDAL 2010 Capital : 2 658 000 Euros RCS 775726433 Nanterre TVA Union Européenne FR 28 775 726 433 APE 6910 Z Siège social : 12, bd du Général Leclerc 92200 Neuilly-sur-Seine France Tél : 01 47 38 54 00 www.fidal.fr Barreau des Hauts-de-Seine