AVERTISSEMENT. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction encourt une poursuite pénale. LIENS

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UNIVERSITE DE NICE-SOPHIA-ANTIPOLIS FACULTE DE MEDECINE ECOLE D ORTHOPHONIE MEMOIRE PRESENTE POUR L OBTENTION DU CERTIFICAT DE CAPACITE D ORTHOPHONISTE THERAPIE FACILITEE PAR L ANIMAL ET MALADIE D ALZHEIMER : QUELS BENEFICES POUR LA COMMUNICATION? LESLIE CHARBONNIER Née le 30 septembre 1987 à Bourgoin-Jallieu Directeur : C. BAUDU Neuropsychologue Co-Directrice : E. SALTARIN Psychologue NICE 2010

A Claude Baudu Pour votre disponibilité et votre soutien. Vous avez su me guider et m aider tout au long de cette expérience. Vous avez montré un réel intérêt pour mon travail et votre enthousiasme m a permis de croire encore un peu plus au bien fondé de cette démarche. Travailler avec vous fut un réel plaisir. A Elisa Saltarin Pour ton aide précieuse sans laquelle ce mémoire n aurait pas pu voir le jour. Merci d avoir tout mis en œuvre et à ma disposition pour que je puisse mettre en place cette expérience. Pour ta foi en ce type de démarche, ton envie de continuer à la faire découvrir, ton expérience dans ce domaine, ton amour des animaux et des personnes. Pour ton implication et ton amitié. A Valerio Parce que rien n aurait été possible sans lui. Pour son enthousiasme à toute épreuve, son dynamisme et sa générosité. Pour être un chien, tout simplement. Aux patients qui ont participé à cette expérience, à leur joie, aux moments partagés, à leur générosité.

A tous les autres qui m ont aidée et soutenue pendant cette année. A ma correctrice et reformulatrice préférée, à ma dessinatrice attitrée, à mes amies de cette promo d orthophonie qui ont fait de mes quatre ans d étude une aventure inoubliable, drôle et riche en très bon souvenirs. Et à Raul!

Thérapie facilitée par l animal et maladie d Alzheimer : quels bénéfices pour la communication? Introduction 2 Partie théorique 4 I) La maladie d Alzheimer 5 A) Eclairages historiques, épidémiologiques et neurologiques 5 B) Les différents troubles rencontrés dans la DTA 6 1) Les troubles mnésiques 6 2) Les troubles des fonctions exécutives 12 3) Les troubles du langage et de la communication 13 4) Les troubles du comportement et de l humeur 14 II) Apathie et communication 16 A) L apathie 16 1) Définition générale 16 2) Le concept apathique de Marin 16 B) La communication 18 1) Définition générale 18 2) La théorie de la communication de l école de Palo Alto 19

C) L apathie dans la maladie d Alzheimer 20 1) Apathie et troubles du comportement 20 2) Apathie et communication 20 3) Apathie : un symptôme prodromique 21 D) Impact de l apathie dans la maladie d Alzheimer 22 1) Sur le patient 22 2) Sur l entourage 23 3) Sur les relations 24 E) Intérêt de la prise en charge de l apathie 25 F) Prise en charge orthophonique de l apathie dans la maladie d Alzheimer 27 1) L analyse fonctionnelle 27 2) Le processus de résolution des problèmes 28 3) Le processus des cinq R 29 G) Prise en charge orthophonique de la communication dans la maladie d Alzheimer 30 1) La thérapie comportementale 30 2) La thérapie cognitive 31 3) La thérapie éco-systémique 32 III) La Thérapie Facilitée par l Animal 34 A) Historique 34 1) L animal à travers les âges 34 2) Les premières expériences de thérapie facilitée par l animal 35 B) Définitions et fondements théoriques 37 1) Définition de la Thérapie Facilitée par l Animal 37 2) Fondements théoriques 38 3) Triangulation et médiation 40

C) Pré-requis et contre indications 42 D) Les différents modes de communication entre l Homme et l animal et leurs intérêts 43 1) La communication visuelle 44 2) La communication olfactive 44 3) La communication tactile 45 4) La communication auditive 45 E) La Thérapie Facilitée par l Animal auprès des personnes âgées 45 1) Les effets physiologiques (chez l Homme en général) 46 2) Les effets psychologiques 49 3) Les effets sur les interactions sociales et la communication 51 F) La Thérapie Facilitée par l Animal auprès des malades d Alzheimer 54 1) Les études 54 2) Hypothèses 55 PARTIE PRATIQUE 58 I) Présentation de l expérience 59 A) Objectifs de la démarche 59 B) Méthodologie 59

II) Résultats de l expérience 64 A) Les résultats quantitatifs globaux 66 B) Les résultats qualitatifs globaux 69 III) Discussion 75 A) Support d intervention et intervention 75 B) Chien de TFA vs chien de compagnie ou résident 76 C) Risques potentiels liés à l introduction d un animal en institution 77 D) Portes ouvertes par le mémoire 77 E) Hypothèses d explication des résultats 78 Conclusion 79 Bibliographie Annexes

1

INTRODUCTION «La Thérapie Facilitée par l Animal est une intervention dirigée dans laquelle un animal * + fait partie intégrante du processus de traitement». Cette définition de la Delta Society, éminent institut américain de zoothérapie, illustre à elle seule l idée directrice de ce mémoire. En effet, il apparait que la présence d un animal peut avoir des effets bénéfiques physiologiques mais aussi psychologiques et agir également sur les interactions sociales et la communication. L idée est donc d adapter la TFA à des prises en charge existantes, d apporter à ces prises en charge une médiation supplémentaire : l animal. Nous avons, ici, souhaité mesurer l impact que la présence animale pouvait avoir sur la communication et dans quelle mesure cette présence animale pourrait être une aide pour l orthophoniste. La maladie d Alzheimer a été reconnue problème de santé publique. Elle a fait récemment l objet d un «Plan Alzheimer» mis en place par le gouvernement français en 2008. La maladie d Alzheimer est une maladie dégénérative où tant les aspects physiologiques que psychologiques sont touchés. A ce jour, les traitements médicamenteux ont pour rôle de freiner l évolution du processus pathologique. Il semble important de compléter ces traitements médicamenteux des patients atteints de DTA (Démence Type Alzheimer) par des prises en charges non médicamenteuses qui ont pour objectifs d aider les patients à vivre au quotidien avec leur maladie et à maintenir le plus longtemps possible les capacités restantes. L enjeu de ce mémoire est d essayer de démontrer comment la Thérapie Facilitée par l Animal peut aider au maintien de la communication chez les patients atteints de la maladie d Alzheimer. Nous verrons comment la présence animale peut faciliter la communication chez ces patients. 2

Afin de définir au mieux notre démarche, nous suivrons un certain processus de réflexion dans notre partie théorique. Tout d abord, nous effectuerons un bref rappel de ce qu est la maladie d Alzheimer et des troubles qu elle engendre. Ensuite, nous traiterons de l apathie et de la communication : en général, au sein de la maladie d Alzheimer, et dans le cadre d une prise en charge orthophonique de cette maladie. Nous avons choisi de traiter ces deux notions simultanément car l apathie, trouble majeur de la maladie d'alzheimer, place le patient en retrait par rapport au monde et a donc des effets négatifs sur la communication. Enfin, nous aborderons la Thérapie Facilitée par l Animal, tant dans ses aspects théoriques que dans sa pratique auprès des personnes âgées et/ ou atteintes de la maladie d Alzheimer. Dans notre partie pratique, nous développerons les principes que nous avons retenus de nos réflexions théoriques en proposant deux séances pour chacun des huit patients où nous mesurerons l impact de la présence du chien sur le temps de communication, d interaction. Nous présenterons les résultats globaux à la fois quantitativement et qualitativement. A noter que les descriptions des séances par patient seront présentées en annexes. Enfin, nous discuterons les résultats de notre expérience en essayant de définir les grands principes pour ce type de prise en charge. Nous envisagerons, aussi, des pistes pour des recherches futures. 3

PARTIE THEORIQUE 4

I) La maladie d Alzheimer A) Eclairages historiques, épidémiologiques et neurologiques Le terme «maladie d Alzheimer» vient du nom d un médecin allemand Alois Alzheimer (1864-1915) qui décrit pour la première fois en 1906 le cas d une patiente âgée de 51 ans présentant une démence caractérisée par des manifestations délirantes, des troubles du langage et des lésions neuropathologiques caractéristiques. A partir de cette époque, la maladie d Alzheimer a été considérée comme une maladie dégénérative, présénile, survenant avant 65 ans détériorant progressivement les fonctions cognitives et instrumentales des patients et s accompagnant de lésions cérébrales spécifiques. Quelques décennies plus tard, on s est rendu compte que des patients plus âgés, présentaient des lésions cérébrales et des déficits similaires à ceux de la maladie d Alzheimer. Dès lors, la plupart des auteurs ont regroupé toutes ces démences, préséniles et séniles, sous le nom de démence de type Alzheimer (DTA). Enfin, plus récemment, certains experts rejettent cette terminologie de démence type Alzheimer, préfèrent parler simplement de maladie d Alzheimer, soulignant le développement de la maladie en trois phases, préclinique d abord, prodromale ensuite, démentielle enfin. Des analyses faites à partir de huit études européennes permettent de donner un taux d incidence moyen augmentant fortement avec l âge, passant de 2/1000 personnes/année entre 65 et 69 ans à 70/1000 personnes/année après 90ans. On note une nette prévalence féminine dans la DTA. Selon une étude de 1998 chez des patients de moins de 60 ans, la prévalence de la forme précoce de la maladie d Alzheimer serait de 0,041% avec 24 cas familiaux parmi les 39 cas recensés pour cette étude. Au niveau neuropathologique, les lésions des DTA se caractérisent par deux lésions corticales principales : - Les dégénérescences neuro-fibrillaires sont constituées de protéine TAU hyperphosphorylées qui s accumulent dans les neurones pour lesquels elles sont toxiques. 5

- Les plaques séniles (beaucoup plus nombreuses que chez le sujet sain) qui sont des dépôts de substance amyloïde entourés de fragments cellulaires. D autres lésions peuvent être observées comme une dégénérescence granulo-vacuolaire affectant surtout les cellules pyramidales de l hippocampe, une atrophie du cortex, ainsi que la destruction à la base du cerveau du noyau de Meynert sécrétant l acétylcholine. Il est important de mettre en avant le fait que l augmentation du nombre de patients atteints par cette maladie pose et posera un problème de santé publique important ainsi que des problèmes économiques et d infrastructures adaptées pas assez nombreuses à ce jour compte tenu de la démographie vieillissante. B) Les différents troubles rencontrés dans la DTA On note chez les patients atteints de DTA, l apparition de déficits cognitifs multiples tels que des troubles mnésiques, aphasiques, praxiques, gnosiques et des fonctions exécutives. Ces différents troubles vont être à l origine d un dysfonctionnement dans la vie sociale et/ou professionnelle du patient (cf critères du DSM IV en annexe 1). 1) Les troubles mnésiques Maladie d Alzheimer et mémoire épisodique La mémoire épisodique est un système à capacité illimitée destiné au stockage d informations autobiographiques. Le symptôme majeur est la difficulté à se souvenir des évènements récents alors que les plus anciens sont longtemps préservés. On note aussi des erreurs d intrusion qui sont la production non intentionnelle d une réponse inappropriée dans une tâche de mémoire. Ces erreurs sont souvent dues à un effet d interférence avec des informations apprises ou vécues précédemment. 6

Différentes hypothèses ont été émises pour expliquer les troubles de la mémoire épisodique dans la maladie d Alzheimer. L hypothèse d un trouble de l encodage HJ Weingartner et Al (cité par 29b) observent que chez les sujets âgés normaux il est plus facile de retenir des mots liés sémantiquement alors que pour les patients Alzheimer, que les mots soient ou non liés sémantiquement n avait pas d importance. Cela suppose que les malades d Alzheimer sont incapables de tirer profit des caractéristiques des stimuli qui sont normalement utilisés pour l encodage. Ceci pourrait être lié à un trouble de l accès aux informations sémantiques. Diverses études ont de plus montré que l indiçage n améliorait pas les performances des malades d Alzheimer ce qui pourrait évoquer selon certaines études un trouble de la récupération des informations. L hypothèse d un trouble de stockage Explorer l hypothèse d un trouble de stockage c est calculer le taux d oubli de l information en fonction du délai entre l encodage et la récupération. Différentes études montrent en rappel différé un taux d oubli anormalement rapide chez les sujets Alzheimer durant les cinq premières minutes suivant la présentation du matériel. A noter que les études tendent à montrer que la reconnaissance est moins touchée que le rappel libre (29b). Maladie d Alzheimer et mémoire de travail La mémoire de travail est un système à capacité limitée destiné au maintien temporaire et à la manipulation d informations pendant la réalisation de tâches cognitives. Trois composantes sont nécessaires à son fonctionnement : - L administrateur central qui permet de procéder à des opérations sur une petite quantité d information et de maintenir une attention suffisante. - La boucle phonologique permet le stockage temporaire d informations verbales. - Le registre visuo-spatial permet le stockage temporaire des informations visuelles et/ou spatiales. 7

Différentes études ont montré une atteinte de la mémoire de travail dans la maladie d Alzheimer et notamment une baisse de l empan mnésique. Il apparait d après Mattis (cité par 29a) que la taille de l empan est liée à la sévérité de la démence. On a aussi pu démontrer une baisse de l effet de récence qui consiste à mieux retenir les mots donnés en dernier. Cependant cette diminution de l effet de récence n a pas été retrouvée dans toutes les études, certaines comme celle d EP Pepin et PJ Eslinger (cité par 29a) rapportent une baisse de l effet de récence uniquement chez les patients sévèrement atteints. La boucle phonologique Elle est testée en faisant appel aux effets de similitude phonologique, de longueur du mot et de suppression articulatoire. R Morris (cité par 29a) a comparé les performances d empans pour des séries de mots soit similaires, soit dissimilaires d un point de vue phonologique. Il en est résulté que la performance d empan chez les malades d Alzheimer était diminuée mais que l effet de similitude phonologique était lui normal. Ces conclusions ont été les mêmes pour l effet de longueur du mot : un effet normal mais un empan diminué. Ces données suggèrent que le système de stockage phonologique et le mécanisme de récapitulation articulatoire ne sont pas affectés dans la maladie d Alzheimer. R Morris (cité par 29a) nous montre aussi qu avec une technique de suppression articulatoire (tâche distractive empêchant le processus de récapitulation articulatoire), la baisse de performance est de même amplitude chez un groupe de sujets Alzheimer et un groupe témoin. Toutes ces études attestent donc de l intégrité de la boucle phonologique dans la maladie d Alzheimer. R Morris puis A Baddeley ont donc attribué l existence d un empan déficitaire à un dysfonctionnement de l administrateur central (29a). Cependant, d autres études semblent indiquer l existence d un déficit de la boucle phonologique. F Colette, M Van Der Linden, S Bechet et E Salmon (29a) ont donc entrepris une étude chez les malades d Alzheimer pour évaluer les différentes composantes de la mémoire de travail et tenter de déterminer si les tâches d empans sont influencées par un déficit de l administrateur central. Ils ont pu constater une baisse de l effet de similarité phonologique et de longueur, une diminution de la contribution de la mémoire à long terme (une différence moins importante a été constatée entre un 8

empan de mots et de logatomes entre les patients Alzheimer et le groupe témoin), une perturbation des performances à l épreuve de l Alpha Scan qui compare le rappel dans l ordre de stockage et le rappel par ordre alphabétique ce qui implique stockage et manipulation des informations. Cependant, il a été rapporté que seuls les patients ayant un empan verbal bas présentaient un déficit de la boucle phonologique avec diminution de l effet de similarité phonologique et de longueur (29a). Il est donc probable que les patients Alzheimer présentent de façon précoce des déficits au niveau de l administrateur central alors que les processus de traitement plus automatiques comme la boucle phonologique sont atteints plus tardivement. Le registre visuo-spatial Les données concernant ce domaine sont plus limitées. Ergis note une baisse des capacités d empan visuo spatial dans la maladie d Alzheimer (cité par 29a). Cependant, il est difficile d affirmer si ces déficits proviennent d un trouble spécifique du calepin visuo-spatial et /ou s ils sont secondaires à un dysfonctionnement de l administrateur central. De plus, Simone et Baylis ont montré que les capacités attentionnelles entrent en jeu dans le bon fonctionnement de ce registre (cité par 29a). L administrateur central Les études ont mis en évidence des performances faibles dans les situations de doubles tâches qui constituent une des fonctions essentielles de l administrateur central (29a). A noter, que les perturbations dans la gestion des doubles tâches s étendent à des tâches aussi automatiques que marcher et parler en même temps ce qui peut donc augmenter le risque de chutes quand les patients sont amenés à faire ces deux choses à la fois. F Collette et M Van Der Linden (29a) citent différentes études qui montrent que les troubles de l administrateur central sont présents chez la grande majorité des patients et dès les tous premiers stades de la maladie. 9

Maladie d Alzheimer et mémoire sémantique La mémoire sémantique est un système à capacité illimitée destiné au stockage des informations qui vont former l ensemble des connaissances du sujet : langage, faits historiques et culturels C est la mémoire des mots, des concepts, des idées. La mémoire sémantique est d abord atteinte dans ses connaissances spécifiques avant de toucher le général. L incapacité à dénommer des objets familiers est présente dès le début de la maladie et les patients ont des résultats déficitaires dans les tests de fluences verbales. La plupart du temps, on note un déficit spécifique des catégories naturelles alors que les catégories manufacturées restent préservées, du moins, sont touchées plus légèrement (attention cependant, tous les patients ne présentent pas cette asymétrie). Des agnosies peuvent être décelées chez les patients Alzheimer. Ces troubles peuvent être rapprochés d un trouble de la mémoire sémantique puisqu ils entraînent une non reconnaissance des constituants du monde environnant (objet, bruits ) pourtant appris et stockés précédemment dans la mémoire sémantique du patient. En effet, l agnosie est un «trouble de la reconnaissance qui ne peut être attribué ni à un trouble sensoriel ou attentionnel, ni à des difficultés de dénomination dues à une aphasie» (30). La prosopagnosie (incapacité à reconnaitre les visages familiers) est assez fréquente. Des agnosies auditives ou tactiles peuvent aussi être rencontrées. Le patient se retrouve alors plongé dans un monde qu il ne reconnait plus : les bruits ne lui sont plus familiers, ce (ou ceux) qu il voit est mal perçu ou non reconnu... La majorité des études concluent à un déficit de la mémoire sémantique causé par la détérioration des connaissances sémantiques plutôt qu à un problème d accès à ces connaissances même si cette dernière hypothèse reste tout de même envisageable (29c). Maladie d Alzheimer et mémoire autobiographique La mémoire autobiographique a deux composantes : -une composante sémantique qui comprend des informations sur sa propre vie (nom des amis, de la famille ) 10

-une composante épisodique constituée des informations personnellement vécues, situées dans le temps et l espace. Nous pouvons rappeler que les souvenirs récents sont perdus plus rapidement que les anciens : le pic de réminiscence est plus important que celui de récence. Le déficit de la mémoire autobiographique entraine des troubles de l identité et des troubles du comportement. Les patients perdent alors petit à petit leur passé mais aussi leur futur, ils ne vivent que dans un présent sans but. Maladie d Alzheimer et mémoire procédurale La mémoire procédurale est un système à capacité illimitée dont les opérations s expriment sous forme d actions. C est l apprentissage des habiletés perceptivo-motrices. La mémoire procédurale est globalement préservée dans la maladie d Alzheimer et cela pendant longtemps. En effet, un bon apprentissage procédural a été mis en évidence par des épreuves de poursuite de cible ou de labyrinthe tactile. Certains auteurs ont d ailleurs montré chez des sujets atteints de maladie d Alzheimer des capacités normales d acquisition et de rétention de la procédure (41). Les patients atteints de DTA peuvent aussi présenter des troubles praxiques que l on peut rapprocher d un trouble de la mémoire procédurale. En effet, l apraxie est une «perte, souvent incomplète, de la faculté d exécuter des gestes ou d utiliser des objets, qui ne peut être attribué à une paralysie, à un trouble sensitif, à une akinésie, à des mouvements anormaux ou à un trouble de la compréhension» (30). Il peut s agir d une apraxie idéomotrice (incapacité à réaliser des gestes automatiques sur ordre ou sur imitation), idéatoire (incapacité à réaliser des gestes avec manipulation d objets), constructive ou de l habillage. Ces troubles rendent le moindre geste quotidien difficile. Tout est oublié par le patient et tous les gestes que le patient faisait automatiquement deviennent un calvaire (s habiller, manger, écrire ). De plus, ces troubles sont difficiles à supporter pour la famille, l entourage, qui ne comprend pas que le patient ne sache plus réaliser ces gestes quotidiens. 11

Tous les troubles évoqués précédemment ne sont évidemment pas exhaustifs ni retrouvés chez tous les patients qui présentent chacun des tableaux cliniques différents, mais constituent tout de même un panel assez représentatif de ce qui a été trouvé dans les diverses études sur le sujet et de ce que l on peut observer dans la pratique. 2) Les troubles des fonctions exécutives La maladie d Alzheimer entraîne aussi des troubles de l attention, visuo-spatiaux et des fonctions intellectuelles supérieures caractérisés par des troubles du jugement, du raisonnement et des fonctions exécutives. Les fonctions exécutives permettent de planifier, débuter puis mener à bien une action déterminée par un but. Ce sont des fonctions complexes qui sous tendent toute l activité sociale, professionnelle de l individu et donc son autonomie. Un déficit des fonctions exécutives peut apparaître précocement dans la DTA. Ce trouble se caractérise par une incapacité à gérer les situations qui requièrent un partage des ressources attentionnelles entre plusieurs tâches. Ce déficit est lié à l atteinte de l administrateur central dans la maladie d Alzheimer. Les troubles des fonctions exécutives et de l attention se caractérisent par : une difficulté à organiser et manipuler plusieurs informations, des difficultés à programmer un comportement pour réaliser une action, des difficultés à trier différents stimuli perçus simultanément, des troubles des mécanismes opératoires, des difficultés de classement catégoriel. Un déficit d inhibition a aussi été mis en évidence dans la DTA, il peut être relié à une labilité de l attention. Les fonctions exécutives peuvent être observées dans des épreuves de double tâche, de flexibilité mentale, d inhibition des interférences Le trouble des fonctions exécutives est lié à une atteinte du lobe frontal ce qui pourrait expliquer l anosognosie observée chez certains patients atteints de DTA. En effet, A Michon et al et MC Nargeot et al ont montré une corrélation étroite entre le score d anosognosie et le score frontal chez des patients atteints de DTA (cité par 41). 12

3) Les troubles du langage et de la communication Il a été décrit que les troubles du langage ressembleraient tout d abord à l aphasie anomique et à l aphasie transcorticale sensorielle, puis à l aphasie de Wernicke et enfin, à l aphasie globale. Cependant, les troubles du langage du patient Alzheimer diffèrent en de nombreux points avec l aphasie classique. Certains auteurs discutent d ailleurs de l emploi du terme aphasie pour décrire les désordres linguistiques présents dans la DTA (36). Les troubles du langage et de la communication sont très présents dans la maladie d Alzheimer et ce à tous les stades d évolution. Selon S Podagar et RS Williams, l atteinte linguistique peut même être le premier symptôme de la maladie (cité par 36). Certains auteurs comme AW Kazniac et al ou encore AL Holland et al ont suggéré que l atteinte linguistique précoce serait en lien avec une progression plus rapide de la DTA (cité par 36). Ces patients présenteraient d ailleurs des déficits en dénomination plus importants d après Boller et al (1991) (cité par 36). Aux premiers stades de la maladie, on note surtout un débit plus lent dû à une difficulté à enchainer les idées, des persévérations et un manque du mot (le patient a tendance à employer des périphrases, surtout pour remplacer les noms) (36). Le patient a également du mal à rester dans le thème de la conversation et peut avoir tendance à tout personnaliser au lieu d énoncer des faits objectifs. La lecture à haute voix est préservée mais la production écrite présente des similarités avec une dysgraphie de surface. La compréhension orale est globalement préservée sauf pour les mots abstraits et pour la compréhension d énoncés longs et complexes. La compréhension écrite est quant à elle légèrement touchée (36). Au degré d atteinte moyen, d après BE Murdoch (cité par 36), des troubles plus marqués de la compréhension orale et écrite apparaissent mais la lecture à haute voix et l articulation sont globalement préservées. Le langage oral présente de nombreuses persévérations de syllabes, mots ou thèmes et B Hier (cité par 36) note de nombreuses palilalies c'est-à-dire de répétitions spontanées d un ou plusieurs mots. Les paraphasies deviennent également plus fréquentes et s éloignent de plus en plus du mot juste. La cohérence et la cohésion du discours commencent à être atteintes et le stock lexical se réduit. Le patient est généralement totalement anosognosique et ne se rend pas compte de ses difficultés de communication ce qui ne facilite pas la compréhension du locuteur déjà perturbée par une déviation quasi systématique du sujet de la conversation (36). Au stade sévère, tous les troubles précédemment évoqués s aggravent et le patient s installe généralement dans un mutisme ou dans une production quasiment limitée aux palilalies et à l écholalie. Cependant KA Bayles et AW Kazniak (cité par 36) ont prouvé que certains patients avaient 13

encore la capacité de produire un discours syntaxiquement et phonologiquement correct bien que celui-ci n ait aucun sens. Certains patients utilisent quelques moyens non verbaux pour se faire comprendre comme des gestes de la main ou des mimiques. Les troubles du langage dans la maladie d Alzheimer sont loin d être uniformes. Il apparait que jusqu à un stade avancé de la maladie, certaines composantes du langage comme la phonologie, la syntaxe et la morphologie sont globalement préservées alors que le versant léxico-sémantique et pragmatique est largement déficitaire. Certains facteurs influent sur les capacités de communication. D après les études menées par T Rousseau (36) on note que plus le degré d atteinte cognitive est important, plus les capacités de communication s en trouvent diminuées. En effet, l atteinte cognitive entraîne une perte de l appétence à la communication, une diminution des actes communicationnels adéquats, une augmentation des actes inadéquats et une modification de la qualité des actes de langage émis allant vers la simplification. De même, plus le patient est âgé ou plus son niveau socioculturel est bas, plus ses capacités communicationnelles sont basses et ce quel que soit son sexe. A degré d atteinte égale, il semblerait que les patients placés en institution perdent plus facilement leur faculté à communiquer. Ceci pourrait s expliquer par le stress et le sentiment d abandon généré par le placement en institution. Pour obtenir ces résultats, T Rousseau (36) a créé et utilisé une grille de communication : la GECCO (Grille d Evaluation des Capacités de Communication des patients atteints de DTA). Cette grille a été utilisée pour chaque patient, dans trois situations différentes : un entretien dirigé concernant le patient lui-même, une tâche d échange d information à l aide d un support imagé et une discussion libre concernant le ressenti du patient sur les épreuves qui venaient de lui être proposées. La GECCO analyse la communication verbale et non verbale à la fois quantitativement (nombre d actes de langage et durée de ceux-ci) et qualitativement (classification des actes de langages selon leur nature et leur adéquation ou non au discours. Le type d inadéquation est aussi renseigné.). 4) Les troubles du comportement et de l humeur Il existe de nombreux troubles du comportement et de l humeur dans la DTA. Ils sont variables d un individu à l autre. 14

L apathie est très fréquente dans la DTA (70% des cas (28)) et a un grand retentissement sur la vie du patient et sur son entourage. C est une diminution ou une perte des intérêts, des affects et de la motivation. De plus, de nombreux patients atteints de DTA sont dépressifs (30 à 60% des cas) et /ou anxieux (40 à 60% des cas) (28). La dépression peut être, au début, en rapport avec la prise de conscience du patient de ses difficultés et de la détérioration de ses capacités. Cependant, le patient devient, dans la plupart des cas, rapidement anosognosique. La dépression et l anxiété sont aussi en lien avec la détérioration de certaines zones cérébrales. L agitation est une activité verbale, vocale ou motrice non justifiée par les besoins du patient ou par les troubles cognitifs eux-mêmes, mais qui exprime souvent un mal être que le patient ne peut, ne sait, exprimer autrement. Elle est présente dans 50 à 60% des cas (28). Les fugues et la déambulation sont notamment fréquentes. L agressivité est aussi très fréquente, souvent parce que le patient anosognosique ne comprend pas ce qui lui est imposé ou demandé. L agressivité est souvent verbale, très rarement physique. Des idées délirantes (20 à 40% des cas) et des hallucinations (10 à 30% des cas) peuvent aussi apparaître au détour de la maladie (28). Le syndrome de Capgras (négation de l identité d une personne de l entourage du patient) est assez fréquent dans la DTA. Le patient pense aussi fréquemment que certaines personnes décédées sont encore en vie et revit parfois des épisodes de son passé. Enfin, nous pouvons citer, de façon non exhaustive, les troubles des conduites alimentaires, sexuelles, des troubles du sommeil Tous ces comportements et humeurs pathologiques sont très handicapants pour le patient mais aussi pour son entourage et sont l une des causes principales du placement en institution spécialisée. Pour évaluer toutes ces dimensions comportementales (apathie, anxiété, dépression, hallucinations, idées délirantes, agitation, euphorie, désinhibition, irritabilité, comportement moteur aberrant, trouble du sommeil et de l appétit) nous disposons d un outil d évaluation : le NPI (Neuropsychiatric Inventory). Ce test propose une double évaluation : l interrogatoire du patient concerné et celui de son accompagnant. Un score de fréquence est multiplié par un score de gravité pour chaque comportement, permettant ainsi une analyse quantitative et qualitative. 15

II) Apathie et Communication A) L apathie 1) Définition générale Si l on se réfère au Larousse l apathie est «l état, le caractère d une personne apathique, c'est-à-dire, qui fait preuve d un manque de réaction, de volonté, d énergie ; qui est indolent, passif» (31). Etymologiquement, le mot apathie vient de «patheia» qui signifie la passion, ce que l on éprouve ; précédé du «a» privatif, le mot apathie renvoie à une absence d émotions, une impassibilité. Au XIXème siècle, la littérature psychologique introduit le terme d apathie pour désigner une volonté défaillante. En médecine, ce terme a longtemps été employé pour évoquer un symptôme se traduisant par un déficit des émotions et des intérêts, un état d indifférence ou d émoussement affectif (42). Dans les années quatre-vingt-dix, RS Marin (12) définit le concept scientifique de l apathie comme un syndrome à part entière visible chez des sujets normaux ou atteints de maladies psychiatriques, d affections organiques cérébrales Le DSM IV, quant à lui, ne définit l apathie qu en tant que symptôme, le syndrome apathique n apparaissant pas (33). 2) Le concept apathique de Marin Pour RS Marin (12), l apathie se caractérise essentiellement par un manque de motivation. L apathie avait précédemment été définie par un manque d intérêts et d émotions. Cependant, il apparaît qu elle n inclut pas seulement une perturbation des intérêts et des émotions mais une variété d autres traits psychologiques qui, selon l auteur, peuvent être inclus et regroupés dans une perturbation de la motivation. 16

Le syndrome apathique est alors défini comme une absence primaire de motivation, non attribuable à une perturbation de l intellect, de l émotion ou du niveau de conscience. Si la perte de motivation est attribuable à une de ces perturbations, l apathie est considérée comme un symptôme, ou absence secondaire de motivation. Le syndrome apathique renvoie, quant à lui, à une absence primaire de motivation. RS Marin (12) propose en 1991, ses critères diagnostiques pour le syndrome apathique (cf. annexe 2). En partant de cette définition, il devient important de mieux cerner le concept de motivation. Selon le grand dictionnaire de la psychologie Larousse, le terme de motivation désigne «l ensemble des processus physiologiques et psychologiques responsables du déclenchement, de l entretien, et de la cessation d activité d un comportement, ainsi que la valeur appétitive ou aversive conférée aux éléments du milieu sur lesquels s exerce ce comportement». La qualité de la motivation chez un individu est donc essentielle à son bon fonctionnement et pour sa qualité de vie. RS Marin (12) a décrit son concept grâce à trois composantes essentielles, dont l altération entre en jeu dans le processus de perte de la motivation : -Les activités cognitives intentionnelles (les intérêts) : les intérêts sont primordiaux dans les processus d initiation et de réalisation des comportements dirigés vers un but ; Ils sont fondamentaux pour rester en relation avec le monde, pour continuer d apprendre, de s intéresser à de nouvelles expériences Une diminution des intérêts, comme c est le cas dans le syndrome apathique, entraîne une diminution de l implication dans le monde qui nous entoure et surtout une baisse de la socialisation. -Le comportement intentionnel (les activités finalisées) : les activités, les actions nécessitent une initiation, un maintien permettant leur réalisation pour atteindre le but final. Chaque étape de cette réalisation, est contrecarrée par l apathie ce qui demande pour chaque action un effort considérable très difficile, voire impossible à réaliser par une personne apathique. Cette difficulté à produire une activité, entraîne une perte d autonomie et une dépendance aux autres. -Les aspects émotionnels du comportement intentionnel (les émotions) : Marin pense que l apathie est définie par la présence d une diminution de la réactivité émotionnelle aux évènements reliés à des buts. Un patient apathique peut alors présenter un émoussement affectif mais aussi un sentiment de joie inapproprié montrant ainsi, une atténuation de la réactivité émotionnelle face aux évènements. 17

B) La communication 1) Définition générale D après le dictionnaire d orthophonie la communication est «tout moyen verbal ou non verbal utilisé par un individu pour échanger des idées, des connaissances, des sentiments, avec un autre individu» (26). R Jakobson (cité par 38) a créé un schéma de la communication. Pour lui, dans toute situation de communication il est possible d identifier un destinateur (émetteur), un destinataire (récepteur) et un message rendu possible par l existence d un code, d un canal et d un contexte. Toute communication n est pas langage. En effet, dans les systèmes de communication animale les signaux émis ne peuvent pas s articuler. La théorie de la double articulation de A Martinet ne peut exister car il n y a pas, dans ce type de communication, de phonèmes et de monèmes. En fait, le langage propre à l homme, se distingue de la communication animale par cinq critères (26) : -la sémanticité : les signes du langage verbal ou non verbal ont une signification -l interchangeabilité : un signe peut être remplacé par un autre de même signification -le déplacement : un signe linguistique peut représenter des objets non présents -l ouverture : un signe linguistique peut revêtir une autre signification que sa signification habituelle dans certaines situations -la prévarication : la non-utilisation du signe peut aussi être signifiante comme ne pas serrer la main à quelqu un qui nous la tend par exemple. Trois types de communication peuvent être relevés : la communication gestuelle (la langue des signes par exemple), la communication verbale (orale et écrite) et la communication non verbale. Lors d une interaction verbale entre deux interlocuteurs, on peut généralement distinguer des éléments verbaux et des éléments non verbaux. En effet, le message est composé de morphèmes et de phonèmes mais, il est aussi caractérisé par l intonation, les accents phonétiques et d intensité. Tout ceci relève de la communication verbale. A cette communication, va s ajouter des éléments non verbaux qui vont compléter le message verbal à savoir les gestes, les mimiques 18

La communication non-verbale est «l ensemble des moyens de communication existant entre des individus vivants n usant pas du langage humain ou de ses dérivés non sonores (écrit, LSF )». Cette définition commence donc par une exclusion. En effet, elle exclut le système linguistique humain, le verbal mais attention la communication non-verbale peut être sonore. On applique, en fait, le terme de communication non-verbale à des postures, des gestes, des orientations corporelles, des organisations d objets, des singularités somatiques, des rapports de distance entre les individus, grâce auxquels une information est émise. Le regard, partie importante de la communication non-verbale, tient un rôle essentiel de régulateur dans la conversation. Le locuteur a besoin du regard de l interlocuteur ; il met ainsi en œuvre des techniques pour le provoquer. Le regard est utilisé aussi pour marquer l engagement et le désengagement, et ainsi permettre la suspension ou la reprise de la conversation. Les mimiques sont aussi à prendre en compte lorsque l on parle de communication non-verbale. Il s agit d un changement dans le visage, perceptible visuellement, dû à l activation, volontaire ou non, de l un ou de plusieurs des 44 muscles du visage. La mimique est partie intégrante de la communication : son interprétation ne peut se faire que dans sa relation au contexte du message. La mimique faciale caractérisera l état d esprit du locuteur et de l interlocuteur, et pourra traduire dix émotions primaires (joie, intérêt, surprise, colère, peur, dégoût, honte, tristesse, culpabilité et mépris). 2) La théorie de la communication de l école de Palo Alto L école de Palo Alto, petite ville proche de San Francisco regroupe des scientifiques de plusieurs disciplines (sociologues, anthropologues, linguistes ). Selon eux «la communication est conçue comme un système à canaux multiples auquel l individu, en tant qu acteur social, participe à tout instant, consciemment ou non». Cette école part du principe que l on ne peut pas ne pas communiquer. Dans une interaction, tout comportement est message, c'est-à-dire qu il est une forme de communication. La présence ou l absence d un comportement est toujours une façon de communiquer. Les adeptes de cette théorie, distinguent deux niveaux de communication : le niveau verbal ou digital caractérisé par le contenu du message et le niveau non verbal ou analogique qui est constitué de tout ce qui est communicable et la manière dont on doit entendre ce message. La communication 19

non verbale donne alors des informations sur la communication verbale en la qualifiant, en la validant ou, au contraire, en ne la confirmant pas. La cohérence entre ces deux niveaux de communication est fondamentale pour que le message émis soit clair et compréhensible. Lorsque cette cohérence est présente on parle alors de «communication congruente» (45). C) L apathie dans la maladie d Alzheimer 1) Apathie et troubles du comportement La maladie d Alzheimer implique des troubles complexes des affects et des comportements. Ces troubles sont une des manifestations majeures de la maladie, ils affectent profondément les personnes qui en souffrent et leur entourage. Ils sont, comme nous l avons déjà signifié, la principale raison déclenchant le placement en institution. Parmi ces troubles comportementaux, l apathie est un des plus fréquents chez les patients atteints de la maladie d Alzheimer (28). Il est cependant, délicat de donner une fréquence de l apathie dans la maladie d Alzheimer tant les études sur le sujet ont donné des résultats différents. Elle affecte grandement la vie des malades car elle diminue la socialisation et l autonomie, augmente la dépendance du patient à son entourage. En effet, même lorsque le patient est encore capable d effectuer des actions, des gestes, il n en ressent pas la motivation et se repose donc sur son entourage pour le faire à sa place. 2) Apathie et communication Dans son ouvrage «Communication et Maladie d Alzheimer», T Rousseau (36) explique que la maladie d Alzheimer atteint l homme dans ce qui fait l homme c'est-à-dire ses fonctions intellectuelles, son comportement et ses facultés de communication. L apathie qui affecte «la prise de conscience de soi au monde» entraîne des défenses contre l intrusion et aboutit à une auto exclusion. Le malade est contraint d «être là, sans plus» (36). 20

Le patient, encouragé par sa baisse motivationnelle, va se replier sur lui-même, ne plus s intéresser et prendre conscience de son environnement et des gens qui l entourent. L apathie conduit donc à une baisse majeure de la communication car l envie, la motivation de parler, de partager avec les autres n existent plus ou peu. T Rousseau, à travers l évolution de la communication du malade, évoque le cheminement du patient «vers la mort psychique». Le retrait du monde du patient est explicité par Rousseau à travers cette phrase : «quand il n est plus possible de bien dire, quand vient la lassitude de ne pas être entendu, alors, on laisse s installer le grand silence». En effet, T Rousseau met en évidence la dégradation de l individu et la prise de conscience de cette dégradation par le patient au début de la maladie et plus tard à travers des «éclairs terrifiants de lucidité trouant l opacité du quotidien». La sensation de dégradation et de rejet de la part des autres va générer chez le patient une angoisse qui pourra être responsable de la mise en place d un certain nombre de comportements de défense. L auteur considère donc que de multiples influences entrent en jeu dans l évolution de la maladie, qui ne sont pas toutes liées à l atteinte organique. Ceci est important car il apparait alors possible d intervenir sur certains facteurs pour maintenir certaines aptitudes (36). 3) L apathie : un symptôme prodromique L apathie apparaitrait fréquemment avant les troubles de la mémoire. Elle serait alors un symptôme prodromique et pourrait avoir une valeur heuristique (42). L apathie s installe précocement mais n est pas facilement décelée par le patient et son entourage alors qu elle pourrait faciliter le diagnostic clinique. S Balsis, BD Carpenter et M Storandt (3) ont montré que les changements de personnalité précédaient le diagnostic clinique. Les changements de personnalité apparaissant le plus tôt dans le processus pathologique étaient une hausse de la rigidité, une apathie grandissante, une augmentation de l égocentricité et une altération du contrôle émotionnel. V Smith-Gamble et al (cité par 42) ont démontré que des changements de personnalité remarqués chez des personnes non diagnostiquées, pouvaient prédire l état de démence au cours des deux années suivantes. L apathie devrait donc être considérée comme un élément diagnostic de la maladie d Alzheimer. Il est donc important de l étudier, de l évaluer car elle pourrait permettre un diagnostic plus précoce 21

de la DTA. Il est aussi important de la prendre en compte dans la prise en charge puisque c est un trouble majeur, précoce et qui retentit négativement sur la vie des patients et de leur entourage. D) Impact de l apathie chez les patients Alzheimer 1) Sur le patient Comme nous l avons déjà évoqué, l apathie favorise la perte d autonomie des patients et accentue donc leur dépendance vis-à-vis de leur entourage. La perte de motivation fait que le malade n initie plus les activités et ce même s il est encore capable de le faire ; il n en ressent plus l envie ni le besoin. L apathie influe sur le fonctionnement du patient et sur ses activités les plus simples et ce même si ses capacités ne sont pas totalement atteintes. En effet, d après une étude menée par DP Devanand et al et S Freels et al (cité par 42), les patients apathiques sont plus atteints que les patients non apathiques dans leurs capacités à accomplir des activités basiques de la vie quotidienne telles que se déplacer, manger, s habiller, aller aux toilettes, se laver L apathie entraine une baisse des réactions émotionnelles, une réduction des activités et des intérêts. Le patient peut, de ce fait, s isoler de plus en plus, se replier sur lui-même et avoir de plus en plus de mal à exprimer ses difficultés et même à s en rendre compte. L apathie, de par sa définition, n implique pas de réelles souffrances du patient notamment à cause de la diminution des affects, des émotions. Cependant, en début de maladie, lorsque le patient n est pas encore totalement anosognosique, il peut se rendre compte de ses difficultés, de son changement de comportement, et cela peut être très difficile pour lui. En effet, bien que conscient de ses changements de comportement, il ne peut pas réagir, ne retrouve aucune motivation pour y remédier. Il est tout de même délicat de parler de ce que vit un patient apathique de l intérieur puisque, par définition, il n exprime pas de réelle plainte et ses émotions sont perturbées. Néanmoins, un cas de patiente ayant vécu un épisode apathique est recensé dans la littérature. Il s agit d une patiente de A Damasio et GW VanHoesen (12) ayant subi un infarctus au niveau cérébral. Lorsqu elle récupéra de 22

ses troubles et qu elle put à nouveau s exprimer, elle rapporta ce qu elle avait vécu : «Je n avais rien à dire», «Rien n avait d importance», «Mon esprit était vide». Elle était apparemment capable de suivre les conversations mais n avait aucune envie, aucune volonté de répondre aux questions qui lui étaient posées. Cependant, il faut rester prudent et ne pas généraliser ce que peut ressentir chaque patient puisque chacun est différent et l état d un même patient peut être très variable d un moment à l autre de la journée. Chaque individu est un cas particulier. 2) Sur l entourage La maladie d Alzheimer est probablement la pathologie qui affecte le plus les familles. Celles-ci deviennent les «victimes cachées» de la maladie. En effet, la dégradation progressive, la perte des capacités, entrainent de nombreux changements de comportement du patient qui affectent la vie familiale. Les conséquences négatives de la maladie se répercutent sur plusieurs dimensions de la vie telles que : les activités quotidiennes, les activités sociales et professionnelles, les loisirs, les revenus, la qualité des relations familiales, l état psychologique et l état de santé (42). De plus, comme nous l avons déjà évoqué, le patient apathique se repose de plus en plus sur son entourage n initiant aucune activité même celles qu il serait capable de réaliser. L entourage voit donc sa charge de travail augmenter considérablement. L entourage comprend souvent mal le manque de motivation des patients et peut interpréter cela comme une conduite opposante ce qui peut entraîner des conflits familiaux fréquents. En effet, il est déjà difficile de voir son proche perdre petit à petit ses capacités et cela le devient encore plus quand on a l impression que le malade ne lutte pas, est indifférent à ce qui lui arrive, se replie sur lui-même et devient peu à peu insensible. Il est aisé de concevoir la difficulté des familles à comprendre ce comportement, à l inclure dans le processus pathologique. Il a été montré par Greene et al et D Kaufer, JL Cummings et al (cité par 42), que l entourage des patients Alzheimer apathiques se plaint régulièrement de leurs difficultés à s occuper. Il est aussi rapporté que les proches ont parfois du mal à supporter les malades et les voient comme un fardeau qui accentue leur état de stress et de fatigue. 23