Questions à Vincent Piron, expert international et Président du Comité PPP de la CCIFR



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Transcription:

Questions à Vincent Piron, expert international et Président du Comité PPP de la CCIFR Question 1. Comment voyez-vous la situation actuelle du marché des PPP en Russie en ce moment? Réponse. Il faut définir ce qu est le marché des PPP. Le terme PPP est très général et comprend plusieurs concepts : 1. Les contrats de concession avec paiement par l utilisateur et risque trafic/recettes porté par le concessionnaire, et financement partiellement apporté par le concessionnaire. 2. Les contrats de concession avec paiement par l utilisateur et risque trafic/recettes porté par l Administration. 3. Les contrats de type PFI (ou PF2 maintenant) sans paiement par l utilisateur. En Russie ils sont souvent également appelés contrats de concession, mais pas en Europe. 4. Les contrats de rénovation d équipement existants, avec exploitation et maintenance. Les types de contrats 2, 3 et 4 peuvent être partiellement financés par le partenaire privé, ou totalement financés par le partenaire public. Enfin, il y a des contrats de type PPP mais entre des partenaires privés : par exemple, un propriétaire privé d aéroport ou de parking peut passer un contrat de longue durée avec une entreprise pour la conception, la construction, l exploitation et la maintenance pendant 20 ans, avec ou sans proposition de financement de la part de l entreprise. Il est donc impossible de parler de façon générale des PPP. Ce que l on observe aujourd hui en Russie, c est que les besoins d infrastructures sont immenses et se chiffrent par centaines de milliards d euros. En revanche, les recettes en provenance

des utilisateurs ne sont pas aussi grandes que ce que l on observe en Europe de l Ouest. En effet, la densité de population est plus faible, et la richesse est géographiquement répartie de façon inégale. Du point de vue financier, l inflation reste encore relativement élevée pour financer en PPP, et les procédures juridiques protégeant l investisseur sont encore récentes. L on peut dire que les contrats de type 1 seront peu nombreux, limités à quelques opérations dans les zones urbaines, ou proches de zones urbaines. Les contrats de type 2 sont amenés à se développer considérablement, et pourraient représenter annuellement jusqu à 5% de l investissement total de la Fédération de Russie. Les contrats de type 3 et 4 devraient beaucoup se développer, sans apport de financement par le secteur privé, à partir du moment où l Administration aura bien compris que l intérêt d un contrat de PPP réside dans la qualité de l ingénierie, de la construction, dans le respects des délais et la qualité de l exploitation et de la maintenance, et non dans l apport d un financement privé toujours plus onéreux que le financement public. Ceci suppose de la flexibilité dans les procédures d approbation des projets par l Administration, de façon à ce que la créativité privée puisse être reconnue et engendrer ainsi une réduction des coûts (25% à 30% au moins par rapport aux procédures actuelles). Encore faut-il qu il y ait une réelle volonté de réduire les coûts, et faire ainsi plus de travaux avec la même somme d argent. Il faut noter la séparation de plus en plus fréquente en Europe entre l aspect technique des contrats longs (conception, construction, exploitation et maintenance) et l aspect financier. Ceci s explique par deux raisons : d une part, le financement privé est toujours un peu plus cher que le financement public, et d autre part, les modifications comptables de la dette publique conduisent maintenant de nombreux pays à consolider dans leur endettement les paiements futurs dus au concessionnaire. Pas conséquent il n y a aucun avantage du point de vue budgétaire. Heureusement, le gain technique sur le coût de l ouvrage compense très largement le surcoût financier. Mais dans les cas où l avantage technique n est pas évident, les Pouvoirs Publics français utilisent un type de contrat dit «CREM», pour Conception, Réalisation, Exploitation et Maintenance, sans que le financement soit apporté par le secteur privé 1 ). 1 V. le texte du Code des Marchés Publics.

Question 2. Actuellement, quels obstacles empêchant d attirer des investissements sur le marché des PPP pouvez-vous identifier? Comment, selon vous, ces facteurs négatifs peuvent-ils être minimisés? Réponse. Dans tous les pays, la concession de service public est une affaire locale : française en France, italienne en Italie, espagnole en Espagne, Il faut donc examiner séparément le comportement possible des investisseurs russes et celui des investisseurs étrangers. En ce qui concerne ces derniers, ils resteront probablement prudents tant que l expérience d une concession réelle n aura pas été vécue pendant quelques années. En effet, il y a tant de lois et de règles socio-économiques qui interviennent dans la gestion d une concession qu un contrat peut être géré de manière très différente suivant les circonstances, et que l attitude des Pouvoirs Publics vis-à-vis de ces questions n est pas encore connue. L expérience de M1 2 et de M11 3 sera très éclairante sur ces sujets, mais il faudra encore attendre 2 ou 3 ans avant qu un investisseur étranger ne se forme une opinion sur le risque russe. En ce qui concerne les investisseurs russes, la situation est différente : ils sont dans leur propre pays et dans leur propre métier : la compréhension des lois et des usages sociaux est meilleure, les difficultés peuvent mieux être anticipées et les risques sont donc plus faciles à maîtriser. La Russie a commencé son apprentissage des PPP relativement récemment, et il reste encore quelques lois à finaliser, et probablement des procédures budgétaires à réexaminer, notamment en ce qui concerne la prise en compte et l évaluation des risques. Le développement de la compréhension de ce qu est un PPP se développe, mais il faut que cette compréhension soit partagée par chaque niveau hiérarchique dans les processus de décisions, que ce soit dans l Administration ou dans la 2 Autoroute fédérale M1 «Belarus» (Minskoe chaussé) une autoroute de niveau fédéral : Moscou Smolensk la frontière du Belarus, une partie de la route européenne E30 et de la route asiatique AN6. L autoroute se prolonge à destination de Minsk, Brest et Varsovie. 449,93 km de longueur. Source: http://www.russianhighways.ru/for_drivers/m-1/. 3 Une nouvelle autoroute de haute vitesse M-11 «Moscou St.Pétersbourg» liera la MKAD (la voie périphérique automobile de Moscou) avec la la voie périphérique automobile de St.Pétersbourg. L autoroute traversera les territoires des régions Centrale et de Nord-ouest et passera par les oblasts de Moscou, de Tver, de Novgorod et de Léningrad au détour des localités.669 km de longueur. Source : http://www.russianhighways.ru/for_drivers/m-11/.

société privée. Par exemple, la rigidité des procédures d approbation technique des ouvrages est un vrai frein à la créativité des entreprises, et la notion de «prix forfaitaire» pour les travaux n est pas encore très courante, et modifie toute la méthode d estimation du coût des ouvrages. Il faut donc beaucoup de formation technique, à tous les niveaux chez tous les partenaires. L aspect juridique est important, mais est très loin d être le plus important. Question 3. Comment évaluez-vous les résultats des conférences «Grand Moscou-Grand Paris» organisées à Moscou le 25 juin 2012 et «De la Russie vers la France: présentation des projets de transport russes aux investisseurs européens» du 16 novembre 2012? Réponse. Les deux conférences, «Grand Moscou-Grand Paris» et «De la Russie vers la France» ont été des moments très importants dans la compréhension mutuelle de ce qu est un PPP, et le «mariage» qu il impose entre les partenaires privés et publics. Le programme des présentations, la qualité des intervenants et l organisation matérielle de ces manifestations a été parfaite. Tous les échos sur ces manifestations ont été positifs. La compréhension de la problématique russe par les partenaires français a été grandement améliorée, et symétriquement l importance et la qualité des services que les entreprises françaises peuvent proposer aux pouvoirs publics russes ont été bien exposées. Cela dit, le processus de décision de lancer un PPP est lent, et ces manifestations se sont inscrites comme un grand pas en avant dans une longue marche vers le PPP franco-russe.

Question 4. Comment jugez-vous la prestation du Comité des PPP de la Chambre de commerce et d industrie franco-russe (CCIFR) pour l année 2012? Réponse. Le Comité PPP de la CCIFR a réussi son examen de passage de la première année : une équipe d animation bien compétente, deux manifestations de grande ampleur réussies, des intervenants de qualité, des sujets bien choisis. Mais il manque un travail plus approfondi sur les sujets sur lesquels les contrats de PPP peuvent concrètement s appliquer aujourd hui en Russie, ainsi qu une coordination plus large avec les différents organismes publics des divers Ministères développant les PPP. Question 5. Quel sera l objectif principal du Comité des PPP de la Chambre de commerce et d industrie franco-russe (CCIFR) pour l année 2013? Réponse. Ces manques pourraient précisément constituer les objectifs de l année 2013 : 1. Cibler les points d application de ce type de contrat long, par exemple le tourisme ; 2. Se coordonner avec les autres organismes publics de PPP pour mieux connaître leurs réflexions, leurs besoins et pouvoir y répondre ; 3. Contacter les divers conseillers des gouvernements et administrations de façon à faire passer nos idées par leur intermédiaire auprès des décideurs publics ; 4. Faire un bilan économique et financier de quelques exemples de PPP existants en France, pour servir d exemple de ce qu il faut faire, ou ne pas faire, dans l application concrète de ce type de contrat long.