Les employés de la BAD: un nouveau type de migrant



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Transcription:

Les employés de la BAD: un nouveau type de migrant Sujet : la Banque Africaine du Développement Fait par : Dagamaissa Matarou Mabomaya Me Nze Manty Praxède Zarrad Donia De la première ES1 Discipline: sciences économiques et sociales Cadre: parcours migratoires Encadré par Mme Hénin

Lycée Pierre Mendés France (Tunis) Années 2012-2013 L'expérience migratoire d'un personnel qualifié de la BAD à Tunis I/ Des personnels qualifiés aux profils variés A) Départ : contraintes et ressources B) La vie dans le pays d'accueil (Tunisie): perceptions et sociabilités II/ Le parcours migratoire d'une employée de la BAD A) L'expérience migratoire de cette femme B) Réseau d'échange et représentations : sociétés d'accueil et d'origine

INTRODUCTION La BAD (banque africaine du développement) est la première institution de financement du développement en Afrique. Cette institution internationale réunit cinquante-quatre pays membres régionaux actuellement (les pays d Afrique) et vingt-neuf pays membres non régionaux (pays en dehors de l'afrique). Son objectif est de diminuer la pauvreté dans les pays africains en participant à leur développement économique et à leur progrès social. Suite au départ d Abidjan, celle-ci est installée à Tunis depuis 2003. En 2012, cette institution comptait 2212 employés et cela, sans les membres de l association «famille BAD» et les membres de la sécurité ainsi que les techniciens de surfaces. Selon leurs fonctions et leurs apports au sein de la BAD, ces employés bénéficient de plusieurs avantages comme le statut de fonctionnaire international (personne employée par une organisation internationale comme la banque mondiale ou le système des Nations Unis ; cadre supérieur recruté sur un plan international) ou encore la prise en charge d une partie de la scolarité des enfants et d une partie des soins médicaux. Nous avons répertorié les catégories de migrants en Tunisie et avons choisi ce sujet parmi les autres car une d'entre nous avait déjà quelques connaissances par rapport au sujet. Il était donc plus facile pour nous d'être en contact avec les membres ciblés de notre enquête, nous rendre au siège de l'institution et d y interviewer les différentes personnes. De plus, de nombreuses personnes ne connaissent pas cette institution et nous espérons les éclairer sur certains points. Comme il est écrit plus haut, la BAD s est installée à Tunis en 2003, suite à la guerre en Côte d Ivoire. Il nous a semblé intéressant de savoir comment s est passé le déplacement, l intégration de ces migrants, plutôt de haute catégorie sociale. Cette nouvelle forme de migrants nous a interpellés et nous avons voulu savoir si tous ces employés ont eu le même parcours. On s'est alors demandé quel est le parcours migratoire d un travailleur de la BAD à Tunis et comment il a été vécu? Afin de parvenir aux réponses à ces interrogations, nous avons dressé une liste de questions qui seraient importantes à poser, sous forme de guide d'entretien. Les questions ont été élaborées de façon à pouvoir restituer un portrait des différents parcours.

Des personnels qualifiés aux profils variés : un déplacement similaire, différents parcours La Banque Africaine du Développement (BAD) est l'image d'une pure diversité. Au sein de la BAD, des hommes, des femmes, des seniors, des jeunes, des personnes venant de différents milieux sociaux et venant de différents pays (soit plus de 123 nationalités) collaborent en harmonie afin de permettre un meilleur développement au continent africain. De plus, comme on le sait, chaque humain a son histoire qui lui est propre. Ainsi, un évènement peut être scénarisé de différentes manières, selon l'expérience et la mentalité de chacun. Ici, on s'intéresse au profil de quelques employés de la BAD. Cette relocalisation a conduit au déménagement de nombreux employés, accompagnés de leurs familles dans la plupart des cas. Contrairement à ce que l'on peut penser, cette expérience a été réalisée et vécue différemment. Pour cela, la comparaison de deux employés est nécessaire afin de comprendre comment les avis sont partagés. D'une part, une femme ivoirienne nommée (ici) Fatim. Elle est mariée et a trois enfants. Cette dame à un "travail vaste" d'après sa propre personne : elle est assistante bilingue et fait partie du groupe qui s occupe des logistiques pour les missions. Elle vit à El Nasr avec son mari et son benjamin. Ses deux autres enfants vivent en France. D'autre part, un homme appelé (ici) Abdoulaye. C est un Sierra-Léonais qui est aussi marié et qui a deux

enfants. Cet agroéconomiste vit comme un célibataire dans un petit appartement situé à El Aouina. Sa femme et ses enfants vivent au Canada. Ces deux personnes ont toutes deux une cinquantaine d'années et travaillent au sein de l'institution depuis plus de vingt ans maintenant. Fatim et Abdoulaye ont vécu en Côte d'ivoire et y étaient bien selon leur dire. La vie était facile sur tous les plans et c'est pourquoi ils ont été un peu "secoués" par l'annonce d'une éventuelle relocalisation de leur lieu de travail. Ainsi, ils ont été confrontés au départ de la BAD, inattendu pour Fatim et prévu par Abdoulaye. L'homme faisait partie du premier convoi qui à eu lieu en février 2003, ainsi, il n'avait que peu de temps pour quitter la Côte d'ivoire. Mais, il avait anticipé cela. Connaissant le fonctionnement de l'institution, il savait "depuis le début des conflits", que la BAD allait se déplacer et c'est pour cela qu'il a "envoyé sa femme et ses enfants à Londres afin de pouvoir se préparer tranquillement". Fatim, quant à elle, n'a pas été pressée car elle faisait partie du second convoi qui n'avait lieu que huit mois après et elle pense que c'est pourquoi ses enfants n'ont pas été affectés. Ils ont eu le temps de tout prévoir. Tous deux confirment n'avoir pas eu le choix parce que la "décision a été prise par les gouverneurs de la banque" et "un bon employé n'est pas sensé abandonner son employeur". De plus, ils savaient que c'était pour leur sécurité. Cette femme et cet homme ont une vision totalement différente de la Tunisie. Arrivée à Tunis pour la première fois, les deux collègues de travail furent surpris par le pays et ses habitants mais pas pour les mêmes raisons. Ils étaient tout d'abord content de l'atmosphère tunisienne et peu à peu, Abdoulaye s'est rendu compte de "l'ampleur du racisme" et s'est donc renfermé sur lui même pendant que Fatim observait les comportements des gens afin de s'adapter et ne pas avoir de problème. En effet, après de longues années à Tunis, la femme s'est fait de nombreux amis tunisiens et d'autres nationalités. Elle se sent bien et considère désormais la Tunisie comme son deuxième pays. Pour elle, "le racisme est partout" et c'est pourquoi elle n'a pas fait attention aux insultes et aux humiliations. Fatim a donc pris la situation d'une manière diplomatique jusqu'à ce qu'elle se fasse acceptée. De nos jours, elle participe à des mariages tunisiens, elle invite des tunisiens chez elle... et elle parle même l'arabe. Abdoulaye, quant à lui, ne côtoie les tunisiens que "par obligation" et ces derniers ne sont pour lui que des connaissances parce que les considérer comme des amis, "c'est trop dire". Donc, jusqu'à présent cet homme ne peut parler d'intégration. En Tunisie, sa vie se limite donc au travail et à sa famille qui est loin de lui.

Ainsi, on comprend que ces deux personnes ne voient pas les choses du même œil. Malgré le fait qu'ils soient tous deux des subsahariens et qu'ils aient vécu en Côte d'ivoire de nombreuses années, la relocalisation de la BAD, et donc le déplacement de ces employés, n'ont pas été vécus de la même manière. L'année dernière, un sondage a été fait au près des employés de le BAD afin de connaitre l'avis de l'ensemble des travailleurs sur un éventuel retour de l'institution en Côte d'ivoire. Quatre-vingt deux pourcents étaient plus que favorable à un retour "aux sources", c'est-à-dire en Côte d'ivoire. Abdoulaye et Fatim ont participé à ce sondage! Pas surprenant de voir que l'homme était à "150% favorable". D'après lui, "la vie sociale est limitée en Tunisie" et il y a trop de "tensions". Fatim n'est ni pour, ni contre. Pour elle, ce qui compte, c'est la "prospération de la banque africaine du développement". Elle est ainsi neutre. Elle n'est pas totalement contre le retour en Côte d'ivoire car c'est tout de même son pays natal mais elle préfèrerait un pays qui accueillerait la BAD et qui a les moyens de la faire se développer convenablement. En revanche, depuis la révolution tunisienne, Fatim pense que quitter la Tunisie n'est plus une si mauvaise idée. S'installer ou se réinstaller en Côte d'ivoire est voulu par plusieurs personnes travaillant à la BAD. Adjara fait partie de ce groupe d'employés. En effet, n'ayant même pas vécu en Côté d'ivoire comme la plupart de ses collègues, elle soutient tout de même leur avis!

Le parcours d'une employée de la BAD : l'histoire d'adjara Contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, tous les employés de la BAD n'ont pas vécu en Côte d'ivoire. En effet, ayant des bureaux dans tous les pays membres (régionaux comme non-régionaux), la BAD n'a pas besoin que tout son personnel soit dans le pays où le siège est installé. Il y a ainsi des personnes vivant actuellement en Tunisie qui travaillaient dans leur pays d'origine ou encore dans un autre pays membre. Parmi eux, une femme nommée (ici) Adjara. Adjara est une Burkinabé originaire de Bobo. Agée de 39 ans, elle est la deuxième d'une famille de cinq enfants. Orpheline de père et de mère, cette femme n'a plus que ses frères et sœurs, son mari et ses enfants âgés respectivement de 13, 8 et 5 ans, comme unique famille. Après de longues années d'études en agriculture, elle commence à travailler en tant que secrétaire de direction au bureau de la BAD installé à Ouagadougou (Burkina). Ainsi, cette femme était auprès des siens lorsqu'elle a débuté sa carrière. Les conditions de travail ne lui déplaisaient pas. Quant à sa condition de vie, elle ne pouvait "rêver mieux". Ayant leur villa, la famille n'avait pas à payer de loyer et pour les déplacements, il n'y avait pas de réel problème étant donné qu'elle avait une voiture, tout comme son mari. Pour les tâches ménagères et pour la garde des enfants, Adjara et son mari se permettaient l'aide de certaines filles de maison qui se plaisaient auprès d'eux. De plus, les relations qu'ils entretenaient avec la famille, leurs voisins et collègues se passaient très bien. Leur vie sociale était agréable et sans difficultés. Ainsi, dans son pays d'origine, Adjara était à l'aise.

Suite à une promotion, qui l a conduite à l'agence temporaire de relocalisation de la BAD en Tunisie, elle décide de ne pas laisser passer cette chance et donc de déménager à Tunis. A cette époque, Adjara n'était allée en Tunisie qu'une fois lors d'une mission avec ses supérieurs, ainsi, elle ignorait totalement ce qui l'attendait. Elle en fait part à ses frères et sœurs qui l'ont totalement soutenue. C'est ainsi que cette femme a inscrit ses enfants au lycée Pierre Mendès France et à Avicenne. Accompagnée de sa famille, dont une nièce, qui avait pour but de s'occuper de ses enfants, elle quitte son pays natal et s'installe à Tunis en 2006. La famille s'est déplacée en avion et a fait venir l'une des voitures par bateau. Une de ses compatriotes les a accueillis le temps de chercher un toit sous lequel vivre. Ce n'est que quelques semaines plus tard qu'ils trouvent une maison à l'aouina. Deux ans plus tard, elle quitte son appartement pour un autre situé à El Nasr. Une fois arrivée à Tunis, la famille fut "agréablement surprise" par le développement du pays qui tend vers le style européen. Ayant fait quelques pays d'europe, le couple s'y retrouvait un peu et n'a donc pas eu de "choc culturel". Cependant, "les mœurs, les vêtements, la nourriture, les conditions de vie...étaient différents" par rapport à ce qu'elle avait toujours connu mais, "cela fait partie de la culture et de la tradition de chaque peuple". En revanche, elle fut frappée par le racisme et par le fait que les gens ne soient pas sociables. "Chacun pour soit"! Elle trouve que cela est "étrange et inexplicable" et c'est pourquoi elle a pensé à quitter ce pays fréquemment. En effet, comme l'affirme plusieurs immigrants en Tunisie, Adjara a été victime de

différentes formes de racisme et a été "traumatisée" par le manque de vie sociale. Une fois, en quittant un magasin, elle a vu une des vendeuses vaporiser de l'insecticide "comme si un insecte venait de partir". Ce jour, elle ne l'oubliera jamais, tout comme la fois où un jeune sur son balcon a essayé de cracher sur elle. Des propos blessant sont arrivés à ses oreilles plusieurs fois comme "guira guira" qui semblerait signifier "singe". De plus, elle n'est pas habituée à ne pas parler à ses voisins et d'entretenir de bonnes relations avec eux. Même dans le milieu professionnel, Adjara éprouve une certaine difficulté. Le nombre de nationalités mène à une différence de mentalité et une différence de mode de vie... ce qui fait que ces collègues ne sont pour elle que des collègues ou des camarades. Néanmoins, elle a dû s'y faire car, malgré le fait qu'elle se déplaçait pour aller voir ceux qui vivent près de chez elle, eux ne sont jamais venus la voir, ce qui est "décourageant et déprimant". Ainsi, elle a eu tendance à se replier sur elle-même. L'intégration de cette jeune femme n'a donc pas été facile, ni pour elle, ni pour son mari et ne s'est pas passée comme elle l'aurait souhaité. Cependant, elle a quand même essayé de se sociabiliser. Elle a apprit à cuisiner du couscous tunisien, seul plat tunisien que cette famille aime, cuisiné quelques fois chez eux. Elle possède chez elle des épices tunisiennes qu'elle mélange avec des épices provenant du Burkina. D'ailleurs, dans sa maison, elle ne possède pas réellement d'objets lui rappelant son pays parce que quand l'occasion s'offre à elle, elle préfère faire venir des épices et des aliments du Burkina. Chez elle, comme au boulot, dès qu'elle peut, Adjara s'habille comme elle avait l'habitude avant de venir en Tunisie, en boubou africain. Ses enfants quant à eux, n'ont aucun problème avec leurs camarades de classes. Ils ont fait souvent l'objet de moqueries mais au final, ils se sont sociabilisés et vivent bien désormais. Adjara a dû renvoyer sa nièce, qui avait vécu avec eux durant trois ans, au Burkina quand sa dernière fille est rentré à l'école car cette nièce n'avait pas d'amis : personne avec qui parler ou sortir pour s'épanouir. Ce ne sont pas les seules raisons parce que "les prix ne cessent d'augmenter" et le salaire, certes meilleur que celui qu'elle avait au Burkina, ne lui permettait plus cela. Ainsi, le couple fut obligé de se réorganiser afin de vivre convenablement avec les moyens qu'il avait. Adjara a participé au sondage et elle était et est toujours pour le retour comme vous pouvez l'imaginer. Les raisons ne sont pas surprenantes.

D'une part, la Côte d'ivoire et le Burkina sont des pays voisins ce qui signifie que les voyages dans son pays natal seront plus faciles vu qu'elle pourra y aller même en voiture. D'autant plus que sa famille lui manque énormément. Depuis son arrivée, Adjara n'est retournée chez elle que deux fois : une fois avec toute la famille et une fois toute seule pour aller voir sa jeune sœur souffrante à cette époque. Cela est dû au prix, au coût du déplacement! Rares sont aussi les visites de famille que ce couple a eues depuis leur déménagement et cela ne leur plait pas. D'autre part, elle pense que la vie sera plus facile là-bas sur le plan économique et le plan social. Elle connait ce pays et sait comment y fonctionnent les choses. Le coût de la vie n'est pas trop élevé et les gens sont sociables et ouverts. CONCLUSION