«Handicap et Emploi : Quelle est l utilité de la discrimination positive?» Café débat - mercredi 10 octobre 2012 à 20h - la Chaouée L intitulé de la rencontre appelle à une définition des termes. Les échanges ont permis de dégager plusieurs niveaux de lecture de l existant et d appréhension des actions à mettre en place. Ce document entreprend de présenter la substance des échanges, repris en sous-parties : Des approches pour une définition du cadre Des lois, outils du changement structurel Les freins et limites de l application de la loi Rééquilibrer les relations dans la cité, le rôle de la société civile Comment agir? Des approches pour une définition du cadre «Quelle est l utilité?» ou «La limite» de la discrimination positive pour l accès à l emploi des personnes en situation de handicap. D ailleurs «discrimination» ou «compensation»? L audience est partagée sur le fait d associer les deux termes «discrimination» et «positive». La discrimination est qualifiée par la loi. En France, l'article 225-1 du Code pénal définit une liste de critères qui entrent dans la constitution d'une discrimination : «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.» La discrimination positive n est pas qualifiée par la loi. De plus, elle efface la compétence des personnes au profit d une situation de fait. On peut préférer «discrimination qui devient positive». Des pistes d explication sont proposées : - Favoriser une catégorie de personnes - Donner un accès prioritaires à des personnes pour lesquelles on a constaté une privation. On répare un déséquilibre pour rétablir une égalité. Des lois, outils du changement structurel Constat : le taux de chômage pour les personnes en situation de handicap est trois fois plus élevé que pour les autres personnes. Une discrimination par rapport à l accès au marché du travail que la volonté politique tente de supprimer en inversant les choses et en forçant les changements. A posteriori, pour réparer, faire avancer les choses, comme ça a été le cas pour d autres populations rétablies dans leurs droits (les femmes, les «ethnies» )
La loi de 1997 instaure des quotas d embauche de personnes handicapées. Dans ce cas on cherche à rétablir les chances grâce un certain nombre d avantages. Mais on constate une catégorisation et une stigmatisation de la personne au statut de travailleur handicapé. Les quotas en question : Il est à espérer que d ici 50 ans on aura plus à obliger les entreprises à embaucher des personnes handicapées, que l équilibre se fera naturellement par un changement de mentalités, que l on reconnaîtra les compétences et qualités de toute personne, sans considération de sa validité complète ou partielle. Et que seront apportés des aménagements nécessaires le cas échéant. Ces lois et quotas contraignants sont le seul moyen pour l Etat d initier des changements structurels. Les changements de fond restent à faire. La loi de 1975 amène la notion de discrimination positive, en privilégiant un type de public par le droit. C est une mesure de réparation. La loi de 2005 entend mettre en place une égalité des droits, des chances et de participation pour tous. Deux volets : - accessibilité : pour mettre en place une cité accessible à tous - compensation : aides graduelles en fonction du degré de handicap (et là on est dans la discrimination positive et la stigmatisation) Cette loi met en évidence la «situation de handicap», qui inclut que chacun puisse s y trouver un jour, même provisoirement. Question de la volonté politique : Peut-on aller plus loin que la loi de 2005? La priorité est déjà d appliquer ce qui est acté. Les freins et limites de l application de la loi Les quotas ne concernent que les entreprises de plus de 20 employés, et peuvent être détournés en payant des amendes (les amendes sont des contributions à l AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l'insertion Professionnelle des Personnes Handicapées). Certaines entreprises préfèrent payer plutôt que de se lancer dans des aménagements pour accueillir des personnes compétentes mais qui rencontrent des obstacles du fait d un handicap. La loi a des intentions, mais pour quel impact? De plus, le service public n est concerné que depuis quelques années. Mais quels sont ces freins? Mauvaise volonté : Entreprises récalcitrantes qui voient une incompatibilité entre emploi et handicap, assez peu nombreuses finalement. Aménager un poste de travail : - Le coût pour l aménagement d un poste de travail pour une personne en situation de handicap, qui pose la question de la responsabilité sociale de l entreprise à l embauche et des priorités, notamment esthétiques ou patrimoniales. Accessibilité contre esthétisme. - Le chantier de l accessibilité de tout à tous étant mis de côté depuis longtemps, il apparaît trop lourd à mettre en oeuvre aujourd hui. - Les aménagements peuvent amener à une segmentation des publics (ex : WC pour les hommes, pour les femmes, pour les personnes handicapées). Contre la catégorisation des personnes, on ferait mieux de considérer que chacun peut avoir besoin de plus de places. Mais quels sont les moyens que l on y consacre?
Manque de formation : Lacunes en terme de formation pour certaines personnes. Trouver un emploi nécessite formation et éducation ainsi qu une préparation au monde extérieur non protégé. Ces points sont souvent absents du parcours d une personne handicapée qui a connu le cocon d établissements spécialisés. Mais la question de la formation rejoint le milieu ordinaire : sans formation ni préparation au marché du travail, une personne s en trouve vite rejetée. Quelques modes de prise en charge chez nos voisins : La différence de prise en charge des personnes entre les pays vient notamment des différences culturelles. On retrouve dans certains pays des prises en charge dans le cadre de solidarités familiales, entre des personnes qui veulent faire société ensemble et qui s entraident naturellement. L Etat n a donc pas de rôle majeur à jouer (ex en Inde). Aux Etats-Unis, ce sont les associations d anciens combattants qui ont beaucoup fait avancer la question de la représentation et de l intégration dans la société des personnes handicapées. Au niveau européen, la France et ses quotas sont isolés. Les taux d embauche sont pourtant à peu près équivalents pour les Etats. Pays du Nord : Il existe de vraies politiques d intégration des personnes handicapées dans la société. Elles sont dans la cité et les aidants sont valorisés (ex contradictoire : les AVS (auxiliaires de vie scolaire) en France, employés précaires et peu formés, sans moyens suffisants d accompagnement) Pays anglo-saxons : L aspect social est peu présent mais l égalité des droits est une réalité. Tout est intégré dans les mœurs (ex de la découverte et de la visibilité des transports en commun parfaitement adaptés lors des J-O paralympiques à Londres en août 2012) En Allemagne, l insertion s est développée au sein même des entreprises, par le biais d ateliers adaptés : des enclaves. Pays latins : Appui sur la cellule familiale. L Etat abandonne le rôle de médiateur et d incitateur à l équilibre. Les 20% de travailleurs handicapés par entreprise de plus de 20 employés représentent un quota, un outil de prise de conscience, mais pour certains déjà un début de victoire. La vraie victoire arrivera avec les aménagements dans tous les aspects de la vie des personnes en situation de handicap. Le grand chantier est de faire avancer les esprits. Rééquilibrer les relations dans la cité, le rôle de la société civile Face aux insuffisances des lois et de leur application, les associations sont toujours venu «en complément de». Elles sont même souvent subventionnées par l Etat pour agir. Les rôles sont ainsi distribués pour créer un équilibre dans la société. La loi de 2005 a d ailleurs été engendrée par un gros travail préparatoire de la part des associations de personnes handicapées, ce qui a permis de mieux faire coïncider la loi avec les besoins des personnes et d encourager leur participation. Le lobbying apparaît alors comme levier pour faire avancer les choses et faire valoir la volonté des personnes. Qu en est-il de ce lobbying associatif pour veiller à l application des décrets? Serait-il finalement impuissant face aux intérêts des entreprises ou aux priorités financières, techniques etc.? Cette écoute des initiatives et propositions ne devraient-elles pas dépasser l objectif législatif?
La question de la représentation des personnes handicapées se pose, bien au-delà de la problématique de l insertion professionnelle. Elle est présente dans les esprits, et véhiculée par toutes sortes de supports, y compris des noms d associations et de structures. Ainsi l APF (Association des Paralysés de France) porte un nom qui gène même ses usagers. Question de représentation, mais pas d efficacité d action : l APF aide à améliorer la vie des usagers, notamment via l insertion professionnelle dans des ESAT (Établissement ou service d'aide par le travail), qui sous-traitent des tâches pour d autres entreprises. L emploi est donc assuré et adapté. Un foyer se situe à proximité du lieu de travail. Le terme «foyer» gagnerait à être remplacé par «résidence», mais il s y développe néanmoins une certaine vie sociale. On peut regretter que les foyers amènent à une vie en communauté - un groupe de gens rassemblés autour d un problème commun - plutôt qu à une vie en société, au milieu de tous et ensemble. Il semblerait que la loi de 2005 fasse progressivement bouger les choses en rendant la société accessible. Comment agir? Tant que toutes les composantes de la société ne sont pas sensibilisées, les contraintes (quotas, lois etc.) sont utiles pour amener les acteurs professionnels à jouer le jeu, et à comprendre. L emploi n étant qu un maillon du parcours plein d obstacles que connaît une personne en situation de handicap (déplacement, accès aux lieux et aux événements etc. ), les efforts à faire par la société pour s adapter et permettre un accès de tout à tous se retrouvent partout. - Eduquer chacun dès le plus jeune âge pour se préparer autres à la rencontre et briser les cocons respectifs. Pour corriger notre absence du «sens de l Autre». - Attribuer des cartes pour déficiences temporaires. L utilisation de la carte et des dispositifs (places de stationnements, accès etc.) constituerait une bonne prise de conscience pour un public étendu. - Mieux former les éducateurs et les animateurs - Le militantisme associatif plus fort que les moyens financiers à débloquer et justifier. Chacun devrait accompagner une personne au mieux vivre ensemble. L occasion de rencontrer et discuter avec une personne handicapée convertit naturellement au militantisme de la cause. - Ne pas rester dans le discours : il faut participer à des activités avec des personnes handicapées. Vivre des moments forts avec elles change forcément le regard et fait porter la chose par soi-même. Stop au discours convenu, ça ne suffit pas. Et d ailleurs : Appel lancé par Patrice : Qui serait partant pour discuter philo et monde avec lui tout en l accompagnant dans ses déplacements? Pour le contacter, appeler l APF de Metz.
Synthèse «Handicap et Emploi : Quelle est l utilité de la discrimination positive?» La contrainte légale qui favorise l embauche de personnes en situation de handicap incite les professionnels à faire évoluer leurs pratiques, en béquille à un fonctionnement naturel déséquilibré. Mais face aux limites des textes et de leur application, nécessaires mais insuffisants, il apparaît essentiel que la société civile, particuliers et structures associatives, anticipe et prenne en main le volet éducatif qui portera le changement de fond concernant les esprits et l adaptation de la société aux personnes en situation de handicap. Prochaines rencontres citoyennes à la Chaouée : OCTOBRE 2012 Mer 17 Café pédagogique "Acquisition de connaissances ou épanouissement de compétences?" à 20h Mer 24 Rencontre-débat des voisins et du quartier à 20h Mer 31 Café débat Mentalisme, esprits, vie extra terrestre, comment y voir clair? Pourquoi sommes nous toujours aussi sceptiques? à 20h NOVEMBRE 2012 Mer 07/14 Café Citoyen «Quelle Europe demain?» dans le cadre de la Semaine des cafés citoyens en France à 20h Mer 07/14 Café pédagogique «..» à 20h Mer 21 Café débat «Droit de la famille et des enfants» à 20h Mer 28 Café débat "La crise de la culture?" avec l association Pourquoi à 20h