LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE



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Transcription:

1 LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE Autres sujets L évolution de l organisation du travail et ses liens avec la croissance économique. (ESSEC 2007) Unité et diversité du capitalisme. (ESSEC 2005) Le rôle de la concentration des entreprises dans le développement depuis le milieu du XIX e siècle? (HEC 2000) La concentration industrielle est-elle toujours un obstacle à la concurrence? (vous appuierez vos assertions sur des exemples tirés de l histoire économique depuis 1850) (ESCP 2006) La recherche de la grande dimension est-elle inéluctable pour l entreprise dans le système capitaliste? (ÉCRICOME 2000) Préserver la concurrence : un facteur de régulation essentiel du capitalisme? (ÉCRICOME 2004) La place des PME dans l économie des pays à économie de marché aujourd hui. (ESC 2008) SUJET N 1 EN PRENANT POUR EXEMPLE LES PAYS INDUSTRIELS, VOUS EXPLIQUEREZ COMMENT LE PROGRÈS TECHNIQUE AGIT SUR LA CROISSANCE. (ESSEC 2009) Introduction En 2000, les pays de l Union européenne ont lancé leur «stratégie de Lisbonne» : d ici à 2010, «faire de l Union européenne l économie la plus compétitive du monde et la plus dynamique du monde». L espoir du Conseil européen était de combler le retard accumulé par rapport aux États-Unis, en terme de croissance, de taux d emploi et de productivité. À mi-parcours, les résultats étaient médiocres

16 La dissertation d économie aux concours d entrée des écoles de commerce et l Union européenne restait encore à la traîne, la croissance américaine a été en moyenne supérieure d environ un point par rapport à celle de l Union européenne, et le taux de chômage y était inférieur. Nous sommes fin 2009 et O. Blanchard, l économiste en chef du FMI annonce clairement que «faute de relance et pour des raisons structurelles, la zone Euro a connu une récession plus grave que les États- Unis». D où vient le retard vis-à-vis des États-Unis, qui connaissent les niveaux les plus élevés de PIB par habitant mais aussi la productivité «structurelle» du travail? Une des clés de ce différentiel de croissance est le progrès technique, qui accroît la production, sans que varie la quantité des facteurs de production utilisée. Par quel mécanisme, l ensemble des innovations qui entraînent une transformation et un bouleversement des moyens et des méthodes de production, de l organisation du travail, des produits et des marchés, bref des structures de l économie, permet-il la croissance, augmentation soutenue du PIB? Si le progrès technique transforme durablement les conditions de l offre, il stimule également la demande, favorisant la croissance économique. I. L offre bouleversée par le progrès technique Si le progrès technique a incontestablement des effets bénéfiques sur la croissance, il peut, momentanément parfois durablement, la contrecarrer. Toutefois, il convient pour analyser ces effets de cerner au mieux le concept de progrès technique et les approches théoriques de celui-ci. A. Du progrès technique autonome au progrès technique «incorporé» Pour les néoclassiques, le progrès technique regroupe l ensemble des éléments qui permettent d augmenter la production à quantités de capital et de travail inchangées. Cette démarche conduit à définir un progrès technique autonome : dans la fonction de production macroéconomique, on introduit un troisième facteur, censé représenter le progrès technique ; après avoir calculé l augmentation du produit qui résulte de la croissance en volume et en qualité du capital et du travail, on attribue ce qui reste inexpliqué, le résidu, à l effet du progrès technique. Dans la plupart des études empiriques, le résidu atteint 50 % du taux de croissance Puis il a semblé plus réaliste de supposer un progrès technique incorporé ou en totalité aux facteurs de production. On peut ainsi faire l hypothèse que l investissement constitue l un des vecteurs du progrès technique et construire des modèles «à génération de capital» : le stock de capital est décomposé en générations successives d autant plus productives qu elles correspondent à des équipements plus jeunes ; ainsi une partie du ralentissement des gains de productivité observé pendant une crise économique peut être imputée au vieillissement du stock de capital. De la même façon, il existe

1. La croissance économique 17 un lien entre l éducation, la formation professionnelle et la productivité du facteur travail, mais ce lien est difficilement quantifiable. Malgré cette prise en compte du progrès technique incorporé, il subsiste toujours un «résidu du résidu», parfois présenté comme l effet du progrès général des connaissances. B. Le progrès technique au cœur des mécanismes de la croissance économique L introduction du progrès technique permet de diminuer les coûts de production, puisque l on peut produire une plus grande quantité de biens avec moins de facteurs de production. Ainsi, avec le même nombre de travailleurs et le même stock de capital, le PIB augmente. Les pays qui dépensent le plus pour la recherche et le développement sont ceux qui connaissent une forte progression de leur productivité. Au Japon, la productivité par personne occupée a augmenté en moyenne de 4 % par an entre 1970 et 2000, alors que ce pays occupe la première place pour l effort de recherche, alors que l on parle de décennie perdue pour celle des années 1990. Le Japon consacre au début des années 2000, plus de 3 % de son PIB à la dépense intérieure de recherche et de développement et sa croissance est de 2,5 % en moyenne annuelle de 2002 à 2005, juste derrière des États-Unis, cette moindre performance s explique par un taux d emploi un peu inférieur au Japon à celui des États-Unis. Les statistiques font apparaître des corrélations entre dépense de recherche et de développement et productivité. En revanche, il est vrai que le classement n est pas tout à fait identique entre les premières variables et la croissance sur certaines périodes (par exemple, sur la période 1980-2000, la croissance américaine est plus vive qu au Japon, qui investit pourtant plus dans la recherche aujourd hui que les États-Unis). Comme le souligne la théorie de la croissance endogène, l investissement dans la recherche permet de soutenir la croissance, mais le lien n est pas automatique : le taux d emploi peut être faible, ce qui limite la croissance potentielle. Le progrès technique dégage aussi des profits qui servent à financer l investissement, ce qui augmente les capacités de production de l économie. Côté offre, la productivité, en augmentant les profits, finance les investissements additionnels et par le jeu des économies d échelle, la hausse du PIB engendre elle-même une progression de la productivité. Le progrès technique introduit dans certains secteurs d équipement a un impact important pour l ensemble de l économie. Ainsi, les gains de productivité colossaux dans les NTIC ont permis une progression de la productivité pour l ensemble des secteurs utilisateurs. Le secteur de l informatique est entraînant pour l ensemble de l économie : ses progrès accroissent la productivité, soit par la baisse des coûts, soit par l ajout de nouvelles possibilités de production et de distribution des produits. Les États-Unis, premier producteur de matériels informatiques, bénéficient ainsi

18 La dissertation d économie aux concours d entrée des écoles de commerce d effets d entraînements, exploitant leur avance technologique. Selon l analyse de la croissance endogène, ils ont ainsi des rendements d échelle croissants. Pendant longtemps, ces performances sont passées inaperçues dans les indicateurs statistiques, ce que l on a appelé le paradoxe de Solow. Depuis quinze ans, le constat a changé et nous avons souligné les effets externes positifs et ceux-ci expliquent que les États-Unis constituent la référence en barrière technologique et, grâce aux effets d entraînements des secteurs innovateurs, confortent leur avance technologique. C. Des efforts positifs incertains Pour que le progrès technique se traduise par de la croissance économique, il faut qu il soit utilisé à l augmentation de la production. Or, les différences entre les États-Unis et l Union européenne s expliquent par l utilisation des gains de productivité en développement du temps libre et en partage du travail pour l Union européenne, alors que les États-Unis les utilisent pour développer leur production. Face à leur taux de chômage massif, les pays européens ont fait le choix de réduire l activité aux âges extrêmes, ou, comme en France ou en Allemagne, de diminuer le temps de travail. La part de l emploi dans l ensemble de la population est nettement plus faible qu aux États-Unis. Les pays européens ont donc ainsi réduit volontairement leur facteur de production travail pour limiter le chômage, au détriment de la croissance économique. Le progrès technique met également souvent à mal des pans entiers de l activité économique : l introduction d une nouvelle technique rend obsolètes certaines branches, qui doivent soit s adapter à la nouvelle donne technologique, soit fermer leurs portes. À court terme, les effets peuvent être dévastateurs, augmentant fortement le taux de chômage dans les secteurs concernés. Toutes les grandes innovations ont modifié les conditions de production ; l arrivée du chemin de fer a détruit toutes les liaisons par relais de poste, l introduction des automates informatiques a détruit de nombreux emplois aux guichets des banques, des postes, de la SNCF, etc. J. Schumpeter parle d une destruction créatrice : les innovations introduisent de nouveaux procédés, de nouveaux biens, qui s ajoutent aux anciens. Pendant leur développement et la diffusion totale de leurs effets, les innovations sont favorables à la croissance. Mais au-delà, le cycle économique se retourne avec l épuisement de la grappe d innovations et la réduction de la demande. La crise informatique de 2000, mettant fin à la «nouvelle économie» en est un exemple : le surinvestissement dans les NTIC a provoqué un retournement de tendance qui a gravement handicapé l ensemble de l économie. Pour Schumpeter, les cycles longs s expliquent par la discontinuité du progrès technique et lorsqu il y a destruction créatrice, la ruine d une partie de l appareil productif provoque la dépression. Au cours de cette phase d assainissement apparaissent les innovations

1. La croissance économique 19 qui seront la base de la période de croissance suivante. On se rapproche ainsi de l idée d un progrès technique induit : J. Hicks montre qu un changement dans le prix relatif des facteurs favorise les innovations qui économisent le facteur le plus coûteux ; selon la loi de Kaldor-Verdoorn, le rythme du progrès technique serait largement déterminé par le rythme de l accumulation du capital. Le progrès technique modifie considérablement les conditions de l offre : économisant les facteurs de production, il peut permettre la croissance à condition que les choix d utilisation des gains de productivité se portent sur la croissance et non sur la diminution du temps de travail, et que ses effets dévastateurs ne provoquent pas un retournement du cycle économique, largement dépendant de la demande. II. Des consommateurs sensibles au progrès technique La demande est fortement amplifiée par le progrès technique, la baisse des prix permettant une extension du marché, les innovations technologiques attirent de nouveaux consommateurs. A. Un effet prix positif Le progrès technique permet d accroître le salaire réel, par une augmentation directe des salaires ou par une diminution des prix des produits. Pour les biens dont l élasticité-prix de la consommation est forte, leurs ventes progressent. Ainsi en fut-il de la demande de biens électroménagers ou de voitures durant la période des Trente Glorieuses. Sur 100 foyers, 15 possédaient une automobile en 1950, contre 80 en 2000. M. Didier, dans son ouvrage Nouveau cycle et nouvelle croissance économique, nous donne ce qu il appelle les taux de pénétration des nouveaux produits depuis 1950 en France (les taux de pénétration, donnés en %, sont toujours calculés rapport au nombre de foyers et non sur la population) et dans une quantité importante de domaines, le phénomène est le même, une progression sans précédent de ces taux. En 1950, 5 % des foyers avaient la télévision contre 95 % en 2000. En 1970, 10 % avaient le téléphone contre 90 % en 1990. L introduction des méthodes tayloriennes et la production de masse permettant des économies d échelle ont réduit considérablement leur coût, favorisant des consommations importantes : on assiste à une extension du marché de ces produits. C est ce que l on a appelé la période fordiste. Il s agit d une stratégie de développement des entreprises qui visent à associer une production de masse à une politique de salaires plus élevés. L École de la régulation associe le fordisme au régime d accumulation intensive centré sur la consommation de masse et associé à une régulation monopoliste qui a prédominé dans les pays capitalistes durant les Trente Glorieuses. La baisse de prix a un effet comparable sur les consommateurs étrangers, ce qui renforce la

20 La dissertation d économie aux concours d entrée des écoles de commerce compétitivité prix des firmes qui introduisent le progrès technique et font qu elles gagnent en part de marché en interne à l étranger. La baisse des prix induite par les innovations dégage également du pouvoir d achat pour d autres productions, comme le souligne la loi de E. Engel : ainsi, quand la consommation est saturée pour certains biens, le progrès technique que connaissent ces produits permet aux ménages de diversifier leurs consommations. Ainsi, les gains de productivité dans l agriculture et l industrie, tout au long du XX e siècle, dégagent du pouvoir d achat qui ne se traduit que peu par une augmentation de la consommation alimentaire, mais les ménages utilisent leurs gains en pouvoir d achat pour consommer des biens industriels, dont le poids dans le budget diminue malgré tout, et surtout des services. (Rappelons que les dépenses de biens alimentaires qui faisaient 50 % des dépenses du français moyen en 1950, sont d environ 15 % en 2000.) Le déversement sectoriel, évoqué ici et développé par J. Fourastié et A. Sauvy, a reçu au moins deux grandes explications : une par la croissance économique et l élévation du niveau de vie : le déversement sectoriel correspond à l évolution de la demande finale sous l effet de l augmentation des revenus. Le consommateur déplace sa demande de produits primaires vers les produits industriels puis vers les services. L autre par le progrès technique : les gains de productivité sont en moyenne plus trois fois plus élevés dans l industrie que dans les services. La baisse du prix relatif des biens industriels qui en résulte élève le pouvoir d acheter des services. B. Nouveaux biens, nouvelles consommations Le progrès technique ne cesse de renouveler les besoins des consommateurs dans les pays développés : la diffusion de la voiture a permis le déplacement de zones commerciales à l écart des centres villes, l éloignement du lieu de travail du domicile ; mais ces implantations exigent aujourd hui de posséder plusieurs voitures par ménage. La téléphonie mobile incite à la possession individualisée d un téléphone ; alors que le téléphone fixe est le plus souvent unique dans les logements, les statistiques sont d ailleurs présentées par personne depuis les années 1990, nous dit M. Didier, directeur de l INSEE, pour les nouveaux biens, la téléphonie mobile, l ordinateur et l Internet. Ces nouveaux besoins, créés par les innovations, augmentent considérablement la demande. Combien de ménages aux multiples radios, téléviseurs, aux dizaines de CD, de DVD, équipés d appareils divers? Certes, le progrès technique n est pas le seul facteur explicatif : K. Galbraith, dans Le Nouvel État industriel, en 1963, propose une vision qui se veut aux antipodes de la représentation traditionnelle véhiculée dans les manuels. Il soutient que l économie contemporaine est dominée par les grandes organisations, au premier rang desquelles les FMN qui, loin de soumettre aux desiderata des consommateurs à

1. La croissance économique 21 travers la concurrence sur les marchés, manipulent ces mêmes consommateurs afin qu ils achètent ce qu ils souhaitent vendre (c est la thèse de la filière inversée contre celle de la souveraineté du consommateur défendue par P. Samuelson). Néanmoins, chaque nouvelle innovation se traduit par un équipement massif de la population : les fêtes de fin d année ont été l occasion d acheter des lecteurs de DVD, des IPhones, des appareils photo numériques, de nouveaux portables Le même phénomène existe pour les services. L Internet, la téléphonie mobile ou la TNT développent la consommation de services de télécommunications. La consommation en volume, en France, a progressé de 35 % entre 2002 et 2007. Le progrès médical encourage à l augmentation de la consommation d examens, comme les scanners, l IRM (l imagerie par résonance magnétique), la coloscopie, techniques médicales actuelles. Certes les inégalités existent et se creusent dangereusement, mais la consommation de masse est le quotidien de tous les pays développés, le soutien de la croissance économique. Encore en 2007 et 2008, en France, on sait que c est la consommation finale des ménages (mesurée par la comptabilité nationale) qui a représenté le premier facteur de croissance. C est d ailleurs sa chute qui explique en partie la récession sévère de 2009. Conclusion Le progrès technique est à l origine de la moitié de la formidable croissance des Trente Glorieuses, il demeure aujourd hui encore un facteur décisif. Certes les théories ont évolué. Dans les modèles traditionnels, notamment celui de Solow (en 1956), la croissance économique dépend de deux facteurs : la croissance démographique et le progrès technique. Or, ces deux facteurs ne sont pas expliqués par ces modèles car ils sont introduits comme des facteurs exogènes (ainsi le progrès technique apparaît-il comme une manne qui tombe du ciel). Dans les modèles de croissance endogène, la productivité globale des facteurs résulte de l accumulation de différentes formes de capital qui génèrent des externalités. Le capital technologique qui a les caractéristiques d un bien public, au sens où les connaissances, une fois produites, sont disponibles pour tous, occupe une place de choix. Toutefois, son effet sur la croissance est parfois réduit par un partage de la valeur ajoutée trop favorable à l offre ou à la diminution du temps de travail. Que manque-t-il alors à l Union européenne pour atteindre les mêmes performances que les États-Unis? doit-elle d ailleurs faire le choix d une production à outrance, sans prise en compte de l environnement, ou doit-elle préférer une qualité de vie supérieure, où le temps libre tient une place importante?

22 La dissertation d économie aux concours d entrée des écoles de commerce SUJET N 2 PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL ET CROISSANCE DEPUIS LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE (INÉDIT) Introduction Entre 1870 et 1992, selon l historien américain Angus Maddison L Économie mondiale, 1995, la productivité horaire d un japonais aurait été multipliée par quarante, expliquant ainsi le rattrapage opéré par l économie nippone au cours de cette période. La productivité cherche à évaluer l efficacité des facteurs de production par le rapport entre la quantité de biens produits et la quantité de facteurs utilisés. Sans rappeler les réserves d usage quant aux problèmes de mesure, la productivité du travail c est la quantité de valeur ajoutée produite en moyenne par une heure de travail ou par un travailleur. Son augmentation rapide est sans nul doute l origine de la grande rupture de la révolution industrielle qui consacre le passage d une économie de subsistance à une économie en croissance, ce qui selon les évaluations de Maddison signifie le passage d un taux de croissance annuel moyen de 0,2 % avant 1820 à un taux de 1,2 % ensuite. Pourtant, plus de deux siècles plus tard, la croissance productiviste semble à bout de souffle en raison de la rupture de progrès technique qu ont représenté les années soixante-dix, et des conséquences d une croissance énergivore. S interroger sur les liens entre productivité et la croissance, c est donc expliquer quels sont les mécanismes en œuvre, et à quelles conditions ils permettent une «bonne croissance». Un accroissement de productivité est-il dans tous les cas le moyen de dépasser les limites de la croissance? Nous verrons tout d abord qu il n y a pas de croissance sans productivité du travail, et ensuite, les conditions qui expliquent pourquoi la croissance ne se décrète pas. I. La productivité du travail est facteur de croissance A. Définitions et évolution Le changement de rythme de progression de la productivité du travail à la fin du XVIII e siècle est la cause du passage d une croissance extensive, c est-à-dire une croissance qui fait augmenter la production au même rythme que la quantité de facteurs de production, à une croissance intensive, lorsque les quantités produites augmentent plus vite que la quantité de facteurs de production utilisés. On mesure deux types de productivité du travail : la productivité par tête par le rapport entre la valeur ajoutée et le nombre de personnes qui ont contribué à